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Le Trésor des Chartreux de
Villeneuve-les-Avignon par Jean-Pierre Sacripanti, webmestre lepeps "Ad
augusta per angusta"
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Parmi tous les trésors dissimulés à
la Révolution de 1789 par des Ordres Religieux et plus
particulièrement par de riches Couvents et Monastères,
celui de Villeneuve-lez-Avignon aura été l'un des plus
connus et des plus recherchés, tant par des amateurs
solitaires que par des équipes de professionnels. Il
s'agit d'un trésor considérable qui n'a jamais été
retrouvé. Est-ce à dire qu'il s'agit d'une légende, ou que les moines sont parvenus à récupérer leurs richesses ou qu'un heureux chercheur a réussi à mettre la main dessus en gardant sa découverte secrète ? En vérité, rien de tout cela. Le Trésor des Chartreux a bel et bien existé. Il existe encore et il se trouve toujours là où les moines l'ont enfoui il y a maintenant plus de deux cents ans, car ni eux qui en ont perdu les clefs, ni personne n'a encore réussi à découvrir la cache si bien dissimulée où gisent ces fabuleuses richesses qui auraient permis de reconstruire trois fois l'imposante Chartreuse . Ce qui suit raconte ce que j'en sais. D'autres en savent peut-être plus; je ne les connais pas. Quoiqu'il en soit, bien restaurée, autant qu'elle pouvait l'être, la belle Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon mérite amplement d'être visitée.Une telle visite permet de se faire une idée de sa splendeur passée. ![]() ![]() ![]()
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![]() - Un jour à Genève ...comment suis je venu à vouloir savoir... - Les richesses de Villeneuve La Collégiale Notre Dame de Villeneuve fut fondée en 1333... le vol de la petite Vierge... - Rencontre avec un personnage Robert Charroux de son vrai nom Robert Grugeau - Une séance de voyance Je vois de l'or, beaucoup d'or...Un trésor caché depuis longtemps... - Les confidences de Monsieur C. Après leur départ, la somptueuse Chartreuse connut la misère et la honte du pillage et de la ruine. Car beaucoup de Villeneuvois la démolirent pour y chercher avec acharnement le fameux trésor - Un étrange marché ...je ne peux pas accepter un marché aussi malhonnête. Vous savez bien que mes bœufs ne valent rien. - Le secret du Frère Louis Il faudra attendre bien des années pour que le mystère du trésor des Chartreux connaisse un nouveau rebondissement. Et de taille ! Car il établit sans conteste que les moines de Villeneuve y ont caché quelque part leur trésor essentiellement monétaire. - Le récit de Pascal Bouffigue ...à cette époque, on assassinait les soldats de l'armée française partout dans le pays, y compris dans les églises et les monastères. -1825. Une mystérieuse apparition ...une haute silhouette sombre se dressa devant lui sur le sentier. Arrêté net dans sa course, Marius poussa un cri de frayeur... -1925. Un bien curieux visiteur ...il me demanda, avec un accent rocailleux que je ne connaissais pas, s'il était possible de visiter dès maintenant la Chartreuse. -1956. Un Chartreux de Marseille Le moine Chartreux qui se faisait appeler Frère René, disait appartenir au service des recherches historiques et archéologiques de l'Archevêché de Marseille... -Brève histoire de Villeneuve Puis Villeneuve tremble d'effroi aux bruits terribles qui précédaient l'approche des quarante mille sanguinaires routiers aragonais. -Origines de la Chartreuse Mais hormis ce dépôt en pièces d'or, les moines possédaient bien d'autres richesses. Leur monastère était orné de tableaux de maîtres dispersés à la Révolution et qui, pour certains, passèrent dans des collections privées. -Une lettre signée A.M.D.G Aussi, mes amis chercheurs et moi, décidâmes de rompre le silence de notre petit monde clos en divulguant publiquement l'existence de ce trésor introuvable, sans toutefois rien révéler d'essentiel. -Un délire épistolaire Mais notre archéologue n'a sans doute jamais mis les pieds à Villeneuve et a dû travailler sur plans, car il ne tient absolument pas compte de l'important dénivellement qui existe entre la Chartreuse, lou Bastidoun et le mas de Carles. -Itinéraire pour une recherche Quant au chrisme, c'est "une clef" incontestable dans la recherche du trésor. Mais nous n'avons pas pu en découvrir tout le sens secret. -Itinéraire pour une recherche.Suite 1 ...on pourrait croire qu'un énorme coin a pénétré la roche sous les coups d'un marteau gigantesque. Mais non. Ce sont les moines qui ont œuvré là à coups de barre à mine et de poudre noire pour obtenir ce résultat. Des trous de mine sont encore visibles tout au tour de la faille -Itinéraire pour une recherche.Suite 2 Tout ceci explique que la borne de la Boulangerie porte gravés une crosse et ses neufs trous... -Itinéraire pour une recherche- Suite 3 ...on peut raconter ici la mésaventure d'une équipe de chercheurs aussi naïfs qu'enthousiastes et déterminés car, sur la foi de révélations faites par un radiesthésiste, ils étaient certains de leur affaire. -Itinéraire pour une recherche- Suite 4 Un chercheur voulut en avoir le cœur net et entreprit de dégager le premier puits situé sur cet itinéraire, du côté des salles romaines,... -Itinéraire pour une recherche- Suite 5- Conclusion colline a -colline b -colline c -colline d |
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Mon ami s'était alors souvenu d'une de ses connaissance, ce Monsieur F., féru de peinture, d'histoire et d'archéologie, qui faisait de fréquents séjours dans le midi de la France, et particulièrement dans les alentours d' Avignon, où il entretenait des relations d'affaire avec le milieu un peu, voire très spécial, des "marchands d'art", au sens large du terme. Peut-être, par ce biais, avait-il quelques connaissances sur cette histoire de trésor. En tout cas, mon ami le croyait. " En effet,
dit Monsieur F. qui avait été informé de notre visite et
de ses raisons ; je pense en savoir plus que quiconque à
ce sujet. D'ailleurs tout est là. " Et il désigna de la
main sur une table, un volumineux dossier à la
couverture cartonnée, dont la présence à sa portée
annonçait qu'il l'avait sorti pour la circonstance.
Malheureusement, il n'en dit pas plus ce jour-là, ayant
à cette heure un important rendez-vous d'affaires
imprévu. Mais il me pria de revenir le voir dans les
trois jours.
Cette seconde entrevue me parut aussitôt moins chaleureuse que la précédente, comme si le temps avait porté conseil. Si bien que, venu là dans l'espoir de tout apprendre sur le fameux trésor, il me fallut vite déchanter. Les propos de mon interlocuteur furent d'une banalité et d'une imprécision décevantes. Le dossier n'était plus sur la table. Mes questions furent éludées sans beaucoup d'égards et j'eus vite fait de comprendre qu'elles n'étaient plus les bienvenues. L'heure n'était plus à la confidence, mais semblait-il, à la défiance. Si bien que je me demandai ce qui avait bien pu se passer en trois jours pour motiver un tel revirement . Tout à fait disposé, il y avait peu, à me dire ce qu'il savait au sujet du trésor de Villeneuve, Monsieur F. m'apparaissait aujourd'hui comme un interlocuteur plutôt distant. Je pressentis que des tiers lui avaient conseillé de se taire. Il me dit seulement que le trésor était dissimulé dans des trous, au flanc d'une colline, à plusieurs kilomètres d'Avignon, dans un lieu diamétralement opposé à Villeneuve et qu'il s'agissait de sépultures moyenâgeuses, à proximité d'une chapelle. La récolte était plutôt maigre et de toute évidence, il cherchait à me fourvoyer sur une fausse piste pour m'éloigner du véritable but de ma recherche. ![]() ![]() Une tombe à flanc de colline |
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J'ai
tout de même vérifié, par la suite, l'exactitude de ses
révélations. La chapelle existe encore, bien que
totalement pillée. Les sépultures aussi, dont beaucoup ont
été fouillées. Mais tout cela n'avait rien à voir avec
l'hypothétique trésor des Chartreux. Les sépultures sont
sans doute celles de moines d'une abbaye proche, ensevelis
là en grand nombre,et certainement victimes d'une
épidémie, peut-être de la Grande Peste Noire de 1348. On
m'avait livré une piste secondaire comme lot de
consolation.![]() Chapelle près des tombes,en partie détruite |
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-"Pour tout
dire, je ne sais pas grand-chose de votre affaire. Les
renseignements que vous possédez sont même plus complets
que les miens, me semble-t-il", conclut finalement
Monsieur F. -"Si vous voulez en savoir davantage, je
vous conseille de prendre contact avec Mademoiselle A.
Elle est employée dans un grand musée national et
possède des attaches à Villeneuve. Dites-lui que vous
venez de ma part. J'appris plus tard, et pour cause,
puisque nous fréquentâmes un temps la même L..., que
Monsieur F. était affilié à une société secrète où l'on
évoque fraternellement des mystères ésotériques et où
l'on pratique un occultisme rituel.
