---
*** ---
[1.-
Bagages retardés ou perdus]
Question : Arrivé à Roissy n'ayant
pas trouvé mes deux valises sur le tapis
roulant, la préposée de la compagnie a noté
mes coordonnées et le lendemain, elles m’ont
été livrées directement chez moi, ce que j’ai
apprécié. Mais comment se fait-il que des
bagages soient oubliés, ce qui fait perdre aux
compagnies, d'après ce
que j'ai lu,
des millions d'euros ?
Réponse :
Il convient de faire le distinguo entre les
bagages abandonnés (volontairement
ou involontairement) dans
les aérogares et ceux non délivrés à
destination, car perdus ou égarés, puis
retrouvés.
* Comme vous le
signalez, il a été déclaré que ces 25 millions
d’abandons coûtent annuellement aux compagnies
plus de 2,5 milliards de € pour
les ré-acheminer. Or, en constatant la façon
dont se font les enregistrements sur tous les
aéroports et l'attention que portent
habituellement les passagers à leurs bagages -
qu’ils comptent et recomptent au moment de
l’enregistrement - ces montants paraissent
fortement exagérés !
Cela étant dit, j'ai lu que, chaque
année, 1.600 bagages seraient abandonnés dans
les halls d'Orly et de Roissy, soit environ 4
par jour. Tenant compte que ces deux aéroports
traitent quelques 90 millions de passagers par
an, soit environ 250.000 par jour, l'oubli quotidien de
seulement 4 bagages peut paraître plausible.
Attention, dans un
aéroport, toute valise abandonnée est considérée
comme étant potentiellement dangereuse, ce qui
déclenche automatiquement l'intervention des
démineurs. Après avoir installé un périmètre de
sécurité, si la radiographie à distance :
- ne
détecte rien de suspect, le bagage est ouvert
manuellement par la police aux frontières qui le
dépose aux objets trouvés, où son propriétaire
devra payer une amende pour la récupérer ;
-
suspecte la présence d'un explosif (ce
qui est extrêmement rare), il est aussitôt
procédé à l'évacuation de l'aérogare et les
démineurs récupèrent le bagage à l'aide d'un robot, ou le
disloque avec un canon à eau très puissant.
Pour votre cas, il est
possible que vos valises n’aient pas été
embarquées sur votre vol :
- soit
parce que vous vous êtes présenté à l'embarquement
tardivement, le chargement des bagages étant
terminé et il a été décidé de ne pas retarder le
départ pour le chargement de deux valises,
sachant qu’elles
seraient ré-acheminées sur un vol
suivant ;
- soit
parce que plusieurs bagages n'ont pas été embarqués pour diverses raisons
d’exploitation (contrainte
de chargement, correspondance courte, respect de la
masse maximale au décollage,...) ;
- soit par une erreur d'aiguillage dans
l’acheminement des bagages.
* D’une façon générale,
il est rare que des bagages soient perdus,
auquel cas des indemnités sont prévues par des
conventions internationales. Ne pas oublier
d’identifier vos bagages, aussi bien à
l’extérieur qu’à l’intérieur (nom
et prénom, adresse postale et E-mail, téléphone).
* Vous pouvez aussi
avoir oublié un objet dans un avion, un salon
privatif,… Dans ce cas, contactez de suite votre
compagnie. Pour Air France : mail.objets.trouves@airfrance.fr.

[2.- Augmentation
de la taxe Chirac]
Question : Quel est votre avis au
sujet de l’augmentation envisagée de la taxe
Chirac ?
Réponse : Rappelons de
quoi il s’agit. C’est en 2005 que Jacques Chirac
et le président Brésilien Luiz Inácio Lula da Silva - lors du sommet
sur les « Objectifs du Millénaire »
pour le développement - ont proposé la mise en
place d’un impôt, dont les montants
permettraient l’achat de médicaments dans le
cadre de la lutte contre les pandémies(sida,
paludisme, tuberculose) dans
les pays dits “en voie de développement”.
