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Retour à la Popote des Ailes           ***Président : Raymond de PHILIP. Association de fait. Loi de 1901 Amicale fondée en 1929.                       CONTACT,  votre serviteur mes Seigneurs
 

Un peu d'histoire...


Ainsi naquit LA POPOTE DES AILES, le vendredi 22 juillet 1921, à Paris  




Maurice BOURDET   GRANDEUR ET SERVITUDE DE L’AVIATION 1933
1 Les Essais en Vol à Villacoublay  1911 
2 Le restaurant de la rue de Jouy, à Viroflay  ...Dire qu’en 1916, je suis venu déjà à la Popote des Ailes...
3 L’Hôtel Moderne  En 1920, Louis Ramondou...
4 LA POPOTE DES AILES  1927! ... rachat de l’Hôtel Moderne par Henriette Puyade et son époux....


Gaston DECOOP                La Popote des Ailes ses pilotes, ses amis, son histoire   1990 


            5 Henriette Puyade  1949 ...Médaille de l’Aéronautique... des mains de Clostermann...


de PHILIP                            6 Les Présidents successifs de la Popote  depuis 1933...premier président en titre Georges Détré...

Roger Labric                  Popote d'aviateurs, la Popote des Ailes 1935 à Chaville.


180 liens 



Ainsi naquit le nom LA POPOTE DES AILES, le vendredi 22 juillet 1921, à Paris source
La première popote   La troisième popote La Popote des Ailes contre la Popote des Vieilles Tiges 

 Tenez, vous devriez provoquer, sous une forme quelconque, des réunions purement amicales auxquelles pourraient venir tous les fervents de l'aéronautique. On causerait entre amis, on échangerait des idées, on parlerait du bon vieux temps. 
— Mais, votre idée n'est pas nouvelle ! 
C'est dans un but analogue que se sont formées la plupart de nos sociétés. La S.F.N.A., l'A.F.A., l'Aéro-Club de France lui-même, tiennent des réunions où précisément... 
—  Il ne s'agit pas d'organiser des séances techniques pour écouter une communication sur tel ou tel sujet. Ce que je souhaite est une réunion d'amis, sans conférence, sans discours, sans programme, une réunion où vous serez heureux de rencontrer des copains, des fidèles de l'aviation, des gens qui, en somme, parlent la même langue que vous et qui, comme vous, s'intéressent à une aile nouvelle, au rendement d'une hélice, à l'essai d'un moteur.
— Votre idée commence à me plaire...  
 Dites-moi, Wing, pourquoi les amis des Ailes ne se réuniraient-ils pas, un soir, dans un restaurant quelconque.Tous pourraient venir, en toute simplicité, partager ce repas. On chercherait un restaurant convenable mais modeste et bon marché. On dînerait là, entre bons amis; on ne boirait pas de champagne; on ne ferait pas de discours, on n'aurait même pas besoin de faire toilette. On irait à la popote comme on va chez des camarades, tel que l'on est. Tous ceux qui viendraient seraient les bienvenus. Réalisez mon idée, Wing, et vous ferez bigrement plaisir à un tas de gens. Réalisez, sans plus attendre; réalisez ce mois-ci ! 
— Mais, je n'ai pas le temps! Il me faut écrire un article, préparer les lecteurs à ce projet; le murir. 
— C'est inutile. Dîtes simplement ceci: 
Le vendredi 22 courant, des pilotes, des mécaniciens, d'autres qui n'ont pour titre que celui d'aimer l'aviation, dîneront à 7 heures 30, à la Brasserie Victor, 30, Boulevard des Batignolles (17e). Tous ceux qui voudront partager ce repas seront bien accueillis. Le prix du dîner est de 7 fr. 50 (boisson non comprise). On causera....    par WING  
La popote a changé plusieurs fois de restaurant à Paris   
 
7 juillet 1921

La pemière Popote des Ailes, le 22 juillet 1921
Brasserie Victor, 30, boulevard des Batignolles


La Taverne de Paris, Place de la République mi-1923




Restaurant de la Fontaine-Gaillon, rue Gaillon, Paris 
fin 1923
























1 Les Essais en Vol à Villacoublay      

L’on peut dire qu’aux tout débuts de l’Aviation, tout se faisait par tâtonnement; les constructeurs, en général, essayaient les avions de leur conception; des pilotes particuliers rendirent également de grands services; des succès comme des échecs de tous, furent tirées les premières lois expérimentales de l’aérodynamique.
Dès 1910, après la grande semaine de Reims, l’armée passa une grande commande d’avions, ce qui posa le problème de leur réception. Deux centres furent créés à Chalais-Meudon et à Vincennes; de leur collaboration avec l’institut aérotechnique de Saint-Cyr sortirent les premières méthodes scientifiques qui devaient donner des résultats d’essais en soufflerie et en vol.
En 1911, l’administration des domaines achète les terrains de Villacoublay que l’armée occupe pour effectuer ses réceptions. Un décret du 25 novembre 1911 crée un brevet de pilote exigeant deux circuits fermés d’au moins 5 km, une montée à 50 m et un atterrissage moteur coupé. De plus, un règlement prévoit, pour la réception des avions destinés à l’armée, l’exécution de trois atterrissages, deux heures de vol à pleine charge, sous contrôle militaire.
Les constructeurs sont amenés à faire appel à des pilotes d’essais qui assument la mise au point des avions et leur présentation aux acquéreurs. Le champ des essais en vol est alors surtout d’éviter la chute.
Un peu plus tard, sont entreprises des recherches plus méthodiques et plus précises qui tendent à pouvoir comparer les résultats des vols avec ceux établis en soufflerie.
De 1911 à 1914, le développement de l’aviation s’accélère; fin 1913, le record de vitesse est porté à plus de 200 km/h et celui d’altitude à 6.150 m.
A la déclaration de guerre en 1914, Louis Breguet replie ses ateliers de Douai à Villacoublay, l’invasion du nord de la France par l’armée allemande étant à redouter; d’autres constructeurs, tels Nieuport, viendront s’y installer pour la réception de leurs avions, au cours de la guerre.
Les pilotes d’essais, d’abord mobilisés, seront bientôt rendus à leur métier.
En 1915, le ministère de la guerre, auquel était rattaché l’aviation militaire, crée à Villacoublay une section des essais en vol dépendant du Service Technique de l’Aéronautique. Son rôle sera de contrôler les performances (temps de montée, vitesse en paliers à diverses altitudes, plafond) des avions français à livrer à l’armée comme des avions allemands capturés.
A l’armistice (1918), l’Aviation avait fait des progrès considérables quant aux performances, mais on ne savait pas encore mesurer les qualités de stabilité, de manoeuvrabilité et de maniabilité; selon l’expression consacrée «on pilotait avec les fesses»: le pilote sentait l’avion comme le cavalier le cheval.
La section d’essais semble avoir été en sommeil de1918 à 1920.
Elle se développera à partir de 1920 grâce au concours d’un personnel navigant et technique de haute qualité, dont l’effort se portera sur l’amélioration de l’instrumentation (mensuration, pesée, mesure des températures en altitude, installation d’appareils enregistreurs à bord des avions). Un bureau de calculs bien étoffé tirera les conséquences des mesures effectuées.