Je n'ai jamais pris contact avec Mademoiselle A.. Mais comme n'importe qui, j'ai eu l'occasion de la croiser dans les jardins de sa belle propriété de Villeneuve. Je lui ai même adressé la parole, sans lui dire qu'un citoyen helvétique m'avait un jour parlé d'elle dans une galerie d'art du Vieux Genève, en me laissant entendre qu'elle disposait peut-être d'informations intéressantes sur un éventuel trésor des Chartreux et qu'il me faudrait en passer par elle pour en savoir davantage. J'évoquerai plus loin une autre personne qui jadis se promenait elle aussi dans les mêmes beaux jardins de cette propriété; et qui dissimulait peut-être un tout autre secret. Ou plutôt, mon interlocuteur Villeneuvois s'en chargera, car il était plus versé que moi en matière de secrets concernant les habitants de Villeneuve à cette époque. |
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Les richesses
de Villeneuve ![]() ![]() |
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![]() ![]() Imaginons un promeneur qui vient d' admirer l'impressionnante tour Philippe le Bel, vestige d'une grande forteresse dressée là par ce roi de France pour surveiller les remuants papes avignonnais. Le voici maintenant parvenu au coeur de la cité, ce coeur qui fut celui de tous les villages, de tous les bourgs, de toutes les villes du monde chrétien pendant deux millénaires : son église. La Collégiale Notre Dame de Villeneuve, dont les proportions et l'architecture forment un bel ensemble qui jouxte un cloître bien conservé, fut fondée en 1333 par le Cardinal Arnaud de Via (à gauche), neveu du Pape avignonnais Jean XXII. Elle contint jadis de nombreuses richesses envolées depuis vers d'autres lieux comme le Louvre ou le musée de la ville. Son plus admirable joyau, chef d'oeuvre de l'art médiéval accompli par un artiste génial, était une statuette du XIV ème siècle, une Vierge à l'enfant en ivoire polychrome, toute entière sculptée dans une défense d'éléphant dont elle épouse la forme courbe dans un mouvement parfait de naturel et de grâce. On peut la voir au musée municipal, ancienne livrée du cardinal Pierre de Luxembourg. |
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![]() Offerte à la Collégiale par son fondateur, la délicate statue a toujours suscité d'innombrables convoitises, tant officielles que privées, dont une au moins aurait pu lui être fatale. Il y a de cela plus de quatre vingt ans, un très riche collectionneur nord-américain s'éprit à ce point de la petite Vierge qu'il voulut à toute force la posséder et qu'il en proposa des sommes folles Les autorités religieuses et civiles de l'époque eurent bien du mal à lui faire comprendre qu'une Vierge de cette qualité ne pouvait se vendre à aucun prix. L'homme décida alors de ravir sa belle. Et il y réussit car elle était alors très mal protégée des voleurs. Naturellement, ce rapt fit grand bruit. Les pouvoirs publics étaient encore tout échaudés du le rapt de la Joconde en 1911 au musée du Louvre par Vincenzo Perugia, un patriote italien. C'en était trop. |
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Toutes
les polices du pays furent lancées aux trousses du
ravisseur qui se terrait à Marseille dans un hôtel minable
où il attendait, en contemplant béatement son trésor,
qu'un bateau voulût bien le rapatrier. Il allait y réussir
quand la police parvint, de justesse, à le démasquer. Sa
faute que ne tempérait aucune justification patriotique
fut sévèrement punie. La délicate petite Vierge a quitté son sanctuaire initial et, très protégée, assurée pour une petite fortune, elle se montre maintenant aux touristes qui visitent le musée municipal Pierre de Luxembourg, où se trouve encore le magnifique tableau d'Enguerrand Quarton représentant le couronnement de la Vierge qui ornait autrefois la Collégiale. Le promeneur pourra encore s'attarder dans la Collégiale, devant une reproduction fidèle de la Piéta de Villeneuve dont l'original se trouve au musée du Louvre, grand accaparateur à bas prix des chefs d'oeuvres nationaux. Copie fidèle certes, et appliquée, mais copie tout de même, qui n'a pas la force expressive de l'original. Ce tableau ornait autrefois un autel dans la Chartreuse du Val de Bénédiction. Le promeneur gravira ensuite une antique ruelle qui le conduira au faîte du Mont Andaon, accablé de Mistral depuis la nuit des temps, mais portant, hautes et fières, les deux tours jumelles de son fort Saint André, ceinturé de remparts imposants. Rasé par les Consuls d'Avignon qui supportaient mal un si puissant voisinage, le fort fut reconstruit sur ordre de Jean le Bon. C'est ici, dans l'enceinte du fort, qu'est le berceau de Villeneuve, le bourg initial, dont il ne subsiste que quelques maison ruinées qui se pressaient jadis auprès de la magnifique Abbaye Saint-André, édifiée à la fin du 6ème siècle. Ce monument historique en très faible partie conservé car à la Révolution, il devint une carrière, est actuellement la propriété privée d'une dame qui a quelque chose à voir avec le musée du Louvre. Mais il serait trop long et là n'est pas mon intention, de dresser une liste exhaustive des nombreux monuments et édifices de tous ordres que Villeneuve offre à l'intérêt des visiteurs. On y compte une quinzaine de livrées cardinalices elles aussi plus ou moins bien conservées, comme autant d'hôtels particuliers dont la magnificence passée se laisse encore deviner.Ils seront évoqués plus loin dans la brève histoire de Villeneuve. ![]() Enfin, le promeneur s'engagera sous la porte monumentale qui mène au joyau de la ville : la Chartreuse du Val de Bénédiction. Mise à bas par les Villeneuvois qui en extrayaient les pierres pour construire leurs habitations, tandis que les plus pauvres établissaient leur logement dans les cellules monacales, elle a fini par se relever de ses ruines et maintenant en partie restaurée, elle abrite des "créateurs" à qui sont affectés un certain nombre des 35 cellules ou " maisons de chartreux ", avec leur jardin privatif clôturé de hauts murs d'où l’on ne voit que les oiseaux traversant le ciel. Ils sont censés trouver en ces lieux, en même temps que le confort moderne, la solitude et le silence monacaux dont ils ont besoin pour stimuler leur inspiration créative. Mais la Chartreuse de Villeneuve n'est tout de même pas la Villa Médicis. Elle attend encore son génie et ses oeuvre. Enfin, cela aura au moins permis au monastère d'échapper à la ruine totale ou à sa transformation en un hôtel de grand luxe, comme il en fut un moment question. Au cours de sa visite, le promeneur ne devinera pas qu'il côtoie ici l'énigme insoluble d'un trésor laissé par les moines, une fortune qui aurait permis de reconstruire trois fois la plus grande et la plus belle Chartreuse de France. De même, il ne pourra pas rencontrer un homme maintenant disparu, à qui il aurait pu dire:-"Tiens, bonjour Monsieur C." Et c'est dommage, car à Villeneuve, quand on parlait de trésor, chacun s'accordait à dire qu'il en était la clé de voûte, voire le créateur par excès d'imagination. En tout cas, une chose est sûre: exagération, vérité ou mythomanie, dans cette quête de l'or disparu, tout convergeait vers lui et tout en émanait. Ce fut lui qui guida mes pas dans cette recherche, quand mon intérêt éveillé par le mince entrefilet d'un quotidien local, je m'engageai dans la quête longue et incertaine des données de l'énigme. |
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Rencontre
avec un personnage ![]() ![]() |
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Malgré
certains sourires ironiques, certains sous-entendus
amusés, j'avais décidé de rendre visite à cet homme, tout
en me demandant si ma démarche n'allait pas me faire![]() -Excusez-moi, Monsieur, mais vous devez faire erreur, me répondit-elle calmement. J'ignore tout de cette affaire dont mon mari ne m' a jamais parlé. Ce qu' il aurait fait si tel avait été le cas. Je regrette... Je n'avais plus qu'à m'excuser et à tourner les talons. Mais j'en fus retenu par le calme imperturbable de mon interlocutrice. Au siècle de l'atome et des voyages interplanétaires, on ne peut parler de trésor à qui n'y est pas préparé, sans passer pour un être déréglé et même un peu inquiétant. Or, la dame qui m'avait ouvert sa porte paraissait tout à fait sereine et comme habituée à ce genre de visite. Elle avait donc voulu m'évincer, se conformant en cela aux consignes sans doute données par son époux absent. Ce qui me fut confirmé par la suite. Au lieu de me rebuter, son comportement décupla ma curiosité. J'insistai en précisant que, malgré mon accent devenu un peu "pointu" pour cause d'exil, j'étais natif de Villeneuve. Je lui précisai ma parenté et comme les noms que je citais lui étaient familiers, elle se départit un peu de sa défiance. Après s'être étonnée que je puisse être le petit fils de mon grand-père qu'elle avait bien connu puisqu'il avait tenu le café Saint-Marc de Villeneuve, elle m'expliqua les raisons de son comportement : elle m'avait pris pour un des ces messieurs des Beaux-Arts qui venaient régulièrement importuner son mari et le menacer de poursuites au prétexte qu'il se livrait à des "fouilles archéologiques" illicites. Nota : On pourra penser que j'en rajoute, mais c'est pourtant l'exacte vérité. En 1945, un soldat américain qui prenait un verre au café Saint-Marc de Villeneuve fut intrigué par la présence d'un puits dans l'arrière salle de l'établissement. Comme il était féru de radhiestésie, il revint avec son pendule, "ausculta" le puits et déclara que cette construction contenait " a big treasure " en pièces de monnaie, placé à une certaine profondeur ( entre 4 et 5 mètres ) dans sa maçonnerie. Cette assertion n'a jamais été vérifiée. Mais elle n'est pas invraisemblable. L'immeuble du café Saint-Marc et ceux qui lui sont attenants ont probablement appartenu autrefois à une livrée cardinalice qui a disparu. Enfin...La dame me confirma n' être pas mesure de me dire quoi que ce soit au sujet du trésor des Chartreux. C'était le domaine réservé de son époux. Il me faudrait donc revenir vers le soir pour le rencontrer. Sachant qui j'étais, il ne refuserait certainement pas de me recevoir et de m'entretenir de son sujet favori. Je pouvais toutefois encore renoncer, ne pas franchir la porte ouvrant sur l'irrationnel . Mais je ne le fis pas, ma curiosité étant la plus forte. Je venais d'apprendre que Robert Charroux, grand maître de la recherche ésotérique et des trésors disparus, s'intéressait personnellement à celui des Chartreux et même des Templiers, qu'il situait dans les environs de Villeneuve, ce que j'aurai l'occasion d'évoquer par la suite. De ce fait, l'affaire avait pris une tournure sérieuse, voire quasi-officielle. Je n'avais plus envie de revenir en arrière, désirant m'évader un moment de ce monde mécanisé, scientisé à outrance, où l'on pénètre les plus intimes secrets de la nature en alignant des équations sans poésie. Ce fut ainsi qu'au déclin de ce jour, par un beau soir d'été, à l'heure où grillons et cigales unissent leurs chants lancinants, Monsieur C. entreprit de me conter sa vérité sur le trésor des moines Chartreux, enfoui quelque part aux alentours de Villeneuve ; des confidences qui devaient nous conduire jusqu'à une heure avancée de la nuit. Mon interlocuteur avait dépassé la soixantaine, mais il était encore très robuste et d'un vitalité remarquable qui me surprit par la suite, au cours des longues marches que nous fîmes ensemble dans la garrigue. Il concentrait en lui nombre des caractéristiques alors pa Mais il est temps de donner
la parole à Monsieur C. qui, après m'en avoir offert un,
avale cul sec un de ces petits verre d'alcool de noix si
propice à délier les langues.
