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[1.- Aérodrome
de Montaudran]
Question : Il
y a plusieurs années vous nous aviez informés
du risque de voir l’aérodrome de Montaudran
passer aux mains des promoteurs immobiliers.
Une suite a-t-elle été donnée à cette légitime
préoccupation des associations de défense de
ce site historique de l’Aéropostale ?
Réponse : Effectivement, dans
ma Lettre d’octobre 2004, j’avais relayé
l’appel de détresse d’un collectif “Sauvons
l’aérodrome de Toulouse-Montaudran, berceau
de la Ligne Aéropostale”, afin qu’il
ne soit pas livré aux promoteurs.
Dans
ma chronique d’octobre 2005, répondant à une
question d’un lecteur, j’indiquais qu’Air
France avait récemment signé, avec la Mairie
de Toulouse, une convention précisant l’engagement d’Air France à
céder à la Mairie, environ 10 hectares de
terrains, comprenant les bâtiments inscrits à
l’inventaire des “Monuments historiques” (salles d’attente des
passagers, château Raynal, emprise de la
piste), ainsi que le bâtiment
radio et les ateliers. Cette superficie sera
utilisée pour réaliser un site dédié à
l’histoire de Montauban et pour des animations
et expositions à la mémoire des pionniers.
Aujourd’hui,
bonne nouvelle ! On apprend que l’acte de
vente a été signé entre Air France et la Mairie, en présence
des associations de défense du site, qui ne
manqueront pas d’intervenir quant aux
implantations à réaliser, notamment celle du
projet de “Conservatoire des transports”,
susceptible d’attirer de très nombreux
visiteurs.
Puisqu’il
est question
d’“Aéropostale”, l’occasion est propice pour
rappeler la confusion qui existe entre les
mots AÉROPOSTALE et L'AÉROPOSTALE (avec un L apostrophe), avec la mise au point
faite sur le site de la postale de nuit
: http://chezpeps.free.fr/

[2.-
Commandes d’avions et contexte politique et
économique]
Question : Au
sujet du salon aéronautique du Bourget, des 17
au 23 juin 2013, je me demande si les
compagnies aériennes qui ont passé d’énormes
commandes ont bien pris en compte le fait que
le développement du trafic aérien sera
fortement dépendant du contexte actuel marqué
par un ralentissement de l’économie,
l’augmentation du coût carburant et les
tensions politiques qui existent dans le monde
entre plusieurs États ?
Réponse : Les compagnies ont
passé de nombreuses commandes pour bénéficier
des progrès réalisés dans la réduction de la
masse des avions et les performances des
réacteurs, le tout contribuant à une
importante réduction de la consommation de
carburant. En effet, son coût, qui après avoir
atteint un pic de 127 US$ en 2008, était
retombé à 70 US$ (cours de 2005) est, à nouveau,
remonté à 127 US$. Il représente actuellement
25% des comptes d’exploitation. Cela étant
dit, deux interrogations se posent :
1.-
Il serait intéressant de savoir si les énormes
capitaux qui doivent être mobilisés pour
financer ces nouveaux appareils et les frais
financiers afférents aux emprunts, seront
amortis, grâce à la réduction des coûts
carburant, et dans combien de temps ?
Autrement dit, le jeu en vaut-il la
chandelle ?
2.-
Cette précipitation collective à commander
ces nouveaux appareils, qu’ils soient de
Boeing (737
MAX pour le moyen-courrier et 787 pour le
long-courrier)
ou d’Airbus
(A320 NEO pour le moyen-courrier et A350
pour le long-courrier), va assurer leur
succès, à tout le moins à court terme. En
effet, quel sera l’intérêt de l’A380, ou même
de l’A350-100, lorsque la version 777-9X de
Boeing, qui, avec ses deux moteurs de General
Electric (GE9X), permettra une
consommation de carburant de 10% inférieure à
celle des moteurs actuels ?
De
toute façon, les compagnies n’avaient pas d’autre choix, pour
rester présentes sur l’échiquier dans les
vingt prochaines années, à la fin desquelles
il est prévu que le nombre annuel de passagers
transportés passera de 3 à 6 milliards, ce qui
signifie que le trafic annuel augmenterait, en
moyenne, d’environ 4%.
Quant
à la prise en compte du contexte
politique et économique, certes, les
compagnies IATA (Association
du transport aérien international) ont été bénéficiaires
en 2013 et cela depuis quatre années
consécutives. Or, en Europe les bénéfices ont
été dus essentiellement à la consolidation des
lignes transatlantiques et intra-européennes.