En1925, verront le jour une Commission d’Admissibilité des Prototypes et un Groupe des Avions Nouveaux (le G.A.N.) chargé des essais d’utilisation militaire. La section voit alors son rôle de contrôle s’accroître d’un rôle de mise au point.
En 1933, la Section et le G.A.N. fusionnent pour former le Centre d’Essais en Vol (le C.E.V.). C’est alors que seront définies les caractéristiques de qualités de vol, stabilité longitudinale et transversales, par des méthodes précises et scientifiques, et assurée une mise au point des moteurs en vol (refroidissement, mesure de leurs performances en altitude pour les premiers moteurs à compresseurs).
Le C.E.V., étant devenu le conseil des constructeurs, dont les équipes de mise au point au sol et en vol appliquaient ses méthodes avant de lui passer en main les prototypes. Les personnels des deux bords, civils et militaires, lièrent amitié au cours de ces années et se retrouvèrent chaque jour pour déjeuner au restaurant de Viroflay, alors devenu la «Popote des Ailes».
De 1936 à 1938, arriva une nouvelle génération d’avions, celle qui devait faire la guerre, porteurs de nouveautés telles que habitacle fermé, train rentrant, hélices à pas variable, moteurs à compresseurs.
Le Centre prit alors le titre de C.E.M.A. (Centre d’Essais du Matériel Aérien). Il se replia en 1939, à la déclaration de la seconde guerre mondiale, sur le terrain d’Orléans-Bricy.
En 1940,après la foudroyante avance de l’armée allemande, la Luftwaffe prit possession du terrain.
C’en était fini de Villacoublay, le C.E.V. devant se reformer à Brétigny sur Orge après la guerre.








Le restaurant de la rue de Jouy, à Viroflay  

Nous n’avons guère de renseignements sur cette maison quant à la période antérieure à 1920. Comment s’appelait-elle ? Qui en était propriétaire ? Nul ne peut le dire.
Quelques témoignages nous révèlent seulement qu’elle existait:
– Sur le Livre d’Or de la Popote des Ailes (nous en parlerons), Lionel de Marmier écrit, le 4 juin 1931: «J’ai battu mon dernier record. J’ai revu, sans être déçu, ce que j’avais connu à vingt ans, et cela quinze ans plus tard».
– Jean Martin, une très Vieille Tige, dit-il, relate sur le même livre : «Dire qu’en 1916, je suis venu déjà à la Popote des Ailes et qu’il a fallu attendre 1932 pour reprendre un contact charmant avec les meilleurs camarades!».
– Nous savons aussi que, pendant la Grande Guerre, René Labouchère, pilote de l’Antoinette en 1909, ramena du front à Villacoublay, pour étude et essais, un avion allemand qui s’était posé intact dans nos lignes, et qu’à la fin du conflit il était chef du Centre d’Essais. Il fréquenta la Popote.
– L’inspecteur général Etévé, capitaine à l’époque, m’écrivit, un jour, qu’il était passé, pendant cette même guerre, à l’établissement qui devait devenir bien plus tard la Popote des Ailes.
– Louis Breguet, Edouard Nieuport aussi occupaient des hangars à Villacoublay. Les frères Morane avaient leur terrain de l’autre côté de la route de Choisy le Roi à Versailles.

Ce haut lieu de l’Aviation fut donc alors au moins un embryon de terrain d’essais. Tous les gens qui s’y côtoyaient se connaissaient, bien sûr, il n’est pas défendu de supposer, d’après les témoignages précités, qu’ils se rencontraient à la Maison de Viroflay, ils la connaissaient en tous cas
– Quel fut son rôle exact ? Je ne vois personne aujourd’hui qui puisse éclairer nos lanternes
– Par contre, arrivé chez Breguet début juillet 1921, je puis personnellement parler avec certitude de ce qui se passa à partir de cette date.





