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Jean-Pierre Sacripanti
Villeneuve les Avignon le Fort St André  photos
Villeneuve lez Avignon n'est plus que l'ombre d'une ancienne cité prospère. Les monuments qu'elle renferme donnent la preuve de sa splendeur disparue. De quelque côté qu'on aperçoive Villeneuve, ce qui frappe surtout les regards, c'est le fort Saint-André, planté au sommet.d'un mamelon, appelé mont Andaon, qui domine à la fois le Rhône et la ville. Un chemin montueux et plein de cailloux amène à la porte ogivale percée entre deux grosses tours rondes a mâchicoulis, fort bien conservées, sur lesquelles on peut monter. La vue du haut des tours est magnifique, et Avignon s'y présente sous l'aspect le plus pittoresque. L'intérieur du château est en ruines et n'offre pas beaucoup d'intérêt. On peut cependant y faire une courte promenade, et certaines parties des murailles, qui rappellent celles d'Aiguesmortes, sont assez curieuses.
-Villeneuve-lez-Avignon à travers l’image photographique 1860-1950 (1ère partie)  
-Villeneuve-lez-Avignon à travers l’image photographique 1860-1950 (2nde partie)   
 



-Les mystères du Fort Saint-André- 1  
-Les mystères du Fort Saint-André- 2  
-L'or du Temple serait-il enfoui près de Villeneuve ? - 1 
-L'or du Temple serait-il enfoui près de Villeneuve ? - 2
-L'or du Temple serait-il enfoui près de Villeneuve ? - 3
-L'or du Temple serait-il enfoui près de Villeneuve ? - Fin
-Annexe 1 - Us et coutumes des Chartreux
-Annexe 2- Vie de Saint Bruno 
-Le fort perd son rôle stratégique lorsque la Provence est rattachée à la France en. 1481...


Les mystères du Fort Saint-André- 1 



Si Villeneuve livre un jour à quelqu'un le trésor des Chartreux, dit mon hôte à qui je cède à nouveau la parole, elle n'en recèlera pas moins d'autres mystères propres à exciter la curiosité des uns, comme la cupidité des autres. Ne dit-on pas que son Fort Saint André en renferme à lui seul quelques-uns ?
Je vais vous raconter une histoire que je tiens de mon père, c'est dire qu'elle ne date pas d'hier ! Lui-même la tenait d'un Villeneuvois déjà âgé, qui ne la racontait pas sans une sorte de frayeur rétrospective. Faisons comme si nous écoutions cet homme.

"C'était en 1887. Je venais d'avoir treize ans et j'apprenais le métier de forgeron. avec mon père qui me disait souvent " Si tu comptes bien tes sous, tes clous et tes fers, tu ne seras jamais pauvre." Il omettait de préciser que je ne serais jamais non plus très riche.
La forge m'occupait souvent jusqu'à la nuit tombante et parfois même au-delà. Le travail ne me déplaisait pas. Mais comme tous les garçons de mon âge, j'aimais bien aussi m'amuser. Et j'avais obtenu que mon père me laisse libre le samedi après-midi et toute la journée du dimanche.
Je rejoignais alors une bande de galopins de mon âge qui s'imaginaient être de redoutables brigands. Nous faisions, c'est vrai, mille tours pendables comme par exemple, à la saison des fruits, d'aller piller les vergers de l'Abbaye.
Après quoi, le ventre repus, nous nous endormions sous l'arbre victime de nos rapines, l'un des nôtres s'y perchant pour faire le guet. Mais il arrivait parfois à cette vigie de s'endormir elle aussi, bien calée dans la fourche d'une grosse branche. Et c'était les cris furieux du propriétaire qui nous tiraient de notre paisible sieste digestive. Il n'y avait plus alors de salut que dans la fuite.
Car si l'un d'entre nous était pris, il se retrouvait devant monsieur le Maire qui l'admonestait en présence de ses parents. Et le coupable recevait ensuite une raclée mémorable qui ne l'empêchait pas de récidiver à la prochaine occasion.
Nous avions aussi l'âme guerrière et nous allions souvent dans les ruines du fort Saint-André affronter une bande rivale contre laquelle nous livrions des combats qui nous paraissaient terribles. L'un de ces assauts dont je me souviens comme si c'était hier, nous ouvrit les portes d'une aventure inoubliable qui aurait pu cependant nous être fatale.
Traqués par l'adversaire, essoufflés d'avoir trop hurlé et couru, nous cherchions en hâte un refuge pour échapper à nos poursuivants, quand l'un d'entre nous, se jetant au coeur d'un buisson épais, y découvrit l'orifice béant d'un trou profond, cachette idéale où nous engouffrâmes prestement.
En fait de trou nous eûmes tôt fait de voir qu'il s'agissait d'un tunnel profond dont on ne distinguait pas l'extrémité. Je dois dire qu'à cette époque, le fort était presque ruiné et dans le plus complet état d'abandon. Il nous arrivait alors souvent de nous égarer dans des salles obscures et pour ce genre d'escapade nous étions toujours munis de bougies et d'allumettes suédoises.
Que faire ? La décision fut vite prise. Il fallait explorer ces lieux inconnus. Les bougies furent allumées et nous partîmes à l'aventure, toutefois peu rassurés dans ces ténèbres mal éclairées, humides et froides, faiblement trouées par la clarté dansante de nos chandelles.
Après quelques mètres, la galerie plongea brusquement dans les profondeurs de la terre par un interminable escalier tournant que nous descendîmes avec précaution. Puis, arrivés au fond, le tunnel reprit sa course rectiligne. Nous avançâmes encore, silencieux, inquiets et surpris de notre audace. Je crois qu'à ce moment, si l'un d'entre nous avait manifesté son angoisse, il s'en serait suivi une retraite effrénée vers la sortie.
Nous avions dû parcourir ainsi peut-être cinq cents mètres Nos bougies avaient beaucoup diminué. L'humidité était devenue considérable. L'eau suintait du plafond et des parois en grosses gouttes qui s'écrasaient au sol où elles formaient, par endroit, des flaques importantes.
La première bougie s'éteignit. Si j'en jugeais par ce que je ressentais, la peur nous tenait tous au ventre. Mais nul ne disait mot. Soudain il y eut un puissant appel d'air, et un souffle glacé passa sur nous, éteignant d'un coup toutes les chandelles.
Nous restâmes un instant figés sur place, dans le silence des épaisses ténèbres. Puis, sans crier gare, ce fut la débandade, la course éperdue vers la sortie lointaine. Courant au hasard, heurtant les parois, trébuchant sur les pierres, terrifiés à l'idée d'être poursuivis par quelque fantôme menaçant, nous arrivâmes au pied de l'escalier que nous remontâmes de toute la vitesse de nos jambes, cramponnés l'un à l'autre par le bout de nos chemises.
Quand nous sortîmes enfin du souterrain, étonnés d'en être quittes à si bon compte, le soleil disparaissait sous l'horizon. Pourtant, la lumière du jour nous parut éclatante. Je regardai mes quatre compagnons. Ils étaient livides comme je devais l'être. Et nul ne dit mot pendant quelques minutes. Notre expédition avait duré presque deux heures et nous étions épuisés par l'effort et les émotions.

Malgré cela, le lendemain, la nuit ayant porté conseil, chacun avait retrouvé son courage et nous décidâmes de renouveler notre exploration en nous munissant de lanternes et en nous armant chacun d'un solide bâton pour affronter l'adversaire invisible qui avait soufflé nos chandelles.
Mais nous eûmes beau chercher, explorer, fouiller chaque bosquet, chaque mètre carré des lieux où nous étions la veille, rien n'y fit. Le trou où nous nous étions jeté resta introuvable, comme s'il n'avait jamais existé et que nous eussions été victimes d'une hallucination collective.
D'autres tentatives, faites par des adultes, furent elles aussi vouées à l 'échecs. Jamais personne ne fut capable de retrouver l'entrée de ce souterrain. Et c'est un vrai mystère. Alors, que s'était-il passé ?
On ne peut que l'imaginer. Par une coïncidence étrange, le jour de notre escapade, des inconnus avaient dégagé à des fins mystérieuses l'orifice du tunnel dont ils connaissaient l'existence. Sans doute se trouvaient-ils en même temps que nous, mais bien plus avant, dans la galerie où ils effectuaient une besogne secrète, créant le puissant appel d'air qui ne peut s'expliquer que par l'ouverture de l'orifice, à l'autre bout du souterrain.

Ayant mené à bien leur entreprise, ils quittèrent les lieux en refermant soigneusement l'accès à la galerie un moment dévoilé. Comme nous y étions entrés et en étions sortis avec la même précipitation, nous n'eûmes pas l'idée de prendre des repères de surface, même de façon sommaire.
"Depuis notre mémorable aventure, j'ai souvent réfléchi à ce mystère. Je suis convaincu que le souterrain filait vers Avignon en passant sous le Rhône." ( Nota : beaucoup croient en effet qu'un tel souterrain existe et qu'il déboucherait non loin du Palais des Papes, sans doute au Petit Palais, ancienne demeure cardinalice, où l'on peut encore voir de nos jours l'amorce obstruée d'une galerie s'en allant vers le Rhône), et que, des deux côtés, ses accès sont restés praticables. "Je ne pense jamais à tout cela sans une certaine frayeur rétrospective, car nous aurions pu périr à treize ans, emmurés vivants dans ce tunnel lugubre, humide et froid qui serait devenu notre caveau. Mais d'un autre côté, nous avons peut-être côtoyé les trésors qu'on dit enfouis sous Villeneuve. Et j'aurais pu être moins pauvre."

" Le vieil homme qui aimait raconter son étrange mésaventure, disait sans doute vrai, reprit Monsieur C. L'un des gardiens du fort Saint André, plus pauvre que Job, a un jour rendu son tablier à l'administration pour aller s'établir riche fermier dans une belle propriété de la région. Cette soudaine fortune ne lui est pas venue en dormant. Puisque vous m'avez parlé de Genève, je peux vous dire que beaucoup de pièces d'or et autres objets précieux provenant de Villeneuve, ont été négociés et vendus en Suisse, sous le manteau.
On évoque toujours le trésor des Chartreux, sans doute parce qu'il n'a pas été retrouvé. Mais on ne parle pas des richesses de l'Abbaye qui, elles aussi, disparurent à la Révolution. Ni de celles des Récollets qui furent retrouvées par un maçon. C'était un beau magot en pièces d'or placées dans une grosse marmite en fonte découverte en abattant un escalier de leur monastère. Un autre chanceux villeneuvois qui voulait arracher un olivier tué par la sécheresse, sur d'anciennes terres monacales, constata qu'il avait été planté dans une grosse jarre où, sous les racines de l'arbre, il découvrit plusieurs centaines de pièces d'or. Son cas n'est pas unique.
D'autres surprises heureuses attendent sans doute encore ceux qui ont acquis et font restaurer les plus vieilles demeures de Villeneuve. Les cardinaux et autres prélats de haut rang qui avaient fait bâtir leur "livrée" ou leur hôtel particulier dans la cité, avaient coutume d'y aménager une place secrète que l'on nommait alors un "portefeuille", où ils dissimulaient leurs pièces d'or. Certains de ces " portefeuilles " ont été mis au jour. Bien d'autres restent encore à découvrir."



Les mystères du Fort Saint-André 2 


Je laisse à nouveau la parole à mon hôte, seul détenteur des mystères de Villeneuve et je transcris tels quels ses propos dont je lui laisse la responsabilité. Tout en précisant que cet homme a joué un rôle d'une certaine importance pendant l'occupation allemande.

" Singulièrement, l'Abbaye du fort Saint-André n'appartient pas au domaine public. Elle est la propriété privée d'une dame qui eut des attaches avec un grand musée national. Sans dire qu'elle les collectionne, sa famille possède ailleurs une autre Abbaye, celle de Fontfroide (achetée par la dot de Magdeleine Fayet en 1908, restaurée par la suite par le couple Fayet, Fontfroide reste le fleuron de la famille Fayet, appartenant toujours aux descendants de Gustave et de Magdeleine Fayet.) , à ce que je crois savoir (Gustave Fayet 1916. Séjour aux Lecques où il rencontre la poétesse Elsa Koeberlé: il achète pour elle l’abbaye du Fort Saint André de Villeneuve-Lès-Avignon. Gustave Fayet avait acquis cette abbaye en 1917 en servant de prête nom à deux de ses amies, Génia Loubov, d’origine russe et Elsa Koeberlé, alsacienne, puis allemande depuis 1871. La guerre de 1914-1918 n’étant pas encore terminée, Elsa Koeberlé et Génia Loubov étaient réfugiées en France ).

