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Le rendez-vous avec le Géant de Provence, le Mont Ventoux, du 06 JAN 1947  

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Un récit qui, victime de l'imagination de chaque conteur, était devenu une légende...  le JU 52 (tante Julie ***) en vol s'immobilise dans la neige.... Mince !!! 
                                                                              Par Guy Collin, le radio de l'équipage                 

début   ... décollage de Marseille    

 
J'en accusai réception et m'entretins avec le pilote de l'incohérence des relèvements. Nous étions à 1800 mètres, toujours dans la crasse, subissant une turbulence moyenne, et dans cette situation, il n'est pas possible de se sentir déporté vers les montagnes plus hautes. Or, si le dernier QDM  était exact, nous étions à droite de la route à suivre.   CARTE   
Sans tarder, je transmettais à nouveau pour obtenir un relèvement de Montélimar, le doigt sur le manipulateur et le casque sur les oreilles, quand je perçus une discussion entre le pilote et le mécanicien suivie d'un vombrissement des moteurs, puis un choc assez brutal. Je n'avais pas fini de transmettre !!! 
Que s'était-il passé, Le pilote, inquiet des informations disparates que je lui avais communiquées, s'était concentré à guetter une éclaircie ou un trou dans la couche nuageuse quand il aperçut soudain, comme un éclair, à quelques dizaines de mètresAccident du F-BBYK.Epaisseur
                    de la neige: 1 m 50 plus bas, des signes qui ne laissent aucun doute sur la présence du sol. Il hurla au mécanicien de dégager la butée limitant la course des manettes des gaz et il mit la puissance des moteurs tout en amorçant un virage à gauche et en tirant sur le manche afin de se dégager de cette situation inconfortable. 

Trop tard! Le train fixe est venu s'enfoncer dans la couche neigeuse, puis ce fut le choc et le silence. Il fallait se rendre à l'évidence: un vol se termine toujours au sol. 

A part le pilote qui s'était fendu la lèvre en rencontrant de trop près le tableau de bord, nous étions tous les trois indemnes et je pus ouvrir la porteAccident du F-BBYK.
                      Altimètre de bord 1800 m. Mont Ventoux 1909 m située sur ma droite, à coté du SARAM qui semblait encore fonctionner. Nous nous sommes retrouvés à l'air libre, enfonçant les jambes dans la neige, un peu sonnés, mais pris tous les trois d'un fou rire interminable à l'idée de s'en être sortis aussi miraculeusement.  
Le lecteur peut découvrir sur la photo ci-contre, prise deux jours plus tard, ce que nous avons constaté en faisant le tour de l'appareil: le JU-52, presque intact, reposant sur le ventre dans une pente enneigée. Le train et les deux moteurs latéraux avaient amorti  le choc en s'arrachant, et l'hélice du moteur central était un peu tordue.    
  
Il était 15 heures et il fallait s'organiser, perdus comme nous l'étions dans la neige, le froid, le vent et le brouillard. 