L’Hôtel Moderne  


En 1920, Louis Ramondou, chef de la «Spéciale» chez Breguet –nous disons aujourd’hui l’«Atelier Prototype»– acheta cet hôtel à l’enseigne Hôtel Moderne, rue de Jouy, à Viroflay, que géra son épouse et qu’égayèrent leurs deux filles, Marceau (16 ans) et surtout Simone (10 ans) dite Chipette, et pour cause.
Ramondou, baptisé: «Olive» de par son accent caractérisé, draina aussitôt les navigants et cadres des Ateliers d’Aviation Louis Breguet; puis, les relations avec les militaires aidant, ceux-ci suivirent.
Tous les jours donc, tous les soirs aussi pour les pensionnaires, tout ce monde se retrouvait à la même table et, bien vite, l’esprit de l’Escadrille, né au cours de la guerre 1914-1918, renaquit: esprit de franche camaraderie, de solidarité et de gaîté que Mérotte (ainsi était surnommée madame Ramondou) et ses filles cultivèrent à merveille, le tout agrémenté d’un art culinaire qui eut tôt fait d’engendrer une brillante renommée.
Des navigants et cadres d’alors, bien des noms me reviennent en mémoire. Je ne les citerai pas par crainte d’en oublier quelques-uns. Mais qu’importe? L’essentiel est de savoir qu’ils ont tous été les pionniers des Essais en Vol, à une époque où le premier décollage d’un prototype était un moment solennel et angoissant, où la recherche des qualités de vol et les défauts d’une machine était particulièrement dangereuse. Il fallait découvrir en l’air ce que, de nos jours, on perçoit au sol avec les simulateurs, les essais de vibrations et tous autres moyens modernes qui font qu’un équipage peut prévoir pour une grande part ce que donnera le vol.
Presque tous étaient de grands pilotes qui s’étaient illustrés au cours de la guerre ; plusieurs d’entre eux devaient devenir pilotes de raids et de records mondiaux, devant témoigner, outre la compétence, d’un courage hors pair, d’une endurance souvent surhumaine. Costes et Bellonte ne devaient-ils pas, un jour, devenir les vainqueurs de l’Atlantique Nord dans le sens Paris-New York.
Tous ces garçons avaient choisi de tirer d’une machine son maximum afin d’en assurer dans toute la mesure du possible la sécurité à ceux qui, après eux, prendraient en main, en utilisation normale, les avions de série.
Malgré les risques encourus (c’était le lot quotidien), trop souvent aussi les pertes si cruelles, régnait une ambiance de joie pure et, tout naturellement, de grande fraternité.
Tout alla bien ainsi jusqu’en 1925, date à laquelle les Ramondou cédèrent le fonds à un restaurateur, boulanger de son métier, qui fit de mauvaises affaires, provoquant la dispersion des habitués.

Avant de clore ce chapitre, quelques lignes s’imposent quant à la personnalité de Ramondou:
Né en 1883, à Toulouse, on le trouve, dès 1909, comme metteur au point à la Société Gnôme et, comme tel, il soigne le moteur rotatif monté sur les aéroplanes de diverses marques. A ce titre, il participe à toutes les grandes manifestations aéronautiques de l’époque (grandes manœuvres et Circuit de l’Est en 1910, concours d’avions militaires en 1911, meetings aériens, etc.). Mobilisé en 1914, il est affecté au Camp retranché de Paris, puis à l’escadrille MF-22 avant sa mutation à Clermont-Ferrand où s’organise la fabrication de la série d’avions Breguet-Michelin.
La guerre terminée, il entre aux Ateliers d’Aviation Louis Breguet, à Villacoublay, comme chef d’atelier à la « Spéciale » dont nous avons parlé antérieurement. C’est là qu’il donnera toute sa mesure dans la préparation et la mise au point des prototypes et des avions destinés aux grands raids, dont dépendront les succès les plus retentissants de cette grande époque : Paris-Dakar, Paris-Tokio, Paris-Varsovie, Paris-Pékin, Paris-Omsk, etc.,  pour finir par le Point d’interrogation de Costes et Bellonte.
En 1930, il part chez Dewatine, à Toulouse, sur les instances de Marcel Doret, pour diriger la mise au point du Trait d’Union, qui devait s’abîmer dans l’Oural, entraînant la mort de LeBrix et Mesmin.
En 1933, il remonte à Paris, chez Caudron-Renault ( rattaché en 1937 à la S.N.C.A.N. lors de la nationalisation), où il assure la réalisation de la famille des avions racers conçus par un ingénieur de talent, aérodynamicien distingué universellement connu, Marcel Riffard, qui devait apporter à nos Ailes de prestigieux records et dont les inventions portent encore la marque sur les avions modernes.
Il était officier de la Légion d’Honneur en 1949 et mourut en 1951..