-Nous sommes pendant la guerre de 1939-1945, après l'invasion de la Zone Libre par les forces de l'Axe. Les Villeneuvois sont intrigués par les vols réguliers d'avions allemands et italiens qui tournent au-dessus du fort Saint-André et y procèdent à des largages de faible volume. Certains habitants croient aussi voir s'échapper de l'Abbaye des signaux lumineux très semblables à des messages optiques.

-L'affaire en reste là, mais elle s'est ébruitée. Aussi, à la Libération, le fort et l'Abbaye sont investis par d'importantes forces de police qui y effectuent une perquisition en règles. A ce qu'il se raconte, on y saisit des systèmes de quartz et un assortiment de palettes colorées, le tout ayant vraisemblablement servi à faire fonctionner une radio émettrice et un système de transmissions otiques.On y saisit également de nombreux documents qui furent ensuite classifiés "secret défense".

-Mais à la demande impérative d'un mystérieux et important personnage qui habitait alors dans l'Abbaye, l'officier qui commandait le dispositif policier avait aussitôt renoncé à pousser plus avant ses investigations.

-Par la suite, il devait évoquer cette affaire, faisant à certains la confidence suivante : "On m'a souvent reproché d'avoir renoncé à cette perquisition. Mais je connais peu de gens qui s'obstineraient à ouvrir une porte, tout en sachant qu'elle se refermera sur eux pour les retenir dans une prison". Le message est clair : s'il n'avait pas obéi, il aurait eu de graves ennuis.

-Les anciens Villeneuvois se souviennent encore d'une femme qui se promenait parfois dans le village en compagnie de la propriétaire (en fait, la locataire) de l'Abbaye. Elles se faisaient appeler par leur prénom, Elsa et Génia. Beaucoup auraient juré que cette femme était un homme déguisé. Elle était fortement charpentée, avait un physique viril, une voix de contrebasse, un système pileux excessif et un goût immodéré pour le tabac Caporal ordinaire. D'après son patronyme qui était certainement un pseudo, cette "femme" était sans conteste d'origine russe. Du reste, auprès de ses intimes, "elle" prétendait ouvertement appartenir à la famille de Nicolas II et des Romanov.
retour dans le texte


-Maintenant, je vais vous dire de qui il s'agissait en réalité et je sais que vous allez trouver cela invraisemblable. Pourtant, j'avais à l'époque des sources sûres que je pouvais vérifier. Ce travesti avait de bonnes raisons pour se déguiser, car sa tête était mise à prix par les services secrets soviétiques. En effet, il s'agissait de rien moins que du grand duc Michel Alexandrovitch Romanov, frère du dernier tsar de toutes les Russies, massacré sans jugement, de façon atroce, avec toute sa famille, à Iekaterinbourg, dans la nuit du 16 au 17 juillet 1918.

-Avant sa mort, Nicolas II avait d'abord abdiqué en faveur de son fils le Tsarévitch Alexis. Mais il se ravisa et abdiqua en faveur de son frère Michel qui, peu après, renonça lui- même, provisoirement, à exercer le pouvoir impérial, mais qui n'en demeurait pas moins le Tsarévitch en titre, héritier légitime du trône des tsars.

-Placé en résidence surveillée à Perm, où il circulait librement et jouissait d'une certaine considération, il aurait été, selon la rumeur, lui aussi exécuté par les Soviets, le 12 juin 1918. Mais les archives n'apportent aucune certitude sur ce point précis. Et les autorités soviétiques ont toujours prétendu qu'il avait réussi à s'évader grâce à des complicités nouées dans la ville de Perm, parmi les Russes blancs. Du reste, les historiens usent à son sujet d'une terminologie modérée : on n'évoque pas la mort du grand duc Michel, mais sa disparition.

-Ainsi, la prétendue Grande Duchesse Anastasia ne fut pas la seule à échapper au massacre de la famille impériale.Mais ceci est une autre histoire qui a fait couler beaucoup plus d'encre. On sait maintenant, grâce aux analyses ADN, qu'il s'agissait d'une imposture.


-Certains ont objecté que s'il avait survécu, le grand duc se serait manifesté publiquement, d'une manière ou d'une autre. S'il ne l'a pas fait, c'est en vertu de la plus élémentaire prudence, les Soviets n'ayant jamais renoncé à " récupérer ", c'est-à-dire à assassiner partout où ils se trouvaient, les chefs vaincus de l'Armée blanche, comme leurs opposants. Trotski, retranché dans son camp fortifié du Mexique, à des milliers de kilomètres de Moscou, l'apprit à ses dépens, quand le bras armé par Staline vint lui casser la tête à coups de pic à glace. 

-Lorsqu'ils furent certains que toute tentative de retour au régime antérieur était devenue impossible, les derniers partisans du tsarisme s'installèrent dans un exil définitif, un peu partout dans le monde et pour beaucoup, en France.

-Des officiers tsaristes de l'ex Armée blanche y organisèrent alors tout un réseau de contre-espionnage et de menées subversives anti-soviétiques. La plupart furent " récupérés " par les hommes de main de la Tcheka, dans des circonstances souvent dramatiques. Si la majorité de ces règlements de compte intervinrent avant 1939, l'organisation Russe blanche, alors en sommeil, va être réactivée en France à l'occasion du second conflit mondial.

-Cette organisation était dirigée par un chef qui créa les Unités Cosaques anti-soviétiques pour les envoyer combattre sur le front russe aux côtés des Allemands. En s'alliant ainsi aux forces de l'Axe, ce chef inconnu redonna au mouvement tsariste une certaine vigueur. Mais il était trop tard. Les jeux étaient faits et Hitler , comme Mussolini, n'étaient plus, désormais, que des cartes sans valeur. Staline avait définitivement triomphé.


-Certains affirment que le fort Saint André abrita, pendant la dernière guerre, la Centrale qui organisait et commandait les forces anti-soviétiques des Russes blancs en Europe, ( implantés surtout en France et en Allemagne), ainsi que le chef de cette organisation. L'affirmation n'est pas gratuite. Elle est soutenue par des Villeneuvois accusés, souvent à tort, de collaboration avec l'ennemi et emprisonnés dans les tours du fort, en compagnie de cet homme femme lui-même soupçonné d'avoir été un collaborateur de haut rang. Je ne crains pas de dire que moi aussi victime d'une dénonciation calomnieuse, je subis le même sort. Mais mon innocence fut vite prouvée et je fus rapidement libéré. J'avais cependant eu le temps d'acquérir la certitude que l'hôte du fort Saint André était un personnage de très haute condition et à coup sûr, un homme car, dans une telle promiscuité, on ne peut pas tromper longtemps son entourage.

-On dit aussi que la propension du grand duc Michel à se déguiser en femme s'explique par le traitement spécial que lui fit subir son frère, le tsar Nicolas II: il l'avait fait castrer pour qu'il n'eût pas de descendance. Si bien que la légitimité de son fils Georgui Mikhaïlovitch fut souvent contestée.

-Libéré après une très courte détention dans les tours du fort, le grand duc profita peu de cette liberté. Il mourut fin aout 1944, à l'âge de 66 ans.

-Après de difficiles démarches pour en obtenir l'autorisation, sa dépouille mortelle, revêtue de son uniforme de parade et enveloppée dans le drapeau aux armes du dernier tsar Nicolas II, fut coulée dans une dalle de béton et mise en terre en un lieu secret de l'Abbaye. J'ai assisté à cette inhumation. Après elle, aucun témoignage concret ne subsistait plus de l'étrange personnage. Mais le bloc hermétique dans lequel il repose porte gravées les écritures cyrilliques qui attestent de son identité, ainsi que les dates de sa naissance et de son décès.

-Je vous vois dubitatif et je conçois qu'on puisse l'être, ajouta mon confident. Mais si ce personnage n'était qu'une femme virile formant un couple saphique avec sa compagne locataire de l'Abbaye, on comprend mal tout ce va et vient d'avions, ces parachutages au dessus du fort, ni ces visites fréquentes qu'y firent les autorités allemandes d'Avignon, ni pourquoi, durant la guerre, l'Abbaye reçut une importante quantité d'invités et autres visiteurs de toutes sortes. Et puis pourquoi encore ce drapeau du tsar en guise de linceul ? Pourquoi cette sépulture hermétique et cachée ? Pourquoi cette perquisition interrompue, ces documents saisis, ces appareils de transmission et de communication ? Non ! Le personnage n'était pas anodin et jouait un rôle capital dans son domaine d'action. Du reste, je persiste : il s'agissait bien du grand duc Michel Romanov."

Monsieur C. qui ne m'avait certainement pas tout dit sur les raisons de cette forte certitude, m'indiqua ensuite comment je pouvais me rendre à l'endroit exact où reposait " son " grand duc Michel. Je n'y vis en effet qu'une grosse dalle de ciment sans aucune indication, les écritures cyrilliques ayant été effacée. Et j'en conclus par un " pourquoi pas ? ", la preuve du contraire ne pouvant être administrée.


Monsieur C. me montra encore, au pied du fort Saint-André, du côté du levant, une sorte d'arcade taillée dans le roc et obstruée par des blocs de pierre qui semblent rapportés de l'intérieur et forment des strates horizontales très ajustées sur la paroi rocheuse aux strates verticales, ce qui ne laisse pas d'intriguer. Selon lui, il s'agit du débouché d'un souterrain qui permettait aux occupants du fort de s'en échapper au besoin, en accédant directement au Rhône dont les eaux baignaient alors le pied du mont Andaon en face d'Avignon. Selon d'autres, ce n'est qu'une singularité géologique.

Non, décidément, le fort Saint-André et son Abbaye n'ont pas livré tous leurs mystères.

Nota : Depuis l' époque où Monsieur C. me fit ces confidences, j'ai pu procéder à certaines vérifications. Les dates ne concordent pas. En effet, même si le grand duc Michel a pu échapper aux bolchéviques et se réfugier en France, ce ne peut être qu'après le mois de juin 1918, car avant cette date il se trouvait toujours en Russie. Or, on sait que Elsa et Genia, qui entretenaient une relation saphique, se fréquentaient depuis le printemps 1914 et ne se quittèrent plus jusqu'au décés de cette dernière en août 1944. Entre 1939 et 1945, il y avait donc très probablement, habitant lui aussi dans l'Abbaye du fort Saint André, un troisième personnage, un homme pouvant lui aussi se déguiser au besoin en femme pour préserver son incognito et entretenir la confusion. Et tout le monde s'y est trompé, y compris Monsieur C. Ce n'est pas Genia Lioubow, qui était une vraie femme aux allures hommasse, mais cet homme sans doute très habilement déguisé en femme qu'il a côtoyé dans les tourelles du Fort transformées en prisons. Naturellement, après quelques jours, la barbe avait poussé et il s'avéra que la femme était un homme. C'est du reste à cela qu' au petit matin on reconnaît les travestis même les plus efféminés et les mieux fardés : la barbe leur a bleui ou grisé le visage



D'après des témoins, ce troisième personnage quittait très rarement l'Abbaye, et de préférence la nuit. Après le déces de Génia, il y a été aperçu de loin par des visiteurs assurant avoir vu une femme, d'autres disant un homme. Ce personnage était un parent de haute lignée du Tsar Nicolas II, et, par voie de conséquence, de Génia Lioubow ( un pseudo ?), qui avait dû l'introduire dans l'intimité de son amie, la poétesse Elsa Koeberlé . Le reste paraît exact. Depuis l'Abbaye où il avait établi son quartier général, protégé par l'Etat français, financé par les nazis et les fascistes, mais aussi par d'autres puissances belligérantes ennemies des premières ( dont l'Angleterre qui n'avait pas renoncé à faire main-basse sur le pétrole du Caucase), il recrutait des partisans et coordonnait l'action des Russes blancs contre le bolchévisme, en relation avec les forces de l'Axe. Pour en savoir plus, il faudrait que les archives saisies dans le monastère à la Libération soient déclassifiées pour n'être plus protégées par le Secret Défense. Ce qui n'est pas pour demain. Reste alors la question sans réponse: si cet homme n'était pas le grand duc Michel Romanov, qui était-il ? Et qui pourrait le dire ?


add Elsa Koeberlé  ??? 
Née le 2 août 1881 - Strasbourg (Alsace)
Décédée le 14 juillet 1950 - Villeneuve-lès-Avignon , à l’âge de 68 ans



L'or du Temple serait-il enfoui près de Villeneuve ? 1 

 

J'ai connu un ingénieur des Mines dont toute la carrière se déroula entre Bagnols-sur Cèze et Nîmes et qui rechercha pendant des années le trésor de Templiers dans les environs de Villeneuve. C'était un homme réputé pour son esprit positif, qui agissait sur la foi de documents renfermés dans la bibliothèque d'une des plus anciennes et des plus secrètes familles de la région et pour tout dire, d'Uzès. Souvenons-nous que le propriétaire du mas de Carles, l'abbé Persa, disait rechercher lui aussi ce fameux trésor.

