Chronique
de mai 2013
[➀
Fermeture de TWR, (tour de contrôle)
aux États-Unis] 
Question : Ayant
à me déplacer assez souvent aux États-Unis, et
apprenant que plus de la moitié des Tours de
contrôle américaines avaient été fermées, à
partir d'avril 2013, je vous fais part de mon
inquiétude quant à la sécurité et souhaiterais
avoir votre avis à ce sujet.
Réponse : Effectivement - suite
aux coupes budgétaires automatiques votées par
le Congrès - le gouvernement a annoncé la
fermeture, à partir du 7 avril 2013, de149
Tours de contrôles privées (sur 251). Il en est ainsi, par
exemple, pour la Tour de contrôle de Salisbury
(un petit aéroport régional, à deux
heures de Baltimore, sur la côte Est américaine) qui est pourtant
utilisé par des pilotes amateurs, des avions
militaires et quelques vols d’une compagnie
aérienne (US Airways).
Quelques
brefs éléments de réponse au sujet de l’impact
d’une
telle décision sur la sécurité des vols.
Il
existe deux types d’aérodromes :
-
Les aérodromes contrôlés sur lesquels les
agents de la circulation aérienne donnent des
informations et des instructions aux avions au
départ et à l’arrivée.
-
Les aérodromes AFIS (Aerodrome
flight information service) sur lesquels seuls
sont assurés le service d’information de vol
et le service d’alerte.
Dès
lors qu’aucune de ces deux fonctions n’est
plus assumée, il appartient au pilote
commandant de bord de procéder, lui-même, à l’évaluation des
paramètres (piste en service ;
direction et force du vent ; visibilité au sol ;
température de l’air ; pression atmosphérique,
etc…) :
-
au départ, avant de quitter l’aire de trafic ;
-
à l’arrivée, avant de s’intégrer dans la
circulation
d’aérodrome, en procédant à l’examen visuel de
l’aérodrome.
N’ayant
pas de contact radio avec le sol, il
reste que les pilotes - aussi bien au
décollage qu’à l’atterrissage - doivent
s’auto-informer, sur une fréquence radio
connue de tous.
Cela
est envisageable
sur un aérodrome qui n’est fréquenté que par
quelques avions d’aéroclub ou privés, sur
lequel il est facile de prévoir des
trajectoires de départ et d’arrivée adaptées à
ses spécificités et parfaitement assimilées
pas les quelques utilisateurs. En revanche,
dès lors que le trafic est régulier et, à plus
forte raison lorsque l’aérodrome est fréquenté
par des avions privés, mais également par des
avions militaires et, de surcroît, par ceux de
compagnies aériennes, il est évident que cela
ne peut que créer un environnement
accidentogène. Or, l’expérience montre que de
telles situations ont toujours, à plus ou
moins brève échéance, eu de graves
conséquences. Alors qu’en 2012 le transport
aérien a enregistré son plus faible taux
d'accidents mortels depuis le début des années
1960, on ne peut que déplorer une telle prise
de risque.
[➁
Indemnisation des passagers]
Question : J’ai
appris que Bruxelles propose de renforcer les
droits d'information et de prise en charge des
passagers en cas de retards ou d'annulations,
tout en évitant des frais trop élevés pour les
compagnies, ce qui semble
contradictoire ! Qu’en est-il
exactement ?
Réponse : En fait, pour le
moment, il ne s’agit que de propositions de la
Commission européenne en charge des
transports. Pour être validées, elles devront
avoir l’aval des États membres et du Parlement
européen. Elles ont été élaborées à la suite
de la recrudescence des réclamations des
passagers, en relation avec un trafic aérien
en constante augmentation.
En
modifiant la réglementation de février 2005,
ces nouvelles dispositions ont un double
objectif : celui de renforcer les
droits des passagers, en cas de retards ou
d'annulations de leurs vols, en mettant
l’accent sur l'information, la prise en charge
et leur réacheminement et celui d’éviter aux
transporteurs des charges financières
disproportionnées.
1.-
Obligations
des transporteurs
*
Alors
qu’actuellement, en cas de problème, ils n’ont
seulement que l'obligation d'informer les
passagers de leurs droits, ils devront
expliquer les raisons d'un retard ou d'une
annulation, au plus tard 30 minutes après
l'heure de départ prévue.
*
De plus, ils devront, entre autres, leur
servir nourriture et rafraîchissements et, après deux
heures d'attente - alors qu’actuellement le
droit à cette assistance n’est valable
qu’après deux, trois ou quatre heures, en
fonction de la longueur du voyage - leur
fournir un hébergement.
*
Enfin, ils auront l'obligation d'acheminer les passagers vers
leur destination - même en réservant des
places sur un avion d’une autre compagnie -
dans un délai de 12 heures, suivant
l'annulation de leur vol.
2.-
Indemnisation
moins généreuse.
*
Les
passagers bloqués sur un aéroport ne pourront
plus exiger plus de trois nuits d'hébergement,
alors qu’actuellement la réglementation impose
une assistance et un hébergement sur une
période indéfinie. Pour justifier cette
disposition, la Commission a cité, comme
exemple, l'éruption du volcan islandais en
avril 2010, qui ayant bloqué des millions de
passagers pendant six jours et coûté plus d’un
milliard d'€ aux compagnies aériennes.
*
Le seuil de
déclenchement de l'indemnisation pour des
retards sera relevé, conformément à l’objectif
d'acheminer les passagers vers leur
destination, dans les plus brefs délais, tout
en laissant aux transporteurs aériens le temps
nécessaire pour résoudre les problèmes. Alors
qu’actuellement une compagnie aérienne est
tenue d'indemniser ses passagers au-delà de
trois heures (arrêt de la Cour de
justice en 2009, confirmé en 2012), ce délai serait porté
à :
-
5 heures
pour les vols intra-européens et les
court-courriers de moins de 3.500 km ;
- 9 heures pour les
vols internationaux de moins de 6.000
km ;
- et 12 heures pour
ceux de plus de 6.000 km.