Robert Charroux de son vrai nom Robert Grugeau, Le trésor de la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon. À la fin de l’année 1792, une garnison de soldats de la Convention vient à la Chartreuse pour y confisquer les richesses de cette institution, fondée en 1356 par le pape Innocent VI et devenue l’une des plus riches d’Europe. Elle possédait, en effet, de nombreux domaines qui lui assuraient des revenus importants: prieurés, granges, étangs asséchés de Rochefort et de Pujaut, sans compter les importants legs recueillis quand le pape résidait en Avignon. Mais les révolutionnaires sont arrivés trop tard : les chartreux ont caché leur trésor avant leur venue. Celui-ci est décrit dans l’inventaire des biens de l’Église, conservé aux Archives nationales et établi au début de la Révolution à la demande de Talleyrand, évêque d’Autun : « En deux armoires de 27 tiroirs chacune, nous avons trouvé 120 pièces d’or, 935 pièces d’argent, 2 188 pièces de cuivre, la croix du pape Innocent VI et celle du Cardinal de Pampelune, des chandeliers, des reliques, trois bustes en vermeil de Marie de Médicis et ses deux filles qui appartenaient au Cardinal de Richelieu, un superbe calice d’or orné d’un gros grenat en son centre qui servit au sacrement du Roi René d’Anjou. Dans les salles de la Collégiale et de l’Hospice, des tableaux de maîtres de Mignard, Le Guide, Guerchin… » Depuis, toutes ces richesses disparues excitent la convoitise de nombreux chercheurs : la plupart estiment que le trésor serait caché dans un souterrain situé sous les bâtiments de la Chartreuse. Reste à en trouver l’entrée. Dans les années 1970, l’écrivain et fondateur du Club international des chercheurs de trésors, Robert Charroux, aujourd’hui disparu, estimait avoir identifié l’emplacement de la dalle de pierre sous laquelle se trouve l’entrée du souterrain. En s’aidant de plusieurs témoignages anciens, il a pu dresser un plan sur lequel il a indiqué une croix. Mais le ministère de la Culture ne lui avait pas donné l’autorisation de réaliser des fouilles dans ce lieu, devenu aujourd’hui musée. Le fera-t-il un jour ? |
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Une séance de
voyance ![]() ![]() |
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"Après
de très longues années de silence, cette histoire de
trésor a repris son essor de façon plutôt singulière,
durant l'été 1958. Ma femme et moi étions en vacances à
Sanary avec un couple d'amis et nous y avions passé un
mois très agréable. Mais l'heure était venue de rentrer.
Quant à nos amis, qui désiraient rester encore quelques
temps au bord de la mer, ils se trouvaient un peu
embarrassés par la présence d'une mamie de presque quatre
vingt dix ans qui voulait à toute force rentrer chez elle,
à Avignon ( et non "en" Avignon, pédantisme des médias
parisiens qui n'ont pourtant jamais dit, par exemple, "en
Arras". Et rien ne pouvait lui faire entendre raison. Elle
exigeait de retourner dans sa maison. -Puisque nous retournions à Villeneuve, nous proposâmes de la ramener. Je ne vous dis pas la fête qu'elle nous fit. Elle chantonna pendant presque tout le voyage, riant et bavardant comme une jeune fille. Quand nous arrivâmes à destination, elle me dit :" Tenez, Monsieur C., vous êtes un brave homme ! Venez donc chez moi demain prendre le café. Je vous ferai une surprise." "J'imaginais que la brave dame voulait par là me remercier du service que je lui avais rendu. Enfin, le lendemain, nous fûmes chez elle à l'heure dite. Nous bûmes notre café en discutant de choses et d'autres. Mais le temps passait et je manifestai bientôt l' intention de partir. Je ne pensais plus du tout que la vieille dame m'avait promis une surprise. Elle, par contre, ne l'avait pas oublié, car elle me le rappela et insista pour que nous restions encore un moment. Après quoi elle se leva, se dirigea vers un grand et beau buffet provençal où elle farfouilla un moment à la recherche de quelque chose : sans doute la surprise annoncée. ![]() -Quand elle revint s'asseoir à la table, je vis qu'elle tenait dans ses mains une sorte de boule en verre, ou plutôt en cristal. C'était donc cela ! Nous allions avoir droit à une séance de voyance. Pour moi, ce serait la première fois. Et j'étais assez curieux de savoir ce que notre hôtesse lirait dans sa boule opaline patinée par l'usage. Elle nous demanda de rester silencieux. Puis elle se concentra et parut soudain se placer hors du temps et des lieux. Cela dura quelques minutes et sa voix se fit entendre, comme venue d'ailleurs : " Monsieur C., vous possédez un secret..." - Un secret...Ma foi, oui ! Comme tout un chacun, j'en avais même quelques uns. Et je ne savais pas lequel pouvait se manifester dans la boule de cristal. - Il s'agit d'un secret de religion. Je vois de l'or, beaucoup d'or...Un trésor caché depuis longtemps... - Cette fois, ça y était. Je savais à quoi la brave dame faisait allusion. Et cela m'intéressait. En effet, j'avais depuis longtemps mon opinion sur les Chartreux de Villeneuve ![]() - Ce fut ainsi que les Chartreux de Villeneuve, qui étaient très riches, quittèrent leur belle Maison : munis de simples hardes. Or, l'inventaire dressé par les commissaires de la République aussitôt après leur départ, ne fit état que de maigres restes, sans commune mesure avec les biens immenses que possédait ce monastère, considéré comme l'un des plus riches de France et même le deuxième d'Europe après la Chartreuse de Grenoble. - J'en avais personnellement conclu, sur la foi d'autres indices, qu'avant de partir, les moines de Villeneuve avaient réussi à mettre en lieu sûr leurs biens les plus précieux, à savoir une importante quantité d'or en pièces et en lingots, de nombreuses pièces d'orfèvrerie religieuse, des reliques enchâssées, des manuscrits rares et, par-dessus tout, les ornements sacerdotaux du pape Innocent VI, fondateur et bienfaiteur inlassable de la Chartreuse, à qui il avait légué son corps, mais aussi sa tiare inestimable, sa crosse, sa chasuble, et autres pièces de vêtement, incrustées d'or et de pierres précieuses. Aussi, j'étais devenu très attentif à ce que notre voyante pourrait encore me révéler à ce sujet. - J'appris d'elle que le trésor des Chartreux , accumulé depuis des siècles dans une cave, sous la Maison du Prieur qui en avait la garde et pouvait seul y accéder, avait été chargé une nuit, peu après les événements de l'été 1789, sur des chariots tirés par des boeufs et conduit jusqu'à une colline proche où, par un souterrain creusé depuis très longtemps, il avait disparu dans les profondeurs de la terre. On l'y avait hermétiquement emmuré dans une cache taillée à même la roche, elle aussi depuis très longtemps aménagée à cette fin et qui, du reste, avait déjà servi. Puis l'accès au souterrain avait été soigneusement refermé et habilement dissimulé par une reconstitution minutieuse du sol initial où les moines avaient même repiqué des plans de la végétation commune en ces parages. - Ces révélations venaient conforter certaines découvertes que j'avais déjà faites. Elles confirmaient aussi le contenu des confidences qui se transmettaient dans ma famille d'une génération à l'autre, sous le sceau du secret, et dont je me trouvais être le dernier dépositaire. - Ces récits m'avaient toujours paru de simples légendes sans grand fondement. Mais il n'y a pas de fumée sans feu. Et la voyante, qui n'était pas au courant de mes secrets de famille, avait pourtant mis le doigt dessus. Je la questionnai pour qu'elle m'en dise plus. Mais elle n'en fut pas capable. Elle ajouta pourtant que je vivrais jusqu'à quatre vingt dix ans et que je finirais par découvrir le trésor des Chartreux, car elle me voyait assis sur des coffres éventrés, débordant de richesses et marqués du sceau des Chartreux. Nota : Monsieur C. vécut jusqu'à soixante et quinze ans et malgré son acharnement, il n'a pas découvert le trésor tant convoité. D'autres croient pouvoir le faire.Ils connaîtront le même échec. |