-On s'accorde à penser que l'énorme monceau d'or qui constituait, hormis leurs biens immobiliers, la plus importante richesse mobilière des Templiers, a échappé à la convoitise de ceux qui démantelèrent le puissant Ordre religieux. Depuis, bien des lieux revendiquent la cachette où cet or fut dissimulé. Mais nul n'avait pensé que cette cachette pût se trouver en terre méridionale. Et pourtant…, ajouta Monsieur C.

-Il y a, passés sept cents ans, à l'aube du 13 octobre 1307, l'Ordre du Temple, géant puissant et mystérieux, s'écroula tout entier, pour ne plus se relever. Ce fut peut-être dommage. Héritier, continuateur et propagateur des sciences et de la mystique orientales, assimilées durant son long séjour en Terre Sainte, certains pensent qu'il aurait pu, avec sept siècles d'avance, porter l'humanité jusqu'au seuil du monde moderne.

-Par un acte daté du 14 septembre 1307 et tenu secret, Philippe le Bel, le roi de Fer, mande à ses Gens d'Armes d'exécuter l'arrestation de tous les Templiers du royaume de France. C'était une entreprise énorme. Ce fut une réussite totale et la première " opération de police " d'une telle envergure menée en France . Toutes les Commanderies du royaume furent investies et ses occupants arrêtés, à la même heure, au petit matin de ce 13 octobre 1307

-On s'est demandé si le roi avait agi par cupidité, (il était le plus important débiteur du Temple), ou s'il avait cru de bonne foi aux accusations d'impiété, d'hérésie, de blasphème, de sodomie et d'idolâtrie portées par son conseiller Nogaret contre les moines soldats. Si l'on ne peut pas sonder la conscience d'un monarque disparu depuis presque sept cents ans, on peut le faire pour sa trésorerie.

-Elle était le plus souvent dans un état déplorable, car il fallait financer les nombreuses guerres que ce roi mena contre les grands féodaux, la Flandre et l'Angleterre. Si bien que Philippe devait recourir périodiquement à des expédients pour renflouer son trésor.

-Il fit plusieurs fois battre de la fausse monnaie. Mais ce procédé malhonnête présentait l'inconvénient de discréditer la monnaie royale à l'intérieur des frontières de France, comme au-dehors. On chercha autre chose et on fit main basse sur la fortune de banquiers lombards, puis sur celle des Juifs du royaume qui en furent chassés, mais auxquels on accorda la possibilité d'y revenir moyennant le paiement d'une taxe élevée …

-Après quoi, le trésor du roi fut de nouveau à sec, Nogaret pensa à l'Eglise et à ses énormes richesses. Il s'en ouvrit à Philippe le Bel et tous deux, conscients de s'attaquer à une puissance à la fois dangereuse et sacrée, s'employèrent à découvrir la meilleure façon de le faire sans trop de risques..

-Les relations entre la papauté et le trop puissant Ordre du Temple n'avaient jamais été idéales. Elles s'étaient même beaucoup détériorées depuis l'établissement à Avignon du trône de Pierre. La fortune et l'influence des moines soldats étaient une insulte à la pauvreté chronique, à l'autorité incertaine du pape actuel, un Français, Bertrand de Got dont Philippe le Bel avait favorisé l'accession au siège pontifical sous le titre de Clément V. Si bien que le pape ne pouvait pas refuser grand'chose au roi de France.

-Du reste étroitement surveillés par la garnison royale établie dans le fort Saint-André et dans la forteresse de la Tour, les papes d'Avignon ne cessèrent pas de trembler devant les souverains du puissant royaume de France. Clément V, premier pape d'Avignon, y fit moins que tout autre exception, face à Philippe le Bel, prince violent et redoutable qui avait déjà manifesté ouvertement son mépris pour la tiare.

-Mais le roi savait que son entreprise risquait d'éveiller l'hostilité des autres souverains d'Europe. Les Templiers étaient solidement établis et respectés dans tous les royaumes voisins. Avant de passer à l'action, il lui fallait obtenir l'accord tacite du pontife, en lui promettant, en contrepartie, une solide rétribution à valoir sur les richesses du Temple, c'est à dire toutes leurs possessions immobilières.

-Clément V fut un moment hésitant. Il admettait difficilement que les soldats du Christ puissent être salis par des accusations mensongères et infamantes. Mais ses caisses étaient vides et l'idée qu'il pourrait ainsi renflouer son trésor l'emporta sur ses scrupules. Rivaux des Templiers dont ils jalousaient les richesses, certains Hospitaliers de l'entourage pontifical poussèrent le pape à manifester une neutralité favorable au projet de Philippe le Bel. Dès lors, le sort des Templiers était scellé. Clément V fut également sensible à la menace non déguisée que Nogaret proféra contre lui pour hâter sa décision. "Que prenne garde le pape, il est simoniaque, il donne par affection de sang les bénéfices de la Sainte Eglise de Dieu à ses proches parents. Il est pire que Boniface qui n'a commis autant de passe-droits. Cela doit suffire. Qu'il ne vende pas la justice. On pourrait croire que c'est à prix d'or qu'il protège les Templiers, coupables et confessés, contre le zèle catholique du roi de France." Face à de telles menaces, le faible et velléitaire Clément V céda.

-Traqués, arrêtés partout, emprisonnés, torturés, avouant, se rétractant, déclarés relaps (chrétien retombé dans une hérésie à laquelle il avait précédemment renoncé) et exécutés, tel fut pendant sept ans le sort des moines-soldats, jusqu'à ce que les ultimes bûchers du 18 mars 1314 achèvent de consumer les restes du dernier grand maître de l'Ordre, Jacques de Molay et de son compagnon Geoffroy de Charnay, auxquels on avait joint deux autres grands dignitaires pour faire bonne mesure.

-On dit que du haut de son calvaire, au moment de mourir, Molay assigna le roi et le pape, ses bourreaux, à comparaître avec lui devant Dieu dans l'année, maudissant de plus le monarque et sa descendance jusqu'à la treizième génération. On sait ce qu'il en advint. En route pour la Catalogne, sa terre natale, Clément V, frappé d'un "mal affreux", sans doute un cancer des intestins, se fit porter au château de Roquemaure, tout près d'Avignon, où il mourut dans la nuit du 19 au 20 avril 1314, après avoir avalé un plat d'émeraudes pilées (!) censées guérir son mal. Philippe le Bel s'éteignit presque subitement, après avoir été pris d'un brusque saisissement, alors qu'il chassait en forêt, non loin de Pont-Sainte-Maxence, le 29 novembre 1314, à moins que ce ne fût par suite d'une chute de cheval. Quant à Nogaret, cet étrange personnage, juriste subtil et brutal homme de guerre, mort empoisonné le 27 avril 1314, il avait suivi le pape et précédé son maître dans la tombe, quoique certains pensent qu'il mourut en 1313.

-On ne peut affirmer que ce fut à cause de la malédiction du roi, mais les trois fils de Philippe le Bel qui régnèrent après lui, moururent sans descendance mâle, ce qui, en application de la loi salique ( instituée pour évincer du trône de France un monarque anglais), marqua la fin des Capétiens directs et l'avènement des Capétiens Valois. Très approximativement, treize générations plus tard, la tête de Louis XVI tombait sous le couperet de la guillotine.

-Mais revenons à cette fatidique matinée du 13 octobre 1307. La chronique rapporte que Philippe le Bel investit en personne le Temple de Paris, à cheval, à la tête de ses hommes d'armes. En d'autres circonstances, il aurait laissé cette besogne à ses capitaines. Mais il y avait là beaucoup trop d'or et il préféra prévenir la cupidité de ses gens. La précaution fut inutile.

-Car, cette forteresse internationale de la finance, cette banque européenne avant la lettre qu'était le Temple de Paris, lui réservait une amère déception. On y trouva bien, en grande quantité, des armoires et des coffres, mais tout avait été vidé. Les archives et l'or des Templiers s'étaient volatilisés sans doute bien des jours avant l'arrivée du monarque qui, de dépit, fit aussitôt torturer à mort quelques moines soldats encore présents sur les lieux, mais qui ne sachant vraisemblablement rien, ne purent rien lui apprendre. Conçue et menée de main de maître, la tentative de spoliation des Templiers s'achevait par un échec dont Philippe le Bel n'eut de cesse de se venger, en ordonnant la chasse à tous les Templiers, du plus humble jusqu'à ceux du plus haut rang. La traque dura sept ans.
 



L'or du Temple serait-il enfoui près de Villeneuve?  2 

-Pour imaginer comment les Templiers réussirent à soustraire leur trésor monétaire à la convoitise royale, il faut considérer l'importance du délai qui courut entre le jour où fut signé l'acte secret et celui de leur arrestation, soit tout un mois. Sans doute faut-il incriminer la lenteur des communications de l'époque, en observant toutefois que les courriers les plus rapides ne mettaient que cinq jours pour aller d'Avignon à Paris. Ce fut donc surtout la nécessité d'une parfaite mise au point de l'opération qui imposa un tel délai.

-Certains dignitaires de l'Ordre du Temple appartenaient aux plus nobles familles du royaume. Elles avaient leurs entrées à la cour de Philippe le Bel. L'entreprise qui s'y trama durant plusieurs mois était si importante et mobilisait tant de personnes que, malgré le secret dont on l'entoura, des fuites se produisirent. Ainsi, Jacques de Molay et les dignitaires de l'Ordre durent être informés bien avant le 13 octobre 1307 du danger qui les menaçait, même si, supposant qu'on n'en voulait qu'à leurs richesses, ils n'en mesurérent pas le risque mortel. Et ils eurent le temps de prendre toutes les dispositions nécessaires pour évacuer de leurs commanderies les dépôts d'or qu'ils y avaient entreposés, avec, en priorité, l'énorme trésor et les archives de l'Ordre contenus dans le Temple de Paris.

-Il se colporta longtemps et de nos jours encore que, quelque temps avant la date fatidique (mais certainement pas la veille de l'arrestation, comme le prétend un récit apocryphe propre à égarer les recherches), de lourds chariots tirés par de forts chevaux, quittèrent de nuit la Maison mère pour une destination inconnue où les attendait une cache apprêtée de longue date. Toutes les Commanderies firent de même et les hommes de Nogaret n'y trouvèrent pas la moindre piécette. Ce qui décupla la fureur de Philippe le Bel qui comptait impérativement sur cet or pour renflouer ses finances.

-Il reste à savoir pourquoi, prévenus du mauvais coup qui allait leur être porté, les Templiers se laissèrent tous arrêter comme un seul homme, sans opposer la moindre résistance ni chercher à s'enfuir. Sans doute ne connaissaient-ils pas les abominables accusations portées contre eux par Nogaret. Dès lors, pourquoi auraient-ils dû se comporter en coupables ? Et coupables de quoi ?

-Depuis qu'ils existaient, ce n'était pas la première fois qu'un différend les opposait à un roi, à un pape, ou qu'ils subissaient les calomnies d'ennemis envieux. Ils n'avaient guère eu de peine à se disculper et à confondre leurs accusateurs.

-Mais ils ne réalisèrent pas que les temps avaient changé, qu'ils n'avaient pas su se moderniser, en acceptant de nécessaires changements dans leur mentalité et leur genre de vie. Et ils commirent l'erreur de sous-estimer la haine farouche de Nogaret, la cupidité de Philippe le Bel et la duplicité de Clément V. De fait, pendant sept ans, le roi et le pape vont se disputer les dépouilles du Temple et s'efforcer de faire parler les Templiers arrêtés. Aucune torture, aucun supplice, parmi les plus terribles, ne leurs furent épargnés pour qu'ils avouent leur sodomie, leur impiété et leur idolâtrie. Car ces aveux justifiaient l'anéantissement de l'Ordre. Et puis, si sous l'effet la douleur l'un des Chevaliers se mettait à parler de trésor, ce serait autant de pris...

-Sous la pince chauffée au rouge qui leur arrachait des morceaux de chair vive, sous l'estrapade brutale qui désarticulait leurs épaules et leurs omoplates, sous le lent étirement du chevalet qui déboîtait peu à peu leurs articulations, la plupart avouèrent tout et n'importe quoi. Beaucoup aussi se rétractèrent ensuite, tout en sachant qu'ils allaient être brûlés vifs sur le bûcher des relaps. Mais aucun ne révéla aux bourreaux du roi et à ceux du grand Inquisiteur de Paris (des prêtres dominicains), les caches où les richesses de l'Ordre avaient été mises en sûreté, car seuls les grands dignitaires de l'Ordre en connaissaient le secret. Si bien que beaucoup de Templiers d'un rang modeste moururent inutilement.
-Philippe le Bel ne réalisa pas immédiatement qu'il avait en la personne de Clément V, et en dépit de leur accord, un rude concurrent, lui aussi avide de faire main basse sur l'or des Templiers. Contraint à de grandes dépenses pour établir dans sa ville un siège digne de sa prééminence, le pape d'Avignon avait de grands besoins financiers. Et il comprit que pour parvenir à ses fins, il lui fallait circonvenir au plus vite le roi de France. La bataille allait être rude et longue.