Finalement,
en attendant la parution du texte
complet, ces propositions ont été reconnues
comme étant réalistes. Il n’y a donc pas
contradiction, mais plutôt
complémentarité.
[➂
Tarification en fonction du poids]
Question : Est-il
vrai qu’aux États-Unis, une compagnie a fixé
des tarifs en fonction du poids des passagers
?
Réponse : Depuis des années,
cette éventualité a plusieurs fois été évoquée
aux États-Unis, où une réaction négative s’est
manifestée par le grand nombre d'Américains
concernés par l'obésité. Toujours est-il
qu’une petite compagnie du Pacifique, Air
Samoa, jouant le pionnier en la matière,
vient, effectivement, de faire dépendre le
prix des billets du poids des
passagers. Son président a déclaré que “les
personnes obèses reconnaissent que le
système “pay-by-weight” (payez selon votre
poids) est
le plus juste, en dépit du fait qu'ils payent
plus qu'une personne plus légère”. Il est vrai,
qu’exploitant des Britten-Norman BN-2A
Islander, petits bimoteurs transportant 9
passagers, la connaissance de la masse exacte
au décollage est impérative. Indépendamment du
volume de certains bagages, qui posent
problème sur ce type d’avion, il en résulte
effectivement, pour l’entreprise, les
conséquences suivantes :
-
avec des
passagers "légers", il est alors possible
d’embarquer tous leurs bagages (donc
valorisation de la qualité service), voire charger du fret
payant (donc recette
supplémentaire) ;
-
avec des passagers "lourds", une partie des
bagages est acheminée sur un des vols suivants
(donc dégradation du service) et il est impossible
d’embarquer du fret (donc pas de
recette supplémentaire).
Quant
aux passagers légers ils sont défavorisés. Exemple, dans le cas
d’une taxe de 2 € par kilo dépassant le seuil
de 20 kg :
-
un passager pesant 90 kilos
présentant à l’enregistrement un bagage de 20
kg, soit au total 110 kg, ne paiera que le
prix de son billet, alors que près de 20% de
la charge marchande lui est attribuée ;
- un
passager ne pesant que 50 kg présentant un
bagage de 30 kg, soit au total 80 kg
(poids total inférieur de 10 kg à celui du poids
de l’autre passager, sans son bagage) paiera, en plus du
prix de son billet, alors que seulement 13% de
la charge marchande lui est attribuée, un
supplément de 20 € (30-20 = 10 kg de
surcharge. Supplément à payer : 10 x 2 € = 20
€).
La
voie est-elle ouverte pour que l’Europe
emboîte le pas et décide également de classer
les passagers, par exemple, en trois
catégories (léger, normal, lourd) ou en les pesant, en
vue d'élaborer une tarification différenciée,
selon les cas ?
Aucune
velléité ne s’est encore manifestée pour
appliquer ce principe de tarification sur les
vols long-courriers. En revanche, il ne serait
pas étonnant d’apprendre qu’elle intéresse des
compagnies assurant de courtes liaisons, à des
fréquences élevées, par exemple, entre des
îles, ce qui est le cas des dessertes dans
l’arc Antillais, où - pour respecter
strictement la limitation au décollage - il
est déjà demandé aux passagers de dire quel
est leur poids. “Wait
and see” !
[➃
Nouveau siège] 
Question : Trois
jeunes Français viennent de créer un nouveau
siège d'avion. En quoi est-il révolutionnaire
?
Réponse : Tout d’abord, il
convient de rappeler que plus un avion est
lourd, plus il consomme de carburant. C’est
ainsi que, par exemple, sur un vol
Paris/New-York, pour une tonne de carburant
supplémentaire, il ne reste approximativement,
selon le type de l’avion, que 0,7 tonne de
disponible à l'arrivée. Donc, équiper les
cabines avec des sièges plus légers est source
d’une importante réduction de la consommation
carburant.
Cela
va être prochainement possible, grâce
à trois jeunes français, de moins de 30 ans.
Fondateurs, en 2011, d’Expliseat, une start-up
française, ils ont conçu un siège de classe
économique, 50% plus légers que ceux actuels.
La certification est actuellement en cours
auprès de l'AESA (Agence européenne de
la sécurité aérienne).
Il
s’agit du
“Titanium seat”, dont la structure du siège
est composée de fibres de carbone et de
titane. Une telle performance permettra de
générer des économies de carburant allant de 3
à 5% pour les compagnies aériennes. Destiné
aux avions “moyen-courrier” (A320
d'Airbus et B737 de Boeing), ce siège - en plus
des avantages liés à sa légèreté - sera, de
surcroît, plus confortable (inclinaison
de 18 degrés du décollage à
l'atterrissage ; gain d'espace de 5
centimètres en profondeur) et plus robuste.
Sur la ligne
Paris-Madrid, par exemple, Expliseat montre
qu’une économie annuelle de plus de 400.000 €
par an et par avion, sera enregistrée. Au
niveau mondial, les compagnies aériennes
réaliseront des dizaines de millions d’US$
d’économies.
Bravo
à ce performant trio, dont le génie
s’inscrit dans l’héritage de nos ingénieurs et
mécaniciens qui ont œuvré à la gloire de notre
industrie aéronautique. Gageons que, de par la
spécificité de leur innovation, avec une
production estimée de 30.000 sièges par an,
ils deviendront le leader mondial du siège
d'avions.
[➄
Alliance Virgin et AF/KLM]
Question : La presse
britannique a annoncé que Virgin Atlantic
souhaitait renforcer ses liens avec Air
France-KLM sur l'Asie. Est-ce un nouveau
type de coopération entre compagnies
aériennes ?