4 LA POPOTE DES AILES  

1927! C’est le rachat de l’Hôtel Moderne rue de Jouy à Viroflay par Henriette Puyade et son époux. Les débuts sont loin d’être brillants.
Antérieurement, Mme Puyade tenait un restaurant à Boulogne-Billancourt, où déjeunaient les ingénieurs des usines d’aviation et des fabriques d’équipements (Farman, Air-Equipement, etc.), dont Malfanti, dit Fanfan, représentant la société Air-Equipement auprès des constructeurs et des utilisateurs, ancien pilote de ligne estropié à la suite d’un accident aérien.
Un jour, descendant de Villacoublay, il s’arrêta à l’Hôtel Moderne pour prendre un pot. Oh! Surprise! il y trouva Mme Puyade.
«Tiens dit-il, que fais-tu ici? Eh bien répondit-elle, nous avons repris ce restaurant, mais la Maison est tombée et nous avons bien du mal à relancer l’affaire».
Fanfan battit le rappel auprès de ses relations à Villacoublay, tandis que Mme Puyade, parallèlement, avait sollicité l’aide de Mme Ramondou qui, très aimablement, s’était mise à sa disposition quelques mois durant.
Petit à petit, la clientèle de Villacoublay redescendit à l’heure du déjeuner; la bonne cuisine et les attentions de l’hôtesse aidant, la maison refit surface.
Un premier banquet se situe en 1928 ; il avait pour objet de fêter le tour du monde que Costes et Le Brix venaient de réaliser à bord du Breguet Nungesser et Coli entre le 10 octobre 1927 et le 14 avril 1928. Il comptait 46 couverts et fit grand bruit à l’époque. La famille Ramondou était présente.
Il devait être suivi de bien d’autres agapes, au cours desquelles le record de 46 couverts fut largement battu ; l’ère des grands raids et des records mondiaux devait, en effet, nous fournir bien des occasions de réjouissances. Dans le langage courant, l’Hôtel Moderne était devenu «le Bistrot», tandis que Mme Puyade était baptisée «Mémère».
En1929, Le lieutenant Dantan, du C.E.M.A. (Centre d’Essais du Matériel Aérien), proposa pour le Bistrot le nom patronymique de «Popote des Ailes». Ce titre, moins prosaïque, eut le don de plaire et réunit l’unanimité dans l’enthousiasme.
Mémère, qui nous comblait de ses attentions et veillait avec un soin jaloux à notre confort alimentaire, n’avait rien à refuser à ceux qu’elle appelait «ses Petits», et qu’elle traitait comme ses propres enfants, l’enseigne fut bientôt mise à jour… et cela s’arrosa.
En 1930, à l’instigation de Gustave Lemoine, dit «Tatave», pilote d’essai aux Avions Potez et recordman du monde d’altitude avec 13.161 m, Mémère ouvrit un Livre d’Or.
La première signature fut celle de Dieudonné Costes, le futur vainqueur de l’Atlantique Nord dans le sens Paris-New York, suivie de celle de Codos. En équipage ils venaient de battre le record de distance (partis de Paris, ils s’étaient arrêtés à Rayak, en Syrie). Que de dédicaces ! Que de signatures illustres d’aviateurs du monde entier, de ministres, de sénateurs, de députés, d’artistes célèbres, ont remplis les feuillets suivants! Que de disparus aussi!
Vint la Seconde Guerre Mondiale avec l’armistice. Après celui-ci Maurice Claisse écrit: «Aujourd’hui 1er août, tout seul, je rouvre la Popote. Vivent les Ailes Françaises».
Le jeudi 12 septembre, première réunion: 11 signatures.
Puis c’est la mise en sommeil longue!... longue! Mémère s’éclipsa et se retira à Michery (Yonne), son village natal.
Quatre ans plus tard, le 1er août 1944, Mémère colle la photo de Maurice Claisse et inscrit dessous: «Colonel Claisse, des F.F.L., retour d’Angleterre».
Le 12 septembre 1944, on lit ces lignes suivies de nombreuses signatures: «La première vraie Popote après la Libération: le souvenir des Disparus si chers, le plaisir de retrouver les gueules amies et la joie de voir la Mémère rester notre Mémère et nous accueillir».
En 1955, Mémère, fatiguée, met la Popote en gérance; elle la vend en 1957. Elle s’était retirée à Michery.
L’affaire continua à tourner jusqu’en 1964 , date à laquelle elle fut à nouveau mise en vente; puis elle passa entre les mains d’une série de propriétaires, subissant plus ou moins d’aventures, dont la plus grave fut sa fermeture en 1983.
Le 2 octobre 1969 avait eu lieu le repas du quarantenaire de la Popote des Ailes (nous rappelons que c’est en 1929 qu’elle avait reçu ce nom de baptême). M. et Mme Puyade étaient invités, et Micheline Sandrel avait fait un enregistrement remarquable qui fit l’objet d’une émission télévisée.
En 1985, la Popote rouvrit ses portes. La tradition s’y poursuit : les anciens, auxquels se sont joints de moins anciens assurent la relève, s’y retrouvent le premier jeudi de chaque mois ; chansons et belles histoires s’y entendent à nouveau, dans cette même salle qui nous fut réservée jadis ; les murs sont à nouveau revêtus des photos dont chacune avait été dédicacée à Mémère (photos qui avaient un jour disparu, puis furent récupérées non sans mal)
Le 15 juin 1985, une plaque commémorative, apposée sur le mur de façade, a été dévoilée en présence de M. Wagner, sénateur maire de Vélizy-Villacoublay, de M. Martin maire de Viroflay et du colonel commandant la Base Aérienne de Villacoublay représentant le général commandant la 2ème Région Aérienne. Elle rappellera au passant ce haut lieu de l’Aviation que fut Villacoublay, comme celui de ceux qui y préparèrent l’Aviation d’aujourd’hui.
Depuis sa réouverture et par suite de la vente et de la transformation en appartements du restaurant de la rue de Jouy, les membres de la Popote des Ailes se retrouvent traditionnellement, à 12 h 30, chaque premier jeudi du mois, à la Chaumière, 3 avenue de Versailles à Viroflay.
Depuis cinq ans qu’elle existe, la «Popote des Ailes» n’est pas seulement devenue le restaurant de l’aviation; elle a créé un milieu. Ses hôtes ordinaires viennent d’un peu tous les aérodromes. Il y en a de Villacoublay, d’Orly, du Bourget, de Buc, de Toussus le Noble. Vous y rencontrerez des pilotes d’essai, des pilotes de ligne, des pilotes militaires, même des pilotes qui, depuis longtemps, ne volent plus. Vous y trouvez des moniteurs, des ingénieurs, des metteurs au point, des fonctionnaires, des industriels. Et tout ce monde se connaît, se tutoie, se chamaille sans cesse, obéit, chaque jour, à un devoir dont il se fait une joie.
Le cadre? Imaginez, au bout d’un jardin sans prétention, une grande salle aux murs tapissés de photos, de dessins, de caricatures, vrai palmarès d’appareils, de pilotes, de mécanos; tous les visages et toutes les écritures, les serments d’amitié, les traditionnelles plaisanteries. Au plafond, une hélice qui semble immobiliser un moteur invisible. Et quand on vous sert, regardez bien votre assiette ; elle porte un monoplan, comme une invitation au voyage.
Mais je ne vous aurais rien dit de la «Popote des Ailes» sans évoquer son atmosphère. Le cafard n’y est pas seulement inconnu, comme la mauvaise chère. On y mène grand tapage; on ne s’y embarrasse pas de formules; on y clame sans vergogne ce qu’on se contente, ailleurs, de murmurer. Le philosophe n’y verrait, sans doute, que des âmes à nu; pour moi, c’est toute l’aviation qui s’y révèle, sa cordialité, sa franchise, sa foi en elle-même, son acharnement à déborder son cadre, à forcer le réseau des traditions qui l’enserrent, la réduisent à n’être souvent que ce qu’elle est. On n’y est pas méchant; on n’y est pas toujours juste. Mais on y aime passionnément son métier, avec ses dangers, ses travers, ses incertitudes. L’homme de l’air continue d’y vivre, en toute liberté, comme là-haut.