-Prétendant vouloir sauvegarder les droits des Templiers, le pontife tente de dessaisir Philippe le Bel de l'instruction du procès. A cette fin, il casse les pouvoirs des Inquisiteurs dévoués au roi. Puis reprenant à son compte, fin novembre 1307, l'ordre d'arrestation des Chevaliers, il exige que son rival lui remette les prisonniers qu'il détient.

-Philippe objecte que les geôles pontificales seront insuffisantes pour contenir tant de monde. On adopte alors un compromis bancal : prisonniers du Pape, les Templiers sont confiés à la garde du Roi. Toutefois, Clément V exige qu'on lui fasse conduire à Poitiers où il s'est établi pour être plus proche du théâtre des opérations, les principaux dignitaires de l'Ordre, à savoir, Jacques de Molay, Hugues de Pairaud, Raimbaud de Caron, Godefroy de Gonneville et Geofroy Charnay. Philippe le Bel objecte que les prisonniers cités sont trop malades pour entreprendre le voyage (à vrai dire, après les tortures qu'ils ont subies, ils sont en si piteux état, que le roi n'oserait ni les montrer ni les faire voyager.)

-Clément V expédie alors des cardinaux à Chinon, pour qu'ils y entendent ces malheureuses victimes. C'est dans le donjon de cette ville que, dit-on, les maîtres du Temple laisseront gravés sur les murs, des graffitis qui peut-être, livrent aux initiés le secret des places où leurs richesses furent mises.

-Toutes ces manœuvres n'avaient qu'un but : se donner le temps de récupérer les trésors des Commanderies templières dont les Chevaliers lui ont révélé les caches, sans doute en échange de la liberté : on sait ce qu'il en fut de cette promesse. Après quoi, le pape va s'occuper du monceau d'or disparu du Temple de Paris. Pour cela, il se réserve le jugement des dignitaires de l'Ordre qu'il a réussi à prendre sous sa protection et que le roi Philippe lui a livrés, lassé de ne rien pouvoir en tirer .

-En attendant, au Concile de Vienne, ( 1311-1312), on escamote le procès des Chevaliers dont l'Ordre est purement et simplement aboli, sans même avoir été ni jugé ni condamné. Puis on s'empresse de parler d'autre chose : par exemple, de la prolifération des maisons closes dans les états pontificaux.




L'or du Temple serait-il enfoui près de Villeneuve ? - 3 

-Le Concile de Vienne avait attribué les biens immobiliers du Temple à l'Ordre des Hospitaliers. C'était une façon de conserver ces richesses à l'Eglise et d'en priver le roi qui, en dédommagement des frais qu'il avait engagés pour détruire l'Ordre des Templiers, réclama et obtint des Hospitaliers une indemnité de deux cent mille livres.

-Il restait à régler le sort des dignitaires du Temple. Ce que Philippe le Bel n'avait pas pu obtenir d'eux par la torture, Clément V, qui se présente hypocritement comme leur protecteur, va tenter de le leur soutirer par la patience et la ruse. En échange de leurs révélations il leur promet la vie sauve et peut-être une rapide libération.

-Sachant que s'ils ne parlent pas, ils seront une nouvelle fois livrés à Philippe le Bel et soumis à d'autres terribles tortures, voulant avant tout priver le roi félon des fruits de son odieux complot, Jacques de Molay et ses compagnons désignent alors au pape les caches principales où ont été mises les richesses des Commanderies, dont la plus importante qui contient l'énorme trésor du Temple de Paris.

-Comblé au-delà de ses espérances par ces révélations, Clément V fait valoir aux prisonniers que pour une bonne administration de la justice et quelle que soit la réalité des accusations portées contre leur Ordre, ils doivent reconnaître les crimes dont les Templiers ont été jugés coupable. Jacques de Molay et ses compagnons se soumettent et les cardinaux chargés de les juger leur infligent une très longue peine d'emprisonnement, peut-être même la prison perpétuelle. Les maîtres du Temple comprennent vite qu'ils ont été grugés par le pontife scélérat car, compte tenu de leur âge, ils ne peuvent que finir leurs jours dans les geôles du grand Inquisiteur de Paris, où l'on se fera un plaisir d'abréger leur existence. N'ayant plus rien à perdre, ils se rétractent. Puis, nouveau revirement dont on ignore la cause (peut-être contre la promesse solennelle du pape d'une peine de principe), ils avouent à nouveau.

-Clément V n'attendait que cela pour en finir avec les témoins gênants de sa duplicité. Ils sont déclarés relaps par ses cardinaux et aussitôt livrés au bras séculier du Prévôt de Paris. Hargneux et dépité, Philippe le Bel est désormais certain qu'il n'en tirera rien, car ce que ces hommes pouvaient lui révéler, ils l'ont confié à son rival Clément V qui, après s'être empressé de piller les trésors des Commanderies de Provence, a eu tout le temps de faire drainer vers Avignon la totalité des richesses monétaires du Temple. Le Conseil du roi prononce en hâte, contre eux, une sentence de mort qui est exécutée dans les plus brefs délais. On dit que caché derrière une fenêtre, le roi assista au supplice de ses victimes. C'était le 18 mars 1314, peut-être à la pointe de l'île de la Cité, mais cet emplacement est contesté. Dans un ultime sursaut de révolte, les suppliciés rétractèrent leurs aveux et proclamèrent l'innocence de leur Ordre.

-Aux yeux du cupide Clément V, l'or du Temple était devenu son bien personnel légitime, une richesse dont il entendait faire profiter exclusivement sa famille qui avait déjà fait l'objet de sa générosité ( Il pratiquait un népotisme sans vergogne : ayant cinq neveux, il fit bâtir cinq châteaux pour cette parenté et il créa nombre de cardinaux issus de sa famille). Aussi avait-il pris toutes ses dispositions pour que, d'abord entreposé dans la soute au trésor de sa résidence pontifical, l'or des Templiers, (on sait qu'il s'agissait d'environ un million et demi de florins, ce qui fait au poids, presque cinq tonnes d'or, et en valeur monétaire, un milliard d'euros), soit ensuite transporté dans une cache sûre où il n'y aurait plus qu'à le récupérer le moment venu.

-Or, ce moment approchait. N'ayant jamais cessé d'être malade depuis son élévation à la tiare, Clément V, en ce début de l'année 1314, voyait venir sa fin malgré tous les élixirs de longue vie que les moines bénédictins de l'Abbaye Saint André de Villeneuve avaient fabriqués pour lui ; de bien braves moines, et un abbé qui lui était tout dévoué et qui le servait bien. Comme lui étaient tout dévoués ses deux neveux Bertrand de Got,(Du même nom que son oncle. Les neveux des papes étaient souvent leurs fils), seigneur de Monteux, et Raymond Guilhem de Budos, Recteur du Comtat.

-Mais voici qu'encore une fois, l'Histoire étant défaillante, je vais recourir à la légende, c'est-à-dire à un récit qui s'est colporté dans le pays depuis cette lointaine époque, si lointaine que c'est une vraie chance s'il a pu traverser tant de siècles sans se perdre ni subir trop de déformations, me dit Monsieur C.

-L'emplacement de la Seigneurette, semble avoir été habité depuis la nuit des temps. Le site était déjà occupé au néolithique et peut-être une villa gallo romaine y fut-elle établie. Les bâtiments de la ferme ont été emportés plusieurs fois, durant son histoire, par les violentes crues du Rhône qui la bordait alors. Mais elle a toujours été reconstruite. Seul, son moulin à eau dont les roues étaient mues par les eaux du fleuve, a définitivement disparu.

-En ces premières années du XIVème siècle, les affaires de Blaise le meunier n'avaient jamais si bien marché. Son plus gros client, l'abbé de Saint André dont il pouvait voir l'imposant monastère planté à tous les vents au faite du mont Andaon, l'avait en estime et faisait apporter chaque année à son moulin l'abondante récolte de blé moissonnée par les moines sur leurs riches terres des alentours. On en tirait une belle farine dont Blaise n'était pas peu fier, car s'il y fallait du bon grain, il y fallait aussi le savoir faire d'un bon meunier.

-Mais revenons un peu en arrière. En cette fin de l'automne de l'an 1313, il faisait déjà froid et des pluies incessantes avaient gonflé les eaux du Rhône.Les roues du moulin tournaient à vide et Blaise s'apprêtait à passer un hiver paisible qu'il occuperait comme d'habitude, à tresser en famille de la vannerie pour la vendre aux beaux jours dans les foires du pays. Ce fut à cette époque qu'un après-midi, il reçut la visite plutôt inattendue de l'abbé de Saint André en personne.

"Bonjour Blaise. J'ai plaisir à te revoir en bonne santé. Mais je suis pressé, alors voici ce qui m'amène. Je dois t'entretenir d'une affaire importante et urgente, lui annonça le religieux. Retiens bien ce que je vais te dire et n'en souffle jamais mot à personne. Ta vie pourrait en dépendre.

-Je vous écoute, mon Père, répondit Blaise, pas trop surpris, mais un peu inquiet.

-Eh bien, voilà. Cette nuit, cinq heures après le coucher du soleil, quatre charrettes tirées par des mules viendront chez toi depuis l'île de la Motte, sous la conduite du Baile Pierre. Tu feras ranger les attelages à l'abri des regards, derrière la haie de peupliers qui borde ton moulin, et tu attendras. Un peu plus tard, ne t'en effraie pas, tu verras arriver par le chemin d' Avignon deux seigneurs accompagnés d'un capitaine et de vingt cinq cavaliers en armes qui sont chargés d'escorter le convoi jusqu'à destination. Enfin, vers minuit, la galère papale accostera au quai de ton moulin. A ce moment, l'un après l'autre, les attelages s'approcheront du ponton pour recevoir un chargement dont tu n'auras pas à te soucier. Puis ils se placeront sur le chemin de Sauveterre.

-Tu prendras alors la tête du convoi. Le chef de l'escorte et les deux seigneurs se placeront derrière toi et les cavaliers entoureront les attelages. Tu les conduiras sur la colline par la combe de la Caramude, puis, par les chemins que tu connais, tu les amèneras jusqu'à notre ferme de Saint Vérédème. Parvenu à destination tu n'auras qu'à attendre la fin du déchargement et tu ramèneras les attelages à ton moulin par le même chemin. Les charrettes et les muletiers retourneront avec Pierre sur l'île de la Motte. Tu n'auras pas à te soucier des cavaliers ni de leurs chefs ; ils passeront la nuit dans notre ferme .Souviens-toi d'oublier tout ce que tu auras fait, vu et entendu cette nuit. Et tu auras ta récompense.

Blaise acquiesça sans poser de question. Et le religieux prit congé de lui. Deux ou trois fois déjà, l'abbé de Saint-André avait eu recours à ses services de guide pour des missions souvent confidentielles et mystérieuses ayant trait à leur belle ferme de Saint Vérédème qui jouxtait la chapelle du même nom. On avait su l'en récompenser largement. Blaise n'en demandait pas davantage, ne voulant surtout rien savoir de ce qui se tramait depuis quelque temps entre Avignon et Villeneuve. On disait que le pape était très malade, qu'une agitation malsaine régnait à la cour pontificale et que la garnison royale de la forteresse de la Tour était sur le pied de guerre.

Les choses se passèrent comme prévu. Cinq heures après le coucher du soleil, le Baile Pierre arriva avec ses charrettes menées par ses quatre meilleurs muletiers. Puis ce furent les cavaliers avec à leur tête leur capitaine et les deux nobles seigneurs, tous couverts de grands manteaux noirs et armés de longues épées qui brillaient sous la clarté de la lune. Comme chaque fois, après les grosses pluies, un mistral violent et froid s'était mis à souffler en longues rafales rageuses qui courbaient et malmenaient la cime des peupliers.

En attendant la galère, Blaise invita le Baile, le capitaine et les deux nobles seigneurs à venir se tenir au chaud dans sa demeure. Mais seul le Baile accepta. Les deux hommes restèrent silencieux, réfléchissant, chacun de son côté, à ce mystérieux événement nocturne. L'affaire sentait le lourd secret. Mieux valait n'en rien dire ni chercher à s'informer, de peur de se compromettre. Oui, mieux valait ne rien savoir et garder bouche cousue.