Réponse : Je ne peux reproduire
ma chronique de 2000 "Les hyper-groupes
aériens", traitant de l'émergence d'alliances
globales, fait marquant dans le développement
du marché du transport aérien civil. Retenons
simplement que les premières compagnies
fondatrices de ces hyper-groupes étaient déjà
intouchables et avaient compris que pour
passer d'une situation d'oligopole couvrant un
marché localisé géographiquement à un
oligopole à l'échelle mondiale, il fallait
poursuivre la construction en cours,
c'est-à-dire prendre place sur l'échiquier du
marché mondial.
La
coopération envisagée entre Virgin Atlantique
et Air France-KLM s’inscrit dans la
continuation de ce que j’écrivais, à savoir
que pour achever l’œuvre de création
d’une situation quai-monopolistique sur un
réseau - en plus de l’existence de liens
intra-hyper-groupes (alliances
commerciales, participations souvent croisées
entre compagnies appartenant au même
hyper-groupe, …),
continuerait à se développer des liens
inter-hyper-groupes (participations
également, souvent croisées, entre compagnies
appartenant à des hyper-groupes différents).
En
fait, ici, il ne s’agit pas de participations
croisées, mais de la création d’une sorte de
“co-entreprise”. Noter que si Virgin
Atlantic souhaite renforcer ses liens avec Air
France-KLM sur l'Asie, cela est également en
relation avec un projet plus large, celui de
son intégration dans la co-entreprise sur
l'axe transatlantique, composée de Delta, Air
France-KLM et Alitalia. En effet, le rachat de
49% de Virgin Atlantic par Delta, deux
compagnies (très bien positionnées
entre Londres et les États-Unis) seront imbriquées dans
le même type de co-entreprise que celle déjà
nouée entre Delta et Air France-KLM et
Alitalia, sur l'atlantique. De tels accords
posent différents problèmes, ne serait-ce que
celui, primordial, de la répartition des
capacités entre chaque compagnie, dans cette
méga-alliance transatlantique.
Noter
qu’au sein
des alliances globales existantes, ce type de
co-entreprise, sans aucun lien capitalistique,
a déjà été constitué par des compagnies
américaines et européennes. Jusqu’à ce jour,
aucune n’a été interdite par les autorités
chargées de s’opposer à la création de trusts.
Finalement
- comme les économistes l’ont bien démontré -
force est de rappeler que ce stade étant
atteint, il permet de conserver des tarifs
élevés, car ils maximisent les profits des
monopoleurs.
[➅
Flotte standardisée ou non ?]
Question : Air
France disposant d’une flotte d’avions très
différents les uns des autres et de
différents constructeurs, cela ne
constitue-t-il pas une contrainte de
maintenance et donc d’augmentation des
coûts ?
Réponse : La standardisation de
la flotte - où à tout le moins sa
diversification sur un ou deux types d’avions
- s’impose effectivement pour une compagnie
dont la liste de flotte ne comporte que
quelques appareils utilisés sur un même
réseau. En revanche pour une compagnie comme
Air France, qui assure tous types de courriers
(courts, moyens et longs), la diversification
(en taille, performances, fournisseurs), en fonction des
qualités recherchées, est une preuve
d’efficience. C’est ainsi que la flotte
actuelle d’Air France, de 382 avions, est
composée de :
*
110 avions long-courriers (8 Airbus
A380 ; 13 A340-300 et 15 A330-200, ainsi
que 10 Boeing
747-400 (dont 3 cargos) ; 37 777-300
ER ; 25 777-200 ER et 2 777F
cargo).
*
146 avions moyen-courriers : (25
Airbus
A321, 60 A320, 43 A319, 18 A318).
*
126
avions (13 Bombardier CRJ
100, 15 CRJ 700 ; et 4 CRJ 100 ; 8 ATR 72-500, 2
72-200 et 13 42-500 ; 25 AVRO RJ ;
10 Embraer
190 ; 16 170 et 20 145), pour sa flotte
régionale (HOP, City Jet, Air
Corsica).
["➆
Qualité service" : AF versus ADP]
Question : Voyageant
depuis des années sur des vols
internationaux, permettez-moi de vous dire,
par rapport à d’autres compagnies, combien
j’ai constaté une nette amélioration du
service Air France, dont la disponibilité et
le chaleureux accueil qui est réservé à ses
clients, aussi bien par les personnels au
sol que par les navigants, ce qui est loin
du cas de l’aéroport de Paris. Pourquoi une
telle différence, étant donné que les deux
sont un maillon essentiel du cheminement
logistique dans lequel se déplacent les
passagers ?
Réponse :
Au sujet de
l’aéroport, j’ai également reçu des
commentaires qui renforcent les vôtres :
*
La difficulté de stationnement pour déposer les
valises : "M’étant
absenté une dizaine de minutes pour vérifier
que j’étais au bon endroit, j’ai eu maille à
partir avec la police". Noter que
cela existe également sur la plupart des
aéroports.
*
Le cas
d’un couple de passagers qui, après avoir
procédé aux formalités d’enregistrement et de
contrôles de sûreté à l’aérogare "F", a dû,
alors que l’un d’eux ne pouvait se déplacer
que très lentement, marcher jusqu’à l’aérogare
"E", ce qui, pour des bons marcheurs prends 15
bonnes minutes, leur a-t-on froidement
annoncé ! Arrivés, in
extremis, à la porte d’embarquement
"E 34" (celle la plus éloignée), il leur a été dit que
ce changement était dû à des travaux en cours
dans l’aérogare "E". Si l’explication peut
être acceptée comme étant valable, il reste
cependant que si ces passagers en avaient
préalablement été informés, ils auraient pu
prendre certaines dispositions, ne serait-ce
que celle de se présenter à l’enregistrement
beaucoup plus tôt. Mais il est également
permis de s’étonner que, dans un tel cas, ADP
ne propose pas aux passagers ayant des
difficultés à se déplacer, la mise à
disposition, d’un siège roulant.