En pénétrant à nouveau dans le poste de pilotage, j'ai constaté que la cloison de séparation avec la cabine m'avait évité, en se déformant, de recevoir tout le chargement sur le dos. J'ai essayé d'envoyer un SOS sur 500 Khz et sur 2182, mais l'émetteur 3/11 ne fonctionnait plus. Après avoir déroulé au-dessus du sol l'antenne pendante dont le pilote tenait l'extrémité à une quarantaine de mètres de l'appareil, j'ai utilisé le deuxième ensemble émetteur/récepteur 0/12 pour transmettre un message décrivant la situation (sans donner de position précise et pour cause!). Une série de traits continus permettrait peut-être de nous faire relever par une station. Mais aucun accusé de réception. J'interrompais de temps en temps pour permettre au pilote de revenir se réchauffer un peu. Après 7 ou 8 tentatives, malgré mon souci de vérifier la fréquence d'émission sur le récepteur 3/11, nous avons dû interrompre nos essais vers 16 heures. La visibilité n'était plus que de quelques mètres et il n'était pas question de partir à l'aventure, à pied dans la neige profonde et sans rien voir. 
En remettant un peu d'ordre dans les colis que transportions, nous avons découvert  -la Providence était vraiment avec nous- des cache-nez en laine et des vestes en peaux de mouton. 
Un coup d'oeil rapide sur l'émetteur principal nous permit de retrouver des connexions qui n'avaient pas supporté le choc ainsi que des fusibles sautés. Une réparation sommaire les remit en état. De sorte qu'après un frugal repas composé de dattes, d'oranges et de muscat achetés à Casa, nous avons repris vers 21 heures les émissions radio. Peut-être, à cette heure, la propagation serait-elle meilleure et le réseau moins encombré. Il fallait tenter toutes les chances et nous avions eu jusqu'à présent, pour être entendus. Malheureusement la batterie s'était déchargée, il y avait à peine 1,5 A dans l'antenne, et nous avons émis sans résultat... Il ne restait plus qu'à chercher le sommeil, bien emmitouflés à l'intérieur de l'appareil. 
Dés le lever du jour, nous avons découvert un autre univers: le ciel était clair et le soleil réapparaissait: les meilleurs conditions pour tenter une échappée. 
Les réactions humaines sont parfois curieuses: voulant emmener avec nous nos valises, nous avions confectionné un traîneau avec des bouées de sauvetage. Inutile de préciser qu'enfonçant dans la neige jusqu'au ventre, nous n'avons pas poursuivi très longtemps notre improvisation. 
Nous avons d'abord suivi ce qui aurait pu être un chemin recouvert par la neige, mais au bout de quelques temps, nous nous sommes rendu  compte que ce n'était pas la bonne direction. Il fallu rebrousser chemin et repartir d'une façon plusEquipage et deux membres
                      de la station météo située au sommet du Ventoux professionnelle à l'aide du compas de l'avion que le mécanicien avait démonté. 
Après plusieurs heures de marche, nous avons croisé un météorologue de l'observatoire du sommet qui avait été chercher son courrier à ski, puis la caravane de secours, quelques kilomètres avant Sainte Colombe. C'est ici que nous avons pu déjeuner, et par la suite les gendarmes nous ont conduits en voiture jusqu'au plus proche village de Bédouin. La caravane de secours nous a alors donné des détails sur les recherches dont nous avions fait l'objet: malgré l'alerte donnée par la base d'Istres, après la perte de communication, les recherches n'avaient pu être entreprises dans la soirée à cause des mauvaises conditions météo. Ce n'est qu'au matin qu'un chasseur de la base aérienne a repéré l'épave à 100  mètres environ du sommet; Son rapport était laconique: "des traces autour de l'avion mais aucun signe de vie". Un DC 3 d'Air France assurant la ligne Nice-Paris avait aussi confirmé la positionLe fret fut ramené dans la
                      vallée par une trentaine de prisonniers allemands du "crash". 
L'avion séjourna plusieurs semaines dans la neige avant que le matériel récupérable soir démonté et descendu dans la vallée, sa carcasse, elle, est restée sur place pendant plusieurs mois. 
  *** "Tante Julie" ou "Tante Ju", était le surnom officiel du Junkers Ju 52/3m. Quelquefois appelé aussi la "vieille tante"  (liste)   retour dans le texte  

FIN  Le rapport de la Commission...  

 La même année, dans la nuit du 4 au 5 août 1947, une autre tante Julie, mais celle-là de la postale de nuit, le  F-BANB, qui effectuait la Ligne Nice-Marseille-Lyon-Paris, prise dans un orage en approchant de Marignane percute la Sainte-Baume dans les environs d'Aubagne. Le pilote, Cahouet, le mécanicien Salle sont tués sur le coup. Le radio Ducoudray, éjecté de l'appareil, meurt quelques heures plus tard. Il peut auparavant éclaircir les circonstances de l'accident : la station au sol transmettait des QTE au lieu de QDM. Un accident que l'on aurait sans ce témoignage, attribué à une faute de l'équipage.  Paul Graugnard   
Les morceaux d'une épave trouvée récemment sur le massif de la Sainte Baume appartiennent-ils au F-BANB  ???    

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Quelques informations sur la JU 52 

En France, en 1941 un accord est trouvé entre le troisième Reich et les autorités Françaises. Les anciennes usines Amiot à Colombes construiront des Junkers 52 3m. 321 avions seront produits et remis à la Luftwaffe. Après la deuxième guerre mondiale, l'industrie aéronautique est à reconstruire, alors les avions capturés sont utilisés par l'Armée de l'Air française. Bien entendu, le Junkers 52 fait partie des avions récupérés, ces qualités n'étant plus à vanter les usines Amiot devenues Ateliers Aéronautique de Colombes vont continuer de construire les JU 52 sous l'appellation AAC-1 Toucan, 415 avions furent produits.  The Junkers Ju-52 History  ... en français  
* Amiot AAC.1 (Junkers Ju-52) 
*
Transports Aériens Intercontinentaux - TAI
Service de
Flight
Safety
Foundation
Remarque de Guy Collin: 
la Postale, Air France et la TAI utilisaient un modèle de Ju 52 différent. Ces appareils avaient été fabriqués en France pendant l'occupation et étaient équipés de moteurs Gnome et Rhone.

  Photo, Ju 52/3m/ CASA 352/ Amiot AAC.1 (?)  Portugal 
6323 A/c belongs to Transport Group based BA 3 Tancos. French-built Junkers Ju-52 variant. Photo 

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