Maintenant, Mme Puyade, patronne improvisée maman, me montre le livre d’or de la maison. Elle en effleure les pages. Je ne sais qu’un bibliophile de vieille souche pour avoir tant de respect, tant de piété. En ces dédicaces, ces parafes, ces paradoxes, ces caricatures, voire en ces quatrains, c’est un chapitre de l’histoire de nos ailes que je lis.
Voici Costes, dont je vous dirais bien l’inscription si elle était en latin. Doret, Détroyat, Pelletier-Doisy, Réginensi, Haegelen, Codos, Bellonte, Bathiat, Malfanti, Lemoine, recordman actuel de l’altitude, Fickinger, dit fifi, l’enfant terrible de Villacoublay, Carniaux,Barbot,Paulhan, Maryse Hilsz, qui dessine un cœur; Lena Bernstein, qui, disciple de Foujita ou d’Hokusai, fait de la miniature japonaise… Rien de plus ingénu, sans doute,que cette tradition du livre d’or par l’image ordinaire qu’elle nous offre de ses signatures ; mais aussi rien de plus émouvant, quand les noms qu’on y voit tracés n’ont déjà plus que la couleur du souvenir. Le Brix, Bucquet, Villechanoux, Lalouette, Paillard, Baptiste, ont appuyé leur plume sur ces pages. Voudrais-je me les représenter que ces quelques traits à l’encre noire me parleraient déjà d’eux. Mais je n’ai qu’à regarder Mme Puyade, je n’ai qu’à l’entendre me dire de chacun: «Mon pauvre petit!», et je sais pourquoi elle les aime, par quels signes plus simples que leur gloire ils vivent encore dans son cœur.

GRANDEUR ET SERVITUDE DE L’AVIATION par Maurice BOURDET - 1933






Henriette Puyade 


Si l’origine du premier rassemblement des navigants de Villacoublay à la maison de Viroflay revient, nous l’avons vu, à Mme Ramondou et tint bon pendant cinq ans, c’est à Mme Puyade que l’on doit la création de la Popote des Ailes, à laquelle elle a d’ailleurs consacré trente années de sa vie.
Ce fut une femme extraordinaire de bonté et de dévouement. Si la grande famille des anciens des essais en vol était déjà empreinte d’une franche camaraderie, il n’en est pas moins vrai que Mme Puyade sut maintenir cet état de choses «qu’aucune différence ne les séparât jamais », tous étaient simplement des aviateurs qu’elle réunissait sous le vocable «ses petits».
Elle les accueillait comme ses fils, sachant tenir leur moral dans les moments les plus douloureux, soulageant les infortunes, entourant de son affection veuves et orphelins.
La salle à manger, à eux réservée, était tapissée de leurs photographies, celles des Disparus occupant les rangs supérieurs. Ainsi chacun vivait, face au destin, dans le souvenir de ceux qui n’étaient plus.
Quand l’un d’entre eux tombait en service aérien, elle, que sa bonté légendaire avait fait appeler «Mémère», assistait aux obsèques ; elle versait toutes les larmes de son corps en suivant la dépouille du «Petit» qui s’en était allé au Paradis des aviateurs. Mais jamais elle ne ferma la Popote le jour d’un enterrement: la vie continuait, il fallait garder haut le moral, et elle y tenait la main.
Sachant prendre part aux échecs et aux deuils, elle savait aussi partager joies et succès. Qui de ceux qui les ont vécus pourrait oublier les banquets qui suivaient les grands raids, les records, l’attribution d’une croix de la Légion d’Honneur ou d’une Médaille de l’Aéronautique. La table était joyeuse, toujours bien garnie, la cuisine excellente, les prix plus que modiques. Jamais elle ne réclama la note à la famille d’un défunt. La pauvre Mémère ne fit pas fortune.
Douée d’une intelligence et d’une finesse d’esprit qui n’avait d’égale que sa simplicité, elle avait des réparties naturelles pleines d’humour. Ali Khan vint un jour à la Popote; pour la taquiner, on lui demanda sous quel vocable elle allait l’appeler: Majesté? Excellence? Elle répondit: «Pour moi ce sera "Mon Petit" comme les autres». Ainsi fut dit, ainsi fut fait. Ali en fut ravi.
Son dévouement à l’aviation lui avait valu la Médaille de l’Aéronautique. Elle la reçut, le 14 janvier 1949, des mains de Clostermann (grand as de la
guerre 1939-1945) avec la mention suivante:


«A fondé la Popote des Ailes en 1929. Depuis vingt ans, s’est consacrée entièrement au bien-être du personnel navigant d’essai, à qui elle n’a jamais cessé de témoigner un dévouement sans égal.
En toutes circonstances, même les plus douloureuses, elle a toujours su être présente non seulement en apparence, mais avec son cœur. Elle a pleinement justifié son titre de «Mémère» qui l’a rendue célèbre dans toute l’aéronautique. Les services qu’elle a rendus pour maintenir l’allant et la bonne humeur dans un métier difficile et dangereux valent largement cette distinction.».

