“La
sécurité aérienne en
2011”
Le niveau de
sécurité est donné, tout
d’abord, par le nombre d’accidents figurant
dans les statistiques.
Or, la première précaution
à prendre, avant d’incriminer qui que
ce soit, est de connaître
les causes exactes des accidents.
Il est vrai qu’à la suite d’un
accident, les projecteurs se braquent
aussitôt sur la compagnie concernée.
Or, par exemple, une compagnie qui a
enregistré trois accidents:
-un avion ayant été
détruit par un missile (ce qui s’est
produit deux fois à Air France)
;
-un accident cause mécanique (emballement du
trim de profondeur pendant le
décollage, cela s’est
déjà
produit à Air France)
;
-un accident cause collision en vol par un
avion n’ayant pas respecté l’altitude
assignée (cela
m’est arrivé et je n’ai pu
éviter la collision qu’in extremis)
;
ne peut à
pas être considérée comme
étant responsable, alors que son image
de marque en sera quand même
fortement affectée.
Quant aux constructeurs, leurs avions
subissent de très nombreux
contrôles, de plus en plus stricts, avant
d’obtenir leur certificat de
navigabilité. Puis, tout au long de
leur carrière, ils font l’objet de
modifications, améliorations
imposées par le constructeur pour
pallier certaines déficiences
ou améliorer la fiabilité.
Or, avant de mettre en cause un type d’avion,
il convient de s’intéresser à la
façon dont est effectué
son entretien (maintenance préventive et
corrective), ainsi qu’à la
façon dont il a été
exploité (respect des
règles de l’air, des limitations
opérationnelles,...).
Sans ces précautions sur les
données statistiques, un type d’avion
peut conserver, auprès du public une
mauvaise réputation, bien
qu’injustifiée.
En plus
du trafic et du nombre d’avions, plusieurs
autres relevés sont établis, en
fonction : de la période
l’année ; de la phase du vol
(décollage, montée,
croisière, descente, approche,
atterrissage) ; du pays de survenance de
l’accident ; des causes de l’accident (défaillance
mécanique, facteurs humains, météorologie,
navigation aérienne,...)
; du type d’avion ; du réseau
exploité,...
Certes, les statistiques ne consolent pas,
mais elles permettent, par rapport à
des situations antérieures,
de noter la nature de l’évolution des
tendances : à l’amélioration ou
à la dégradation, et de mettre en
oeuvre les dispositions correctives
nécessaires.
Ces rappels étant faits, quel est le
bilan sécurité en 2011 ?
Le site “1001crashcom” donne la liste de
trente deux accidents, avec 1.029 victimes,
chiffres qui dépassent la moyenne des dix
dernières années. Est-ce
à dire que ce bilan traduit une
dégradation du niveau de
sécurité ?
Tout d’abord, l’augmentation du nombre
d’accidents sur une seule année ne
permet pas de conclure et il
convient de le comparer aux années
précédentes. On note que -par
exemple pendant cinq
années (2000 à 2003 et 2005),
alors que le nombre d’accidents était
inférieur à celui de 2010, le
nombre de victimes dépassait les mille.
Cela démontre bien que le nombre de victimes ne
dépend pas uniquement du nombre
d’accidents.
Par ailleurs, un découpage de ces 32
accidents apporte d’intéressantes
informations à prendre en
compte :
1.-Tout d’abord, 6 accidents sont survenus
à des compagnies figurant sur la liste
noire des transporteurs interdits en Europe.
Ils ont fait 203 victimes dans des pays qui ne
respectent pas les règles
européennes.
2.-15 accidents, de moins de 20 victimes, ont
fait 139 victimes. Il s’agit
généralement de petites compagnies (“feeders”),
de pays hors Etats-Unis et Europe.
3.-11 accidents d’avions de plus de 20
victimes (de Transport Public à
masse maximum au décollage
égale ou
supérieure à 5,7 tonnes),
ont fait 727 victimes, chiffre qui est
inférieur à la moyenne des dix dernières
années. Or, les compagnies
concernées ne sont, ni
américaines, ni européennes et
les accidents se sont produits hors de
l’Europe et des Etats-Unis (Indonésie,
Népal, Russie, Chili, Iran,...).
Ainsi, force est de constater que les
accidents de ces compagnies -figurant ou non
sur la liste noire et hors Etats-Unis et
Europe-faussent la performance du
système du transport aérien
civil.