* Mise en place en
France, à partir du 1er juillet 2006, cette taxe
s'applique aux billets pour tous les vols au
départ de la France, quelle que soit la
compagnie aérienne. Or, force est de constater
que seuls six pays africains, le Chili et la
Corée du sud, ont introduit cette taxe sur
l'aviation, alors qu’aucun pays de l'Union
européenne n'y a adhéré !
* Je ne résume pas,
ici, les arguments figurant dans ma chronique
d’octobre 2005, démontrant que cette taxe était
non équitable et ne pouvait que contribuer,
inévitablement, à fragiliser encore plus le
transport aérien, industrie de plus en plus
sensible à son environnement, ayant déjà été
ponctionnée d’environ 200 millions d’€ en 2013
et plus d’un milliard depuis sa création.
* Certes, en son
principe, cette initiative humaniste et
solidaire est généreuse : « prélever quelques centimes sur
chaque billet d'avion émis afin de
constituer un fond et rendre accessible les
soins aux plus défavorisés de la planète, et
lutter contre les pandémies connues ».
* Or, il ne s’agit pas de
centimes mais d’€. De 1 à 40 €, selon la
classe et la nature du vol (domestique,
intra-européen ou international). De surcroît, dans le contexte
économique de la France, la décision du CICID (Comité interministériel de la
coopération internationale et du développement) d’augmenter cette taxe de
12,4% en 2014, conduit mécaniquement à faire
resurgir les griefs à son encontre. C’est ainsi
que, tenant compte des considérations
suivantes :
- taxer injustement les
passagers aériens est une mesure
discriminatoire, alors que d’autres industries
ont été citées, comme la SNCF qui, sur les
courtes distances, est un concurrent du
transport aérien ;
- cette
taxe créant une situation de concurrence
déloyale du train vis‑à‑vis de l'avion est donc jugée
contraire au principe d'égalité devant
l'impôt, car ne concernant que le transport
aérien ;
- le fait
de voyager par avion n’est pas un privilège, un
luxe qui justifierait que les passagers mettent,
une nouvelle fois, la main à la poche. En effet,
imposer cette taxe, c’est ignorer que la famille
qui, après une année d’économies, à réussi à
mettre de coté l’argent nécessaire pour partir
en vacances en avion, va être injustement
pénalisée. C’est ignorer, également, que les
avions ne sont pas remplis uniquement par des
"touristes", mais par des "hommes d’affaires",
représentant des entreprises qui seront, elles
aussi, injustement surtaxées, parce que leurs
employés doivent se déplacer par avion, qui est
souvent le seul moyen de transport à leur
disposition ;
le syndicat des
compagnies aériennes autonomes (Scara) a
réagi en “demandant que cette
taxe cesse de s'appliquer aux compagnies
aériennes. Et, si elle était maintenue,
qu'elle concerne également le TGV, ce qui
permettrait d’éviter l’augmentation envisagée”.
* Sera-t-il entendu,
alors que le gouvernement pourrait annoncer
prochainement la mise en place d'une nouvelle
taxe sur les billets d'avion pour financer CDG
Express, le projet de ligne ferroviaire directe
reliant le centre de Paris à l'aéroport de
Roissy ?

[3.-
Un Secrétaire général à Air France]
Question : Le
PDG d’Air France vient de nommer comme
secrétaire général un de ses collègues,
lorsqu’ils étaient membres du cabinet du
ministre des finances. Que pensez-vous de
cette façon de procéder par “copinage” ?
Réponse :
Le PDG actuel est en train de réaliser une
mission extrêmement complexe par le nombre des
variables à prendre en compte : coût du
carburant, concurrence, finalisation du plan de
restructuration mis en œuvre, etc...
Jean-Louis Baroux - dont la compétence et la
connaissance du milieu aéronautique est bien
connue (voir
sa chronique sur www.tourmag.com)
- tout
en observant que le Président est sur la bonne
voie, montre les difficultés majeures à
surmonter avant d’atteindre les objectifs fixés.
L’enjeu est d’importance puisque l’issue
conditionnera le devenir de la compagnie. Il
n’est donc pas anormal que le Président, pour
mener à bonne fin sa mission, s’entoure de
collaborateurs dont il connaît et apprécie les
compétences.