Quant à ceux des États-Unis, ils résultent des
économies d’échelle réalisées à la suite de
plusieurs fusions (déjà décrites) et de l’énergique
restructuration de leur réseau domestique. Or,
force est de constater et d’admettre qu’une
fois ces dispositions prises, elles ne peuvent
pas être renouvelées !
Alors,
il reste
que la grande interrogation est celle de ce
que sera la croissance du trafic en 2014 et
les années suivantes, alors qu’en Europe
l’économie générale est en récession et
devrait même s’aggraver, d’après les
experts ?
On
remarquera que pendant cette période
d’euphorie, personne n’a insisté sur les
conséquences d’une importante réduction de la
croissance
du trafic aérien, avec des hypothèses de chute
à 3%, 2%, 1%, 0%, voire -1%, -2%, etc… On
imagine les effets désastreux de tels
scénarios catastrophes, non seulement pour les
compagnies, les avionneurs, les aéroports,
l’emploi, mais aussi pour l’économie mondiale.
Pourtant,
“prévoir c’est diriger” ! C’est ce que
font les pilotes avant chaque vol. Ayant
envisagé les situations les plus délicates,
ils sauront comment réagir et adopter la
solution salvatrice. Bien sûr, les compagnies
élaborent et actualisent des plans
prévisionnels. Mais il est cependant
surprenant de la passivité de réaction face à
des situations, non seulement coûteuses, mais
ayant également un impact sur la sécurité. Tel
est le cas, par exemple, de l’inadéquation de
l’offre et de la demande de pilotes, situation
pourtant facilement prévisible, qui perdure
pourtant depuis des décennies et pour laquelle
aucune décision corrective n’a été prise. Dans
mes écrits, j’ai suggéré plusieurs solutions
de nature à pallier cette anomalie. (Chronique de janvier
2002, dans Tome 1 “Chroniques aéronautiques”
et, plus développé (7 pages), dans “Mieux
comprendre le transport aérien”. VARIO.
www.aviation-publications.com).

[3.- Propulsion
électrique des avions au roulage]
Question : Dans
votre chronique d’octobre 2011, vous avez
commenté le projet d’utilisation d’une énergie
électrique pour assurer les déplacements au
sol des avions jusqu’à proximité de la piste
de décollage et présenté quelques contraintes
qui en résulteraient. Qu’en est-il de nos
jours ?
Réponse : Effectivement !
Il s’agissait du prototype de propulsion
électrique mis au point, à l'aéroport de
Hambourg-Finkenwerder, par une équipe de
chercheurs du Centre allemand de recherche
aérospatiale (DLR), d'Airbus, et de
Lufthansa Technik. L'expérience avait été
menée sur un Airbus A320 ATRA (Advanced Technology
Research Aircraft).
En
juin 2013, au salon du Bourget,
SAFRAN et HONEYWELL ont présenté leur système
EGTS (Electric
green taxing system) qui - après plus de
3.000 heures de vérification sur banc d’essais
- sera testé par Air France.
Le
système consiste à motoriser
électriquement les atterrisseurs principaux,
à partir du moteur (APU) situé à l’arrière de
l’avion, permettant de fournir l’électricité
nécessaire au fonctionnement des systèmes
lorsque l’avion est au sol, les moteurs de
l’avion n’étant pas encore en fonctionnement.
L’avion pouvant alors se déplacer d’une façon
autonome, les avantages sont les
suivants : réduction des nuisances
sonores à proximité des aéroports ;
réduction quasi totale des émissions en gaz
polluants au sol (monoxyde d’azote et
carbone) ; réduction du temps
de fonctionnement des réacteurs, ce qui
augmentera ainsi les intervalles de temps
entre les travaux de maintenance nécessaires.
Surtout sur les vols courts et
moyens-courriers - où le temps de roulage au
décollage et à l’atterrissage peut dépasser 30
minutes par étape - ces différents avantages
seront très importants. Mais, il faudra
attendre 2016, date de la mise en service
programmée.
Étant
donné que la mise en route des réacteurs se
fait actuellement avec la présence de
personnels au sol munis des moyens
d’intervention (extincteurs) en cas d’incendie
survenant lors de la mise en route, il reste à
savoir quelles dispositions seront prises à
cet égard ?