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Les
confidences de Monsieur C. ![]() ![]() |
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S'agissant
d'un secret d'importance, je me demandai pourquoi Monsieur
C. était si prodigue en confidences. Je compris par la
suite qu'ayant d'abord cherché à découvrir tout seul le
trésor, l'entreprise lui était vite apparue trop complexe
et trop hermétique pour ses capacités. Dès lors, la
plupart des bonnes volontés susceptibles de faire avancer
la résolution de l'énigme étaient bien accueillies, quitte
à être contrôlées de près. Et Monsieur C., très méfiant,
ne livrait jamais à une seule personne la totalité des
renseignements en sa possession concernant le trésor. Mais
écoutons-le parler. -" La Révolution de 1789 n'a pas éclaté comme un coup de tonnerre dans un ciel bleu, poursuivit mon hôte. Son déchaînement n'a pas surpris les plus avertis. Et qui pouvait être mieux informé que l'Eglise dont la puissance et la faveur des princes permettaient à ses représentants les plus haut placés de s'immiscer partout dans les affaires de l'Etat et de voir venir l'orage qui menaçait en cette fin de siècle ? -Aussi, toutes les dispositions furent-elles prises à temps pour qu'une grande part des énormes richesses monétaires des communautés religieuses soient mises à l'abri des convoitises. De telles précautions avaient été prises chaque fois dans le passé, quand une menace avait pesé sur elles. Il est vrai que, dans ses débuts, la Révolution avait trop à faire avec ses factions, les aristocrates et le pouvoir royal, pour surveiller étroitement une religion dont certains membres, et non des moindres, la considéraient avec une certaine bienveillance. -La nationalisation des biens du clergé avait, certes, été votée le 2 novembre 1789, sur proposition de l'évêque Talleyrand. Puis, le 13 février 1790, l'Assemblée constituante avait dissout les ordres religieux. C'était pour la Nation une perspective de revenus considérables car les biens de léglise catholique, constitués de propriétés agricoles et d'immeubles, étaient très importants. On les estimait à 3 milliards de livres (soit à peu près dix fois le montant du budget annuel du royaume). Ils résultaient des innombrables dons et legs des fidèles au cours des siècles écoulés. -Dans un premier temps, l' Assemblée nationale laisse au clergé le soin de continuer à gérer ses domaines. Puis le gouvernement met en circulation les assignats qui permettront, à la classe paysane aisée surtout, d'acquérir à bas prix, en les morcelant, les grands domaines agricoles de l'Eglise, dont ceux des Chartreux de Villeneuve. -Ce n'est qu'après un certain temps que les révolutionnaires se préoccupèrent des richesses mobilières secrètes que les couvents et les monastères dissimulaient : trésors monétaires, tableaux, oeuvres d'art, d'orfèvrerie, reliques enchâssées d'or et de pierres précieuses, manuscrits médiévaux enluminés ; et qu'ils décidèrent d' investir ces lieux enclos sur eux-mêmes. Mais cela prit du temps. Les commissaires de la République agissaient lentement, avec minutie, ordre et méthode. Si bien qu'à Villeneuve, bien loin de Paris, les Chartreux continuèrent jusqu'en 1792 à mener, au coeur de la tourmente, à l'abri de leurs solides remparts, l'existence ordonnée et paisible qui avait été la leur pendant des siècles. -Mais prudents et avisés, ils avaient tout mis en oeuvre pour protéger leurs trésors. Certains ont prétendu qu'ils firent convoyer ces richesses hors de France. Mais pour cela, ils auraient dû former un important convoi, au déplacement lent, qui n'aurait pu franchir, sans être remarqué, sur des routes peu sûres, une distance aussi longue que celle séparant Villeneuve de n'importe quelle frontière. A Villeneuve même, ils étaient placés sous surveillance par le comité révolutionnaire local. Et s'ils ne furent pas importunés plus tôt, ce fut grâce à l'estime et au respect qu'ils avaient su inspirer à la plupart des Villeneuvois. -Mais voici arrivée l' année fatidique de 1792. Dès janvier, les Chartreux sont sommés de se prononcer au plus tôt sur leur nouvel état : demeurer à leurs frais et sans aucune source de revenu, dans leur monastère, ou s'en aller accroître le nombre des prêtres sécularisés. -Sur quarante neuf religieux, Pères ou Frères, que comptait alors la Chartreuse, sept demandèrent à la quitter avec une pension de prêtre sécularisé. Seul, le commis-syndic Jacques Clet annonça son intention de renoncer définitivement à l'état sacerdotal. Ce fut pour aller se marier au plus vite avec une jolie nonne d'un couvent voisin. Pour les quarante et un religieux qui avaient choisi de rester, c'était la misère certaine. Car, hormis l'intouchable trésor dont seul le Prieur connaissait le secret, tout leur avait pris des immenses propriétés qu'ils possédaient autour de Villeneuve et avait été vendu aux enchères pour des sommes dérisoires au détriment des deniers publics, car les acheteurs les payèrent avec des assignats dévalorisés. - C'est pourquoi, après avoir rodé quelques temps dans les grandes salles vides de leur monastère, comme à la recherche mélancolique de sa grandeur passée, ils se résignèrent pour la plupart à l'abandonner, non sans le secret espoir d'y revenir un jour prochain. Et ils s'engagèrent, à regret, sur les chemins de la lointaine Espagne, où, parvenus à Tarragone, ils se fixèrent pour y créer, avec de pauvres moyens, une nouvelle Chartreuse appelée à devenir prospère. -Quant au petit nombre de ceux qui s'étaient obstinés à rester dans leur Maison de Villeneuve en dépit des pressions, des humilitaions et des menaces, finalement réduits un état de grande pauvreté, ils se résignèrent à prendre à leur tour le chemin de l' Espagne, quand les persécutions furent devenues intolérables et surtout, après avoir accompli leur mission . Car, sans cela, pourquoi seraient-ils restés à Villeneuve plus longtemps que leurs Frères, dans de si pénibles conditions de misère et d'opprobre ? Après leur départ, la somptueuse Chartreuse connut la misère et la honte du pillage et de la ruine. Car beaucoup de Villeneuvois la démolirent pour y chercher avec acharnement le fameux trésor que les moines avaient dû laisser derrière eux et aussi pour en voler les pierres. |
Un
étrange marché ![]() ![]() |
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-Voilà
à peu près ce que dit l'Histoire. Et nous y reviendrons.