Quant au parachutage de
hauts commis de l’État qui quittent
l’Administration pour occuper des postes de haut
niveau dans des groupes privés, avec des
salaires doublés, voire triplés, il est qualifié
de “pantouflage”. Le fait est connu. Il
s’agit donc d’une pratique courante. À Air
France, certains “pantouflards” ont été
performants, d’autres beaucoup moins !
Bien
entendu, il n’est pas question, ici, de
minimiser, les compétences de ces hauts
fonctionnaires. Cela étant dit, d’aucuns se
sont posé la question de savoir si, au sein
même de la compagnie, il n’existait pas des
membres de l’encadrement, également
super-diplômés, connaissant parfaitement
bien l’entreprise et les composantes du
marché, donc possédant l’expérience et la
capacité de prendre en main les destinées de
l’entreprise ? Personnellement, j’en ai connu
quelques-uns qui, de l’avis de plusieurs de
leurs pairs, auraient pu être
en mesure d’accéder et d’assumer les plus hautes
fonctions.

[4.-
La formation des pilotes mise en cause]
Question : Je
souhaiterais avoir votre avis sur le niveau de
sécurité à Air France qui, d’après un récent
article, est classée 22ème des
24 compagnies européennes, ce qui me fait
froid dans le dos !
Réponse : Après l’annonce du
classement de la compagnie, l’article cité met
en cause la formation des pilotes, vaste sujet
qui a déjà fait couler beaucoup d’encre et sur
lequel je me suis appesanti longuement dans mes
écrits. L’essentiel de ce qu’il convient de
savoir ne pouvant être résumé dans une brève
réponse, voici simplement cinq commentaires.
1.- Il faut se
féliciter que d’aucuns mettent le doigt sur des
anomalies ou insuffisances d’un système,
contribuant ainsi à l’améliorer. Mais, dès lors
que les griefs formulés ne sont pas fondés, la
démonstration perd de sa crédibilité. En effet :
a.-
Annoncer qu’Air France a enregistré 22 crashs
depuis 1950, donc en 63 ans, n’a aucun sens. En
effet, au début de la reprise du transport
aérien international le nombre d’accidents était
élevé. Il y a plus de quarante ans, les
portraits de nos camarades disparus en service
occupaient le haut des quatre murs dans mon
bureau de président de syndicat.
b.-
Déclarer qu’un A 380 a percuté un avion
stationné sur le parking de l’aéroport de New
York (JFK) parce
que le pilote roulait trop vite, est une
information fallacieuse. Ce n’est pas l’avion
qui roulait trop vite, mais le défilement en
accéléré de la vidéo présentant l’incident. Il
s’agit d’une tromperie sur la réalité des faits
qui ne peut que contribuer à entretenir une
suspicion sur le sérieux du pilote et des agents
des tours de contrôle. Dans ma chronique de mai
2011, j’ai présenté les éléments à prendre en
compte pour comprendre ce qui s’était réellement
passé, tout en indiquant la conclusion de
l’enquête du NTSB (National
Transport Safety Bord) :
“L’avion roulait effectivement lentement,
bien positionné sur le tracé au sol et la
responsabilité du pilote ne pouvait donc
qu’être dégagée”.
c.-
Mettre en cause la formation, voire la capacité
de l’équipage, à la suite d’une interruption de
décollage tardive qui aurait pu être dramatique,
due au pilote automatique qui, ayant été mis sur
marche, a interdit l’avion de décoller, c’est se
tromper de cible. L’anomalie se trouve dans le
fait qu’à aucun moment un pilote automatique
puisse être engagé (quelle
qu’en soit la raison) alors que l’avion est
en train de rouler. D’ailleurs, cet événement
ayant été identifié dans plusieurs compagnies
aériennes, Boeing a effectué une modification
technique pour interdire tout engagement du
pilote automatique au décollage.