*
L’inutilité des dérisoires contrôles de
sûreté :
-
la confiscation d’un flacon presque vide d’eau
rafraîchissante
ou d’un pot de crème d’une passagère ;
-
ici, par
exemple, il faut se déchausser et, là, ce
n’est pas exigé ;
-
ici, alors
que, pour être dispensé de passer sous le
porche détecteur, le porteur d’un stimulateur
cardiaque doit présenter les documents
justificatifs, qui sont minutieusement annotés
sur un registre, là, il suffit simplement de
faire un geste en se tapotant la poitrine, ce
qui est aussitôt compris par le préposé qui
vous guide pour passer en dehors du
filtre ;
-
ici, les
bagages de passagers qui ne se sont pas
présentés à l’embarquement, sont débarqués (ce
qui retarde systématiquement le départ de
l’avion), alors que
là, l’avion décolle à l’heure, avec des
bagages dont les propriétaires ne sont pas à
bord, donc peuvent contenir une bombe.
-
etc…
Cela
étant dit, il convient de prendre
en compte :
-
les
importants efforts qui ont été engagés par
ADP, dans l’amélioration du traitement des
passagers, qui ne peuvent être décrits,
ici ;
- ainsi que les énormes
agrandissements, non encore terminés, qui
posent de désagréables perturbations, tant
qu’ils ne seront pas totalement terminés et
que leur affectation ne sera pas définitive.
Quant
à Air France - bien
que continuant à recevoir des messages
déplorant le peu de réactivité de la compagnie
en cas de survenance de retards et ses hauts
tarifs - il reste qu’il est agréable de
recevoir votre témoignage lequel montre
l’existence d’une amélioration, ce qui résulte
probablement des liens créés avec ses
passagers, grâce à ses réseaux sociaux, afin
de recueillir leurs remarques, 7 jours sur 7,
en restant à leur écoute, sur plusieurs
sites :
www.facebook.com/airfrance ; www.twitter.com/airfrance ; www.youtube.com/user/airfranceonair ; www.pinterest.com/airfrance ; www.instagram.com/airfrance ; www.plus.google.com/ ; www.linkedin.com/company/airfrance.
[⑧
Taxe carburant]
Question : Est-ce
normal que les compagnies nous imposent de
payer une taxe carburant, dont on ne connaît
d’ailleurs pas le mode de calcul ?
Réponse : Tout d'abord il y a
lieu de préciser qu'il ne s'agit pas d'une
"taxe", mais bien d'une “surcharge”,
c’est-à-dire un supplément que les compagnies
perçoivent pour amortir le renchérissement de
la facture carburant. Sur un même parcours, il
existe effectivement des différences
inexpliquées, sans aucune logique. Par
exemple, sur un vol vers le Mexique, la taxe
est de 99 €, alors que vers la République
Dominicaine elle se monte à 353 € !
Pour
plus de détails, lire l’intéressant article de
Céline Eymery (Rédactrice en chef
adjointe du “TourMag.com”, premier portail des
professionnels du tourisme), du 4 avril 2013, sur
: http://www.tourmag.com/Taxe-carburant-la-vache-a-lait-des-Cies-est-un-cauchemar-pour-les-agences_a58313.html.
[⑨
CO2
et aggravation des turbulences]
Interview de
Tourmag du 13 avril 2013
TourMaG.com - Une
étude publiée dans “Nature Climate Change”
souligne que le changement climatique allait
augmenter les turbulences sur les vols
Paris-New York, en raison des émissions de CO2
! Que pensez-vous de cette conjecture ?
Jean
Belotti : Désolé ! Mais je n’ai aucune
compétence pour vous donner un avis fondé, sur
l’accroissement des émissions de CO2 et leur
rôle dans l’augmentation de la force et de la
fréquence des turbulences.
TM.com - Mais
vous avez un avis en ce qui concerne les
conséquences sur le déroulement des vols, en
commençant, par exemple, par l’échéance de
cette aggravation, annoncée en 2050 ?
J.B.
: Tout d’abord, notez qu’il n’est pas
question de “certitude”, mais uniquement d’une
prévision, dont la probabilité de survenance
est bien faible, puisqu’il est seulement écrit
qu’il ne s’agit que d’un “risque”
et que “le
changement climatique POURRAIT rendre les
vols transatlantiques très houleux”.
Quant
à l’échéance annoncée en 2050, il est
bien téméraire de dire ce que sera le
transport aérien dans quatre décennies.
Ce
que l’on sait aujourd’hui, c’est qu’il existe
plusieurs projets d’avions supersoniques et
hypersoniques qui voleront bien
au-dessus de la tropopause (séparant
l’atmosphère de la stratosphère), où il n’existe plus
de turbulences.
TM.com - Ensuite,
il est annoncé que les “jet stream”
s’accéléreront avec la hausse des
concentrations de CO2 dans
l’atmosphère et est-ce vrai que les
turbulences seront indétectables ?
J.B.
: Dire qu’elles sont indétectables sous-entend
que celles actuelles le sont ! Or, elles ne
sont pas détectables par les pilotes, mais ils
ont connaissance de la force, de l’altitude et
de la position
des “jet stream” (flux d’air dont la
vitesse maximale peut dépasser 300 km/h et qui
se trouvent à l’altitude maximum à laquelle les
avions de ligne peuvent voler) par les données
météorologiques consultées lors de la
préparation du vol.
D’ailleurs,
c’est à
partir de ces informations que les pilotes
choisissent la route.
Dans
le sens Est-Ouest, donc vent de face, une
route plus longue en distance, mais souvent
plus courte en temps de vols.
Dans
le sens Ouest-Est, une route proche du “jet
stream” pour, grâce à une plus grande
vitesse, réduire le temps de vol, tout en
adoptant celle la moins pénalisante sur le
plan confort des passagers.
TM.com - Il
est également écrit que "pour les aviateurs,
les turbulences deviendront donc plus vives et
difficiles à éviter". Cela n’est-il pas
inquiétant ?
J.B.
: Tout d’abord, il n’y a aucun lien entre la
vivacité des turbulences et le degré de
difficulté pour les éviter. De plus, cette
affirmation démontre une méconnaissance totale
de la réalité des vols, ce qui conduit aux précisions
suivantes.
