Antoine
de Saint Exupery:
Les pilotes de l’Aéropostale
cherchent depuis dix ans, sur 20.000 km de long, entre Toulouse et le
détroit
de Magellan, un petit bistro qui soit un oasis, où l’on se retrouve en
famille et où l’on rêve de revenir. Je crois l’avoir trouvé chez la
mère
Puyade et je le signale aux camarades Guillaumet, Mermoz, Antoine,
Reine,
Dubourdieu etc. , signeront ici à leur tour et y perdront, à leur tour,
au
poker d’as…bien contents de perdre et d’offrir à boire à une si
charmante patronne et à de si charmants camarades.
N. B. Je crois que j’ai gagné, c’est pour ça que je suis si content.
écrit
avant 1936 relevé par Raymond de
Philip
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Extrait
de GRANDEUR ET SERVITUDE DE L’AVIATION par Maurice BOURDET -
1933
Vous y rencontrerez des pilotes d’essai, des pilotes de ligne, des
pilotes militaires, même des pilotes qui, depuis longtemps, ne volent
plus. Vous y trouvez des moniteurs, des ingénieurs, des metteurs au
point, des fonctionnaires, des industriels. Et tout ce monde se
connaît, se tutoie, se chamaille sans cesse, obéit, chaque jour, à un
devoir dont il se fait une joie.
Le cadre ? Imaginez, au bout d’un jardin sans prétention, une grande
salle aux murs tapissés de photos, de dessins, de caricatures, vrai
palmarès d’appareils, de pilotes, de mécanos ; tous les visages et
toutes les écritures, les serments d’amitié, les traditionnelles
plaisanteries.
Mais je ne vous aurais rien dit de la « Popote des Ailes » sans évoquer
son atmosphère. Le cafard n’y est pas seulement inconnu, comme la
mauvaise chère. On y mène grand tapage ; on ne s’y embarrasse pas de
formules ; on y clame sans vergogne ce qu’on se contente, ailleurs, de
murmurer. Le philosophe n’y verrait, sans doute, que des âmes à nu ;
pour moi, c’est toute l’aviation qui s’y révèle, sa cordialité, sa
franchise, sa foi en elle-même, son acharnement à déborder son cadre, à
forcer le réseau des traditions qui l’enserrent, la réduisent à n’être
souvent que ce qu’elle est. On n’y est pas méchant ; on n’y est pas
toujours juste. Mais on y aime passionnément son métier, avec ses
dangers, ses travers, ses incertitudes. L’homme de l’air continue d’y
vivre, en toute liberté, comme là-haut. |