En fait, en 2011, l’Europe (sans la Russie)
et les Etats-Unis, n’ont été
à l’origine d’aucun accident, ce qui est une
performance tout à fait remarquable,
puisque, comme en 2010, le risque zéro
a été atteint, ce qui
était impensable, il y a seulement
quelques années.
Finalement, à l’opposé d’une
information susceptible de déclencher
une inquiétude résultant de l’annonce d’un
nombre élevé d’accidents et de
victimes, se trouve un résultat des
plus rassurants. La
vérité, c’est que les efforts de
tous, depuis des années, ont permis
-alors que le nombre de passagers est en
constante augmentation (le trafic
aérien a progressé de plus
de 6% en 2011, en transportant près de
2,7 milliards de passagers)-
de réduire considérablement le
nombre de décès survenus
à la suite d’accidents aériens -ce
que j’ai démontré à
plusieurs reprises- et d’améliorer la
sécurité du transport
aérien, lequel reste le moyen de
transport le plus sûr.
En conclusion, alors qu’il est logique de
penser que le nombre d’accidents ne peut que
croître avec
l’augmentation du trafic aérien, c’est
la tendance inverse qui est constatée :
la sécurité aérienne
poursuit sa progression rassurante.
— *** --
Interview de
TourMag.com (du 19/01/2012)
: Le SNPL vient de
publier un communiqué de presse
intitulé : “Fatigue des pilotes
de ligne : la
sécurité des vols doit être
la priorité”, comportant également
une annexe explicative.
Pouvez-vous nous dire brièvement ce que
vous en pensez ?
: S’agissant
d’un vaste sujet, il ne peut être
compris que si toutes ses composantes sont connues et
prises en compte. Pour une simple interview,
la brièveté indispensable ne
peut être que très
réductrice. Alors, que souhaitez-vous
savoir plus exactement ?
: D’après
vous, ce problème de la fatigue est-il
une préoccupation nouvelle ?
.: La
réponse est non. Pour vous le
démontrer, j’avais déjà
traité de ce sujet :
-dans ma thèse, sur “La
sécurité du transport
aérien”, soutenue en 1968, au Centre
Français de Management,
devant le Secrétaire
Général à l’Aviation
Civile ;
-également dans ma thèse de
doctorat d’Etat, en 1975 ;
-et dans “Les accidents aériens pour
mieux comprendre”, de 1999, qui fut
considéré comme un ouvrage de
référence par la
Présidente et le Rapporteur de la
mission de l’Assemblée Nationale,
constituée, début 2004, en vue
de proposer des solutions pour
améliorer la sécurité du transport
aérien.
J’ai
également traité des
“Limitations des temps de vols et des repos”
dans “Indispensables pilotes”, de
2007, ainsi que dans plusieurs de mes
chroniques, publiées depuis une
douzaine d’années.
: Quels
étaient vos arguments principaux ?
: Les
mêmes que ceux cités par le SNPL,
avec les exemples de l’époque, bien
sûr, C’est ainsi qu’en
1999, j’écrivais : “Il y a
déjà plusieurs
années, la Commission d'Analyses
des vols d'Air France avait constaté,
dans les familles de dysfonctionnements, la
“fatigue des rotations”, (sachant
qu’une “rotation” est l'ensemble des vols
effectués, à la suite les
uns des autres, au cours d'une même
mission comportant un ou
plusieurs arrêts, dans des escales
intermédiaires). Par
ailleurs, la “Flight Safety Fondation” (FSF
-Organisation internationale),
dont le but est l'amélioration
constante de la sécurité du
transport aérien, a constaté
que le facteur "fatigue" était, de
plus en plus souvent, mis en cause à
l'occasion d'accidents. Exemples: le “crash”
du DC8 à Guantanamo Bay (Cuba),
le 18 août 1993 ; le “crash” du Boeing
737-200 cargo d'Air Algérie, à
Coventry (Royaume-Uni), le 21
décembre 1994 ; celui du Boeing 757
de Cali. En s'intéressant au couple
“Fatigue => Accident”, on note qu'environ
un tiers des accidents se produit en fin de
vol. Bien que, dans beaucoup de cas, les
indications recueillies ne suffisent pas
à classer la fatigue comme cause
“contribuante”, le rapport ASRS ("Air
Safety Reporting System"-Système
anonyme de rapports d'incidents)
de la NASA, fait apparaître un taux de
21% d'incidents et d'accidents
générés par la fatigue.
De toute façon, la situation reste
paradoxale, puisque les qualités
professionnelles du pilote tendent à diminuer, au
moment même où il est essentiel
qu'il dispose de tous ses moyens,
c'est-à-dire, pendant la phase finale
du vol”.