Enfin, à l'heure dite de minuit, comme surgie du néant glacial des eaux noires, parut la galère pontificale. Alors tout alla très vite. Les cavaliers et entreprirent aussitôt de la décharger et de transborder sur les charrettes du Baile les longs coffres en bois qu'elle transportait. Chaque attelage en reçut six, soit un total de vingt-quatre coffres dont Blaise ne distingua rien car, par discrétion, il se tenait loin du ponton.

Il constata seulement que ces coffres devaient être fort lourds, car six hommes suffisaient à peine pour en porter un. Puis ce fut à son tour d'entrer en scène. Il prit la tête du convoi qui s'ébranla lentement. La consigne était formelle : les équipages devaient se déplacer dans le plus grand silence possible, sans cris ni claquements de fouet. Même les roues, garnies de feutre, tournaient presque sans faire de bruit.

La montée de la Caramude fut rude pour les mules qui tendaient le col en soufflant fort et pour les hommes courbant le dos sous les rafales de plus en plus violentes du mistral qui malmenait leurs vastes manteaux noirs. Enfin on arriva au faite de la colline et par des chemins connus de lui seul, Blaise conduisit le convoi jusqu'à se destination finale, en évitant les hameaux de Four et de Pujaut.

Les charretiers firent manoeuvrer leurs bêtes pour que les charrettes entrent à reculon dans la vaste cour de la ferme bénédictine fortifiée. Puis les cavaliers commencèrent à décharger. La mission de Blaise été achevée et il commençait à prendre ses dispositions pour le retour, quand le capitaine des cavaliers le pria de venir aider au déchargement d'un coffre plus lourd que les autres.

Le meunier s'approcha du groupe d'hommes affairés qui s'agitaient autour du pesant fardeau et il porta la main au coffre. Ce fut alors qu'il aperçut, gravée dans le bois bardé de ferrures, un signe qui lui était familier, car les moines soldats de la Commanderie de Sauveterre avaient longtemps fait moudre leur grain à son moulin. C'était la croix des Templiers et Blaise eut l'impression de toucher un cercueil.




- L'or du Temple serait-il enfoui près de Villeneuve ?  Fin 

-Puisqu'on avait acheté son silence, Blaise s'évertua à ne pas comprendre la signification de l'évènement auquel il avait participé. Mais il avait mauvaise conscience et il fut consterné d'apprendre, bien des mois plus tard, que les grands dignitaires du Temple avaient été brûlés à Paris, sur le bûcher des hérétiques.

-Blaise essaya de se rédimer de ce qu'il considérait maintenant comme sa participation aux crimes dont les Templiers avaient été les victimes. Il vint en aide à quelques uns de la commanderie de Sauveterre, ou Roquemaure, qui, ayant pu échapper aux poursuites, s'étaient cachés dans une grotte-refuge aménagée au
-dessus du village de Sauveterre, où on peut encore la voir et y lire de nombreux graffitis. Les moines soldats y vécurent jusqu'à leur mort, refusant de retourner dans le monde, alors même que la traque au Templiers avait cessé depuis longtemps.

-On suppose qu'une fois la tourmente achevée, Blaise soulagea sa conscience en rapportant on ne sait à qui, ce qu'il avait fait en cette nuit de la fin novembre 1313, puisque ce récit, peut-être déformé ou enjolivé, est parvenu jusqu'à nous. Sans doute se confia-t-il à quelqu'un de sa famille. Ce qui nous ramène quelque peu à l'aventure vécue par David, le fermier de la Meynargue. Un ex-voto placé dans l'église Notre Dame de Rochefort rappelle comment les occupants de la Seigneurette réussirent à s'en échapper quand une violente crue du Rhône emporta ses bâtiments. Elle fut reconstruite et le quai de son moulin servit longtemps aux gabares à fond plat qui venaient chercher les pierres de taille extraites de la colline.

-Je vois encore une fois que l'aspect légendaire de ces événements ne vous satisfait pas. Vous pensez qu'un tel récit n'a pas pu se transmettre oralement pendant sept siècles. Eh bien, je vous engage à parcourir le chemin emprunté jadis par le convoi du meunier, me dit Monsieur C. Ensuite, vous pou
rrez vous faire de tout cela une opinion plus juste.


Il ne reste plus grand-chose du chemin abandonné qui grimpait jadis dans la combe de la Caramude, du nom d'une antique tour sarrasine bâtie à son faite. Mais on peut encore la gravir et suivre l'itinéraire emprunté par Blaise jusqu'à la ferme de Saint Vérédème jouxtant, une vieille chapelle du même nom, que la commune de Pujaut a entrepris de sauver de la ruine.Cette construction datée du VIIIème au XIème siècle en valait la peine. Son terrain, côté nord, comportait un cimetière abandonné dont on ne devine plus la trace. Mais en creusant...peut-être. Il en est d'autres qui trouvent des objets en passant leur détecteur sur d'anciens cimetières médiévaux abandonnés.

Quand je la visitai, on pouvait encore voir que cette chapelle, active jusqu'à la Révolution, avait été pillée et fouillée de fond en comble, que le sol de terre battue (le dallage ayant été enlevée), avait été creusé profondément, sans doute pour y rechercher quelque butin précieux. Et la croix de Saint-André qui orne, gravée dans la clef de voûte, le portique de la ferme attenante, atteste bien que ces lieux appartinrent à l'Abbaye de Villeneuve. Depuis, cette ferme a été parfaitement restaurée et transformée en une confortable habitation.

Mais plus rien ne laisse imaginer que ce lieu retiré avait connu jadis la plus grande animation : l'importante chaussée du royaume de France qui passait par là et que Saint Louis emprunta pour aller s'embarquer à Aigues Mortes, n'est plus qu'un chemin de terre envahi de ronces et d'herbes folles. Quant à la ferme de Saint André, jadis gîte et refuge pour les gens d'église en voyage et pour les pèlerins de Saint Jacques de Compostelle, elle se replia sur elle-même.

Nota : Depuis, l"endroit est devenu moins sauvage, plus "civilisé". On y a construit de nombreuses maisons, le chemin est en partie goudronné, et dans les alentours, la vigne remplace de plus en plus la garrigue.

On voit encore en ces lieux un très ancien et beau relais de poste restauré et transformé en une belle habitation, ainsi que la tour d'Aiguillon, ultime vestige d'un puissant château fort démantelé par ordre de Richelieu et devenu aujourd'hui une cave à vin. Un souterrain qui a son entrée dans le puits de la cour, débouche dans une combe dite "combe d'enfer", à quelques centaines de mètres. Il est paraît-il, en partie effondré.



 

Mais plus rien ne laisse imaginer que ce lieu retiré avait connu jadis la plus grande animation : l'importante chaussée du royaume de France qui passait par là et que Saint Louis emprunta pour aller s'embarquer à Aigues Mortes, n'est plus qu'un chemin de terre envahi de ronces et d'herbes folles. Quant à la ferme de Saint André, jadis gîte et refuge pour les gens d'église en voyage et pour les pélerins de Saint Jacques de Compostelle, elle se replia sur elle-même.
Nota : Depuis, l"endroit est devenu moins sauvage, plus "civilisé". On y a construit de nombreuses maisons, le chemin est en partie goudronné, et dans les alentours, la vigne remplace de plus en plus la garrigue.
On voit encore en ces lieux un très ancien et beau relais de poste restauré et transformé en une belle habitation, ainsi que la tour d'Aiguillon, ultime vestige d'un puissant château fort démantelé par ordre de Richelieu et devenu aujourd'hui une cave à vin. Un souterrain qui a son entrée dans le puits de la cour, débouche dans une combe dite "combe d'enfer", à quelques centaines de mètres. Il est paraît-il, en partie effondré.

Mais ces vestiges du passé ne révèlent rien sur la destination prise par les vingt-quatre coffres portant la croix du Temple. Ont-ils disparus dans le sous-sol avoisinant ou bien la ferme de Saint Vérédème ne fut-elle qu'une étape de leur voyage ? Cette dernière hypothèse paraît la plus vraisemblable. Et Roquemaure, ou ses environs, auraient été l'ultime réceptacle des richesses templières. La question n'est pas résolue. Mais il est par contre certain que Clément V a subtilisé les riches trésors des Commanderies du Temple (y compris celle de Paris) au détriment de Philippe le Bel. Il est non moins certain qu'il a voulu emporter ces richesses avec lui pour son dernier voyage vers sa terre natale et il est prouvé qu'elles n'y sont jamais parvenues.

Le lierre qui couvrait depuis des lustres les murs de la chapelle Saint Vérédème a été en partie arraché il y a une quarantaine d'années (bien avant sa restauration), pour mettre au jour des inscriptions formant sans doute un message resté indéchiffrable. Peut-être serait-il plus compréhensible si la pierre ôtée qui portait la croix templière et d'autres signes, pouvait être retrouvée, (ce n'est pas pour rien qu'elle a été enlevée). Mais on ne sait pas ce qu'elle est devenue. Il est en tout cas certain que ceux qui ont révélé ces graffitis en connaissaient l'existence sous le lierre quasi séculaire.

Quant à savoir pourquoi cette modeste ruine a toujours suscité l'intérêt et attiré des visiteurs venant de loin, comme Robert Charroux, grand chercheur de trésors, de révélations et de "vérité", c'est un vrai mystère. On se demande comment tant de personnes, de France et d'ailleurs, pouvaient connaître l'existence de ce petit édifice religieux situé loin de tout et qui ne renferme aucun secret, hormis une suite de dessins apparemment dépourvus de sens.

Il n'est pas possible d'établir un lien entre l'ordre du Temple, la chapelle et la ferme bénédictine sans être informé de la nature ce lien. J'avais appris qu'il existait et que j'allais le découvrir un peu plus loin, dans la grotte-refuge où les Templiers de Sauveterre (ou de Roquemaure, on ne sait trop), étaient venus abriter leurs vies menacées. Malgré les indications précises de Monsieur C., je dus marcher et chercher longtemps parmi les buissons serrés qui recouvraient les lieux, avant de trouver cette cache si parfaitement dissimulée que l'on pouvait passer tout à côté d'elle, et même marcher sur elle, sans la deviner.


C'est une construction solide et soignée, un véritable abri souterrain conçu pour défier le temps, avec son toit en voûte clavée, sa cheminée d'angle et son pilier central de soutènement, le tout parfaitement intégré à la nature environnante. De cet abri à peu près indécelable, les réfugiés avaient une vue imprenable sur toute la plaine du Rhône autour de Roquemaure, sur les vastes méandres du fleuve et, à perte de vue, au-delà du Ventoux solitaire, sur les lointaines hauteurs des Alpes enneigées.

Je fus récompensé de mes efforts quand je vis, gravée sur le pilier central, une belle croix templière d'un graphisme ancien, témoignant de la présence effective en ces lieux des moines soldats à l'époque de leur persécution. Ces Templiers savaient-ils que leur refuge était proche des lieux où le trésor de leur Ordre avait sans doute été provisoirement dissimulé par le pape félon Clément V ? Et avaient-ils choisi de s'y établir justement pour surveiller ces lieux ? Rien n'est impossible.

Les Templiers n'avaient pas coutume de galvauder, en la gravant partout, la croix symbole de leur Ordre. Les exemplaires connus n'abondent pas. Et ils prennent toujours, là où on les trouve, une signification particulière. Ce doit être le cas pour la grotte de Sauveterre (on m'a déconseillé d'en révéler l'emplacement…mais qu'importe !), où d'autres signes sont visibles mais peu lisibles. Un mot surmonté d'une flèche, le tout très anciennement gravé, semble engager le visiteur dans la direction désignée. S'il le fait, après avoir parcouru quelques centaines de mètres, il retrouvera le même mot surmonté de la même flèche, gravés sur un bloc de pierre tendre. Mais la piste s'arrête là. A moins que des indications identiques aient été effacées pour empêcher les curieux de parvenir au but. Un but qui pourrait être un dépôt précieux…Un dépôt précieux qui pourrait être…Mais il ne faut pas laisser l'imagination s'égarer. Sans rien en extrapoler, on peut observer que les bourgs de Villeneuve, de Pujaut et de Roquemaure sont presque alignés et que l'alignement est exact à partir d'un point médian à déterminer, entre Les Angles et Villeneuve

Des dates, gravées selon une écriture particulière sur le pilier central, indiquent que ce lieu a reçu plusieurs fois, depuis des siècles, à des intervalles de temps réguliers, la visite de religieux qui en connaissaient l'existence et qui ont cru bon d'y signaler leur passage. On ne sait pas pourquoi. Mais il y a certainement à cela une explication. On ne vient pas ici par hasard. Le procédé s'apparente à la ronde du veilleur de nuit qui pointe à des "mouchards". Les visiteurs ne venaient pas en ce lieu à la recherche de quelque chose, mais pour s'assurer que la grotte contenait toujours certains indices précieux placés là à des fins connues d'eux seuls. Il n'est sans doute pas nécessaire de s'éloigner beaucoup de la cachette des Templiers de Pujaut et de Sauveterre, pour, peut-être, découvrir d'autres indices de ce que l'on a dissimulé dans ses parages.