[4.- Ailes
à écoulement laminaire]
Question : Ayant
entendu, au Bourget, parler de voilure à
écoulement laminaire, pouvez-vous m’en dire
quelques mots ?
Réponse : Un avion vole car il
est aspiré vers le haut par la dépression qui
se forme sur la partie supérieure de l’aile
lors du décrochement des filets d’air. Cette
force est dénommée “portance” (flèche en rouge). Elle dépend du profil
de l’aile, de son incidence et de la vitesse.
Il
n’est pas possible, ici, de détailler les
composantes verticale et horizontale de la
résultante aérodynamique de la portance. Il
suffit d’indiquer que l’écoulement de l’air
vers le bord de fuite devient turbulent et
génère une traînée de frottement, laquelle
doit être compensée par une poussée supérieure
des moteurs, donc par une augmentation de la
consommation de carburant.
Les
aérodynamiciens savent déterminer si un fluide s’écoule de
façon laminaire ou turbulente (le nombre de Reynolds,
donne le rapport entre les effets de
l’inertie et de la viscosité). Si le fluide épouse
parfaitement la forme du solide, l’écoulement
est dit laminaire. Retardant et réduisant
cette turbulence, il est donc plus performant.
Plus
généralement, il est estimé que la
maîtrise de ce principe permettra de réduire
de 25 % la trainée d’une voilure, donc de 10%
celle d’un avion, ce qui réduira forcément la
consommation de carburant.
Il est prévu qu’Airbus
équipe l’exemplaire MSN 001 de l’A340-300
d’extensions de voilure d’une longueur de 8
mètres, permettant de tester le principe de
l’écoulement laminaire naturel. Ce
démonstrateur d’A-340-300 désigné BLADE (Breakthrough laminar
aircraft demonstrator in Europe) devrait être au point
fin 2014.

[5 - Vol TWA
800 : La thèse de l'accident remise en cause
par des enquêteurs]
Question : J’ai
lu une information selon laquelle la thèse de
l'accident du vol TWA 800, du 17 juillet 1997,
venait d’être remise en cause par des
enquêteurs. Est-il possible de revenir, 16 ans
après un tel drame, sur les conclusions du
NTSB et du FBI ?
Réponse : Oui, à condition que
les requérants apportent des éléments
nouveaux. Mais, dès lors que dans les
arguments produits il est avancé que des
thèses ont été falsifiées (comme cela figure dans
un article de presse), il convient d’être
prudent quant à la justification d’une demande
de contre-enquête. En effet, j’ai démontré, à
plusieurs occasions, que le nombre de
personnes intervenant simultanément sur les
mêmes documents, écarte toute hypothèse de
falsification.
Il
se trouve qu’avec un confrère pilote et un expert explosifs,
nous avions été nommés experts par la justice
française, qui avait ouvert une CRI (Commission rogatoire
internationale), des victimes étant de
nationalité française. Nous avons collaboré
avec les enquêteurs du FBI et du NTSB (National Transports
Safety Board) et avons eu accès à
tous les documents utiles à la manifestation
de la vérité et ausculté minutieusement la
reconstitution de la carlingue. J’ai également
été chargé d’une mission auprès du NTSB, où
j’ai été reçu par son directeur et
quelques-uns de ses collaborateurs, auxquels
j’ai posé une cinquantaine des questions.
Finalement, tous éléments pris en compte, nous
avons pu conclure sur les causes de
l’accident.
Je
rappellerai que cette enquête a été une
des plus importantes investigations menées par le FBI et le
NTSB. C’est ainsi que la reconstitution de la
carlingue du Boeing 747 dans un hangar de
Calverton (New
York, où nous sommes rendus en hélicoptère) a pu être réalisée
grâce à la récupération d’environ 300.000
débris de l'appareil, catalogués et examinés
au microscope au cours d'une enquête qui, à
son apogée, a mobilisé 700 agents. Coût total
estimé à 35 millions US$.
Étant
donné que dès le dépôt de leur rapport, les
experts n’ont plus de contact avec le
magistrat instructeur qui les a désignés
(sauf en cas de
complément d’enquête) nous ne savons donc
pas quelle suite a été donnée par la justice
française aux Parties Civiles, ni quelle sera
sa réaction dans le cas où, effectivement, des
éléments nouveaux obligeraient FBI et NTSB à
rouvrir leur enquête.

