
[1.-
Poids et Masse]
Question : Dans
votre réponse sur la tarification des
passagers lourds, vous avez écrit que cela
permettrait de ne pas dépasser le poids
maximum en kilos de l’avion au décollage. Ne
s’agit-il pas plutôt de la masse et non pas
du poids ?
Réponse : Effectivement, le
kilo est l’unité de masse. Il représente la
quantité de matière contenue dans tout objet
et cela quel que soit l'endroit où il se
trouve dans l'univers. Quant à l’unité de
poids, c’est le Newton (N). Il dépend de
l’attraction de l’astre sur lequel il se
trouve, appelée “g”. Ainsi, masse et poids
sont reliées l'une à l'autre par la relation
suivante : Masse = poids multiplié par “g”.
Sur notre planète, au niveau de la mer,
g=9,81 m/s².
Cela
étant, si dans les documents remis aux
équipages il est question de masse (il
existe un “devis de masse” et non plus un
“devis de poids”),
dans le langage courant, on ne fait pas la
différence entre ces deux termes et vous
entendrez plus souvent parler de poids de
vos bagages que de leur masse !

[2.-
Les “pleins de carburant”]
Question : J’ai
souvent entendu, pour justifier un retard
ou à bord, l’annonce de ne pas attacher
sa ceinture parce qu’on faisait “les
pleins de carburant”. Alors, au lieu de taxer
les surpoids, ne serait-il pas préférable de
limiter la quantité de carburant
embarquée ?
Réponse : Pour un avion, “faire
les pleins” est une expression découlant
probablement de celle utilisée pour une
voiture où, très généralement, lorsqu’on
s’arrête à une pompe à essence on refait le
plein du réservoir. En fait, il n’en est
rien !
Explication :
Un avion prêt à décoller ne doit pas dépasser
un poids maximum qui comprend le poids à vide
de l’avion, celui du carburant et celui de la charge
marchande embarquée (passagers,
bagages et fret).
Le poids à vide étant connu, il convient de
déterminer quelle est la quantité de carburant
à embarquer pour réaliser le vol.
C’est
le Commandant de bord qui choisi cette quantité. Pour ce
faire, il tient compte de l’existence d’une
quantité minimum réglementaire. Elle est
déterminée en fonction de plusieurs paramètres
(longueur du vol, altitude, force et
direction des vents sur le parcours, ...). Elle permet de
réaliser le vol jusqu’à la destination finale,
de rejoindre éventuellement le terrain de
dégagement choisi (vers lequel l’avion
se dirige lorsque celui de destination initiale
devient impraticable, par exemple à la suite
d’une dégradation des conditions
météorologiques),
et de disposer d’une quantité supplémentaire
en réserve. Le commandant de bord ne peut donc
pas choisir moins de carburant que cette
quantité minimum réglementaire. En revanche,
il peut l’augmenter pour disposer d’une
réserve d’attente plus importante à l’arrivée
à destination, pour, par exemple, pouvoir
attendre une amélioration des conditions
météorologiques.
À ce stade, le poids à
vide et le poids du carburant étant connus, il
en résulte que la charge marchande pouvant
être embarquée sur ledit vol sera celle qui
pourra être ajoutée pour atteindre le poids
maximum au décollage à ne pas dépasser.
Dans
le cas où cette charge est inférieure
à celle réelle à transporter, deux
dispositions sont possibles:
1.-
Débarquer (ou ne pas embarquer) dans un ordre défini,
du fret non urgent,…, des bagages,…, voire des
passagers.
2.- Embarquer toute la
charge marchande réelle, mais diminuer la
quantité de carburant, en ayant prévu une
escale technique (sur un aéroport le
moins éloigné possible de la route suivie) pour reprendre du
carburant en quantité suffisante pour terminer
le vol jusqu’à la destination finale.

[3.-
Aéroports dangereux]
Question : J’ai
été très inquiet à la suite d’un reportage
présentant une liste d’une vingtaine
d’aéroports réputés pour être dangereux. Qu’en
est-il exactement ?