2.- Mettre en cause la
formation, donc la capacité des pilotes à
assumer correctement leur mission, sous-entend
qu’ils sont complices, puisque :
- les
chefs pilotes accepteraient donc que
l’enseignement dispensé à leurs équipages ne
soit pas suffisant ;
- les
instructeurs lâcheraient en ligne des pilotes,
bien que sachant qu’ils sont insuffisamment
qualifiés ;
- les
pilotes, eux-mêmes, accepteraient de voler tout
en étant conscients qu’ils ne seront pas en
mesure de faire face à toutes les situations
!
Conclusions
inimaginables, donc irrecevables. Les pilotes ne
sont pas des “kamikazes”. Ils ont tous des
projets vie. Leur affubler un tel comportement
c’est mettre en cause leur honorabilité, leur
conscience professionnelle, ce qui est
inacceptable.
3.- Quant à la
formation, elle est conforme à des programmes
qui sont officialisés. Ce qui est important à
retenir c’est que la formation n’est pas figée.
Elle est actualisée chaque fois qu’un nouveau
système est mis en place ou lorsqu’une procédure
a été modifiée. Elle est complétée, chaque fois
qu’un événement imprévu a été la source d’un
grave incident, voire d’un accident.
C’est ce qui a été fait
au sein de la compagnie après un audit. C’est
aussi le cas du décrochage en altitude qui, à la
suite du vol Rio/Paris, a fait l’objet du rappel
d’une procédure : “En septembre 2011, tous
les pilotes d’Air France auront été formés à
cette nouvelle manœuvre d’urgence, qui permet
de récupérer un avion d’un décrochage”.
De toute façon, il ne
sera pas possible d’établir des procédures pour
toutes les situations imprévisibles qui peuvent
se présenter en vol. Dans mon ouvrage
“Indispensables pilotes“, j’ai cité de nombreux
cas de pilotes, civils et militaires, qui ont
réussi à éviter la catastrophe grâce à leur
sang-froid, leur jugement, leur expérience, la
solution n’existant pas dans les milliers de
pages de la documentation de bord et n’ayant pas
été envisagée lors de la formation.
4.- Certes, une
formation, quelle qu’elle soit, peut toujours
être améliorée et j’ai été amené à faire
plusieurs suggestions en la matière. Mais la
performance des équipages doit également prendre
en compte les conditions de travail, qui, au fil
des ans, ont beaucoup plus été impliquées que la
formation.
Alors que le trafic
aérien augmente chaque année, force est de
reconnaître que le nombre d’accidents est en
forte diminution, ce qui ne serait pas le cas si
la formation était aussi mauvaise que les médias
ne cessent de ressasser.
5.- L’étude se
terminant par “le CV des experts judiciaires(ceux
de l’accident du Rio/Paris) jette
le doute sur leur indépendance et leurs
compétences”, montre une méconnaissance de la façon
dont se déroulent les travaux diligentés par les
experts judiciaires et la gendarmerie du
transport aérien. Il s’agit d’une grave
accusation, totalement non fondée, ce que j’ai
également longuement démontré dans mes écrits.

[5 –
Suite du crash d’Asiana AL] Question : Deux
mois après le crash du Boeing 777 d'Asiana
Airlines, survenu le samedi 6 juillet 2013,
sur la piste 28 L de l'aéroport international
de San Francisco, savez-vous où en est
l’enquête ?
Réponse : Dans ma chronique
d’août, j’écrivais qu’une des premières
vérifications que les enquêteurs effectueront
sera de savoir si la piste d’atterrissage
disposait d’un ILS (“Instrument landing
system”, donnant la position de l’avion par
rapport à l’axe de piste et par rapport à la pente
standard d’approche) ?
La réponse a été apportée par la FAA (“Federal
aviation administration”, agence gouvernementale
chargée des réglementations et des contrôles
concernant l'aviation civile aux États-Unis) : “l’indicateur de
pente (glide
slope)
était inutilisable depuis le 1er juin
et jusqu’au 22 août, pour cause de travaux
d’expansion”. C’est ce qui explique pourquoi
l’équipage a effectué une approche à vue, alors
qu’après un vol de plus de 10 heures, le choix
se porte généralement sur une approche
automatique, même par beau temps.