[6.-
Crash du B777 d’Asianan AL] - Interview TourMag du 13
juillet 2013
TourMag : Quels
commentaires pouvez-vous faire sur le crash du
Boeing 777 d'Asiana Airlines, survenu le
samedi 6 juillet, à l'aéroport international
de San Francisco ?
Jean
Belotti : Un mort, c’est une mort de trop !
Cela étant dit, ce crash n’a provoqué que le
décès de deux passagers (dont un aurait été
écrasé par un véhicule de pompier, dixit un
porte-parole des pompiers de San Francisco) et une dizaine de
blessés. Pourtant, les chaînes de télévision
américaines ont présenté un flot continu de
flashs, redites, images et informations
parcellaires - pendant des heures d’affilées -
reprises par les chaînes françaises. Elles ont
saisi l’occasion d’exploiter intensément ce
scoop pour améliorer leur audience car, comme
à l’accoutumée, à brève échéance, l’événement
ne fera plus l’objet que d’un court texte en
bas d’écran, ayant été occulté par la
survenance d’un autre sujet d’actualité.
Personnellement, j’ai même reçu
l’enregistrement de la conversation entre les
pilotes et la tour de contrôle, après la
survenance du crash ! Cette surabondance
d’informations sur la cause de deux décès est
fortement disproportionnée quant on la compare
- comme l’ont fait quelques auditeurs - aux
centaines de milliers de morts et blessés,
d’accidents de la route, par an et dans le
monde ! À part tenir le grand public en
haleine, pendant un ou deux jours, elle n’est
d’ailleurs d’aucun intérêt pour la
manifestation de la vérité.
TourMag
: Deux victimes et quelques blessés, sur 307
personnes à bord, ont conduit des auteurs
à déclarer qu’il s’agissait d’un miracle
?
J.B.
: À la place du qualificatif de miracle, il est
préférable de dire que les faibles
conséquences sur les vies humaines résultent
des progrès qui ont été réalisés par les
avionneurs dans la solidité des carlingues ;
de l’efficacité des stewards et hôtesses dans
l’exécution de la procédure d’évacuation
rapide l’avion ; et de la rapide intervention
des équipes de secours et de pompiers.
TourMag
: Pour que le train d’atterrissage percute une
digue avant de début de la piste, cela
signifie que l’avion était trop bas et volait
à une vitesse insuffisante.
Il existe donc bien plusieurs constats qui
permettent d’écarter certaines causes et d’en
privilégier d’autres ?
J.B.
: Certes, et ce sont les experts qui
confirmeront celle ou celles ayant
été retenues. Dans le cas présent, il
semble que cette étape sera rapidement
franchie. En revanche, l’analyse portera sur
les faits contributifs, à savoir sur le
comment et le pourquoi de cette trajectoire
basse et de cette faible vitesse ?
TourMag : Il a été
dit que les deux pilotes aux commandes
manquaient clairement d’expérience : le
premier, le commandant, bien qu’expérimenté
sur d’autres types d’appareils, était en
formation et ne cumulait que 43 heures sur
Boeing 777-200ER. Le second en place droite
chargé de le former et qui le secondait dans
le poste, venait d’obtenir sa licence
d’instructeur et effectuait sa première
mission. Donc, le niveau de compétence à bord
était visiblement très bas !
J.B.
: Il s’agit d’une conclusion erronée. En effet, après la
réussite à la qualification théorique et
pratique sur un type d’avion, les futurs
pilotes (commandant
et second pilote) effectuent des vols de
reconnaissance de ligne, avec un commandant de
bord instructeur, afin qu’ils aient fait
connaissance des spécificités des principaux
aérodromes du réseau fréquenté. Donc, déclarer
que le niveau de compétence était très bas est
équivalent à remettre en cause le niveau des
qualifications et le choix des instructeurs au
sein de la compagnie Asiana Airlines, ce qui,
à ce stade n’a pas été démontré ! Il est bon
de savoir qu’Asiana, membre de Star Alliance
depuis 2003, a transporté près de 16 millions
de passagers en 2012, en toute sécurité. Le
seul accident connu remonte à 20 ans (en juin 1993, lorsqu'un
Boeing 737 s'était écrasé sur une montagne
dans le sud-ouest du pays). De toute façon, le
nombre d’heures de vol, l’ancienneté, la
compétence des deux pilotes n’a rien à voir
avec le strict respect des vitesses d’approche
qui est une obligation essentielle enseignée
dès les toutes premières heures de vol.