Réponse : Le qualificatif
de “dangereux” est non seulement
fallacieux, car trompeur, mais il sous-entend
également qu’il existe un danger de fréquenter
ces aéroports, ce qui contribue à faire peur
aux passagers. En fait, il n’y a pas
d’aéroports dangereux. En revanche, de
nombreux aéroports ont des spécificités. Un
terrain en altitude conduit à une vitesse sol
d’atterrissage plus élevée ; un terrain
court - de surcroît encaissé entre des
collines ou mornes - conduit à des
trajectoires d’approches bien définies et
précises. Lorsque ces conditions sont
éloignées des approches dites standard, les
pilotes doivent faire plusieurs approches avec
un instructeur, afin d’obtenir ce que l’on
nomme une “qualification de site”.
Dans
les aéroports cités, j’ai relevé que
nombreux sont ceux qui n’ont jamais enregistré
d’accident dû à leurs
particularités. Alors,
rassurez-vous ! Il n’est pas dangereux
d’atterrir sur ces aéroports, dont les pilotes
connaissent très bien les particularités et
les précautions et dispositions à prendre pour
assurer un atterrissage en toute sécurité.

[4.-
Drones et suppression des pilotes]
Question : La
généralisation de l’utilisation des drones
présage-t-elle la suppression des pilotes dans
les avions ?
Réponse : Il est reconnu que
les guerres déclenchent une accélération du
progrès technique. Entre-autre, celle
enregistrée dans l’aviation pendant la guerre
de 1914/1918, avec, par exemple, la
réalisation de mitrailleuses dont les balles
passaient entre les pales d’hélices ! De
nos jours, ce sont également des guerres et
des tensions entre pays qui sont à l’origine
du développement d’avions sans pilotes, nommés
“drones” (“faux bourdon”, en anglais
ou UAV “Unmanned aerial vehicule”, engins volant
sans pilote).
Télécommandés
du sol, ils emportent des charges utiles
destinées à des missions de surveillance,
de renseignement ou de combat. Ils sont
identifiés par des codes : R pour
reconnaissance, Département de la défense des
États-Unis ;
M pour Multi-rôle, version armée ; MQ1 =
Désignation de l’US Air Force.
Ils
sont généralement utilisés au profit des
forces armées ou de sécurité (police,
douane, surveillance des frontières, avec le
MQ-9 Reaper CBP) ou
pour des applications civiles, telles que
photos, surveillance, détection (Galoban
2, A160 Boeing Hummingbird).
Au
début, il s’agissait d’un simple modèle réduit
télécommandé (le radio-plane OR-2A,
qui se trouve au musée de l’US Air Force).
Puis,
prenant du poids, les modèles sont équipés d’hélices,
de rotors (comme les hélicoptères) et, enfin, de
réacteurs, avec caméra multidirectionnelle,
optique infrarouge et autres systèmes
sophistiqués et performants. Par exemple, le
MQ-1/RQ-1L Predator, porteur de deux missiles
Hell Fire, pèse plus d’une tonne, vole à 7.000
mètres et a une autonomie d’environ 700 km.
Actuellement,
plusieurs ressemblent à des avions
réels. Le Boeing X-45 Pegasus, drone de
combat, pèse 6 tonnes. Mais, le plus
impressionnant est le RQ-4 Global Hawk, un
turboréacteur
de 40 mètres d’envergure, qui monte à 18.000
mètres, peut voler à une vitesse de plus de
650 km/h, pendant 36 heures.
Je
terminerai en citant le prototype américain
HALE (Haute altitude longue endurance) mis en construction
l’an passé par Boeing. Propulsé par deux
turbopropulseurs fonctionnant à l’hydrogène,
son envergure est de 46 mètres, son plafond
est de 20.000 mètres et il dispose d’une
autonomie de quatre jours.
Actuellement,
les seuls constructeurs de ces drones sont les
États-Unis et Israël, car l’industrie
européenne n’a pas pris d’initiative dans ce
domaine. Pourquoi ? Au niveau politique,
le débat n'est pas encore tranché, deux écoles
s'affrontant : continuer à acheter des drones
à l'étranger ou créer une filière industrielle
européenne, les capacités et moyens étant là,
pour mettre au point des drones typiquement
français ou européens, ce qui permettrait de
répondre à la demande internationale qui,
d’après les spécialistes, ne fera
qu’augmenter. La preuve : Pierre Sparaco
nous apprend (dans sa chronique
d’Aeromorning) que
l’AJPAE (Association des journalistes
professionnels de l’aéronautique et de l’espace) vient de décerner
l’Icare International à l’équipe européenne
qui a développé le démonstrateur d’avions de
combat télécommandés “Neuron”, programme mené
conjointement par six pays, sous la conduite
de la DGA (Direction générale de
l’Armement français) et d’un maître d’œuvre
unique, Dassault Aviation.