Quand on lui apprit qu’elle allait recevoir cette distinction, elle crut tout d’abord à une plaisanterie, grande fut son émotion quand elle réalisa.

Comme nous l’avons vu précédemment, c’est en 1930 qu’elle ouvrit un Livre d’Or. Tous ceux qui sont passés à la Popote y ont déposé dédicaces, poèmes, dessins et signatures. Les plus grands noms de l’Aéronautique mondiale, voire même les cosmonautes d ‘Apollo XI, y sont couchés. De grandes vedettes du théâtre et de la chanson y ont marqué leur passage; des ministres, des députés, de grands chefs militaires. Tous goûtaient à la Popote cette chaleur humaine qui se dégage de la grande famille de l’Air, que Mémère savait si bien cultiver.
Son Livre d’Or fut son compagnon jusqu’à son dernier souffle, le lisant, le relisant chaque jour. Véritable chapitre de l’Histoire de l’Aviation, aujourd’hui au Musée de l’Air, grâce à notre ami Jean-Marie Imbert qui en était dépositaire.
Au mois d’août 1976, Mémère perdit le compagnon de sa vie. Toute jeune, elle l’avait épousé. Ensemble ils avaient parcouru un long chemin parsemé d’épreuves.
Vingt ans durant, avec un courage et une abnégation qu’on ne saurait trop admirer, ils avaient gravi un douloureux calvaire en élevant un fils que la nature avait marqué dès la naissance et que la mort leur ravit.
Le départ de monsieur Puyade, «Pépé», fut un choc, cette fois trop dur à surmonter. Elle ne put s’en relever.
Le 17 janvier 1977, aux premières heures du jour, sa belle âme s’envolait pour rejoindre celles de ses «enfants» qui l’avaient devancée dans l’éternité.
Le 20 janvier, ses obsèques se déroulèrent –ô combien émouvantes dans leur simplicité!– en l’église de Michery (Yonne) où Monsieur le Curé de la paroisses le Père Verger, aumônier de l’Air, surent donner à la cérémonie une atmosphère de pieux recueillement et d’impressionnante grandeur. Le Père Verger, en une magistrale homélie, et avec tout son cœur, exprima ce que Mémère avait été pour «ses fils» et pour l’Aviation.
Les fleurs, envoyées par les «Ailes Brisées», les «Vieilles Tiges», les «Vieilles Racines», encadraient le cercueil, sur lequel le général d’armée aérienne Pierre Bodet déposa la palme des Vieilles Tiges. L’Aéro-club de France était représenté par son Président le colonel Dupérier, ancien de l’Escadron Normandie-Niemen.
Sur le chemin du cimetière,la Médaille de l’Aéronautique était portée par Georges Detré, la palme des Vieilles Tiges par Maurice Claisse, tous deux anciens pilotes d’essais et détenteurs de records mondiaux.
J’eus l’honneur de rendre à Mémère un dernier hommage, m’exprimant en ces termes:

Adieux à Mme PUYADE
NOTRE «Mémère» de la Popote des Ailes

Oh ! l’amour d’une Mère, amour que nul n’oublie,
Pain merveilleux qu’un Dieu partage et multiplie,
Table toujours servie au paternel foyer
Chacun en a sa part et tous l’on tout entier

Victor Hugo, Mémère, eût-il pu te connaître,.
Qu’il n’eût jamais écrit autre quatrain pour toi.
Du fond de notre cœur rien ne peut disparaître
De l’amour que, pour nous, tu nourris avec foi.
Oui, tu fus notre Mère, seconde Maman,
Qui partagea toujours et nos joies et nos peines,
Nos succès, nos revers : beaux souvenirs d’antan !
Nous étions tous à toi, sans préférence aucune ;
Ta bonté légendaire avait conquis nos cœurs.
Tu sus, en bien des cas, soulager l’infortune,
Etre le réconfort de tes aviateurs.
Tu nous consacras trente années de ta vie,
Où chaque jour, pour nous ta table fut servie.
De chacun d’entre nous tu servais le régime
Et tu n’en tolérais écart, même minime.
Tu connus les grands de l’Aviation
(De France, d’Amérique, d’Albion et d’ailleurs,
Des Essais, de la Ligne, des raids la légion,
Ministres, Députés, Généraux des meilleurs)
Dont ton beau Livre d’Or est le vivant témoin,
Le lire, le relire fut ton ardent besoin ;
Il fut ton compagnon jusqu’à ton souffle ultime,
Ton bréviaire, ta joie et ton amour sublime.

Tu rejoins aujourd’hui tous nos grands disparus,
De t’accueillir, Mémère, ont les sent tout émus,
Quant à nous, survivants d’une époque héroïque,
Nous gardons en nos cœurs ton souvenir pieux,
En attendant qu’un jour, ô vision magnifique !
Tes fils, autour de toi, soient unis dans les cieux.