Certes, le fait que ce
type d’approche soit de moins en moins pratiqué
n‘explique pas, à lui seul, la survenance du
crash, mais c’est un facteur contributif non
négligeable. Cela a été confirmé par la FAA qui
a constaté “un nombre plus élevé que
d’habitude” d’atterrissages à vue manqués
par des pilotes de compagnies asiatiques,...
donc, toujours, après un très long vol.
Probablement, comme
solution de secours, la FAA a recommandé
l’utilisation du système de guidage par GPS,
pour les atterrissages sur les pistes 28L et
28R. Or, si le GPS peut être utilisé comme moyen
complémentaire, son utilisation comme moyen
unique d’approche - qui nécessiterait, de
surcroît, un entraînement supplémentaire - ne me
paraît pas être une bonne solution. En revanche,
une recommandation d’entraînement aux approches
visuelles aurait été la bienvenue.

[6.- Nouvelle réglementation des temps
de vol] -
Question : Avez-vous
des informations sur les nouveaux textes
concernant la durée de temps de vol, envisagés
par les autorités européennes ?
Réponse :
Je n’ai pas encore pris connaissance de la
proposition finale de réglementation concernant
les limitations de temps de vol (Flight
Time Limitations - FTL) publiée
par l’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA). Ce qui est connu,
c’est que le principal syndicat des pilotes
français, ainsi que d’autres syndicats de
pilotes européens, ont aussitôt appelé les
institutions européennes à ne pas soutenir cette
réglementation qui met clairement en danger la
sécurité des vols, et en conséquence celle des
passagers dans le ciel européen, estimant que
cette proposition va autoriser :
- des
temps cumulés d’éveil extrêmement longs - plus
de 22 heures ! - au moment de
l’atterrissage, à l’issue de longues périodes
d’astreinte et de longs temps de vol ;
- des
vols de nuit à la durée portée à 12 heures,
alors que les études scientifiques ont fixé la
limite à 10 heures ;
- la
possibilité de contourner des règles strictes
sur les horaires de service, en contradiction
avec les rythmes circadiens, à l’image des
enchaînements de départs très matinaux ;
- des
équipages d’astreinte sans limitation de durée,
avec impossibilité de planifier leur sommeil
pendant de nombreux jours.
Bien que plusieurs
études et rapports aient montré le rôle
déterminant de la fatigue dans la survenance
d’accidents, il reste à espérer que les
arguments avancés par les syndicats seront
entendus et pris en compte. Une façon de
convaincre serait de faire assister les
décideurs à des séances de simulateurs (avec
diverses pannes,...),
non pas avec des équipages se présentant aux
horaires habituels, mais avec des équipages
venant d’atterrir après un vol de 14 heures !

[7.- Un demi-million de nouveaux pilotes à
former d'ici à 20 ans”]
(Interview
de TourMag du 02/09/2013, lue 974 fois le 20
sept).
TourMag :
Que pensez-vous de l’annonce de Boeing selon
laquelle il faudra un demi-million de nouveaux
pilotes d'ici à 20 ans ?
Jean Belotti : Au sujet
de l’effet d’annonce “la flotte mondiale est
appelée à doubler au cours des vingt
prochaines années”, il convient d’être
très prudent. En effet, depuis la reprise des
vols de transport aérien civil, en 1945, toutes
les prévisions ont été erronées. Il y a toujours
eu trop ou pas assez de pilotes. J’en ai
longuement exposé les raisons, ainsi que les
conséquences sur la sécurité du transport
aérien, dans mes différents écrits. Je n’y
revendrai pas ici, les détails se trouvant,
entre autres, dans mon récent ouvrage “mieux
comprendre... Le transport aérien” (VARIO).
TourMag : Ces raisons étant
forcément connues, quelles dispositions ont
été prises par les décideurs ?
J.B. : Personnellement,
j’avais suggéré plusieurs solutions susceptibles
de limiter les effets de cette quasi-permanente
inadéquation entre offre et demande de pilotes.
Or, indépendamment de mes suggestions - qui
n’ont probablement pas été connues - force est
de constater qu’aucune initiative corrective n’a
été prise par les acteurs concernés que sont
l’administration de tutelle, les compagnies
aériennes,...