Ce
bref résumé de cette évolution pour
montrer que l’exploitation de ces drones a
forcément
permis d’améliorer la fiabilité et la
précision du téléguidage. Quant à savoir si
cela permettra de supprimer les pilotes sur
les avions de ligne, cela dépendra de
l’acceptation des passagers d’embarquer dans
des avions sans pilote humain à bord. Je ne
pense pas qu’ils y soient prêts. Puis-je
rajouter que les astronautes, eux-mêmes, ont
refusé de regagner la terre ferme dans des
capsules téléguidées, sans qu’ils ne puissent
réagir face à des anomalies constatées dans la
trajectoire programmée.
Alors,
rassurez-vous !
Vous croiserez des pilotes pendant encore de
nombreuses années. Tout comme vous, ils
souhaitent que le vol se déroule en toute
sécurité et mettent tout leur savoir faire,
leur expérience, pour atteindre cet objectif,
même si vous, passagers, vous n’avez constaté
que des difficultés ou subit des préjudices ne
dépendant absolument pas d’eux (turbulences,
pannes diverses, dégradation de la situation
météo, retards dus aux vérifications de
sûreté, etc...). Derniers responsables dans la
chaîne logistique du transport aérien, ils
participent ainsi à la constante amélioration
de la sécurité aérienne.

[5.-
Les libertés de l’air]
Question : Pourquoi
l’attribution de la “5ème liberté" pour
Emirates serait une menace pour les Majors
européennes ?
Réponse : La “Cinquième
liberté” donne le droit d’embarquer/débarquer
dans un État tiers des passagers à
destination/en provenance de tout autre État
contractant. Ainsi, tel sera le cas dans la
proche ouverture d’Emirates de la ligne
Milan/New-York en Boeing 777, en provenance de
Dubai. De plus, cette compagnie dispose déjà
de ce droit en Grande-Bretagne, en
Scandinavie, au Benelux. On imagine l’impact
sur les compagnies européennes si Emirates
obtenait ce droit d’assurer des vols sans
escale au départ d'Europe vers les Amériques,
sans passer par son pays d'origine.
Exemple : ouverture d’une ligne
Dubai/Paris/New-York, avec la possibilité de
commercialiser le tronçon
Paris/New-York !
Pour
être plus complet, sachez également que c’est
la conférence de Chicago de 1944 qui a élaboré
un cadre d'exploitation des lignes aériennes
internationales, déterminé par les “cinq
libertés de l'air” qui ont été officiellement
reconnues en tant que telles aux termes d'un
traité international régi par l’OACI (Organisation
Internationale de l’Aviation Civile).
*
Les deux premières ont un caractère technique,
les autres sont commerciales.
-
Première
liberté : Droit de survol.
Droit pour un transporteur d’un État de
survoler le territoire d’un autre État sans y
atterrir. (Exemple : Vol Air France
Paris/Tokyo, en survolant la Russie).
-
Deuxième
liberté : Droit d’effectuer des
escales techniques. Droit pour un transporteur
d’un État d’atterrir dans un autre État pour
des raisons non commerciales, comme la
maintenance ou le ravitaillement en carburant,
durant un vol vers un État tiers. (Exemple
: Vol d’une compagnie européenne Paris/Bangkok,
avec escale technique à Dubaï).
-
Troisième
liberté :
Droit de débarquer dans un État tiers des
passagers embarqués dans l’État dont l’aéronef
a la nationalité. (Exemple : Vol Air
France Paris/Casablanca).
-
Quatrième
liberté :
Droit d’embarquer dans un État tiers des
passagers à destination de l’État dont
l’aéronef a la nationalité. (Exemple :
Air France embarque à Casablanca des passagers à
destination de Paris).