Lors
de la préparation des vols sur l’Atlantique
Nord (dans les deux sens), des routes aériennes
(track 1, track 2, ...) sont établies par les
services météorologiques et communiquées à
l’équipage.
Chacune
de ces routes est caractérisée par une
longueur totale, ainsi que par la direction et
la force des vents qui y seront rencontrés. Il
est évident que les commandants de bord ne
choisiront pas la route où se trouve le “jet
stream”, mais une autre plus ou moins longue.
De
plus, dans
le cas où l’avion volerait dans un “jet
stream” très turbulent, le pilote a la
possibilité de sortir de la veine d’air, en
diminuant son altitude de vol, en accord avec
le contrôle de la circulation aérienne, bien
sûr !
Enfin,
il est bon d’ajouter que si les turbulences liées
au “jet stream” sont, certes, désagréables,
elles sont beaucoup moins dangereuses que
celles rencontrées lors de vols à proximité ou
dans les cumulo-nimbus, ces énormes nuages se
développant jusqu’à une très haute altitude et
source de très sévères turbulences.
TM.com - Il
reste la prédiction selon laquelle “sur un
Paris-New York de 8h, au lieu de subir 5
minutes de turbulences en moyenne, nous
pourrions devoir nous accrocher à notre siège
pendant 7 à 14 minutes” ?
J.B.
: Ces moyennes statistiques n’ont
aucune signification et vraiment aucun
intérêt. Soyons sérieux ! En admettant
qu’actuellement on soit, en moyenne, secoué
pendant 5 minutes, dites-moi qui pourrait
s’inquiéter en apprenant que dans 40 ans, il
le sera pendant deux minutes de plus ?
TM.com
- Dans une période de réduction drastique des
coûts, est-ce que “les turbulences pourraient
coûter cher aux compagnies aériennes en usant
prématurément les avions” ?
J.B.
: Cette affirmation démontre également
une méconnaissance totale des critères de
vieillissement et de fatigue des avions. Rien
de plus à ajouter, ici, à ces inconsistants
propos.
TM.com
- Enfin, que penser de ce pronostic : “sans
compter que les passagers les plus craintifs
pourraient renoncer à prendre l’avion” ?
J.B. : Là, c’est la
cerise sur le gâteau ! Aucun commentaire !
TM.com
- Une conclusion ?
J.B.
: Il s’agit d’un article qui, à partir
d’une étude scientifique - donc par nature
sérieuse - présente des commentaires
fantaisistes et fallacieux.
---
*** ---
[➉
Accident d’un avion de Lion Air]
Interview de
TourMag du 16 avril 2013.
TourMaG.com
- Le Boeing 737 de Lion Air qui s’est abîmé en
mer, le 13 avril, près de la piste
d'atterrissage de Bali, confirme-t-il
le non sérieux de cette compagnie qui,
d’ailleurs, a été mise sur la liste noire des
compagnies interdites en Europe ?
Jean
Belotti : Il convient tout d’abord de préciser
les conditions de survenance de cet accident.
Par
de bonnes conditions météorologiques, il s’est abîmé
en mer et, heureusement, n’a fait aucune
victime, parmi les 108 personnes à bord. Le
fuselage s’étant brisé en deux à l’impact,
l’appareil s’est immobilisé, partiellement
submergé, à proximité de la piste
d'atterrissage, ce qui a facilité le sauvetage
des occupants.
TourMaG.com
- Les causes probables de cet accident de Bali
sont-elles déjà connues ?
J.B.
: Non, car contrairement à leur habitude,
les médias ne se sont pas précipités pour
recueillir les divers premiers témoignages connus pour en faire un
“scoop”, probablement parce qu’il n’y a pas eu
de morts. Quoi qu’il en soit, ayant été très
discrets, il convient de s’en féliciter.
TourMaG.com
- Avez-vous une idée des causes possibles ?
J.B.
: Non, car l’absence totale d’informations indispensables à
la reconstitution de la fin du vol, interdit
de formuler toute hypothèse.
Cela
étant dit, s’il est possible qu’un avion sorte
de la piste et termine sa course dans la mer,
le fait qu’il amerrisse à proximité de
l’extrémité de la piste sans s’y être posé,
est pour le moins surprenant. Or, il faudra
s’armer de patience, avant d’en avoir
l’explication, qui ne pourra être connue que
lorsque les enquêtes seront terminées.
TourMaG.com
- Mais, n’y a-t-il pas des prémices mettant en
cause le
sérieux de cette compagnie, comme, par
exemple, le fait qu’entre 2004 et 2006, elle a
enregistré six accidents, de surcroît dans des
conditions sensiblement identiques, l’avion
ayant quitté ou raté la piste d’atterrissage ?
J.B.
: Très bonne question qui s’inscrit dans la
démarche habituelle, au cours de laquelle,
après avoir déterminé la cause principale, on
s’intéresse aux facteurs contributifs se
situant en amont du vol accidenté.
Pour
répondre, il conviendrait de :
-
connaître les causes de ces accidents et également et
surtout de savoir si les circonstances de
l’époque (dysfonctionnements,
anomalies, insuffisances, etc...), ont été ou non
corrigées ?
-
consulter les conclusions des enquêtes qui ont
été diligentées, afin de savoir qui a
été mis en cause (le type
d’avion, la maintenance, l’équipage,...) et rechercher s’il y a
une cause commune expliquant que ces accidents
se sont tous produits pendant l’approche
finale de la procédure d’atterrissage ?
TourMaG.com
- Ne peut-on pas disculper l’appareil
qui est entré en service cette année et
également le pilote qui volait pour la
compagnie depuis six ans, selon une
déclaration du directeur de Lion Air ?
J.B.
: Étant donné qu’il est bien connu que
les avions neufs font leur “maladie de
jeunesse” (les exemples sont
nombreux), on ne
peut écarter totalement l’hypothèse d’une
défaillance liée à l’avion.