Mais en pareil cas, elle ne peut pas tout connaître. Pour
en savoir plus, il faut interroger les légendes qu'elle
charrie dans son sillage, ces mille petites anecdotes que
les historiens eux-mêmes ne dédaignent pas, car ils savent
qu'elles contiennent souvent des parcelles de vérité,
précieuses pour combler les vides fréquents des
témoignages historiques. -Comme je vous l'ai dit, il se colporte dans ma famille, depuis ces temps-là, de très curieux récits qui, sous leur apparence étrange et travestie, contiennent sans doute la relation fidèle de certains événements bien réels, en rapport direct avec l'énigme des Chartreux de Villeneuve. -Sinon, je ne vois pas pourquoi ils se transmettraient chez nous depuis près de deux cents sous le sceau du secret, et non sans une certaine solennité. Qu'à l'approche de sa fin, un père fasse venir son fils aîné auprès de lui pour lui confier des secrets qu'il lui demande de ne jamais révéler à personne d'autre qu'à son propre fils, quand l'heure en sera venue, cela montre que de telles confidences doivent être prises au sérieux. Du reste, vous en jugerez. Je ne manquais pas d'observer qu'en me faisant ses confidences, Monsieur C. ne respectait pas le secret auquel il était tenu. Il avait sans doute ses raisons. Et j'appris par la suite qu'il n'avait pas eu de fils. Conscient de son âge et de la fuite du temps, il avait dû décider de partager ses secrets avec d'autres, capables de le faire avancer dans sa recherche. Mais ainsi que je l'ai déjà dit, il n'en livrait pas la totalité à la même personne, attendant que chacun apporte sa pièce au puzzle qu'il serait seul capable de reconstituer dans son entier. Mais laissons le parler encore . -A la veille de la Révolution, mon lointain aïeul, David de la Meynargue, pauvre fermier des bords du Rhône, dont les maigres ressources avaient bien du mal à nourrir la nombreuse famille, fut un jour discrètement convoqué par Dom José de Camaret, dernier Prieur de la Chartreuse. -Cela n'étonna pas David. Il fréquentait habituellement la Chartreuse, car en dehors de son office de bedeau, il allait souvent aider les Frères jardiniers à entretenir les plates-bandes, les jardins et les potagers du monastère, ou labourer quelque terre des moines. -Il fut aussitôt introduit dans la bibliothèque du Prieur où Dom José, debout face à une carte largement déployée sur la table de son logement, semblait plongé dans une profonde réflexion. -Un coup d'œil rapide permit à David de reconnaître la carte où figurait l'ensemble des terres que les moines possédaient autour de Villeneuve. Le Prieur allait sans doute lui indiquer quelque friche où arracher les mauvaises herbes. C'était un de ces menus travaux dont il était coutumier et dont il s'acquittait avec zèle, car s'il ne méprisait pas la rétribution souvent généreuse qu'on lui octroyait pour ses services, il lui plaisait d'honorer Dieu en accomplissant les travaux que voulaient bien lui confier ses serviteurs sur cette terre. -"David, Dieu doit t'aimer, puisqu'il t'a donné cinq fils et trois filles qui sont de beaux enfants. Nous t'aimons aussi pour ton zèle et ta piété. Tu nous as toujours bien servis. Eh bien, voici venu le jour de t'en récompenser, dit le Prieur. Tu reconnais cette carte : ce sont nos terres de Villeneuve. A toi qui en as si peu, il doit sembler que nous en avons beaucoup. Bien trop, même. Quand je vois la misère qui nous entoure, je me demande si nous n'avons pas été trop avides de biens terrestres et si cette colère…Mais il est difficile de dire à la richesse :" Halte, tu n'iras pas plus loin !" Enfin ! Je sais que tu as bien du mal à nourrir ta famille. Aussi j'ai décidé de te donner quelques terres. Tu vas en choisir deux sur cette carte. Nous irons voir le notaire et elles seront à toi. -Mais, mon Père, protesta David, pourquoi vous démunir ainsi ? Et pourquoi moi ? Vous avez toujours largement rétribué mes services. Et d'autres dans le pays sont plus pauvres que moi. J'ai ma ferme… -Ne sois pas si humble, David. Je veux te récompenser et si d'autres sont plus pauvres que toi, ils n'ont pas tes qualités. Quoi qu'il en soit, c'est toi seul que cette affaire concerne. Tiens, vois ces terres fertiles au bord du Rhône, il me semble qu'elles touchent à ton champs de luzerne. Je te les donne dès maintenant et demain matin nous irons régler cela chez le notaire. Mais puisque tu ne crois pas les avoir méritées, tu me donneras en échange une paire de bœufs. -David n'en croyait pas ses yeux .Toutes ces bonnes terres, peut-être quatre cents salmées, contre une paire de bœuf vieux et fatigués, car des quatre qu'il possédait, aucun n'était jeune et vigoureux. Il se demanda si le Prieur avait toute sa raison. A moins qu'il ne voulût le mettre à l'épreuve et mesurer sa cupidité. -Non, mon Père, je ne peux pas accepter un marché aussi malhonnête. Vous savez bien que mes bœufs ne valent rien. -Tu crains de nous voler. Mais quand celui qui n'a rien reçoit un peu de celui qui a tout, il n'y a pas de vol. Et puis, sache que si tu gagnes beaucoup à ce marché, nous n'y perdons rien. Dieu sait en quelles mains indignes pourraient bientôt tomber les terres que je t'offre. -Je ne peux pas accepter, s'obstina David. -Tu dois accepter, car je ne t'ai pas tout dit. Avec ce marché, je te paye d'avance de très importants services qu'il te faudra bientôt nous rendre. Des forces mauvaises vont rompre les digues édifiées contre elles et se répandront sur le royaume de France. Elles n'épargneront ni les demeures de Dieu ni ses serviteurs. Tu nous verras sans doute accusés, poursuivis, chassés de nos Maisons, pillés de nos richesses et peut-être payer de nos vies notre attachement à la foi. Nous devons prévoir qu'il nous faudra quitter notre chère Chartreuse, notre belle Vallée des Bénédictions. -Ce n'est pas possible, mon Père, répondit David, accablé par ces sombres prédictions. -Rien n'est encore certain. Mais les nouvelles qui courent en ce moment ne sont pas bonnes. Nous devons prévoir le pire. Et nous nous soumettrons à la volonté de Dieu. Mais nous restons confiants, car ses buts sont impénétrables. Quand la tourmente sera passée, je suis certain nous reviendrons à Villeneuve. Alors, nous serons heureux d'y retrouver tout ce que nous y aurons laissé de cher. Il nous faudra quelqu'un pour veiller à cela. Ce sera toi, David. Nous t'avons choisi à cette fin. Et maintenant écoute-moi bien, car je vais te dire tout ce qu'il te faudra faire." Contrairement à ses prédictions et à ses espérances, Dom José de Camaret ne devait jamais revoir sa Chartreuse de Villeneuve. Mais écoutons Monsieur C. -Le Prieur confia alors à David une mission dont ce dernier ne manqua pas de s'acquitter fidèlement, jour après jours, durant le reste de sa longue existence. C'était une mission d'importance, puisqu' elle se perpétue depuis près de deux cents ans. De nos jours encore, un inconnu, (Ce ne pouvait alors être que Monsieur C. descendant de David), maillon d'une chaîne que les siècles n'on pas rompue, poursuit l'œuvre mystérieuse. -Quant à David, ayant appris ce que l'on attendait de lui, il n'hésita plus. Le marché conclu fut dûment enregistré par devant notaire en février 1789. David était devenu un riche fermier. Ayant passé un marché qui pouvait paraître régulier, quoique très généreux, il ne subit pas les tracasseries des envoyés de la République venus à Villeneuve éplucher les comptes des Chartreux, recenser leurs biens et les disperser aux enchères publiques. Curieusement, ils ne relevèrent pas la disproportion de cet échange qui, peut-être, leur échappa. -Nous savons, à peu de chose près, ce que fut la mission de David. Fidèle à la parole donnée, il mit à profit les loisirs que lui laissait sa fortune pour entreprendre chaque jour, de longues randonnées dans la campagne environnante. -Le lieu préféré de ses promenades était une colline proche, surplombant le pays et le Rhône. Il s'y rendait le matin de bonne heure, avec, sur le dos, une besace remplie de victuailles et de boisson, et n'en revenait qu'au soir. -Ces allées venues intriguèrent un moment les Villeneuvois. Mais jamais personne ne soupçonna leur véritable but. Et l'on finit par s'habituer à voir David errer dans la garrigue comme une âme en peine. -Un promeneur non averti pourra parcourir indéfiniment ces lieux sans rien y remarquer d'extraordinaire. Mais à y regarder de près, on constate vite que les vieilles pierres n'y manquent pas. Pour la plupart issues des anciennes carrières de Carles, elles forment les murets des chemins creux qui sillonnent la colline. Les Romains furent les premiers exploitants de ces carrières dont ils extrayaient la "molasse", une pierre tendre facile à travailler, qu'ils utilisèrent pour l'édification de leurs monuments. Longtemps abandonnées, leur exploitation reprit au Moyen Age où elles servirent à dresser des remparts et des édifices de tous ordres, tels que le Palais des Papes d'Avignon, la Chartreuse de Villeneuve et autres monastères de la région ainsi que nombreuses fortifications. De nouveau abandonnées pendant des siècles, elles ont été rouvertes à notre époque pour en extraire les pierres qui servent à restaurer les monuments du passé. -Parmi ces vieilles pierres, quelques unes ont toujours retenu l'attention des curieux. Il s'agit de grosses bornes toutes gravées au sceau des Chartreux et couvertes de mystérieux hiéroglyphes dont la disposition linéaire laisse supposer qu'il s'agit d'une écriture secrète. Les bergers qui, pendant des siècles sont venus garder là leur troupeau, ont gravé sur ces bornes leurs propres graffitis. Mais à chaque fois, une main mystérieuse est venu restaurer les signes originels. -Il arrive aussi qu'une borne soit malencontreusement renversée ou volontairement déplacée. Elle est alors rapidement relevée ou replacée sur son emplacement initial. Ces interventions