-
Cinquième
liberté :
Droit d’embarquer/débarquer dans un État tiers
des passagers à destination/en provenance de
tout autre État contractant. (Exemple
: Air France embarque à Bangkok, sur son vol
Paris-Hanoï des passagers à destination de Hanoï
- droit de trafic entre la Thaïlande et le
Vietnam).
*
Il existe également d’autres libertés :
-
Sixième
liberté :
Droit pour un transporteur d’un État d’assurer
un service entre deux autres États en passant
par l'État où il est enregistré
(troisième et quatrième liberté combinées). (Exemple :
Air France embarque à New York des passagers à
destination d'Athènes, via son hub de
Paris-Charles de Gaulle).
-
Septième
liberté :
Droit pour un transporteur d’un État
d’exploiter, entièrement hors de son
territoire, des lignes et d’assurer un service
entre deux autres États. (Exemple :
Une compagnie européenne exploite une ligne
Miami-Mexico).
-
Huitième
liberté :
Droit pour un transporteur d’effectuer des
dessertes nationales à l’intérieur d’un État
étranger, ce qui est aussi appelé “cabotage”.
(Exemple : Une compagnie européenne
embarque à New York des passagers à destination
de Los Angeles sur son vol Europe/Los Angeles).
(Cette liberté n’est pas appliquée aux
États-Unis qui protègent les compagnies
nationales en interdisant aux étrangères de
transporter du fret ou des passagers à
l’intérieur du pays).
-
Neuvième
liberté :
Droit pour un transporteur d’un État d’assurer
un service entre deux points situés sur le
territoire d’un autre État. (Exemple
: Une compagnie européenne exploite une ligne
New York-Los Angeles).

[6.- Deux
enquêtes : technique
et judiciaire]
Question : Après
un accident aérien, pourquoi y a-t-il deux
enquêtes et pourquoi seul le BEA communique
des informations sur l’évolution de
l’enquête ?
Réponse : Une réponse complète
sur le sujet des enquêtes figure dans mon
récent ouvrage “Mieux comprendre le transport
aérien”, dont vous avez pu voir la
présentation dans mes récentes Lettres. Cela
étant, voici quelques éléments de réponses à
vos deux questions.
A.- Il y a deux
enquêtes, car les objectifs, décrits ci-après,
sont différents.
a -
L’enquête technique (ou
administrative)
*
Elle est diligentée par BEA (Bureau
d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de
l'aviation civile)
qui est l’autorité française responsable des
enquêtes de sécurité relatives aux accidents
ou aux incidents graves dans l'aviation
civile. Il intervient conformément aux
dispositions et codifications adoptées sous
l'égide de l'OACI (Organisation de
l'aviation civile internationale, dans son
article 26 et son annexe 13) ; de la réglementation
européenne (règlement n̊ 996/2010 du
Parlement européen et du Conseil du 20 octobre
2010) ; de la
législation française (code des
transports et code de l’aviation civile).
*
Sans présupposer l'existence d'un délit, son
objectif principal est de contribuer
à l'amélioration de la
sécurité aérienne au moyen de la
publication de rapports et de recommandations, afin
que le même type d’accident sur le même type
d’avion ne se renouvelle pas. Le doute devant
profiter à la sécurité, des recommandations
peuvent être formulées en ne s’appuyant que
sur la probabilité de survenance de certains
événements.
*
En a-t-il les moyens et les compétences ?
Pour remplir ses missions, le BEA disposait,
en 2011, de moyens très performants et d'un
effectif de 110 personnes, dont environ 50
enquêteurs. Sa notoriété a d’ailleurs dépassé
nos frontières, car depuis des années, il représente
l'État français dans environ 150 nouvelles
enquêtes dirigées par un État étranger et il
apporte une assistance technique à des
autorités étrangères ayant fait appel à son
savoir-faire.
b.-
L’enquête judiciaire
*
Elle est dirigée par un procureur ou menée,
sous son contrôle, par un magistrat
instructeur, assisté par des experts et des
OPJ (Officier de police judiciaire) de la BGTA (Brigade
de gendarmerie du transport aérien) dont la Section de
Recherches, basée à Roissy CDG, qui a été
crée à la suite de l'accident du Concorde et
dont la mission principale est de mener les
enquêtes judiciaires mettant en cause des
aéronefs. Pour cela, elle s'est dotée
d'une division des atteintes à la
sécurité et à la sûreté aérienne disposant
d'enquêteurs spécialisés à la direction
d'enquête d'accidents d'aéronefs. Une
des premières tâches prioritaires est la mise
sous scellés des pièces à conviction et, pour
éviter des effets destructifs des éléments de
preuve de divers enregistrements, la
réalisation de copies qui seront remises au
BEA et à des laboratoires spécialisés.