TourMag : Pourtant,
ce jour là, les vitesses d’approche n’ont pas
été respectées ?
J.B.
: Une des premières vérifications que les
enquêteurs effectueront sera de savoir si la
piste d’atterrissage disposait d’un ILS (“Instrument Landing
System”. Instrument donnant la position de
l’avion par rapport à l’axe de piste et par
rapport à la pente standard d’approche) et, dans
l’affirmative, s’il était en fonctionnement ?
Dans la négative :
-
la justice dira s’il est acceptable qu’un
aéroport international ne dispose pas d’un tel
moyen de guidage des avions ;
-
cela expliquerait le fait que l’équipage a
effectué une approche à vue, alors qu’après un
vol de plus de 10 heures, le choix d’une
approche automatique est généralement adopté par
les équipages, même par beau temps.
Le
dépouillement des enregistreurs de vol
montreront à partir de quand la vitesse
est passée en dessous de la vitesse normale
d’approche et à partir de quand l’avion a été
en dessous du plan de descente standard. Les
pilotes s’en expliqueront. Les enquêteurs
donneront leurs conclusions sur les
éventuelles responsabilités techniques. La
justice dira le droit.
TourMag
: Autrement dit, il faudra savoir pourquoi le
plan de descente n’a pas été respecté ?
J.B.
: Exact ! Sachez qu’au sujet du plan de
descente, le problème n’est pas nouveau.
Lorsque j’étais instructeur, effectuant des
reconnaissances de ligne, pendant le début de
l’approche finale, étant en vue de la piste
d’atterrissage, je cachais le cadran de l’ILS en
demandant au pilote de choisir le moment du
début de la descente et de me dire quand il
estimerait être sur la pente de descente
standard et à la bonne vitesse.
Dès
son annonce, je retirais le cache et il
arrivait très souvent de constater que l’avion était au
dessus ou au dessous du plan de descente
standard. Déjà, à cette époque, la plupart des
pilotes n’étaient pas, ou plus, familiarisés
au maintient d’une pente constante pendant
l’approche. Les plus à l’aise dans cet
exercice étaient les pilotes d’origine
militaire (armée
de l’air, aéronavale, ALAT - Aviation légère
de l'armée de terre), et ceux ayant
pratiqué le vol à voile. Force est de
constater que cette carence s’est renforcée au
fil des ans avec les systèmes en plus en plus
automatisés. Les pilotes les plus concernés
sont ceux affectés sur les vols longs et très
longs courriers, car le nombre d’atterrissages
mensuels qu’ils peuvent faire est très faible.
Il
résulte de ce constat qu’il ne s’agit pas
d’incriminer l’incompétence des pilotes. Ce ne sont pas
des kamikazes et ils ont payé un lourd tribu
au fil des décennies. Quant à ceux qui s’en
sont sortis, on imagine le poids de leur
traumatisme lorsqu’ils prennent conscience
qu’ils étaient aux commandes de l’avion
accidenté, de surcroît s’il y a de nombreuses
victimes. Puis, pendant des années, ils
revivront, sans cesse, par la pensée, le film
du “crash” qui ne cessera de hanter leurs
cauchemars.
En
revanche, c’est sur la formation lors de la
qualification de type qu’il convient de porter un regard
critique. En effet, de nos jours, la
quasi-totalité de cette formation se fait sur
simulateur. Par exemple, des pilotes sont
“lâchés” sur un type d’avion, sans avoir fait,
avec un instructeur, au moins un atterrissage
par fort vent de travers ! Je dispose de
toute une série de vidéos montrant des
approches finales mouvementées, qui ont été
suivies d’une remise de gaz ou d’un
atterrissage dans des positions
impressionnantes. J’ai longuement décrit les
insuffisances de la formation dispensée de nos
jours et les conséquences qui en résultent,
très souvent qualifiées de “faute de pilotage”
! Également suggéré de créer des stages
d’entraînement à la maniabilité sur des petits
modules. Malheureusement, le système n’est pas
prédisposé à prendre de telles initiatives,
étant accaparé par l’impérieuse nécessité de
réaliser de drastiques réductions des coûts.
TourMag
: Précisément, le pilote aurait
informé la tour de contrôle qu’il
remettait les gaz ?
J.B.