qui se produisent encore de nos jours, alors que les Chartreux ont quitté Villeneuve depuis près de deux cents ans et qu'ils n'y reviendront plus, prouvent que ces pierres font encore l'objet d'une surveillance occulte qui leur confère une signification précise sans rapport avec le bornage des propriétés ayant appartenu aux moines, puisque toute la colline était à eux. ( Nota : depuis l'époque des révélations de Monsieur C., la presque totalité des bornes a disparu, soit qu'elles aient été détruites, soit qu'elles aient été enlevées.) -Les chercheurs nomment ces grosses pierres taillées des " bornes directrices ". On en compte cinq qui, avec d'autres plus nombreuses et plus petites, réparties sur toute la colline, formeraient, selon certains, un itinéraire topographique qui, par triangulation ou tout autre système de calcul, désigne clairement le lieu précis par où les Chartreux, pénétrant dans les profondeurs de la terre par un souterrain, sont allés y enfouir leur trésor. -Les signes relevés sur les bornes, hormis le sceau des Chartreux, sont d'ordre liturgique, astronomique, astrologique, zodiacal et topographique. Si l'on écarte d'autres hypothèses peu convaincantes ( marquage des tailleurs de pierre) , tout porte à croire que les Chartreux ont gravé sur ces bornes des indications permettant de retrouver le lieu où gisent leurs richesses. Selon certains, il s'agirait d'un message crypté au troisième degré, impossible à déchiffrer sauf à en connaître les clefs. Selon d'autres, je l'ai dit, les bornes permettent un calcul de cet emplacement par triangulation. Quoiqu'il en soit, ceci explique pourquoi, il fallait à toute force en préserver l'intégrité et la pérennité. Si une borne venait à disparaître, leur gardien en signalait l'emplacement au moyen d'un pieu de fer profondément planté en terre. Surveiller la colline et ses bornes, telle fut la mission confiée à David, puis à ses successeurs, alors même que les biens des moines avaient été dispersés aux enchères publiques.. -Les manifestations occultes qu'on peut y observer, prouvent que la colline où David allait se promener renferme pour le moins un mystère. A ce stade de mon récit, rien ne prouve qu'il s'agit d'un dépôt précieux. Et David lui-même n'aurait pas pu l'imaginer. Mais il allait bientôt l'apprendre sans détour. ![]() ...tu me donneras en échange une paire de bœufs. Non, mon Père, je ne peux pas accepter un marché aussi malhonnête. Vous savez bien que mes bœufs ne valent rien. |
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Le secret du
Frère Louis ![]() ![]() |
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-Nous sommes au
début de l'année 1793. Tous les Chartreux ont désormais
quitté leur monastère pour s'établir à Tarragone. Un soir
de janvier, alors qu'un ![]() -Il n'attend personne et se demande qui peut bien venir lui rendre visite à cette heure tardive, par un temps pareil où on ne mettrait pas un chien dehors. Il se lève lentement et va ouvrir sa porte. Une frêle silhouette sombre, enveloppée d'un manteau de bure que le vent malmène, se tient devant lui, une lampe sourde à la main. Il reconnaît aussitôt ce visiteur nocturne. " Frère Louis, ça alors ! Je vous croyais parti avec vos Frères ! Mais entrez vite, ce maudit vent nous glace ! Et ce n'est pas prudent d'être dehors à votre âge par un temps pareil. Allez vite vous asseoir près du feu " -Le Frère Louis entre en silence et va s'installer devant la cheminée. Toujours sans dire un mot, il réchauffe longuement ses vieilles mains osseuses à la flamme claire des sarments. Tout paraît l'accabler : les ans aussi bien que les tristes évènements dont il vient d'être le témoin et la victime. Il se tait longuement. Puis se tournant vers David, il se met à lui parler. " Eh bien, David, tu es donc si étonné de me voir ! C'est vrai, tous mes Frères sont partis. Mais moi, pourquoi l'aurais-je fait ? Je suis vieux et usé ; je serais mort en chemin. Et puis, je n'avais pas envie de partir, de quitter ces lieux où tout me retient, d'abandonner notre chère Chartreuse où les bons Pères et les Frères m'ont accueilli il y a si longtemps, alors que j'étais encore jeune et sans famille. Ils m'ont élevé et instruit pour que devienne un des leurs. Mon pays et ma maison sont ici. Me voici presque au terme de ma vie. Je ne partirai plus. -Mais, mon Frère, si les sans-culottes apprennent votre présence dans le pays ils sont capables de vous faire une mauvais sort. -Je sais, David. Et je m'en remets à la volonté de Dieu. Mais rassure-toi. Tu es le seul à savoir que je n'ai pas quitté Villeneuve. Le Prieur m'a recommandé de te faire cette visite pour qu'il te souvienne du marché que vous avez passé ensemble. Je sais que tu t'acquittes bien de ta mission et que tu en as gardé le secret. Mais désormais, il te faudra faire quelque chose de plus. " -Puis, le Frère Louis apprit à David qu'il s'était retiré sur la colline où il s'était installé dans une grotte aménagée, comportant un bat-flanc de pierre, un âtre et un conduit de fumée, près du chemin de Cabrion où on peut encore la voir de nos jours. ![]() Nota : Il est aujourd'hui impossible de s'en approcher tant il s'est construit tout autour de maisons avec leurs clôtures anarchiques.C'est à se demander comment les pompiers pourraient intervenir si la magnifique pinède qui surplomble Cabrion venait à prendre feu. -Il y vécut précairement pendant quelques années, jusqu'à sa mort. David eut pour mission de le pourvoir régulièrement en victuailles et en boisson. Il profitait de ces occasions pour lui, parler du pays et des évènements qui s'y produisaient. Ceux qui concernaient la Chartreuse n'étaient guère réjouissants et le Frère Louis s'en attristait chaque fois davantage. -On se demande pourquoi cet homme avait choisi de vivre en ermite, dans des conditions si difficiles pour un vieillard. Il n'aurait pas manqué à Villeneuve, d'âmes charitables pour l'héberger, à commencer par David lui-même qui le lui proposa. -Mais le Frère Louis ne voulut rien entendre. S'il avait choisi de vivre en ermite dans cette grotte obscure, humide et froide, loin de toute habitation et de toute présence humaine, sans doute était-ce pour de bonnes raisons. La grotte de Cabrion offre un excellent point de vue sur la colline des bornes ; et le chemin qui y mène était alors un point de passage obligé sur lequel le Frère Louis avait, depuis son repère, une vue imprenable. Il pouvait ainsi observer toutes les allées et venues des rares personnes, surtout des bergers avec leur troupeau, qui s'aventuraient en ces lieux retirés. -Nous pouvons en déduire que le Frère Louis avait lui aussi reçu une mission de surveillance. Mais elle était autrement plus importante et confidentielle que celle confiée à David. Cette mission, nous en avons une petite idée et nous pouvons imaginer, sans beaucoup nous tromper, qu'elle consistait à veiller, sinon sur les lieux proches de la cache où les moines avait dissimulé leur trésor, du moins sur l'entrée du souterrain qui y conduit, même si son accès avait été parfaitement dissimulé. -Ce qui nous donne à penser que le secret du trésor n'avait pas pu être totalement préservé. Si les quelques moines ayant œuvré à sa dissimulation avaient dû être choisis par le Prieur pour leur probité sans faille, il restait à craindre qu'une brebis galeuse, ayant eu vent de l'affaire, se mette en quête de l'or disparu. Je songe en particulier à ce Jacques Clet tellement empressé de jeter sa soutane aux orties. -Nous verrons plus tard qu'il a essayé un moment de rechercher le trésor de son monastère déserté et dévasté. Mais revenons au Frère Louis dont j'ai oublié de dire que dans son repaire, il disposait d'un fusil, de poudre et de balles. -Les cinq années qui s'écoulèrent furent paisibles pour le vieux moine. Mais au mois d'avril 1798, il tomba gravement malade et sa mort prochaine ne fit plus de doute ni pour lui ni pour David qui, lui-même, n'était plus tout jeune. Etendu sur son bat-flanc dans la grotte de la colline, le Frère Louis respirait difficilement et il commença bientôt à tenir des propos délirants. -" Nous étions...oui... trop riches, David...Tant d'or...C'est un péché contre la pauvreté...La punition de Dieu...Comment racheter nos fautes?...Va, David, prends ce que tu voudras....Donnes aux pauvres. Il en restera toujours assez...Va, là-dessous, aux Quatre Chemins...C'est là...Notre trésor...Le souterrain...Entre par la faille...la faille..de..." Il mourut sans pouvoir achever sa phrase sibylline. -Il y a longtemps que plus aucune carte de la colline ne mentionne le lieu-dit des Quatre Chemins. Mais nous, Villeneuvois de toujours, savons bien où il se ![]() -Avec le temps, la topographie des lieux s'est modifiée. Les chemins autrefois empruntés par les carriers romains, puis par ceux du Moyen Age, et par les moines, ne sont plus guère utilisés et ont tendance à s'effacer. Les Chartreux avaient prévu cela et n'ont pas confié aux seuls repères naturels le secret de la cache où gît leur or. -A mon avis, la mention des Quatre Chemins n'est qu'un indice parmi d'autres. Et depuis les révélations du Frère Louis, on n'a rien découvert aux abords de ces fameux Quatre Chemins. Il faudrait percer la roche, s'enfoncer dans ses profondeurs. Mais à moins de tout dynamiter, c'est impossible ; ce calcaire est aussi dur que du métal. Il faudrait trouver la faille. Mais de quoi s'agit-il ? Il n'existe rien qui ressemble à une faille aux abords de ces lieux. -On peut seulement remarquer qu'à ce croisement, la surface du sol a tendance à s'affaisser peu à peu, et c'est surtout sensible après de très grosses pluies. Il faut savoir que par suite de l'exploitation des carrières, la colline est truffée de souterrains comportant des puits d'aération malheureusement comblés jusqu'à ras bord, sans doute par les moines. Alors, sous les Quatre