Cette
division spécialisée est assistée d'une
cellule d'investigations criminelles, composée
d'une dizaine de techniciens d'identifications
criminelles, experts en constatations
d'accidents aériens et d'identifications des
victimes. Elle dispose de moyens appropriés à
leur mission et, entre-autre, d'un drone
permettant de matérialiser une trajectoire par
vidéo et de faire des photos HD, en
s'affranchissant de la météo ou de
l'indisponibilité de ses hélicoptères.
L’occasion
m’est donnée, ici, de rappeler le rôle
essentiel joué par ces gendarmes, discrets,
méticuleux, très bien organisés, efficaces et
compétents dans l’exercice de leur mission (mise
sous scellés, auditions, enquêtes, rapports de
synthèse,…).
À
la différence de l'enquête administrative, celle judiciaire
présuppose l'existence d'un délit. Son
objectif vise à déterminer des fautes
(à des degrés divers : intentionnelle,
inexcusable, lourde, grave, simple ou légère) pouvant déboucher sur
des responsabilités (imprudence,
négligence, inobservation des règlements) et donc des
condamnations pénales et l'indemnisation des
ayants-droits. Autre précision importante, la
justice exige une relation certaine entre une
cause et un effet et non pas seulement une
probabilité.
c.-
Simultanéité des deux enquêtes
Pendant des années, ces
deux enquêtes parallèles furent menées
indépendamment l’une de l’autre. Puis, la loi
organisa les relations entre elles. C’est
ainsi que depuis 1999 (loi 99-143 du
30 mars 1999, confirmée par une note du Garde
des Sceaux aux Procureurs généraux, du 18
février 2005, relative aux relations entre
l’autorité judiciaire et le BEA), une collaboration
franche, s'est toujours instaurée entre les
enquêteurs techniques et les experts
judiciaires, ce que j’ai pu constater tout au
long des années écoulées.
Un protocole est en
cours de rédaction entre la DACG (Direction
des affaires criminelles et des grâces du
Ministère de la justice) et le BEA pour établir
les relations entre les deux enquêtes pour
traduire en droit français le règlement
européen précité.
B.- Venons-en
à votre deuxième question. Pourquoi seul
le BEA communique des informations aux médias
sur l’évolution de l’enquête et éventuellement
ses conclusions provisoires ? Parce que les
textes l’y autorise, par tous moyens
appropriés (communiqués, conférences
de presse, entretiens avec des journalistes,
interviews TV,…),
ce qui appelle trois commentaires :
1.- Certes, cela répond
à une attente du grand public, mais
surtout des familles des victimes et des
médias qui exigent de connaître de suite, à
tout le moins, rapidement, dans de brefs
délais, la cause de l’accident. Mais, force
est de reconnaître qu’à chaque communication
du BEA, ce dernier fait l’objet de très
nombreuses critiques qui - bien que non
fondées - contribuent à semer le doute, entre
autre, sur son indépendance. Lors de
causeries, je donne l’exemple d’une équipe
chirurgicale qui durant une opération de 8
heures serait tenue, chaque heure, de décrire
aux membres de la famille l’avancement de
l’opération et l’état apparent du patient !
2.- Le BEA ayant même
été autorisé à recevoir les
victimes, leurs familles et leurs associations
représentatives, il reste que son application
dans les faits conduit à des difficultés. En
effet, ces mêmes personnes et associations
s’étant généralement constituées en “parties
civiles”, il ne peut qu’en résulter une
certaine confusion dans l’interprétation des
éléments factuels. Il convient, ici, de
rappeler que le BEA travaille sur les
hypothèses probables alors que les enquêteurs
judiciaires - non moins techniques - se
doivent de raisonner dans le cadre de preuves
démontrées et certaines. Une certaine
surenchère - notamment des associations de
victimes - et des “mises en porte à faux”
relatives des deux enquêtes sont inévitables
et préjudiciables à la sérénité des ces
enquêtes, ce qui a été constaté à plusieurs
reprises.