Quant
au pilote cité - comprenons qu’il s’agit
du commandant de bord - quelle que soit son
ancienneté dans l’entreprise, il conviendrait
de connaître sa formation, ses
conditions de travail, son expérience sur ce
type d’avion, etc..., idem pour son copilote.
TourMaG.com
- Le fait d’être sur la liste noire des
compagnies interdites en Europe n’est-il pas
une raison suffisante du non sérieux de cette
compagnie
?
J.B.
: Souvenez-vous de ce que j’ai déjà résumé :
les contrôles SAFA (programme européen
d'évaluation de la sécurité des avions
étrangers)
effectués sur les aéroports, à l’issue
desquels une compagnie peut être mise sur la
liste noire peuvent, certes, révéler certaines
insuffisances et anomalies, mais uniquement
dans la partie visible de l’iceberg (état
des pneumatiques, validité des licences des
équipages, etc...).
En
fait, la question à poser est donc de
savoir si cet accident a pour origine une cause se situant dans la
partie invisible de l’iceberg, domaine dans
lequel il n’est malheureusement pas possible
d’investiguer (la maintenance, les
conditions d’exploitation, etc...).
TourMaG.com
- Confirmez-vous qu’il s’agit bien, ici, de
s’intéresser au
comportement de l’équipage ?
J.B.
: C’est ce qui ressort des premiers flashs
cités par les médias.
Les
enquêteurs, après avoir pris connaissance des
dossiers professionnels des pilotes et de
toutes les informations concernant leur
carrière, donneront leur avis quant aux
écarts éventuels constatés par référence aux
règles de l’art.
TourMaG.com
- Alors, dépassons le cadre de cet accident
pour savoir si cette compagnie est ou non
dangereuse ?
J.B.
: Pour ce faire, dans l’hypothèse ou le
comportement de l’équipage serait
effectivement mis en cause, il conviendrait
alors de s’interroger sur le mode de
recrutement, la formation et les conditions de
travail des pilotes. En effet, acquérir une
flotte de plusieurs centaines d’appareils
nécessite de disposer rapidement de quelques
milliers de pilotes. Ne pouvant être
débauchés d’autres compagnies, ce seront donc
forcément de jeunes recrues inexpérimentées et
c’est essentiellement là que le bât blesse !
Dans
différents écrits, j’ai démontré que depuis
1944, date
de la reprise du transport aérien civil, il y
avait toujours eu trop ou pas assez de
pilotes.
Pour
pallier cette anomalie j’ai également suggéré
plusieurs solutions susceptibles de remédier à
cette permanente inadéquation entre l’offre et
la demande de pilotes, lors des
renversements de tendances de la croissance du
trafic aérien.
Or,
lorsque le trafic a explosé avec une
augmentation de plus de 20% par an - comme
c’est le cas en Indonésie - et a conduit à la
nécessité d’achats massifs d’appareils, le problème est
malheureusement insoluble à court terme.
Force
est donc d’admettre - et de déplorer - qu’il
en résulte une atteinte certaine à la sécurité
des vols, du fait :
-
de l’inexpérience des pilotes ;
-
de la rapidité avec laquelle leur
formation leur aura été dispensée
(insuffisante qualification et manque de
formation ont déjà été cités) ;
-
et de leurs conditions de travail ("pilotes épuisés
jusqu'à la corde et surexploités”
déclare un expert de l’université d'Indonésie) conduisant à des états
de fatigue reconnus par les spécialistes en
facteurs humains comme étant accidentogènes.
TourMaG.com
- Pour terminer que dites-vous de
l’information selon laquelle, l’an passé, Lion
Air a été sanctionnée par les autorités, après
l'arrestation de plusieurs de ses
pilotes en possession de méthamphétamine ?
J.B.
: Certes, l’attrait de cette drogue est
qu’elle stimule la partie du cerveau procurant
un sentiment de plaisir. Mais les pilotes
incriminés n’ont-ils pas eu recours à ce
tranquillisant, pour les aider à pallier leur état de
fatigue, grâce à ses effets bénéfiques ? En
effet, les spécialistes nous apprennent que
cette drogue est un puissant stimulant qui
permet de se sentir plein d’énergie, sûr de
soi, éveillé et fort, avec diminution de
l'anxiété et augmentation de la puissance de
concentration, et ce, pendant des heures ! De
toute façon, gardons-nous de généraliser cette
pratique à la population des pilotes.
TourMaG.com
- Une conclusion ?
J.B.
: J’admets bien volontiers qu’il serait normal
d’encourager une compagnie qui a
passé une telle commande à notre industrie
aéronautique. En effet, comment imaginer
qu’une compagnie qui a engagé de tels
méga-investissements, puisse volontairement
accepter de faire de graves impasses sur la
sécurité ? Pour autant, bien qu’elle ne
soit pas présente sur le marché européen, il
reste qu’en attendant d’en savoir plus, la
prudence recommande d’éviter de voyager avec
cette compagnie.
--- *** ---
[⑪
Reprise des vols du B787]
Interview de TourMag du 26 avril 2013
TourMag : Il
a été annoncé que le Boeing 787 serait très
prochainement autorisé à reprendre ses
vols ? Qu’en est-il exactement de cette
pénalisante mésaventure ?
Jean
Belotti : L’histoire de ce
biréacteur long-courrier de moyenne capacité
(entre 200 et 300 sièges selon les versions) pouvant assurer des
vols directs de plus de 15.000 kilomètres, a
déjà été longuement décrite dans les médias et
j’ai également répondu à vos questions, lors
de votre interview de janvier.
TourMag :
Effectivement ! Mais, aujourd’hui, au
moment de l’annonce de la proche reprise
programmée des vols, une première question
est de savoir pourquoi on en est arrivé
là ? Autrement dit, quelle est la
raison de ces retards successifs ?