G. DECOOP





6 Les Présidents successifs de la Popote  


-Georges Détré, vainqueur de la Coupe Suzanne Deutsch de la Meurthe et pilote d’essais aux avions Henry Potez, arrivé à la Popote en 1933. Il est le premier président en titre, assisté de présidents occasionnels: Marcel Haegelen, as aux 24 victoires homologuées en 1914-1918, pilote d’essais chez Hanriot, et le commandant Cannone, directeur des vols à Villacoublay de la future Ecole de l’Air (alors à Versailles). Il passe en zone libre en 1940.
-Camille Leplanquais, ancien ingénieur navigant à la compagnie aérienne et directeur des essais aux avions Henry Potez, lui succède.
-En 1945, Leplanquais, nommé directeur de l’usine de Sartrouville à la S.N.C.A.N. ? passe la main à Albert, ingénieur chez Caudron-Renault.
-A la mort d’Albert, en 1954, Leplanquais reprend la présidence.
-A la mort de Leplanquais, en décembre 1979, Georges Détré reprend la présidence.
-A la mort de Détré, le 19 avril 1987, à la demande du général Bodet, le Colonel René Gervais, ancien pilote d’essai au C.E.V., Compagnon de la Libération, lui succède 
-A la mort du colonel Gervais le 22 octobre 1997, le colonel Louis Bourgain, ancien pilote de Hallifax au groupe 2/33 (Guyenne) pendant la guerre 1939/1945, prend la présidence.
-A la mort de Louis Bourgain, le 28 avril 2000, le comte Raymond de Philip, commandant de bord à Air France retraité, prend la présidence.



A la popote, chaque jour, à midi, la bonne patronne compte avec angoisse ceux qui entrent.
A Chaville, à table avec les pilotes d'essais

LA POPOTE DES AILES Roger Labric  source


PILOTES D'ESSAI 


1935
Roger Labric
La Popote des Ailes
Boum! Voilà Nectar!
La crème de Baptiste
La belote, "sport préféré"
Jours de gala 
Souvenirs tristes 
Le livre d'or

 le texte  de "L'Aéro" du 20 septembre 1935







Ci-dessous, le texte


Popotes d' aviateurs 
Journal "L'Aéro" du 20 septembre 1935 
A Chaville, à table avec les pilotes d'essais Par Roger Labric  (Rédacteur en chef de l'Aéro et  Aviateur de 14-18)














































































 
Comme il redescendait d'un bond à huit mille, avec un avion de chasse argenté, Marcel Doret, tout en quittant son harnachement de bord et ses cuirs, proposa: 
 - On déjeune ensemble? 
 Le vaste aérodrome d'essais était devenu désert et silencieux. C'était l'heure de midi et le calme des champs nous environnait soudain. Seuls des papillons voletaient sur la piste. Quelques avions de série sortant de l'usine restaient alignés devant les hangars, mais avec l'hélice au repos; c'était le travail de l'après-midi, essais et réceptions. 
 Je questionnai Doret: 
 - Tu dois revenir ici tantôt? 
 Le chef pilote me désigna un hangar plein d'avions neufs: 
 - Nous avons du pain sur la planche! 
 Le pauvre Le Brix, s'occupant à l'époque de préparer le raid vers Tokio et qui venait d'arriver, accepta lui aussi l'invitation et nous descendîmes, tous trois, sur Chaville, vers la Popote des Ailes.    
La Popote des Ailes 
 Imaginez un de ces petits restaurants de banlieue, avec un bout de jardin, qui conduit à une grande salle pour noces et banquet.  Rien ne manque dehors: la balançoire, les boules, le jeu de tonneau ; ni dedans où le piano descend d'un demi-ton tous les six mois.  On y accède, en venant de Villacoublay, par une petite route qui traverse les bois de Chaville, dégringolant du plateau en une bonne descente, avec deux lacets simili-montagne! 
 La Popote des Ailes offre sa devanture de bistro peu avant d'arriver au pont du chemin de fer de la ligne des Invalides-Versailles et, selon le nombre de voitures alignées dans la rue de Jouy, on peut juger du nombre de convives. C'est Mme Ramondou, les pilotes l'appellent encore Maman Ramondou (elle est la femme du réputé mécanicien-metteur au point des avions de Costes), qui créa la Popote des Ailes. Maman Ramondou sut créer l'atmosphère entre pilotes civils et militaires; elle sut aussi leur faire de bons plats et pas chers! 
 On mange à Chaville pour 12 francs, vin compris, et Mme Pouyade qui, depuis plusieurs années a succédé à Maman Ramondou, a su maintenir la tradition et les prix. 


Boum! Voilà Nectar!  

 Nous étions à table depuis un bon quart d'heure et le déjeuner se poursuivait joyeux, comme tous les déjeuners de la Popote de Chaville. Le grand maître des cérémonies, le colonel Canonne avait demandé le "bénédicité", et, tandis qu'on faisait passer les plats, je regardais les photos pendues au mur. Thierry, Fronval, Léna Bernstein, tant d'autres, disparus. 
 Soudain, une voix annonça: 
 - Boum! Voilà Nectar! 
 Et ma foi, le seigneur Pouyade entrant à l'instant même, ses flacons de blanc et de rouge pendus à chaque bras, ses "fines bouteilles", comme dit Fickinger, avaient bien tout de "l'envoyé spécial" de chez Nicolas. 
 Autour de la grande table, ce jour-là, que de visages sympathiques! Tous les pilotes d'essais: Maryse Bastié, Haegelen, Delmotte, Lemoine, Périot, Lepreux, Fickinger, Desjobert, Baptiste, Malfanti, etc, des militaires de la technique: Canonne, Le Brix, de Fonds-Lamothe, Moutonnier, Discours, etc. 
 Que de "discutages de coups", que d'histoires gaies! Le temps passe avec une rapidité foudroyante à la Popote des Ailes, où la bonne humeur de tous n'égale que leur bon appétit. 
 Comme disait Marcel Doret en piochant dans les hors-d'oeuvre: "Ca creuse, deux grimpettes dans la matinée." 