3.-
Par ailleurs, la publication,
à l’initiative unique du directeur du BEA
devenant également “de droit”, il en
résulte une impossibilité pratique de maintien
du secret de l’instruction et même une
possibilité de sa violation systématique. Dans
le but d'une bonne administration de la
justice, le BEA, après entente avec les
magistrats, communique au plus tard la
veille le contenu de leur intervention aux
familles et le magistrat fait part de ses
observations sur les faits à ne pas
communiquer car ils risquent de nuire à la
manifestation de la vérité.
C.-
Pour compléter vos interrogations, deux mots
sur la communication de la justice. C’est le
procureur qui communique généralement et
rarement. Le magistrat instructeur peut
également organiser des
réunions de communications aux parties
civiles. Quant aux experts judiciaires,
respectant strictement le secret de
l’instruction et leur devoir de réserve, ils
ne peuvent pas communiquer. On comprendra
qu’étant le plus informés du contenu des
pièces de la procédure, ils puissent être
désolés des effets néfastes de cette
désinformation du grand public, par tant
d’aberrations, critiques et hypothèses
abracadabrantes de certains médias et auteurs
qui, tirant sur tout ce qui bouge, en ont fait
leur fonds de commerce.

[7.-
Desserte des Antilles]
Question : Sur les Antilles,
on connaît les tarifs élevés d’Air France.
Ceux d’Air Caraïbes et Corsair le sont moins.
Quant à ceux de XL Airways, j’ai appris qu’ils
seraient diminués de plus de 30%. Voyageant
souvent vers les îles, pour mon travail et
pour des vacances en famille, je me demande si
la course aux bas tarifs ne risque pas de
porter atteinte à la sécurité des vols ?
Je pose également la question de savoir si ce
marché permet d’assurer la pérennité de quatre
compagnies ? N’en résultera-t-il pas des
regroupements ?
Réponse :
* En ce qui
concerne la sécurité des vols, jusqu’à ce
jour, les compagnies pratiquant des bas tarifs
n’ont pas déploré d’accident majeur. Il est
vrai que ce n’est qu’à la suite d’un accident
que certaines impasses, anomalies,
irrégularités qui n’ont pas pu être décelées
lors des différents contrôles des autorités de
tutelle, sont révélées par les expertises
diligentées, ce que j’ai constaté à plusieurs
reprises.
* Des quatre
protagonistes, la stratégie d’Air France est
déjà bien connue et je l’ai rappelée
récemment. Quant aux regroupements,
l’expérience montre qu’ils commencent souvent
par des accords. C’est le cas d’Air Caraïbes
et Corsair, qui ont signé
un accord de partage de codes
(“code-share”, qui permet à chacune des deux
compagnies de commercialiser les avions de son
partenaire) sur
tous leurs vols transatlantiques, seul moyen
de lutter contre la surcapacité existant sur
les lignes entre l'Hexagone et la zone
Caraïbes, nous dit-on.
*
Air Caraïbes,
avec une part de marché de 27,5%, a, depuis
2003, été bénéficiaire, sauf en 2011. Malgré
la hausse du carburant et la crise économique,
la compagnie a réalisé un chiffre d’affaires
de plus 13% et dégagé un bénéfice net de près
de 7 millions € en 2012. "Cette
performance opérationnelle et commerciale
est le résultat d'une stratégie basée autour
du service, de l'accueil et du rapport
qualité/prix", a déclaré Marc
Rochet, le président du directoire d'Air
Caraïbes, qui a une parfaite connaissance de
ce monde du transport aérien et une longue
expérience des Antilles.
*
XL Airways s’étant positionnée sur le réseau
avec un prix d'appel de 399 €, ses trois
concurrents ont été mis dans
l’obligation de pratiquer également le "30%
moins cher", tout en considérant que ce modèle
n’était pas viable, citant des exemples de la
disparition de compagnies qui
auraient tenté de desservir les Antilles en
affichant de très bas tarifs.
Cela
étant, son patron, Laurent Magnin, qui est
également reconnu comme étant un "pro", est confiant dans
l’attrait de son A330-300, équipé d'une seule
classe de 408 sièges.