TourMag : Qu’en est-il résulté ?
J.B. : Toute une série
de décisions “bouche trou”, ne permettant que de
parer au plus pressé, sans pour autant régler le
problème posé.
TourMag : Exemples ?
J.B. : Un seul. En cas
de manque de pilotes, l’exemple le plus frappant
a été la délivrance de dérogations à des pilotes
étrangers.
TourMag : En considérant la
prévision de Boeing comme étant plausible,
la question qui se pose est de savoir
comment il sera possible de former autant de
pilotes en seulement deux décennies ?
J.B. : Les Américains
ont des écoles très performantes qui, depuis des
années, assurent également la formation de
pilotes de compagnies européennes et asiatiques.
Il ne fait aucun doute quant à leur capacité de
pouvoir mettre en œuvre les moyens nécessaires
pour satisfaire la demande, en fonction des
échéanciers retenus.
TourMag : En avons-nous une idée
?
J.B. : On parle de
25.000 pilotes et de 28.000 techniciens par an.
De toute façon, il s’agira de la mise en ligne
de pilotes totalement inexpérimentés. Pour
pallier cette déficience d’expérience, on en
reviendra probablement à l’augmentation de la
date de mise automatique à la retraite des
pilotes et à un plus large recours aux pilotes
militaires en fin de contrat, qui ont déjà
acquis une solide expérience des vols.
TourMag : Et nos écoles de
formation de pilotes en France ?
J.B. : J’ai également
longuement décrit leurs difficultés.
Aujourd’hui, alors qu’il conviendrait de les
“booster”, il est désolant de constater ce qui
arrive à deux d’entre-elles. En redressement
judiciaire depuis avril 2012, l’ESMA (École
supérieure des métiers de l'aéronautique), l'une des principales
écoles françaises du secteur, a été reprise par
le groupe chinois Hainan. Quant à l'IAAG-Epag (Institut
Amaury de Lagrange-Ecole de Pilotage Amaury de
Lagrange), le TGI
de Dunkerque se prononcera, à la fin octobre,
sur son avenir.
TourMag : Conséquences
?
J.B. : Eh bien, simplement, ce marché
porteur va complètement nous échapper.
TourMag : Avec
les énormes commandes qui ont été passées aux
constructeurs, il faudra également, comme cela
a été dit, former des techniciens ?
J.B. : Bien sûr ! Avec les mêmes
conséquences et solutions que pour les pilotes.
TourMag : Est-on
sûr que suffisamment de candidats seront
enclins à envisager une carrière dans
l’aviation ?
J.B. : Si l’on se
réfère aux conditions de travail actuelles, à
l’incertitude du déroulement de carrière, qui
touchent de très nombreux pilotes, on admet
qu’il puisse y avoir une certaine réticence.
Pour attirer la jeunesse vers des carrières
aéronautiques, il conviendrait de mettre au
point plusieurs dispositions rassurantes et de
supprimer certaines barrières à l’entrée, comme,
par exemple, celle obligeant les pilotes ayant
acquis de la formation de base, à financer
eux-mêmes leur première qualification de type de
l’avion sur lequel ils seront affectés.
TourMag : Une
conclusion ?
J.B. : Il n’y a pas à conclure. On est
dans la conjecture !
Addundum : Étant donné les
départs à la retraite des pilotes qui
atteindront la limite d’âge et l’augmentation
régulière du trafic aérien, il est plausible
d’estimer logiquement que, sauf catastrophe
internationale majeure, l’aspiration des
grandes compagnies des pilotes des moyennes et
petites compagnies ; l’embauche de ceux
sans emplois ; celle des pilotes
militaires en fin de contrat ; celle de
ceux sortant de la faible production des
écoles actuelles; ne suffiront pas à répondre
aux besoins mondiaux des compagnies. Or, alors
que les cockpits de demain seront occupés par
des jeunes pilotes frais émoulus des écoles,
donc inexpérimentés, le plan de
restructuration d’Air France vient, dans le
cadre de décisions à court-terme, de prévoir
de se séparer de près de 350 pilotes, perdant
ainsi une partie de son potentiel
d’expérience.
---
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