: Lorsque le pilote aux commandes décide de
faire une
remise des gaz, il existe une procédure (répétée lors des stages
de rafraîchissement annuels sur simulateurs) qui exige des actions
rapides et une parfaite coordination entre les
deux pilotes. Il n’a jamais été envisagé d’en
aviser la tour de contrôle. Ce n’est qu’une
fois l’altitude de sécurité atteinte que le
pilote contacte la tour de contrôle, afin de
lui faire part de ses intentions, soit de
refaire une nouvelle approche, soit de se
diriger vers un autre aéroport.
TourMag
: Quels sont les cas qui imposent
une remise de gaz lors d’une approche à vue ?
J.B.
: Lors d’une approche, dès que le pilote
constate qu’il n’est plus sur le plan de
descente standard, il sait comment y revenir
en agissant sur la manette des gaz, la
position des volets, les aérofreins, le train
d’atterrissage et sur la pente. Si, en courte
finale, le pilote estime qu’il est trop haut,
il remettra les gaz. En revanche, en cours
d’approche, s’il estime qu’il est trop bas, il
doit impérativement faire un pallier (c’est à dire voler à la
même hauteur), en remettant des gaz
pour maintenir sa vitesse d’approche (qui a été calculée, en
fonction de la masse de l’avion, de la
composante de vent de face, de la force des
rafales). Dès qu’il estimera
être revenu sur le plan de descente standard,
il reprendra sa descente normale. Le pilote
sait également que s’il a été amené à réduire
considérablement, voire complètement, les gaz,
plusieurs secondes s’écouleront après la
remise de gaz, avant d’obtenir la poussée
maximale attendue.
Il
est évident
que si ces dispositions ne sont pas prises en
temps utile, mais tardivement (moins de deux secondes
avant de heurter la piste, a déclaré
l'agence de sécurité aérienne américaine), de surcroît avec une
vitesse très inférieure à la vitesse
d’approche, donc l’avion étant très cabrée,
les conditions du crash cité sont remplies.
TourMag
: Quel crédit apporter à l’existence d’un
“windshear” juste avant la piste, qui aurait
plaqué l’avion au sol ?
J.B.
: Le “windshear” est un vent cisaillant qui,
effectivement, entre-autre, augmente
brutalement le taux de descente de l’avion.
Les pilotes connaissent la procédure à
appliquer pour le contrer et connaissent la
consigne d’afficher la poussée de remise des
gaz, c’est-à-dire à reprendre de l’altitude,
dès qu'un paramètre de conduite sort de sa
plage de stabilisation, en dessous de 1.000
pieds. De toute façon, dès lors que la
trajectoire de l’avion est standard,
c’est-à-dire fait passer l’entrée de piste à
la hauteur minimale définie dans les textes,
un effet résiduel d’un “windshear”, dès lors
qu’il a été contré, n’est pas dramatique. De
plus, pour ce qui concerne ce vol, ni le
relief environnant, ni les conditions
météorologiques du jour n’étaient susceptibles
de créer un “windshear”. En effet, les
manifestations de “windshear’ (d’ailleurs non
annoncées par la tour de contrôle, sauf si
cette dernière en a été informée par un
avion qui vient d’atterrir) n’existent que lors de
conditions météo dégradées, associées à des
rafales de vent verticales (courants
ascendants et rabattants), avec changements de
direction.
TourMag
: Il reste que tout le monde souhaiterait
connaître la cause de cet accident ?
J.B.
: Si, comme déclaré “il
n’existe aucune indication d'un quelconque
acte terroriste ou criminel lié à l'accident
et aucune avarie technique”, étant donné que les
pilotes s’en sont sortis indemnes et que les
enregistreurs de vols des paramètres de vol (vitesse, altitude,
poussée des réacteurs, température,
accélérations, etc...) et des bruits et
conversations dans le cockpit, sont
exploitables, le NTSB (“National Transportation
Safety Board”,organisme américain chargé des
enquêtes diligentées à la suite d’accidents
aériens) devrait être en
mesure, dans de brefs délais, de révéler les
causes de ce crash. Alors, comme je le suggère
après chaque accident, prudence dans les
conclusions résultant d’éléments isolés et
laissons les enquêteurs diligenter leurs
travaux et donner leur avis, tous éléments
ayant été pris en compte.
|
1.-
Mes Chroniques et mon ouvrage “mieux
comprendre… Le transport aérien” (Éditions
VARIO - www.aviation-publications.com).