Il
reste que l'arrivée de XL Airways a
rajouté des capacités, ce qui amène le
rappel suivant. Lorsque plusieurs compagnies
sont en concurrence sur un même réseau, si elles sont pérennes,
cela signifie qu’elles ont des coefficients de
remplissage élevés permettant de dégager des
recettes supérieures aux coûts. Or, si une
nouvelle compagnie prend place sur le même
réseau, il en résulte automatiquement une
baisse des coefficients de remplissage,
pénalisant, à des degrés divers, toutes les
compagnies présentes. À la limite, il peut en
résulter que toutes peuvent se trouver avec
une exploitation déficitaire. Les faits
montrent que, généralement, c’est la compagnie
la plus petite, ayant la surface financière la
plus faible, qui se retire du marché. Il est
vrai que cette conclusion n’est valable que si
le réseau est saturé, c’est-à-dire que le
nombre des passagers est sensiblement
constant, sans variation significative. Or, ce
marché n’est pas saturé et il existe plusieurs
niches potentielles de passagers résidents aux
Antilles et d’Antillais résidents en métropole
qui ne manqueront pas de se manifester,
attirés par une baisse des tarifs, une qualité
service, une image de marque… Alors, quelle
stratégie sera la plus attirante : celle
d’Alexandre de Juniac, Président d’Air France,
nouveau venu dans le monde de
l’aviation ? Celle de coopération de
Corsair ? Celle des deux "pros",
ces deux "vieux routiers" que sont Marc Rochet
d’Air Caraïbe et Laurent Magnin d’XL
Aiways ? "Wait
and see" !

[8.-
Le Boeing 787 revole]
Question :
On
n’entend plus beaucoup parler du Boeing 787,
sauf qu’il aurait repris ses vols au Japon.
Confirmez-vous que tout est redevenu
normal ?
Réponse : On sait que Boeing,
pour préparer la proche reprise des vols a,
dès début avril, lancé une campagne pour
rassurer ses clients et passagers potentiels,
afin de regagner leur confiance, les persuader
que leur innovant produit était “safe” (pleines
pages de publicité dans les principaux
quotidiens nippons).
Puis,
fin avril, la FAA (Autorité américaine
de l'aviation) a
émis une directive qui met officiellement fin
à l'interdiction de vol des Boeing 787 Dreamliner
(“l’avion de rêve”) qu'elle avait décrétée
le 16 janvier à la suite des graves incidents
ayant pour origine les batteries lithium-ion.
Ainsi, la production n’ayant pas été
interrompue, Boeing a pu, aussitôt, reprendre
ses livraisons.
Quant à la compagnie ANA
- après plus de trois mois d’immobilisation,
en attendant le feu vert des autorités - elle
a lancé un site internet d'informations sur le
B787 et a, effectivement, fin mai, repris
l’exploitation de ses Dreamliner.
Cette décision d’ANA - dont la flotte de 17
appareils représente un tiers de la flotte
mondiale - est un signal fort. Bien que les
problèmes de surchauffe des batteries
lithium-ion n’ont pas été définitivement
résolus, ce message signifie que la solution
retenue et validée par les autorités a
néanmoins été acceptée par les autorités, le
constructeur et les compagnies clientes. Fin
mai, aux États-Unis, United Airlines a
également assuré un vol (entre
Houston et Chicago),
sans aucun problème.
Cela
étant dit, le sujet étant complexe et ne disposant
pas des données qui me permettraient de
confirmer le retour à la normalité, je ne
ferai que trois brefs commentaires :
1.-
Le fait qu’un haut cadre de Boeing et le
président d’ANA soient à bord du premier vol
du B787 pour montrer leur confiance est un acte
symbolique, dont l’impact sécurisant auprès du
public peut être effective. Pour autant cela
reste un “coup de pub” qui ne berne aucun
initié. En effet, ce n’est pas sur un vol
d’essai, mais sur une succession de vols en
ligne, dans différentes conditions
d’exploitation et sur une certaine période
qu’un jugement peut être porté sur la
fiabilité d’un système.
2.-
Comme sur tous les avions neufs - d’autant
plus qu’ils comprennent de très nombreuses
innovations comme c’est le cas du B787 - divers
dysfonctionnements continueront à être
constatés au fil des mois, pendant une période
qui s’étale en général sur une année
d’exploitation, sans que pour autant
l’appareil devra être considéré comme étant
dangereux.