Chemins, à une profondeur que l'on peut estimer à plus de quinze mètres, il y a peut-être quatre souterrains qui se croisent. Ils n'ont pas été creusés dans le calcaire mais dans cette molasse tendre dont la veine court sous la colline et ils s'affaissent lentement. Un jour peut-être tout s'effondrera. Mais ce n'est pas pour demain. -Selon moi, l'un de ces souterrains conduit à la cache du trésor. Mais tous les efforts accomplis, toutes les recherches faites pour en trouver l'entrée n'ont abouti à rien. Quand bien même on accèderait à un souterrain, il faudrait que ce soit le bon. Et la cache du trésor doit se trouver dans une salle latérale sans doute hermétiquement refermée. -Vous commencez à entrevoir les difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Dans cette recherche, nous n'avons pas manqué de bras, et des trous, il s'en est creusés . Alors ? Ce ne sont pas des bras qu'il nous faudrait, mais un cerveau. Nous l'attendons encore. Il nous révèlerait enfin la teneur du message écrit sur les bornes et la signification d'autres signes très importants dont nous reparlerons. Et puis, je le dis sans malice, il nous indiquerait où est la "faille" dans cette affaire. -Voilà pour le Frère Louis. Il faudra attendre bien des années pour que le mystère du trésor des Chartreux connaisse un nouveau rebondissement. Et de taille ! Car il établit sans conteste que les moines de Villeneuve y ont caché quelque part leur trésor essentiellement monétaire. Nota 1 : Le Frère Louis a été inhumé au sommet de la colline, comme si, par-delà la mort, il voulait encore poursuivre sa mission de gardien du trésor. De sa tombe, parfaitement alignée avec la Chartreuse, on a un admirable point de vue panoramique dominant Villeneuve, La Chartreuse, Le Fort Saint André, Avignon et le Palais des Papes. Cette tombe a été fouillée par de cupides et naïfs Villeneuvois qui s'imaginaient que le Frère Louis avait pu être inhumé avec des pièces d'or cousues dans ses vêtements...! Puis elle a été transformée en calvaire dont la croix a disparu. Nota 2 : depuis l'époque où Monsieur C. me fit ses confidences, la municipalité de Villeneuve a établi sur la colline un nouveau cimetière dont l'entrée se situe à quelques mètres du lieu supposé des Quatre Chemins. |
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Le récit de
Pascal Bouffigue ![]() ![]() |
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![]() Mais Pascal ne voulait pas en démordre. A vingt ans, il en avait assez de faire le cordonnier et la carrière des armes l'attirait irrésistiblement. Il avait vu les soldats de Bonaparte revenir d'Italie couverts de gloire et de butin. Plus tard, il était allé souvent rendre visite à ceux de la garnison installée dans le Fort Saint André au retour d'Egypte. -Quand, à la nuit tombée, il s'asseyait avec ses amis les grognards autour du feu de bivouac, c'était des histoires à n'en plus finir, des récits de batailles héroïques, de conquêtes brutales, de butins fabuleux qui, à la lueur incertaine des flammes dansantes, prenaient déjà les dimensions d'une épopée. -Si bien qu'un soir, n'y tenant plus, il fit son balluchon et s'esquiva furtivement par la fenêtre de sa chambre, avec son maigre bagage sur l'épaule. -Et nul n'entendit plus parler de Pascal. Les années passèrent comme ombre et lumière. L'Empire s'éleva à son zénith, puis s'écroula comme un colosse aux pieds d'argile. Et ceux qui évoquaient encore le souvenir de Pascal, auraient juré qu'il était mort, Dieu savait où, dans le Caucase ou en Pologne. -Mais Pascal n'était pas mort. Le cahot sanglant des batailles l'avait comme par miracle épargné. Et il revint un jour à Villeneuve, sans crier gare, ni plus pauvre, ni plus riche, sinon de souvenirs, à la stupéfaction émue de sa famille et de ses amis qui depuis longtemps n'espéraient plus son retour. -Il était devenu un gaillard imposant, dont la contenance martiale et fière laissait deviner qu'il avait dû voir bien des choses, bien des pays et bien des évènements, parmi les plus terribles. -Si bien que précédé de sa réputation d'homme de guerre, Pascal Bouffigue se mit à raconter, sans se faire prier, tout ce qu'il avait vu, connu et vécu sur les champs de bataille,durant des longues soirées d'hiver où, pour économiser la chandelle et le bois, on allait, tantôt chez l'un, tantôt chez l 'autre, veiller et bavarder. -La moitié du village était suspendue à ses lèvres quand il parlait de l'Empereur qui lui avait un jour pincé l'oreille en lui remettant la tabatière d'honneur gagnée pour s'être bien battu au siège de Saragosse. A croire Pascal, il s'en était fallu de peu pour qu'il devînt au moins colonel. Ah, l'Empereur, quel homme ! Il en pleurait presque le brave Pascal et toute l'assistance avec lui. -Mais nul ne pouvait deviner qu'au fond de sa mémoire se tapissait un souvenir qui l'empêchait parfois la nuit de bien dormir. Ce ne fut que très longtemps après son retour qu'il fit venir auprès de lui son fils aîné, car depuis tout ce temps, il avait pris femme et elle lui avait donné quatre beaux enfants. -Ecoute moi bien, Pierre. Toi te voilà devenu un homme et moi je suis d'un âge où si l'on continue à cacher ce que l'on sait, on risque bien de l'emporter avec soi dans la tombe. Alors voilà : depuis plus de trente ans, je dissimule un secret qui me hante. -C'est vrai que j'ai raconté bien des choses à qui voulait les entendre, mais ce secret, je n'en ai jamais parlé à personne et je vais le dire à toi tout seul. Tu en feras ce que tu voudras, mais toi non plus tu n'en parleras jamais à personne. -Tu te rappelles comment j'ai gagné ma tabatière d'honneur ? C'était au siège de Saragosse. J'étais alors, eh oui, moi le Provençal, Chevau-léger au régiment des Polonais, un bien beau régiment ! C'était exactement le 19 janvier1809, à la veille d'un assaut terrible que nous livrâmes contre la ville. Nous avions cheminé toute la journée dans le froid, le vent et la poussière et les hommes et les bêtes étaient si fatigués que notre colonel décida de faire une halte de quelques heures à Tarragone et fit réquisitionner par l'Intendance les bâtiments de la Chartreuse qui se trouve dans cette ville. Nous n'y vîmes personne et nous nous y installâmes tout à notre aise. -A un moment du soir, je me trouvais seul dans l'écurie du monastère où j'avais conduit mon cheval pour le soigner, lui donner à boire et à manger. Comme je l'attachais à sa mangeoire j'entendis un pas furtif derrière moi. Craignant une attaque par surprise d'un de ces diables d'Espagnols, je me retournai en tirant mon sabre, prêt à frapper. Il faut dire qu'à cette époque, on assassinait les soldats de l'armée française partout dans le pays, y compris dans les églises et les monastères. -Mais je vis que mon assassin n'était qu'un vieux moine inoffensif. Comme il me dévisageait en silence, avec insistance et que je faisais de même, il me sembla que ce visage, cette silhouette ne m'étaient pas inconnus. J'avais déjà vu cet homme. Mais j'étais incapable de savoir ni où ni quand. ![]() -La mémoire dut nous revenir à tous deux en même temps, car je venais à peine de reconnaître en ce vieillard usé le dernier Prieur de notre Chartreuse, Dom José de Camaret, qu'il poussa une exclamation de surprise. -"Ah mais, je te reconnais ! Tu es le Pascal Bouffigue, de Villeneuve ! Je t'ai vu naître et un peu grandir.Te voilà bien forci ! Et tu as gardé tes grosses joues. Grâce à elles, je t'aurais reconnu entre cent. -Oui, c'est bien moi, le Pascal. J'ai quitté Villeneuve il y a quelques années pour devenir soldat et depuis, je n'y suis pas retourné. Vous aussi, mon Père, je vous ai reconnu : vous êtes Dom José de Camaret, notre dernier Prieur. -Nous parlâmes du pays. Et je racontai au vieil homme comment je m'étais retrouvé ici, en Espagne, à Tarragone, après avoir parcouru la moitié de l'Europe à cheval. A son tour, il me dit de quelle manière les Chartreux de Villeneuve, chassés du pays, s'en étaient venu à pied dans cette ville pour y fonder un nouveau monastère qui avait prospéré. -Puis il me questionna pour savoir ce qu'était devenue leur belle Maison de Villeneuve. Le pauvre homme ! A le voir si ému, j'aurais tant voulu lui dire que sa Chartreuse était restée telle qu'il l'avait connue ! Hélas, comment l'aurais-je pu, alors que jeune adolescent, j'avais joué dans ses ruines commençantes ? Je lui devais la vérité, si pénible fût-elle à dire et à attendre. -Je souffris avec lui de la peine que chacun de mes mots lui infligeait. Et je compris à quel point il était malheureux d'apprendre que quelques années d'abandon avaient suffi pour réduire à néant le somptueux héritage de tant de siècles. Puis je conclus : " Hélas, mon Père, ce n'est plus qu'une ruine ! " -Alors je vis que le vieil homme pleurait. C'était un spectacle navrant. Mais après un court moment d'abandon, il se reprit et me fixant droit dans les yeux, il me dit :" Oui, je suis affligé du malheur qui nous frappe. Mais j'ai eu tort de me laisser aller à la douleur, car la miséricorde de Dieu est infinie. Notre Chartreuse est détruite. Mais un jour elle se relèvera de ses ruines et retrouvera toute sa splendeur, car nous y avons laissé assez d'or pour la reconstruire trois fois. Je vais prier pour toi car demain tu livreras une bataille terrible et ta vie sera en grand danger. Mais si, par chance, tu retournes un jour à Villeneuve, va voir David, le fermier de la Meynargue et dit lui de continuer à bien nous servir. Il saura de quoi il s'agit. Adieu, Pascal. Mes prières t'accompagnent. Et que Dieu te bénisse." -"Adieu, mon Père." - Sur ces mots, le bon Père me quitta. Je le regardai s'éloigner au long des couloirs déserts et froids, le dos un plus courbé par les ans, la lassitude et le poids des tristes nouvelles que je venais de lui rapporter. - Le lendemain, nous étions sous les murs de Saragosse