Avant d'exercer la plus grande partie de ma carrière à
Air France, j'ai commencé à naviguer comme radionavigant à la T.A.I.
(Transports Aériens Intercontinentaux). Deux ans après la fin de la
deuxième guerre mondiale, cette compagnie disposait dans sa flotte d'un
avion de transport, conçu par l'Allemagne en 1932, et fabriqué en
France, le célèbre JUNKERS-52. C'était un trimoteur dont l'un des
moteurs en étoile ornait le nez. Son fuselage caractéristique en tôles
ondulées d'aluminium inspira plus tard les concepteurs de la 2CV
Citroën.
Le Ju 52 pouvait transporter 17 passagers ou être utilisé en cargo avec
une charge marchande de l'ordre de 3 tonnes.
C'est sur l'un de ces appareils cargo immatriculé F-BBYK qu'en janvier
1947 une liaison Casablanca, Oran, Marseille, Lyon (?) était effectué
par un équipage composé de trois hommes: le Commandant de bord TIREBOIS,
le mécanicien COLLET, et moi-même.
Le 6 janvier 1947 à 13h42, nous avons décollé de Marignane l'aéroport
de Marseille. Le service météo nous avait prévu un temps très nuageux,
avec un vent de secteur sud sur tout le parcours. Effectivement à 200
mètres, nous entrions dans les nuages et il était difficile d'apercevoir
les extrémités des ailes.
Avant de continuer le récit, je voudrais rappeler brièvement comment
s'effectuait la navigation de l'époque quand nous n'étions pas en vue du
sol. Les moyens radioélectriques étaient encore très limités et
les communications s'échangeaient en graphie en utilisant
l'alphabet Morse et le code Q. Afin de réduire au maximum les temps
d'émission des messages, un code international avait été créé en
remplaçant les phrases les plus couramment utilisée par des groupes de
trois lettres dont la première était "Q". Avec la disparition
de la graphie dans les communications air-sol, ce code est tombé en
désuétude, mais la coutume a subsisté encore de nos jours dans le
langage aéronautique.
Ainsi:
-QFU: orientation de la piste
-QNH: pression atmosphérique réduite au niveau de la mer
-QTE: relèvement vrai d'un avion par une station
-QDM: cap magnétique à suivre par vent nul pour rejoindre une
station
-QDR: relèvement magnétique d'un avion par une station.
Les émissions d'un avion étaient reçues par des stations au sol
équipées d'un radiogoniomètre généralement du type Adcock permettant
de détecter la direction de l'émetteur. Le relèvement ainsi obtenu
était alors transmis à l'avion, toujours en
graphie.
Sur note JU-52, nous ne disposions pas de radiocompas automatique dont
certains avions étaient déjà équipés. Le matériel utilisé se
réduisait à deux ensembles émetteur-récepteur à lampes, l'un pour
l'utilisation principale, le SARAM 3/11, l'autre en secours, le 0/12. Pas
d'antenne à fort gain, mais un enrouleur-dérouleur permettait du poste,
à travers le plancher, de faire traîner un câble métallique dont la
longueur pouvait être de plusieurs dizaine de mètres appelé
"l'antenne pendante". Gare à celui qui oubliait de la remonter
avant l'atterrissage !
C'est ainsi que j'ai transmis sitôt après le décollage le message de
départ et que six minutes tard, la station de Marignane me relevait sur
le QDR 326. Afin de se retrouver sur la route magnétique à suivre, une
correction de cap était effectué et j'attendais encore six minutes
pour émettre un nouveau message donnant mon altitude, 1100 mètres, et
mes conditions de vol dans les nuages. A 13h54, j'obtenais le : QDR 339
de Marignane. Sur cette même émission, la station de Montélimar
m'avait relevé, et me transmis le QTE 161. Ces lignes de position ne me
semblaient pas cohérentes, compte tenu de la faible dérive prévue,
confirmée par celle observée au départ. Nous n'étions alors qu'à
1200 mètres, il fallait lever l'incertitude, et je contactais
Montélimar à plusieurs reprises pour demander des relèvements:
à 14h00, je reçois le QDM 347
à 14h04, le QDM 347
à 14h05, le QDM 326 ! VOIR
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