*
Pour montrer
que la plupart des questions qui se posent ont
une réponse dans cet ouvrage, je vous invite à
ouvrir ce
fichier (.pdf)
qui contient :
-
la
recension de l’éditeur ;
-
la
préface de Gérard Feldzer ;
-
les
premiers témoignages reçus ;
- la table des
matières,
montrant
le nombre important de sujets qui sont
abordés.
*
En votre qualité de fidèle lecteur - sachant que depuis
plus de douze ans je rédige, bénévolement, une
chronique répondant à de multiples questions -
vous pouvez également contribuer à mieux faire
connaître ce monde de l’aviation à un plus
large publique, en transférant le fichier de
présentation ci-joint, à vos amis
potentiellement intéressés par l’évolution du
transport aérien, en pleine mutation.
2.-
Ouvrages
* “Une
brève histoire de l’aviation” de
Michel Polacco
La
collection “Brève Histoire”,
dirigée par Jean-Claude Béhar, propose à un
auteur de dessiner, en neuf chapitres,
l’Histoire et le portrait de son sujet. Michel
Polacco nous conte, ici, une histoire toute en
émotion, faite de rêves, d’ambitions, de
tragédies ; un récit fondateur. L’occasion
aussi de réfléchir sur le sens de cette
épopée, des pionniers jusqu’à nos jours. Neuf
chapitres avec au sommaire : Au nom du Ciel !
(l’anniversaire
d’un exploit ou d’un progrès dans le ciel et
l’espace).
Plus légers que l’air (le premier
engin volant portant des passagers…). Faucheurs de
marguerites (les premiers essais pour
pouvoir voler…). La
gloire des ailes (toutes les règles
chevaleresques des aviateurs). Le temps des
exploits. L’essor du transport. L’apocalypse
vue du ciel. Toujours plus vite ? L’avenir
d’une épopée.
Tout
le monde connaît Michel Polacco, journaliste
(auteur de plusieurs
ouvrages) et
aviateur (pilote professionnel, non
seulement d’avions, mais également
d’hélicoptères). Depuis plus de trente
ans, il couvre l’actualité aéronautique et
spatiale pour France Inter, France Info,
France Bleu et France Culture. Vous pouvez le
retrouver, avec Michel Serres, dans la
chronique “Le sens de l’info” sur France Info
(le dimanche à 12h15, 15h50, 17h15,
19h45, 23h15 et 0h40).
* “Adieu
Captain” de Jacques Siroux. Éditions
La Bruyère. Très originale préface de
Jean-Loup Chrétien.
“C'est un livre
pour les aviateurs, mais aussi pour toute
personne désireuse de vivre une exceptionnelle
aventure, une histoire
authentique, divertissante, saupoudrée
d'humour, de tendresse, d'amitié, d'amertume
et de philosophie, avec cette précision du
détail et aussi une pléiade d'anecdotes, de
réflexions, de faits biographiques piquants,
alertes, relevés ”. Le livre
étant épuisé, il a été revu et corrigé en version
e-book et plus, sur : http://henri.eisenbeis.free.fr/temp/jacques-siroux-page-speciale-adieu-captain.html
* “Piloter
en univers inconnu” de
Patrick Lagadec (Directeur
de recherche à l’École polytechnique). Éditions Preventique.
L’auteur,
pour démontrer que “Dans un monde de
mégachocs répétés et de mutations inédites,
“gérer” ne suffit plus, la fonction de
pilotage devient cruciale…”, explore les 5 points
indispensables (anticiper, détecter,
réagir, inventer, mobiliser). Chaque point est exploré
en trois temps (les
défis, car il s’agit d’abord de requalifier
les enjeux ; les pièges, car ce sont eux qui
guettent rapidement lorsque l’on est confronté
au choc et à l’inconnu ; les pistes, car le
pilotage a bien besoin aujourd’hui de
grammaires et de repères).
Disponible sur www.preventique.org (Version
numérique : 09,90 € - Version papier : 15,00 €).
3.-
Séminaires
IFURTA 2013-2014
Pour
toute personne impliquée ou susceptible d’être
concernée par le transport aérien (magistrats,
journalistes, étudiants,…) et personnels des
entreprises, l’IFURTA (Institut de formation
universitaire du transport aérien) organise 17
séminaires de management et droit aérien (de
2 à 5 jours), du 26 septembre 2013
au 7 mai 2014, à Aix en Provence.
Renseignements : danielle.cheron@univ.amu.fr. Site : www.ifurta.fr.
Bien cordialement.
Jean
Belotti
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