J.B.-
Alors que le dimanche 8 juillet 2007, à Everett,
près de Seattle, le B787 dévoilait enfin ses
formes à l'occasion de la sortie d'usine du
premier exemplaire (“roll-out”), personne ne pouvait
imaginer que les délais de production seraient
reportés plusieurs fois. Premier retard, fin
2007 ; second, en janvier 2008, décalant
de 9 mois le calendrier de livraison
initial ; troisième, en avril 2008, tous
imputés aux sous-traitants. Quatrième, en
novembre 2008, dû à une grève des ouvriers
mécaniciens. Un cinquième, fin juin 2009. Fin
août 2010, à un mois de la première livraison
tant attendue, nouveau report au milieu du
premier trimestre 2011, dû aux difficultés
rencontrées par le motoriste britannique Rolls
Royce, avec les moteurs “Trent 1000” et
constat que 3 % des fixations avaient été mal
montées !
TourMag : Étant
donné les désastreuses et coûteuses
conséquences de ces retards, ne faut-il pas
les déplorer ?
J.B.- Ici,
le progrès technique a conduit à de
fondamentales innovations : Utilisation à
plus de 50% de l’avion de matériaux composites, plus légers et
plus résistants que l'aluminium, qui
contribuent à réduire la masse de l’avion,
donc à réduire sa consommation de carburant et
les coûts de maintenance ;
réduction des décibels autour des aéroports,
inférieure de 40 % à celle d'un Boeing
747 ; etc... Boeing a déclaré devoir
procéder à des améliorations sur le caisson
central du B787, une pièce majeure.
Il
est donc tout à fait normal qu’œuvrant
dans des domaines nouveaux apparaissent des
anomalies ou dysfonctionnements divers. Il
convient
donc, non pas de déplorer, mais de se
féliciter de ces retards qui démontrent qu’au
lieu de faire des modifications partielles et
provisoires, Boeing a préféré reprendre le
problème à fond, malgré les effets pervers
d’un nouveau retard, non seulement sur les
coûts, mais aussi sur son image de marque.
C’est une sage décision pour un marché qui
représente, d’après Boeing, près de 3.500
avions neufs au cours des vingt prochaines
années.
TourMag : Plus
grave que les coûteux retards, il y a eu les
incidents ?
J.B.-
Relevons ceux-ci :
-
Le 28 août 2011, le Boeing 787 recevait,
enfin, son certificat de navigabilité des
autorités aériennes américaines et
européennes. Son premier client, le Japonais
ANA, qui avait passé commande en 2004,
prenait possession de son premier exemplaire,
le 25 septembre, soit après plus de trois ans
de retard. Il réalisait son premier vol
commercial, le 1er novembre. Mais,
moins d'une semaine après, un problème
sur une valve hydraulique obligeait le pilote
à se poser à Okayama, en utilisant la fonction
manuelle de sortie du train
d’atterrissage.
-
En juin, constat de problèmes sur le
stabilisateur horizontal de la queue de
l'avion, fabriqué par l'Italien Alenia.
-
Mi-novembre, en raison d'un incendie d'origine
électrique survenu à bord d’un appareil en
phase d'atterrissage à Loredo, au Texas,
l'équipage a dû procéder à une évacuation
d'urgence des 42 ingénieurs et techniciens
présents à bord. L’incendie a été provoqué par
un corps étranger oublié dans une armoire
électrique (probablement un outil) dans laquelle se
trouvaient des logiciels, des composants.
-
Début décembre, un Boeing 787 (d’United) a dû effectuer un
atterrissage d'urgence en raison de plusieurs
incidents électriques.
-
Le 9 décembre, le Boeing 787 de
Qatar Airways subit des pannes, le jour de sa
livraison.
Il
est vrai que la survenance de ces pannes
pendant les premiers vols est bien connue de
la communauté aéronautique qui ne s’en
inquiète pas outre mesure. Pour autant, il
reste que la gravité de certaines de ces pannes (comme celle
impliquant des batteries électriques) peut conduire à de
graves décisions, comme celle qui a été prise
par la FAA (“Federal aviation
administration” - Autorité de l'aviation civile
américaine) de
suspendre les vols de tous les B787.
Cela
étant dit,
il reste que la prise en compte que des “fixations
ont été mal montées” ; qu’un “incendie
a été déclenché par un outil oublié dans un
sous-ensemble”, que “des
ouvriers se sont mis en grève cause
augmentation des cadences de travail, sans
augmentation des salaires”, … ne
peut que traduire un contexte de “hurry up
syndrome”. Rappelons qu’il s’agit des risques
encourus lorsque la préoccupation de
“respecter un horaire ou une échéance” ou
“rattraper le retard” conduit à des impasses,
des oublis, des vérifications incomplètes,...
On veut aller plus vite que cela n’est prévu
et on oublie, volontairement ou
involontairement, une vérification, une
action. Quant aux conséquences perverses sur
la sécurité des vols, elles ont déjà été
largement démontrées. Ici, les personnels
n’ont-ils pas subi également les mêmes
pressions sur fond d'impératifs économiques
pour respecter les délais de livraison ?
TourMag : Boeing est-il
allé trop loin dans l’externalisation du
programme ?
J.B.-
En ce qui concerne la structure, les ensembles en
composite de la structure ont été confiés aux
américains Vougth et Spirit, à l'Italien
Alenia, ainsi qu’aux japonais Mitsubishi
Heavy, Kawasaki Heavy et Fuji Heavy. Ces trois
derniers, à eux seuls construisent 35 % de la
structure. Les Français, Latécoère, Thales,
Messier-Dowty, Messier Bugatti (tous
deux du groupe Safran), Zodiac, participent à
hauteur d’entre 5 % et 10 % du programme.
En
ce qui concerne les systèmes, Boeing a
déclaré que - sans pour autant abandonner
le recours à des entreprises spécialisées
- plusieurs activités fortement spécialisées
seront réintégrées en son sein.
TourMag : Est-ce
la bonne solution ?