3.-
Après les déclarations de :
-
Boeing : “Si un
nouveau problème comme une surchauffe devait
survenir, le nouveau système d'isolation et
d'échappement empêcherait toute atteinte à la
sécurité des vols et des passagers, afin que
l'avion puisse aller jusqu'à destination en
toute sécurité” ;
-
d’ANA : “Boeing
a identifié toutes les causes qui auraient pu
conduire à ce problème de surchauffe des
batteries et que les modifications sur
celles-ci les couvrent toutes” ;
il
est permis de s’interroger sur la nature et la
validité des modifications apportées sur les
batteries lithium-ion. En effet, force est de
reconnaître qu’au lieu d’aborder le problème
sur le fond, on s’est limité à ne traiter que
les causes de la surchauffe et à la conception
d’un système de protection de la diffusion
d’un incendie.
Certes,
pour de nombreuses raisons bien connues, il
fallait rapidement trouver une solution pour
que la flotte des B787 puisse revoler. Mais,
il est quand même surprenant d’admettre que
l’on puisse installer à bord un avion de
ligne, un système dont on sait qu’il peut
passer en surchauffe et que, pour éviter la
propagation d’un éventuel incendie, on a
installé une protection !
En
fait, le problème n'ayant pas été
résolu, ce qu’on aurait pu attendre des
autorités, c’est, à tout le moins, une
déclaration
rassurante précisant que l’option retenue,
bien que sûre, reste une décision provisoire
en attendant une solution définitive.
Rappelons qu’Airbus a, pour son futur A350,
prévu d’utiliser des batteries au cadmium et
non au lithium, un choix estimé raisonnable
par plusieurs observateurs.

[9.-
Limitation des vols de nuit]
Question : Qu’en
est-il du projet de couvre-feu le samedi et
dimanche sur les aéroports français ?
Réponse : Il s’agit d’une
proposition de l’ACNUSA (Autorité de
contrôle des nuisances aéroportuaires) visant à interdire les
vols de nuit entre 23h et 6h du matin, du
samedi au dimanche. Cette proposition est une
réponse au problème des nuisances sonores des
vols de nuit. En 2012, sur les 319 infractions
sanctionnées d'une amende, environ un tiers
était lié à un vol de nuit. Cet organisme
pourra, dès 2014, infliger des amendes de
40.000 €, contre 20.000 € actuellement, pour
sanctionner des décollages de nuit sans
autorisation. Ici, il serait intéressant de
savoir pourquoi les contrôleurs aériens
autorisent un avion à décoller de nuit, sans
avoir préalablement vérifié qu’il avait reçu
celle de l’autorité compétente ?
En amont de cette
réaction se trouve un rapport d’un cabinet
sollicité par l’ADVOCNAR (Association
de défense contre les nuisances aériennes) afin de faire une
comparaison entre les trois principaux
aéroports européens. Résultats : Alors
qu’en 2010, l’aéroport de Roissy Charles de
Gaulle avait enregistré 61.255 mouvements
entre 22h et 6h du matin, celui de Francfort
n’en avait enregistré que 40.515 et celui de
Londres, Heathrow, que 27.200.
Indépendamment du vol
de nuit proprement dit, sont également citées
les conséquences sanitaires aggravées par le
non-respect des trajectoires réglementaires.
C'est le premier motif d'infractions qui a
conduit l'ACNUSA a infligé 146 amendes en
2012. Il est annoncé que "de
nombreux vols ont survolé des agglomérations
qui auraient dues être évitées, parfois
par accident, parfois pour faire des
économies de carburant". Indépendamment de la
surprise de lire que des équipages ne
respecteraient pas les trajectoires, il serait
intéressant de savoir pour quelles raisons ils
se mettraient volontairement en infraction,
alors que celle-ci entraîne automatiquement
une lourde amende pour la compagnie, dont le
montant est bien supérieur à celui de
l’économie de carburant réalisée grâce à
ladite infraction !
Au
total, les 319 manquements ont fait l'objet
d'amendes d'un montant total de 2,7 millions
€. Depuis sa création, en 1999, le montant
total des amendes a dépassé plus de 33
millions €.
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