: La question qui
peut se poser est de savoir pourquoi le SNPL
n’a pas réagi plus
tôt ?
: N’étant
plus en contact avec les dirigeants du SNPL
depuis bien des années, je ne connais pas les
détails de leurs démarches en la
matière. Mais il est certain qu’ils
ont, en permanence, mis la pression sur
les Autorités françaises et
européennes, il est vrai, sans
succès, malgré le soutien de nombreux
médecins spécialisés en
médecine aéronautique. Quant
à la raison qui a
déclenché cette
récente focalisation sur la fatigue, je
l’ignore.
: Alors, vous
êtes donc d’accord avec le SNPL ?
: Donner un
avis sur le SNPL nécessiterait la prise
en compte de ce qui s’est passé au sein
de cet organisme depuis plus de quarante ans !
Certes, je n’ai pas manqué d’exprimer mon
désaccord sur certaines positions qui ont
été prises par les
différents bureaux qui se sont
succédé au fil des ans (comme celle de
déclencher une grève contre
une loi permettant d'éviter la
paralysie du transport aérien).
En revanche, en ce qui concerne la campagne que
le SNPL vient de lancer au sujet de la fatigue,
je m’y associe pleinement, en formant le souhait
qu’elle aboutisse rapidement, dans
l’intérêt bien compris de la
sécurité aérienne.
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1.- Chronique de février 2012 (ci-dessus)
Cette chronique traite du bilan
sécurité aérienne en 2011.
Elle reproduit également l’interview de
TourMag sur la fatigue des pilotes.
2.- Mon ouvrage
: “Transport International de marchandises”
Les
éditions VUIBERT viennent de publier une
4ième édition, profondément
modifiée (360 pages), dont
vous trouverez la page de couverture dans la
liste de mes ouvrages, sur le site : http://www.priceminister.com/s/Jean+belotti.
Cet ouvrage, intéressant quiconque
intervient dans les relations commerciales
internationales, présente de façon
pédagogique, les principales composantes
du système. L’exposé est enrichi
de six lexiques spécialisés (européen,
douanier, transports : routier,
maritime, fluvial, maritime)
contenant plus de 400 termes, ainsi que deux
listes de vocabulaire (envois postaux et
transport aérien) en français et
en anglais.
Il s’adresse aux étudiants en
écoles de management ; en IUT de
transport international ; aux opérateurs
privés (PME/PMI) et de
l’État ; ainsi qu’aux professionnels du
commerce international.
3.- Autres
ouvrages
==> Les métiers
de l’aérien... pour vos enfants,
petits-enfants, garçons et filles.
Jacques
CALLIES et ses collaborateurs, des
éditions SEES, viennent de publier dans
leur magazine “Aviation et Pilote”, un
exceptionnel et très utile numéro
hors série (n̊15, de
décembre 2011). Dans 128 pages
d’informations, sont présentées :
les principales filières, les formations,
les écoles, les témoignages, les
adresses. Pour les passionnés qui
désirent réaliser leurs
aspirations aéronautiques, ces
informations les guideront dans leur choix pour
devenir : pilote civil ou militaire,
hôtesse, mécanicien,
contrôleur aérien,
opérateur, agent de sûreté,
agent commercial, informaticien, chaudronnier,
technicien, ...
Dans les kiosques ou sur www.aviation-pilote.com.
==> “Les ailes du Groupement
aérien du SGAC. 1945-1973"
- de Vital
FERRY (ingénieur en chef de l’aviation
civile honoraire, pilote, auteur d’une
quinzaine d’ouvrages est, de nos jours,
l’un des meilleurs spécialistes de
l’histoire de l’aviation civile) ;
- et Pierre LAUROUA (créateur de la
collection “Mémoire de l’aviation
civile”, avec comme objectif de mettre en valeur
l’histoire institutionnelle technique et humaine
des services de l’État qui ont
œuvré au développement de
l’aviation depuis le début du
XXième siècle).
Tous les passionnés de notre aviation
découvriront l”histoire du groupement
aérien du “Secrétariat
Général de l’Aviation Civile” et
des nombreuses missions (transport,
météo, photo
aérienne, service public,...)
effectuées, aussi bien en France qu’en
Afrique. Format original ; très belle
présentation ; de nombreuses photos dont
certaines inédites ; témoignages,
font de cet ouvrage de 190 pages un document qui
a sa place dans toute bonne bibliothèque.
Edition Bleu Ciel. 25€ bleucielmagazine@orange.fr.
Bien cordialement
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