Je suis resté longtemps sans aller revoir ces lieux. Depuis, la voûte de ce refuge a été presque complètement effondrée, sans doute volontairement, car on conçoit mal qu'elle ait pu résister au temps durant six siècles et s'écrouler en quelques années. Seul le pilier central est resté debout, peut-être parce qu'il comporte des signes gravés qui ne doivent pas disparaître, mais qui sont maintenant en partie effacés.

Ainsi, de tout ce que Mr Canonge avait bien voulu me montrer, la presque totalité a disparu en une vingtaine d'années.


En partance pour la Guyenne, le pape voulut s'arrêter, (on sait pourquoi), dans la puissante citadelle du château de Roquemaure, où il arriva le 9 avril 1314. La chronique précise que les deux neveux déjà cités de Clément V veillèrent pieusement leur oncle dont l'état s'était brusquement aggravé et qui se trouvait maintenant à l'agonie. Mais dès qu'il fut mort, il y eut une querelle où chacun ameuta ses hommes d'armes et ils se ruèrent les uns contre les autres dans un affrontement sanglant où beaucoup périrent. Il s'agissait pour les neveux, à défaut d'un accord de partage, de s'emparer chacun pour soi du magot de Clément V, dissimulé quelque part en attendant de suivre la dépouille du défunt pape jusqu'à sa Guyenne natale où il désirait reposer. (Par un codicille ajouté à son testament le 19 avril, veille de sa mort, le pontife léguait sa fortune à son seul neveu Bertrand de Got...d'où la fureur des autres, car ils s'étaient d'abord entendus pour s'emparer du trésor de leur oncle. Pendant qu'ils se battaient, les serviteurs pillèrent tout ce qu'ils purent). Mais les rivaux se neutralisèrent dans l'affrontement, si bien que le trésor resta dans sa cache où l'on peut croire qu'il est encore, car ces énormes richesses ne profitèrent à personne dans la parenté de Clément V. Ce fait intrigua les historiens qui recherchèrent sans succés, dans les archives de cette famille, la trace d'une telle fortune. Par ailleurs, Jean XXII sucesseur de Clément V, revendiqua et fit rechercher en vain ce pactole comme devant lui revenir. On peut le comprendre : Clément V n'avait laissé que soixante dix mille florins dans les caisses du trésor pontifical. Autant dire rien.


L'acharnement mis par les sbires des cardinaux du conclave (avant l'élection du nouveau pape qui intervint quatre mois plus tard), puis par ceux de Jean XXII et ceux du roi de France, à retrouver le trésor de Clément V, leur activité soutenue et leur surveillance incessante, empêchèrent ceux qui en connaissaient la cachette de le faire sortir pour l'acheminer vers la lointaine Guyenne. Le risque de se voir déposséder du magot et de se faire massacrer, était énorme. Roquemaure se trouvant à la fois en terre du royaume et très proche d'Avignon, tous les agents du roi et du pape étaient sur le pied de guerre. Aussi, le convoi n'aurait-il pas pu essayer de traverser la France d'est en ouest sans être aussitôt repéré, attaqué et pillé. Longtemps, les successeurs de Jean XXII, comme ceux de Philippe le Bel, s'acharnèrent eux aussi à retrouver la colossale fortune de Clément V.

Si bien que, dans l'attente d'une improbable occasion pour évacuer ce monceau d'or, les années passèrent sur les événements de 1314, dont les protagonistes et ceux qui leur succédèrent disparurent les uns après les autres. Il n'est donc pas impossible que le fabuleux trésor de Clément V, qui fut celui des Templiers, soit resté caché près de Pujaut-Roquemaure, là où ce pape l'avait fait mettre dans l'attente de son dernier voyage. Quoi qu'il en soit, la plupart des historiens s'accordent à penser que le trésor monétaire des Templiers, capté par Clément V, n'a jamais été retrouvé (D'où certains extrapolent qu'il n'a pas existé. Or, on sait de source sûre que le trésor initial du pape s'élevait à un million de florins d'or accrus de deux fois deux cent cinquante mille florins prêtés, pour les premiers au roi de France et pour les seconds, au roi d'Angleterre, lesquels, après de longues tractations, venaient de les lui restituer). Quant à Clément V, devenu pape, il avait trouvé les finances pontificales complètement à sec, le peu qui en restait n'ayant pas quitté Rome. Et ce n'est pas en 9 ans de règne qu'il aurait pu se constituer, par des moyens ordinaires, un énorme trésor d'un million et demi de florins d'or.
Nota : A titre indicatif, en 1360, le Traité de Brétigny rend la liberté au roi de France Jean le Bon, fait prisonnier par les Anglais à Poitiers, contre une rançon colossale de 3 millions d'écus d'or, ce qui équivaut à un peu moins de 3 millions de florins d'or.

Certes, le "neveu" du pape, Bertrand de Got, vicomte de Lomagne, fut un très riche et très puissant seigneur. Mais il le dut uniquement aux vastes seigneuries, terres et domaines qu'il hérita de son oncle, les vicomtés de Lomagne et d'Auvillars, les seigneuries, terres et châteaux de Blanquefort, Duras, Monségur, Puyguilhem, et particulièrement, celui de Villandraut que Clément V avait fait construire, mais dont il ne vit pas l'achèvement et où il ne résida pas. Le vicomte de Lomagne ne laissa qu'une fille qui devint sa légataire universelle et épousa le comte d'Armagnac. Les possessions de Clément V passèrent ensuite aux mains de la famille Durfort qui, ayant pris le parti des Anglais, dut en subir les conséquences ; car si, plus tard, elle rentra en grâce auprès de Louis XI, elle ne récupéra pas toute sa vaste fortune ni le château papal de Villandraut qui, après être tombé aux mains des Huguenots, passa d'un possesseur à un autre, fut en partie démantelé et finit ruiné. De nos jours, il est la propriété de la famille de Sabran-Pontevès qui s'efforce, peu ou prou, de le sauver de la ruine totale.

                            

Nota :
Au cours de l'âpre bataille au château de Roquemaure, un candelabre se renversa sur le catafalque du défunt. Personne n'y prêta attention et le corps du Pape se consuma de moitié. Ainsi, post-mortem, il connut en partie le sort infligé à ses victimes, les dignitaires du Temple.

Il était dit que même mort, Clément V ne connaîtrait pas le repos. Il fut inhumé, en août 1359, dans la collégiale d'Uzeste. En 1577, les Huguenots pillèrent, profanèrent et détruisirent son tombeau. Ils brûlèrent les restes du pape dans ses ornements pontificaux (il subit ainsi complètement, par delà la mort, le sort des dignitaires du Temples), et ils s'acharnèrent sur son gisant dont ils mutilèrent le visage. On comprend pourquoi les Chartreux de Villeneuve cachèrent à cette époque la dépouille d'Innocent VI, leur pape fondateur.

 
Pape Clément V
Ce qui restait de son tombeau fut restauré et son épitaphe peut encore se lire : Ici repose d'heureuse mémoire le seigneur Pape Clément V, fondateur des églises d'Uzeste et de Villandraut qui mourut à Roquemaure du diocèse de Nîmes, la neuvième année de son pontificat et qui fut porté en cette église de Notre-Dame le 27 août suivant, l'an du seigneur 1314 et enseveli le ? 1359. ( Il avait d'abord été provisoirement inhumé dans la crypte de l'église où il resta tout de même 45 ans).

On retrouve sa statue dans le porche septentrional de la cathédrale de Bordeaux, au tympan de la double porte, entouré de six évêques. A la révolution les émeutiers lui firent sauter la tête. Elle a été remplacée par une figure d'emprunt qui n'est pas la sienne. Clément V avait fait faire son portrait par Giotto. Ce portrait s'est perdu, et c'est comme une malédiction qui pèserait sur l'image de ce pontife, interdite de postérité.

Clément V ne résida que peu de temps à Avignon dont le Palais des Papes fut commencé par son successeur Jean XXII. Etant à Avignon, il demeurait au couvent des Dominicains qui était fort beau. Mais il résida surtout à Monteux-Carpentras, puis au prieuré du Groseau, après Malaucène en montant au Ventoux, où il se fit construire une résidence agréable qu'il appelait "le jardin de mes délices".


Dante (1265-1321), l'amoureux platonique de Béatrice, n'aimait pas Clément V. Il le placera en son Enfer tout en le traitant de "pasteur sans principe, capable des oeuvres les plus basses", à cause de sa servilité face au roi de France. Quant à Pétrarque (1304-1374), le poète qui a chanté ses amours avec Laure de Noves (qui selon certains n'a pas existé), voici ce qu'il pense plus généralement d'Avignon au temps des papes : "C’est l’impie Babylone, l’enfer des vivants, la sentine des vices, l’égout de la terre. On n’y trouve ni foi, ni charité, ni religion, ni crainte de Dieu, ni pudeur, rien de vrai, rien de saint: quoique la résidence du souverain pontife en dût faire un sanctuaire et le fort de la religion […]. De toutes les villes que je connais, c’est la plus puante […]." Et s'agissant des cardinaux : "A la place des Apôtres qui allaient nu-pieds, on voit à présent des satrapes montés sur des chevaux couverts d’or, rongeant l’or et bientôt chaussés d’or, si Dieu ne réprime leur luxe insolent. On les prendrait pour des rois de Perse ou des Parthes qu’il faut adorer, et qu’on n’oserait aborder les mains vides." On comprend qu'avec une telle opinion de la cité papale et de ses habitants, Pétrarque ait choisi de résider le plus souvent possible dans son château de Fontaine de Vaucluse, au sein d'une nature à la beauté sauvage, où l'air était beaucoup plus respirable.

Nota : C' est sans doute à cause de l'insalubrité notoire de ses rues, véritables égouts à ciel ouvert où les rats pullulaient dans les immondices, et de son air vicié par les miasmes de ses marécages, que la ville d' Avignon aurait payé à la Grande Peste Noire de 1348 le lourd tribu de 2/3 de morts (30 000 personnes ?) parmi sa population, alors que, dans le reste de l'Europe, la perte moyenne se serait élevée à 1/3 de la population.

Nota :

A force de recherches, certains ont fini par trouver quelques objets dont le plus intéressant (qui vaut beaucoup plus que son pesant d'or) est sans doute une très belle matrice de sceau du XIVème siècle, véritable oeuvre d'art quasiment intacte, ayant appartenu à un dignitaire de la cour pontificale d'Avignon et figurant Saint Jean ondoyant le Christ (visage usé), avec, en médaillon, le titulaire de la matrice, un religieux tonsuré, à genoux, un orant priant ou se signant. Le sceau, reproduit ci dessus, obtenu à partir de cette matrice, a été soumis à de nombreuses personnes dont certaines très qualifiées en sigilligraphie. Aucune à ce jour n'a été en mesure de déchiffrer intégralement l'inscription gravée dans la matrice où on peut toutefois lire : S( signum). IONIS (Johannis) D' BAUC (IUM?) SANCTI PALATIS ou SACRI PALATII AVINIONIS (en abrégé) et sa fonction, elle aussi en abrégé, commençant peut-être par RECTECL ? (Recteur éclésiastique ? ou Recteur consilii ?). Ce personnage n'est connu ni des historiens du Palais des Papes d'Avignon ni des spécialistes du Louvre. Le contre-sceau n'a pas été retrouvé.

Une autre matrice de sceau, plus petite, a été aussi trouvée. Elle est de la même époque et appartenait à un personnage, sans doute originaire du Languedoc ou du Roussillon, du nom d'Almeric (ou plutôt Aymeric), assez usité à l'époque, avec, en son centre, un lion ou un léopard hissant (tête usée). Le reste de l'inscription est encore à déchiffrer. Mais la croix patée, à l'opposé du "M" d'Aymeric écrit comme l'omega grec, peut faire penser à un Templier d'un certain rang et de famille noble.