La crème de Baptiste   

 Un jour de gala - c'était un vendredi, et l'on fêtait quelques croix de la Légion d'honneur bien placées chez les pilotes d'essais - Mme Pouyade, à cette occasion, avait mis les petits plats dans les grands. Il y avait des "invités", quelques confrères de la presse parisienne et aéronautique, dont Maurice Bourdet, Houard, Peyronnet de Torrès et autres. L'ambiance y était plus que jamais. 
 Vers la fin du repas, un coup de téléphone fit bondir le jeune Baptiste à l'appareil. Il y avait une mission siamoise sur le terrain et il fallait que Baptiste fasse une présentation d'appareils. 
 Au même instant, on servait une crème délicieuse dont le jeune pilote était très friand. Résigné, mais le devoir passant avant tout, il lorgna de côté, vers la serveuse et, pliant sa serviette, il lui fit cette importante recommandation: 
 - Angèle, ma jolie, je monte au terrain, je n'en ai pas pour longtemps, mais surtout mettez ma crème de côté! 
 Puis il redescendit une heure plus tard, le visage boursouflé par le froid des hautes altitudes, ayant volé sur trois appareils différents. On avait desservi la table et c'est le phonographe maintenant qui avait la parole. 
 Baptiste, sans plus penser au dur métier des ailes, redevenu seulement un grand enfant gourmand, appela la serveuse: 
 - Angèle, ma crème!

La belote, "sport préféré"  

 Après le repas, lorsque le temps est mauvais, que les vols sont impossibles là-haut sur le plateau, on se distrait comme on peut à la Popote des Ailes. 
 Il y a le billard russe et surtout la "belote". C'est le sport préféré des pilotes, lorsque le vent hurle dans la cheminée ou lorsque la pluie tambourine sans répit sur les carreaux. Il y a le dernier mille parole d'honneur. 
 Je ne parle pas des artistes de la Popote, car il y a les choeurs et les individuels. La direction des choeurs fut confiée de tout temps au jovial Canonne; quant aux jolies chansons, on les réclame, les jours de liesse, tout spécialement à Fickinger et à Lepreux, duettistes par excellence. 

Jours de gala
  
 La Popote des Ailes a connu des jours de gala. Toute l'aviation s'y donnait rendez-vous, et la mauvaise humeur et le mal au foie devaient être laissés au vestiaire en entrant. 
 Ne croyez pas cependant que ces réunions cordiales et fraternelles tournent à l'orgie de Babylone. Les pilotes aiment la gaieté, mais sans plus. Chacune de ces petites fêtes organisées à la Popote de Chaville a laissé l'empreinte d'une réunion charmante au cours de laquelle les aviateurs d'essais resserraient davantage les liens d'étroite camaraderie qui n'ont jamais cessé de les unir. 
 On aimerait seulement que dans toutes les spécialités de l'aviation il y ait autant de franchise joyeuse et de bonne humeur. 

Souvenirs tristes  

 C'était en 1933. Nous finissions de déjeuner, hâtivement même, car M. Cot, alors ministre de l'Air, avait manifesté le désir d'assister à plusieurs démonstrations d'avions nouveaux, de différents types, sur l'aérodrome de Villacoublay. 
 La plupart des pilotes nous avaient devancés au terrain et nous arrivâmes là-haut juste pour voir décoller Baptiste, l'habile réceptionnaire des avions Bernard, sur un appareil de tourisme. 
 Animé du bel esprit de la corporation, il s'acharna à obtenir le meilleur rendement de sa machine et après un piqué plein gaz suivi d'une courte ressource qui devait précéder un palier exécuté tout juste devant les personnalités présentes, nous vîmes avec horreur son aile gauche se replier et son avion percuter à plein moteur sur le toit d'un des hangars qui longe la petite route qui va des hangars Nieuport vers le séminaire. 
 Ne revenons pas sur les circonstances de ce coup dur mais souvenons-nous que le même jour, c'est-à-dire vingt minutes après exactement, le jeune Paulhan, effectuant une manoeuvre à peu près identique, mais avec un avion de chasse, sentait tout à coup ses ailes osciller dangereusement, puis ses ailerons se briser en l'air, rendant pour lui toute manoeuvre impossible. 
 C'était la chute terrible, inévitable. Nous étions là sur le terrain, tout imprégnés de l'horreur du premier accident et chacun d'entre nous, figé d'angoisse, ferma les yeux. Heureusement, René Paulhan, manoeuvrant une fois de plus comme un "as", risqua une chandelle héroïque et se dégagea en parachute. La catastrophe était évitée. 
 En repartant de Villacoublay, j'ai pensé ce jour-là, plus que tous les autres jours, aux risques formidables que courent les pilotes d'essais! Et je revois encore le bon Baptiste et le calme petit Paulhan aux prises, une heure peut-être avant tant d'angoisse, avec leur contre-filet madère! 
 Si l'on rit souvent de si bon coeur en bas, à Chaville, on pleure parfois, là-haut, sur le plateau où s'ébrouent les grands oiseaux mécaniques. 

Le livre d'or  
 Je suis retourné ces jours-ci à la Popote des Ailes et Maman Pouyade m'a montré son livre d'or. C'est un document précieux auquel elle tient comme à la prunelle de ses yeux.  Comme je la comprends! Que de signatures héroïques, que de phrases simples, charmantes, spontanées jaillissent sur ces pages qui ravivent tous les souvenirs de l'épopée grandiose des pilotes d'essais! 
 Aujourd'hui les "civils" restent les seuls à la Popote des Ailes, les militaires ont émigré sur l'aérodrome de Villacoublay où, près de la Technique, ils ont leur popote à eux.  Ca a fait un grand vide, car tous ces hommes, sans distinction de fonction, de grade ou d'uniforme avaient, pour vivre chaque jour la même vie et courir les mêmes risques, appris à s'aimer fraternellement, comme en escadrille. 
 On ne se quitte pas comme ça après quinze années passées autour de la même table!   










***Président : Raymond de PHILIP. Association de fait. Loi de 1901 Amicale fondée en 1929. 

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