J.B.- Limiter le nombre
de sous traitants impliquerait d’acquérir au
sein de l’entreprise un nouveau savoir-faire
très spécialisé, en augmentant ses dépenses de
“Recherche-développement” (R&D) qui, actuellement,
sont supportées par les sous-traitants, et
d’affecter ou recruter des centaines
d'ingénieurs sur place, ce qui, de toute
évidence, n’est pas réalisable à court terme.
Cette décision est d’autant plus surprenante
qu’il ne s’agit pas de l’incompétence des
sous-traitants, mais principalement du fait
qu’ils n’ont pas respecté les délais de
fourniture de leurs prestations.
Si un seul
sous-traitant n’a pas respecté les délais, on
peut admettre que sa défaillance, étant le
maillon faible de la chaîne, soit à l’origine
des retards. Or, ici, étant donné que
plusieurs sous-traitants sont dans le même
cas, la question qui émerge est de savoir si
les délais imposés n’étaient pas trop
courts et si les draconiennes conditions
imposées pour la certification ont bien,
toutes, été respectées ? En effet, on
sait que face à la concurrence de l’A350
d’Airbus, Boeing était pressé d’inonder le
marché avec son Dreamliner.
Finalement, Boeing
devra trouver le juste milieu (“happy
medium”) entre
continuer à se
concentrer sur le design, la vente et
l'assemblage des avions, et externaliser le
reste qui
l’est actuellement à 70%.
TourMag : N’y
a-t-il pas précipitation dans l’intégration
du progrès technique ?
J.B.- Lorsque le
progrès technique permet de réaliser un “saut
technologique”, il n’y a aucune raison
apparente de ne pas en profiter, car cela est
bénéfique, aussi bien pour l’industrie que
pour les consommateurs. C’est ce qui s’est
d’ailleurs passé depuis la “révolution
industrielle”, ce processus historique bien
connu, qui fut le moteur de la croissance de
l'industrie, à la fin du xviième siècle,
grâce au rapide développement du progrès
technique.
Ici, il convient d’être
conscient de l’importance de ce “saut
technologique”. Par exemple, entre autres, la
puissance électrique de 1,5 mégawatt qui, à
elle seule, pourrait “alimenter
un village de 1500 foyers”, nous
dit-on. Elle constitue une source d'énergie
pour actionner différents équipements ou
systèmes et permet de nombreuses innovations,
comme le système de freinage électrique, qui
remplace les circuits hydrauliques, beaucoup
plus lourds.
TourMag : N’y
avait-il pas une autre solution que celle de
l’interdiction de vol ?
J.B.- La succession des
problèmes rencontrés sur une courte période
imposait une mesure dictée par la prudence.
C'est ainsi que - comme déjà dit - pour la
première fois, depuis 34 ans (suspension
de tous les DC-10 après un “crash” à Chicago en
1979), les
États-Unis ont suspendu toute la flotte d'un
modèle d'avion.
TourMag : Il
reste que ce B787 Dreamliner est un succès
commercial ?
J B.- Bien
sûr ! Lancé en 2004, le Boeing 787 a, de
suite, été considéré comme étant attractif par
de nombreuses compagnies. Non seulement parce
qu’il répondait aux exigences
environnementales, mais également et surtout
parce qu’il permettait de réduire les coûts
des compagnies. C’est ce qui explique que la
cadence des commandes a été régulière jusqu’en
2008. Aujourd’hui, malgré des annulations et
reports de commandes et grâce à de nouveaux
contrats, le carnet de commandes oscillerait
entre 800 à 900 appareils. Indépendamment de
ses performances, n’oublions pas, aussi, de
citer l’amélioration du confort : hublots
plus grands de près de 30 % que ceux actuels
sur les autres types de long-courrier ;
meilleure humidification de l’air sec en
altitude ; meilleure insonorisation de la
cabine,… toutes améliorations qui ont été
également prises en compte par les huit
clients (ANA, JAL, Air India, Lan
Chile, United, Ethiopian Airlines, LOT et Qatar
Airways), auxquels
une cinquantaine d’avions ont déjà été
livrés.
TourMag :
Qu’en est-il actuellement au sujet de la
reprise des vols ?
J.B.- Le 19 avril, la
FAA a annoncé qu'elle validait les
modifications proposées par Boeing. Elles
portent essentiellement sur l’installation de
systèmes de confinement et de ventilation,
pour garantir la non-propagation du feu dans
les systèmes de batteries principales et
auxiliaires ; le remplacement des
batteries et leurs chargeurs par des
composants modifiés, pour éviter une
surchauffe ou un court-circuit. Il s’agit donc
d’une étape importante de franchie, qui
permettra la reprise des vols, dès que ces
mesures seront appliquées, en priorité, sur la
cinquantaine d’appareils actuellement
immobilisés. Ces dispositions sont-elles
suffisantes ? Autrement dit, pour pouvoir
les prendre en compte, les causes initiales et
facteurs contributifs des incidents cités
ont-ils été décelés et correctement
identifiés ? Gageons qu’en si peu de
temps, les solutions retenues ont été les
bonnes, c’est-à-dire suffisamment testées et
que tous les textes légaux ont été respectés.
TourMag : Une
conclusion ?
J.B.- On ne peut
conclure qu’à la fin d’un processus, ce qui
n’est pas le cas, ici. En effet, les vols vont
reprendre et il ne faudra pas s’étonner de la
survenance d’autres dysfonctionnements. Ils
seront pris en compte par les ingénieurs de
Boeing et de leurs sous-traitants qui, comme
ils l’ont toujours fait, trouveront les
solutions permettant, non seulement
d’atteindre le taux de fiabilité souhaité,
mais également d’éviter toute anomalie ou
panne susceptible de contaminer l’ensemble des
systèmes. Tous les pilotes qui ont volé sur
Boeing savent combien ils sont résistants,
fiables et sécurisants. Pour le constructeur,
pour les compagnies et pour les passagers,
formons le vœu que ce soit cette image qui
devienne celle des Boeing 787.
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