...Un ingénieur des Mines qui avait porte ouverte chez la plus ancienne famille noble du pays d'Uzès, jadis important duché de France, après avoir été une vicomté dont on retrouve la trace dès avant l'an 800, rechercha longtemps, sans le trouver, le trésor des Templiers autour de Roquemaure...Ce n'était sûrement pas sans raison. Peut-être connaissait-il la grotte des Templiers de Sauveterre et a-t-il pu y découvrir des indications intéressantes venant compléter ce qu'il savait déjà et accroître ses certitudes. Au moins a-t-il pu y lire, gravé dans la pierre, usé par le temps, le nom de Blaise, le meunier. Si bien qu'en ce lieu, on peut imaginer que la Légende et l'Histoire se rejoignent.














-Annexe 1- Us et coutumes des Chartreux 

Horaires

11 heures de nuit : Lever- Prières en cellule-

11 heures ¾ : Prières-
2 heures ¾ : Rentrée en cellule- Prières-
5 heures ¾ : Réveil-
6 heures : Prières-
6 heures ¾ : Entrée à l'église- Prières-Messe-
8 heures : Messe basse-Prières-Retour en cellule-
9 heures : Méditation-
9 heures ½ : Repos- Temps libre - Travail manuel-
10 ou 11 heures : Prière en cellule- Dîner servi en cellule par le portillon- Dimanche et fêtes, dîner au réfectoire( deux portions et un dessert ) On boit dans une tasse rituelle à deux anses- Récréation-Solitude-
Midi : Prière- Lecture spirituelle-
13 heures : Etude ( Règles de l'Ordre, théologie, écritures saintes et saints Pères)
14 heures ½ : Vêpres en cellule-
14 heures ¾ : Vèpres de jour-Office des morts à l'église ( si ce n'est fête le lendemain)
16 heures ½ : Souper ( une portion, un dessert )- Ce second repas n'a lieu que de Pâques au 14 septembre. Du 14 septembre à Pâques, on ne reçoit qu'une légère collation-
17 heures ½ : Recollation- Examen de conscience- Lecture spirituelle-
18 heures : Prières en cellule-
Vers 19 heures : Repos-
Liens extérieurs:



Horaire-type qui, dans la réalité, varie selon les maisons
  

 Costume
Le costume est une tunique blanche. Scapulaire (cuculle) de même couleur, reliée par le milieu du corps au moyen d'une bande d'étoffe assez lâche pour ne pas gêner les mouvements, mais qui empêche le scapulaire de se détacher et de voler au vent. Ceinture de cuir blanc. Chapelet blanc. Capuchon assez large, attaché au scapulaire. Les novices ont la cuculle plus courte, sans bande. Et ils s'enveloppent, au chœur, d'une grande chape noire. La bande qui relie la cuculle est moins large pour les jeunes profès que pour les grands profès.


Coutumes

Les dimanches et fêtes, tout l'Office est chanté au chœur. Les autres jours, les Petites Heures sont dites en cellule, à la stalle.
Le vendredi, jeûne au pain et à l'eau. Mais les religieux ont la faculté de demander au prieur de manger davantage. A cet effet, chacun va s'agenouiller devant le Supérieur en disant " Peto gratiam abstinencia".
Le Prieur, comme tous les autres, mange la tête très couverte et les yeux baissés. Car ici plus qu'ailleurs "nous devons garder nos yeux, de crainte qu'ils nous apportent un sujet de murmure ou de rire". Il boit, comme le veut la règle, en tenant la tasse à deux mains.
On mange le plus souvent en cellule. Le réfectoire dominical et le colloque rompent seuls la solitude et le silence. On jeûne trois fois par semaine. On fait abstinence totale de viande et l'on se saigne cinq fois par an. Ce saignées sont suivies, pendant deux jours, de trois œufs sur le plat.
La principale austérité des moines, c'est la solitude et le silence. On médite sans cesse, on adore et on prie. Dans cette vie recluse, la seule variété sensible est, chaque semaine, la promenade en commun, le spâciment. C'est le seul moment où le corps peut exulter sainement.
La rasure (
L'action de raser) avait lieu, autrefois, six fois par an. On s'y soumet maintenant tous les quinze jours.
Les Chartreux ne se prosternent pas la face contre terre. Ils se laissent tomber sur le plancher, étendent devant eux leur grand scapulaire et leur cuculle, s'accoudent contre elle du côté droit, les genoux repliés, la main gauche dans la main droite. Cette attitude est semblable à celle des convives antiques sur des lits en pente. Ils prient la tête sous le capuchon. Mais ils chantent tête nue. Et ils disent encore, chaque nuit, pour la libération de la Palestine, le psaume 78.

Le postulant Chartreux, même s'il est très jeune, doit avoir au moins dix sept ans accomplis. Pour décider de sa candidature, les moines votent au scrutin secret, avec des haricots blancs et noirs.
Le novice fera l'apprentissage des engins de pénitence. Il sentira sur ses reins la râpe du cilice. Il martèlera ses omoplates et, par derrière, le gras de ses cuisses, comme avec une volée de petites balles, avec les nœuds du martinet dont le nom abstrait voile un peu l'âpreté: la discipline.
Pour réveiller la communauté, la coutume de la sonnette a moins de deux siècles. Jadis, à la Grande Chartreuse, l'excitateur marchait, une grande lanterne à la main. Pour exciter, il frappait sur le sol avec sa clef et l'on répondait en frappant sur le bois du lit avec une petite masse de bois.
Si un Père s'est accusé d'une infraction au silence, le Prieur décrète : "Que celui qui a rompu le silence s'approche pour recevoir la discipline." Le coupable ôte alors sa cuculle, la dépose à sa place, va se mettre à genoux devant le Prieur; celui-ci le frappe, d'une baguette, légèrement sur les épaules et sur le dos.
Nul ne peut, dans le couvent, prendre sans congé médecine. A plus forte raison prendre un bain (!).
Chacun fera de larges aumônes. Mais on ne donnera aux femmes qu'à distance. Et jamais on ne les laissera pénétrer intra muros. Un moine ne peut approcher d'elles sans péril car "pas plus un homme un homme ne peut cacher la braise sous ses vêtements qui flambent, ni marcher sur des charbons ardents sans se brûler la plante des pied, ni toucher de la poix sans être souillé.( !)" Le Prieur convaincu d'avoir, pour un motif illicite, introduit une femme dans la clôture, sera destitué et ne pourra être remis en charge.
Les statuts énumèrent les principaux crimes imputables à des moines : incontinence des mœurs, coups et violence, actes de propriété, rébellion etc…Aux siècles où les Prieurs et Visiteurs avaient droit de justice dans les monastères, les criminels étaient mis au cachot, soit à perpétuité, soit à temps. Mais cette prison, disent les statuts, "ne devra pas être inhumaine ni mettre en péril leur vie."
Les statuts envisagent à part le cas des fugitifs : "Quiconque sort des limites du couvent sans la permission du Révérend Père ou du Chapitre Général est un fugitif". Si le fugitif revient, on l'accueillera. Sinon, il sera activement recherché. Et on invoquera, s'il le faut, pour le découvrir, le bras séculier. S'il revient dans les cinq jours, il clamera publiquement sa coulpe, demandant miséricorde et promettant de s'amender. Dans la quinzaine qui suivra, les jours de Chapitre, il recevra la discipline et mangera à terre.
Celui qui rentrera après cinq jours ira en prison. Une fois libéré, le criminel (!), quarante jours durant, mange à terre, matin et soir, sur le plancher nu. Toute une année, il est traité comme un novice, exclu des colloques communs ; et il reçoit la discipline les jours de Chapitre, sauf les jours où il communie. Celui qui laisse pousser ses cheveux, on l'avertit trois fois. S'il résiste, il sera incarcéré jusqu'à soumission.


Le Dom Procureur assume les charges temporelles. Dans chaque Maison, il y aura un coffre-fort ou une salle forte, muni de trois clefs. Le Prieur en gardera une. Il confiera les deux autres à deux de ses moines. On pourra mettre dans ce réduit, avec l'argent de la Maison, les dépôts d'autrui. Mais il ne doit jamais être perdu de vue que les biens dont le Prieur a cure ne sont point les siens ni ceux des hommes. Ils sont au Christ devant qui le compte à rendre sera strict. Aussi, les richesses de la Maison seront toujours préservées, même dans les plus graves périls. Vouées au Christ, elles sont placées sous le signe de sa sauvegarde. Les biens ne doivent pas être situés hors des limites de l'Ermitage, du Désert (Coutume de Dom Guigue - 1127).

Les Chartreux furent d'abord pauvres. Puis leur vint le nécessaire. Ils accédèrent ensuite au suffisant. Puis ils connurent, à la fin, le superflu. L'abondance des biens déborda leurs prévisions. C'est qu'il est malaisé, quand on acquiert en vue d'une communauté qui vivra des siècles, de dire à la richesse : "Tu n'iras pas plus loin."

Quand un frère Chartreux meurt, son corps ne subit pas la prison du cercueil. On cloue l'habit qu'il porte à la planche où il est gisant, on rabat sur ses mains les manches, sur sa tête le capuchon. Après l'Office, on le dépose en terre et c'est fini. Il n'y aura, sur sa tombe nue, qu'une croix sans nom, la même pour tous.Ce jour-là, on mangera en commun, au réfectoire, car la solitude pourrait engendrer de la mélancolie.

Parmi les grands ordres monastiques encore debout au XXIème siècle, seul celui de Saint Benoît a plus d'âge. Les Chartreux doivent leur longévité à leurs vertus de contemplatifs, à la constance d'un sage gouvernement, aux énergies productrices qui leur ont assuré les moyens de maintenir, de restaurer, de multiplier leurs Maisons.

















Liens extérieurs













Un fait suffit à peindre et à magnifier la ténacité de ces moines : huit fois brûlée, la Grande Chartreuse fut rebâtie huit fois. C'est que les Chartreux n'ont jamais été rebutés par le labeur physique. Ainsi, les épées des Chevaliers du Temple qui partaient aux Croisades étaient commandées aux moines de Saint Bruno, alors grands maîtres de la métallurgie et des forges. Au XVIIIème siècle, onze fourneaux du Dauphiné produisaient par an mille quintaux de fonte. Et la fabrique de la liqueur chartreuse, si bienfaisante à l'estomac, faisait vivre des centaines d'ouvriers."





Annexe 2- Vie de Saint Bruno 

- " Le biographe avoue que cette vie est peu connue. Saint Bruno était né à Cologne en 1031. Il fut canonisé en 1415, soit trois siècles après sa mort qui survint le 6 octobre 1101. Vers l'âge de quinze ans, il se rend à Reims pour étudier, dans l'école cathédrale fameuse depuis Gerbert, le triumvir (grammaire, rhétorique et dialectique) et le quadrivium (musique, arithmétique, géométrie, astronomie). Puis il s'en va compléter à Paris sa formation de dialecticien lettré.

Ses études achevées, il retourne à Reims comme directeur de l'enseignement et professeur. Mais sa notoriété va grandissant. Elle dépasse vite le cadre provincial. Paris, la grande ville universitaire de monde médiéval, l'appelle. Il va, pendant de longues années, y enseigner à son tour le trivium et le quadrivium. Puis, brutalement, vers 1082, alors qu'il connaît la gloire des maîtres vénérés, il décide de fuir le monde.

Les raisons de cette décision n'ont jamais été complètement éclairées. La légende attribue ce brusque renoncement au spectacle impressionnant auquel il assista et dont on retrouve la scène, peinte vers le milieu du XVème siècle, par un peintre de l'école d'Avignon, contre un mur du réfectoire de la Chartreuse de Villeneuve lez Avignon. L'histoire est la suivante :

Un certain Docteur ou Chanoine dont le nom est Duocrèce ou Mabillan, venait de mourir à Paris. Autour de son corps étendu dans le cercueil, on psalmodiait les Nocturnes de l'Office. A l'instant où le lecteur récitait la leçon de Job qui commence par l'injonction : " responde mihi ", le mort redressa brusquement sa tête au milieu des cierges, une convulsion déforma ses lèvres roidies par la mort et il proféra d'une voix rauque et angoissé cette réponse :" Je suis accusé justement au tribunal de Dieu. "

Puis sa tête retomba au fond du cercueil. Terrifiés, les assistants remirent au lendemain ses funérailles. Et le lendemain, comme on s'apprêtait à porter la dépouille à l'église, le cadavre redressa une nouvelle fois sa tête livide. Avec un râle de douleur atroce, il réitéra : " Je suis jugé justement au tribunal de Dieu. "

Le troisième jour, toute la ville en émoi s'assembla devant la demeure du défunt, dans l'attente d'un nouveau prodige. La révélation fut terrible. Poussant un cri d'horreur inexprimable, le défunt prononça contre lui-même la sentence du désespoir : " Je suis condamné justement au tribunal de Dieu. "

Alors, la foule épouvantée arracha au cercueil sa dépouille et l'on jeta le cadavre à la décharge publique, sur un tas d'ordures ou il devint pourriture.

Or le défunt avait été honnête homme et bon chrétien. L'insignifiance de ses péchés avait donc suffi à le faire rejeter sans appel hors du cercle des élus.

Saint Bruno fut vivement impressionné par cette constatation. Il décida aussitôt de renoncer au monde corrupteur. Car "celui qui n'aura pas eu peur du feu sera condamné à le sentir."

Il prend l'habit des bénédictins à Molesme, dans le diocèse de Langres. Mais la règle bénédictine lui paraît vite insuffisante pour qui désire communier ardemment avec Dieu et sauver son âme de la damnation. Il se veut pur contemplatif. Il aspire à l'ascétisme. Assoiffé de solitude, il veut consacrer exclusivement à la méditation chaque seconde de sa vie.

Il quitte alors les Bénédictins et suivi de quelques fidèles, gagne Grenoble, en quête d'un lieu retiré où il pourra s'établir. Ce lieu reculé, élevé et sauvage sera la Grande Chartreuse (ou Chartrouse). Il y établit son Ermitage, situé primitivement beaucoup plus haut que l'actuelle Chartreuse. C'est en 1132 que le couvent sera reconstruit plus bas, après qu'une terrible avalanche eût fait périr sept moines et renversé les cellules.

En 1090, par un bref, le Pape mande Bruno à Rome où il est affecté " au service du siège apostolique, pour la préparation des conciles ". Auprès d'Urbain II il travaillera dans l'ombre, conseiller discret, d'un zèle tellement sobre, que sur son rôle, nul détail ne nous est parvenu.

Nous pouvons penser qu'il aida, de sa dialectique flexible et judicieuse, qu'il approuva les dispositions conciliantes du pontife envers certains princes de l'église pratiquant l'opposition au Saint Père. Nous pouvons surtout croire qu'il encouragea le projet de la Croisade. Il avait compris que, pour affermir dans la chrétienté la trêve de Dieu, pour éteindre les querelles et les schismes dans la maison de Dieu, une grandiose diversion s'imposait. En ce sens, nulle entreprise n'eût pu égaler celle qu'Urbain II prêcha au concile de Clermont : libérer les lieux saints, dresser contre l'Islam et son insidieuse hérésie une digue formidable qui sauverait Byzance, le sud de l'Italie, tout l'occident chrétien.Ce qui se solda par un formidable échec.

Mais Rome n'était pas le lieu où Bruno pouvait accomplir son vœu de solitude humble et contrite. Il quitta la cité pontificale et gagna la Calabre qui lui réservait un asile, une paix, une solitude semblables à ceux de l'autre lointain désert, si cher à son cœur, mais chaque jour davantage inaccessible.

A Della Torre, à 800 mètres d'altitude, Bruno construisit un couvent simpliste : "quelques huttes de branchages autour d'une grotte, église faite par Dieu." Le paysage l'enchantait. Dans une lettre à son ami Le Verd, pour mieux l'engager à venir l'y rejoindre, il insista sur le charme des horizons, le climat salubre et l'aspect riant de ce vaste plateau. Puis il créa la Chartreuse de Santo Stefano del Bosco qui n'était pas achevée à sa mort.Il fut inhumé dans ce qui est aujourd'hui le sanctuaire de Santa Maria del Bosco, un site que chaque année d'innombrables touristes et pélerins viennent visiter.


Lettre de Saint Bruno à Raoul Le Verd, Prévot du châpitre de Reims

"Comment pourrais-je parler dignement de cette solitude, de son site agréable, de son air sain et tempéré ? Elle forme une plaine vaste et gracieuse, qui s’allonge entre les montagnes, avec des prés verdoyants et des pâturages émaillés de fleurs. Comment décrire l’aspect des collines qui s’élèvent légèrement de toutes parts, et le secret des vallons ombragés, où coulent à profusion les rivières, les ruisseaux et les sources ? Il n’y manque ni jardins irrigués, ni arbres aux fruits variés et abondants.
-Mais pourquoi m’arrêter si longtemps sur ces agréments ? Il y a pour l’homme sage d’autres plaisirs, plus doux et bien plus utiles, parce que divins. Pourtant, de tels spectacles sont souvent un repos et un délassement pour l’esprit trop fragile, quand il est fatigué par une règle austère et l’application aux choses spirituelles. Si l’arc est tendu sans relâche, il perd de sa force et devient moins propre à son office.
-Ce que la solitude et le silence du désert apportent d’utilité et de divine jouissance à ceux qui les aiment, ceux-là seuls le savent, qui en ont fait l’expérience. Ici en effet, les hommes forts peuvent se recueillir autant qu’ils le désirent, demeurer en eux-mêmes, cultiver assidûment les germes des vertus, et se nourrir avec bonheur des fruits du paradis. Ici on s’efforce d’acquérir cet œil dont le clair regard blesse l’Epoux d’un amour pur et limpide qui voit Dieu. Ici on s’adonne à un loisir bien rempli et l’on s’immobilise dans une action tranquille. Ici Dieu donne à ses athlètes, pour le labeur du combat, la récompense désirée: une paix que le monde ignore et la joie dans l’Esprit-Saint."

Peut-être exagérait-il l'agrément du site calabrais pour un peu moins regretter l'incomparable séduction qu'avait exercé sur lui le prenant Désert de Grenoble.

Retourner à la Grande Chartreuse eût été, certes, la joie plénière, le retour aux sources limpides de la foi native. Mais Saint Bruno devait finir dans l'exil.

Malgré des macérations que le monde jugeait extravagante (il se flagellait trois fois par jour, parfois si rudement qu'il s'évanouissait), il usa jusqu'à soixante et dix ans la vieille casaque de ses membres.

Au moment de mourir, il émit une profession de foi solennelle, où il insistait sur deux dogmes : l'Eucharistie et la sainte Trinité, devant qui les Chartreux devaient approfondir l'hommage de leur adoration. Enfin, le 6 octobre 1101, Saint Bruno trépassa doucement."

























FIN



Un peu de Villeneuve lez Avignon, aujourd'hui 

De quelque côté qu'on aperçoive Villeneuve, ce qui frappe surtout les regards, c'est le fort Saint-André, planté au sommet d'un mamelon, appelé mont Andaon, qui domine à la fois le Rhône et la ville. Un chemin montueux et plein de cailloux amène à la porte ogivale percée entre deux grosses tours rondes a mâchicoulis, fort bien conservées, sur lesquelles on peut monter. La vue du haut Fort Saint-André, à Villeneuve-lès-Avignon des tours est magnifique, et Avignon s'y présente sous l'aspect le plus pittoresque.
L'intérieur du château est en ruines et n'offre pas beaucoup d'intérêt. On peut cependant y faire une courte promenade, et certaines parties des murailles, qui rappellent celles  d'Aiguesmortes, sont assez curieuses.
Villeneuve se compose d'une longue rue, qui va de l'église vers la gare, en longeant le mont Andaon. Elle se termine, quand on gagne le chemin de fer, par une vieille porte, dite porte du Bout-de-Ville, qui rappelle les anciennes murailles, mais est bien détériorée.
Il n'en resté que les deux piliers latéraux. Vers le milieu de la rue, une porte monumentale donne accès dans les bâtiments, convertis aujourd'hui en habitations, granges et écuries, de l'ancienne abbaye du Val-de-Bénédiction (Le Val-de-Bénédiction, centre historique).
Cette abbaye fut fondée en 1356, par le pape Innocent VI, qui demanda a y être inhumé. Il n'en reste plus que des ruines informes.
L'église, transformée en étable, n'offre pas grand intérêt; une cellule, dans une maison particulière, a conservé quelques traces de son état primitif.
La seule partie intacte est la fontaine monumentale de Saint-Jean, qui occupe le milieu d'une cour située au point le plus élevé de l'abbaye. Elle a la forme d'une jolie rotonde supportée par des arcades, et elle abrite un puits aujourd'hui desséché.
La route qui relie Villeneuve à Avignon longe un rocher qui porte une belle tour du XIVe siècle, appelée tour de Philippe-le-Bel. Elle faisait partie d'un système de défense qui devait protéger de ce côté du Rhône le pont Saint-Bénézet.
Pendant le séjour des papes à Avignon, Villeneuve fut prospère et très peuplée en raison de sa proximité avec la capitale de la chrétienté. On trouve en maint endroit des restes de cette antique splendeur.
Dans la Grande-Rue, on signale une maison qui reçut le dernier soupir de Pierre de Luxembourg, l'ancien palais cardinalice de Pierre de Thury, l'hôtel de Conti, tout cela fort délabré et défiguré, mais montrant encore quelques vestiges intéressants du passé.

L'église NotreDame - de-F Assomption, construite au XIVe siècle par un neveu du pape Jean XXII, Arnaud de Via, est surmontée d'une tour carrée et crénelée. On y trouve la pierre tombale du prince de Conti et un bel autel tout en marbre.
Dans la chapelle de l'hospice, il faut aller visiter un des chefs-d'œuvre de la sculpture du XIVe  siècle, le tombeau du pape Innocent VI, en pierre, avec statue en marbre. Ce chef d'œuvre, trop à l'étroit dans cette chapelle bien exiguë, mériterait d'être dégagé, malgré les mutilations dont il porte les traces. Pendant longtemps, ce tombeau, enlevé à l'abbaye, servit d'armoire à un vigneron, et ses sculptures délicates furent assez peu respectées.

Villeneuve doit son origine au couvent de Saint-André, bâti par les Bénédictins au VIe siècle. Aussi la ville s'appela-t-elle BourgSaint-André. Le pape Urbain II y vint en 1096, et, en 1118, le pape Gélase II y consacra l'église abbatiale.
Les Bénédictins cédèrent en partie à Philippe le Bel leur souveraineté en 1292, et celui-ci s'empressa d'y élever des remparts et des tours, dont celle qui subsiste est un des restes. Il substitua le nom de Villeneuve à celui de Bourg-Saint-André et la ville devint une forteresse royale.
Quand la cour pontificale siégea à Avignon, Villeneuve devint une sorte de villégiature pour les prélats, qui y construisirent des maisons de plaisance. Quatorze de ces maisons sont encore faciles à reconnaître, par des constructions d'ailleurs assez mal conservées.
La chartreuse du Val-de-Bénédiction, bien qu'elle soit singulièrement défigurée, présente encore des traces de cette ancienne splendeur.
L hospice, ancien monastère des Franciscains, a hérité de quelques débris du passé, et, outre le magnifique tombeau du pape Innocent VI, on y peut voir une Vierge en cuivre du XIIIe siècle, d'un travail riche et exquis, et, dans la chapelle, des ornements pontificaux d'une valeur inappréciable.
Dans le Musée de la ville, on conserve quelques restes de la période brillante que connut Villeneuve: des sculptures, des croix, des monnaies, quelques manuscrits, des bulles pontificales, quelques statues. La porte en bois sculpté a été enlevée à l'abbaye du Val-de-Bénédiction, et, tout contre la porte, sont des chapiteaux du moyen âge.
De la rue principale, un chemin monte au mont Andaon et au fort Saint-André. Là on peut encore monter sur les tours qui encadrent la porte. De la plate-forme qui couronne le sommet, la vue sur Avignon et sur le Rhône est splendide.
Le donjon renferme une Salle des Gardes et différentes pièces qui servaient à des usages très divers. Une chapelle du XIe siècle, dédiée à Notre-Dame-de-Belvezet, occupe le point culminant du fort.
Deux kilomètres séparent les deux stations de Villeneuve-Pujault et de Pont-d'Avignon qui, toutes deux, desservent Villeneuve, mais en sont éloignées au moins d'un kilomètre.
Celle de Pont-d' Avignon dessert également Avignon, dont le Rhône seul —mais il est fort large en cet endroit— la sépare. La station de Pont-d' Avignon est mieux desservie et plus fréquentée que l'autre, parce qu'elle rend assez rapides et très faciles les communications entre Avignon et le réseau de Nîmes Montpellier

Ballade dans Villeneuve-lez-Avignon 1950 Vidéo. 
Il s’agit d’une ballade dans Villeneuve-lez-Avignon en 1950, depuis l’entrée du village par “Caraque”, en passant par la Collégiale Notre-Dame, la rue de l’Hôpital, le Fort Saint-André, l’ancienne prison du fort, la place Jean-Jaurès ou la Chartreuse du Val-de-Bénédiction.
Ce film est un document inédit réalisé en 1950 par monsieur Steiger, membre de la confrérie de Saint-Marc. Document muet en noir et blanc, montage Frédéric Dussault, durée 7:59mn










La Chartreuse Pontificale du Val-de-Bénédiction  webarchives
dans VILLENEUVE-LÈS-AVIGNON





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