où tant de mes camarades se firent tuer. Une vraie boucherie. Dans cet enfer de poudre, de feu, de sang et de mort, je me suis souvenu des paroles de Dom José :" Si tu retournes à Villeneuve..." . Elles n'avaient presque aucune chance de se réaliser. Et pourtant, je suis sorti vivant du massacre. -Nous quittâmes la ville à peine conquise et je n'ai plus jamais revu Dom José qui doit être mort depuis longtemps à cette heure. De retour à Villeneuve, je suis allé à la Meynargue, mais David n'était plus de ce monde. Alors, j'ai transmis le message du Prieur à son fils aîné qui a semblé comprendre. Il a pourtant sursauté quand je lui ai parlé de tout l'or laissé derrière eux par les Chartreux. Et moi, tu vois, cet or, rien que d'y penser, ça m'empêche de dormir. Crois-moi, je l'ai cherché. Mais je n'ai jamais rien trouvé.Voilà, tu sais tout. Fais comme bon te semblera, mais n'en dis rien à personne." ![]() -Nul n'aurait jamais dû connaître l'existence de ce trésor, reprit Monsieur C. Mais c'était sans compter avec la faiblesse des hommes. Ce fut d'abord le Frère Louis qui, dans son délire, laissa échapper des mots incohérents mais suffisamment explicites ; puis le Prieur Dom José qui, sous le coup d'une émotion par trop violente, révéla spontanément l'existence d'une masse d'or assez considérable pour reconstruire trois fois la Chartreuse, une masse d'or laissée à Villeneuve et qu'on peut estimer de trois à cinq tonnes d'or, (elle comporterait la statue en or des douze apôtres ayant appartenues à Benoît XIII, dernier pape d'Avignon ), sans compter la valeur numismatique des pièces d'or, ni celle des objets d'art et des reliques. C'est un trésor colossal. Voilà le secret dont je suis le dernier dépositaire.Tout comme les premiers descendants de David et de Pascal, j'ai cherché sans jamais rien trouver. Pourtant, des personnes très intelligentes, très cultivées, versées dans l'ésotérisme, la cryptographie, l'astronomie, l'astrologie, la liturgie, m'ont aidé dans ma recherche. En vain ! - Mais puisqu'il existe, il est pourtant bien quelque part, ce trésor ! Et il en a excité des convoitises ! A commencer par celles de l'Eglise et de l'Etat qui s'y intéressèrent de près. Alors ? Alors, le Frère Louis et le Père Dom José ne risquaient finalement rien à s'abandonner à la confidence. Il est bien caché le trésor ; et depuis près de deux cents, il résiste à toutes les investigations. Il commençait à se faire tard. Je remerciai mon hôte de ces révélations qu'il aurait pu ne pas me faire. Et je pris congé en lui promettant que si par hasard, il me venait quelque idée, je ne manquerais pas de lui en faire part. Tout en m'éloignant, je pressentis que Monsieur C. ne m'avait pas tout dit. Sous le regard bienveillant des étoiles, ses confidences ne manquaient pas de poésie. Mais aucune ne contenait un seul fait matériel irréfutable, qui aurait pu établir sans conteste l'existence de ce trésor. J'avais entendu de beaux récits, de belles paroles, mais sans plus. Monsieur C. m'avait promis que nous nous reverrions. Peut-être m'en dirait-il plus la prochaine fois. En tout cas, je l'espérais. |
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1825, une
mystérieuse apparition ![]() ![]() |
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-Il
y avait déjà quelques années que Marius de la Cabrelle
était berger pour le compte du fermier de la Meynargue, le
fils aîné de David. Marius ne savait![]() -La nuit commençait à tomber, et Marius était pressé de rentrer. Ce soir-là, c'était Carnaval et le berger voulait être fin prêt pour y faire danser sa promise, la jolie Mariette, aux refrains endiablés des fifres et des tambourins. -L'angélus avait à peine fini de troubler les plaintes aigres du vent que déjà, la grosse boule rouge du soleil disparaissait à l'ouest derrière les collines ; et soudain, tout devint sombre et froid. Marius commença à compter ses bêtes que les chiens avaient rassemblées à coups d'aboiements impérieux : trente sept, trente huit, trente neuf...Le berger pesta comme un diable. Aucun doute, il manquait une bête ; sans doute ce maudit lourdaud qui lui jouait souvent le même tour, comme s'il espérait trouver ailleurs meilleure pâture. Comme d'habitude, le gros mouton ne devait pas être loin. Cette fois, pour sa peine il aurait droit à quelques coups de bâton. -Marius laissa son troupeau sous la garde des chiens et partit à la recherche de la bête égarée. La nuit était maintenant presque totale et les pieds du berger heurtaient les pierres saillantes de la garrigue. Il appela plusieurs fois en vain. Le mouton restait introuvable et silencieux. Mais soudain, dans le sifflement aiguë du vent glacial, il perçut un faible et lointain bêlement. Cela venait de derrière une élévation de terrain qu'il apercevait à une trentaine de mètres. -Pressé d'en finir, le jeune garçon se mit à courir dans cette direction quand, brusquement, comme sortie de nulle part, une haute silhouette sombre se dressa devant lui sur le sentier. Arrêté net dans sa course, Marius poussa un cri de frayeur. La fantastique apparition dardait maintenant sur lui un regard de feu et de folie. Sous sa cagoule de moine, l'homme avait le visage presque entièrement dissimulé et l'on n'en distinguait que les yeux ardents et une forte barbe noire. -A l'habit, Marius pensa reconnaître un de ces Chartreux qu'il n'avait jamais vus, mais dont l'habit lui était familier, tant il en avait entendu la description à la ferme de ses maîtres qui parlaient toujours de ces religieux avec respect et reconnaissance. -Mais les moines avaient quitté le pays depuis bien longtemps et n'y étaient plus revenus. Aussi Marius se signa en se demandant si cette apparition n'était pas celle du fantôme d'un Chartreux hantant la nuit ces lieux solitaires. -" Berger, l'apostropha soudain l'apparition, je m'appelle Jean et je suis pressé. Fais-moi dire une messe sans tarder, car il y va du salut de mon âme. Et le moine disparut dans les profondeurs de la nuit." -Terrorisé, Marius s'enfuit en courant d'une seule traite jusqu'à la Meynargue, abandonnant sur la colline son troupeau et ses chiens que les valets de ferme armés de fusils et de fourches vinrent chercher après qu'il eût raconté comment, face à une horde de loups menaçants, il n'avait dû son salut qu'à la fuite ![]() -C'est que Marius craignait autant les moqueries que les fantômes ; et les plaisanteries n'auraient pas manqué s'il avait raconté avoir vu une apparition. On crut aux loups, même si aucune bête n'avait été dévorée par les loups affamés dont on ne vit pas trace. -Les danses et les rires de Carnaval passèrent là-dessus. Marius avait oublié la requête du fantôme. Et quand revint son tour de conduire le troupeau sur la colline, il ne pensait plus à cette étrange rencontre. -Pourtant, alors que la nuit tombait et qu'il rassemblait ses bêtes, la haute silhouette grise se dressa à nouveau devant lui et réitéra sa demande d'un ton menaçant : " Berger, tu te soucies bien peu du salut de mon âme. Pour la dernière fois, fais-moi dire une messe, ou tu te perdras avec moi. " Après quoi l'apparition s'évanouit comme au premier soir, dans l'épaisseur des ténèbres. -Cette fois, Marius ne douta plus qu'il s'agissait du fantôme d'un Chartreux damné pour ses péchés et réclamant le pardon de ses fautes. Il alla conter sa mésaventure à son maître que l'on disait versé dans les choses de la religion. -Ce dernier l'écouta attentivement et lui conseilla de s'acquitter du prix d'une messe pour le Frère Jean. Après l'avoir fait, Marius se sentit soulagé et ne fut plus jamais importuné par l'inquiétante apparition. -Oui, cela paraît bien extravaguant, ajouta Monsieur C. Et l'on se demande quel crédit accorder à cette histoire de fantôme. Essayons d'être rationnels. Le personnage qui s'est manifesté deux fois à Marius était bel et bien un homme de chair et d'os. Et pour tout dire, un Chartreux dont on devine qu'il était sur la colline à la recherche du trésor de ses Frères. Il n'a rien trouvé, car sa découverte aurait sûrement laissé des traces importantes et le fils de David les auraient remarquées. Et puis comment cet homme aurait-il pu transporter à lui seul quelque cinq tonnes d'or, sans compter le reste ? -Ecrasé de remords après sa tentative criminelle avortée, le parjure ne voit de salut que dans une messe dite à son intention et c'est à un jeune berger, symbole d'innocence, qu'il s'adresse pour mieux toucher la miséricorde divine. Une fois son voeu exaucé, il disparaît à jamais. -Monsieur C. vit bien que je n'étais guère convaincu par ce récit qui n'avait, à vrai dire, pas grand-chose de rationnel. Il sourit. -Bon, admettons que cette histoire qui pourtant, je vous l' assure, est authentique, n'apporte pas grand-chose à l'éclaircissement de l'énigme et qu'elle peut même nuire à sa crédibilité. Et oublions-la. Après elle, plus rien, plus rien pendant un siècle. Ceux qui avaient tenté de lever le mystère du trésor avaient abandonné ; et les Chartreux de Villeneuve étaient tous morts. Seuls les descendants de David continuaient à s'acquitter de leur mission et les bornes furent préservées. -Mais vous ne m'avez pas demandé si j'étais réellement l'un de ses descendants. Eh bien, tenez, en voici la preuve. Et Monsieur C. me tendit un vieux parchemin bruni où je déchiffrai, non sans peine, la signature d'un homme qui avait couché là son testament en l'an 1815. Il s'agissait de David, fermier de la Meynargue. -Contrairement à mes prédécesseurs, je n'ai pas eu de fils. Devais-je laisser se perdre un tel secret ? Il me semble que non ; que je devais tout faire, au contraire, pour retrouver ce trésor perdu, afin de le restituer à ses légitimes propriétaires. Car tel est mon but : parvenir à déchiffrer un secret perdu par les Chartreux eux-mêmes, pour leur rendre leurs richesses. Et vous allez voir qu'il s'agit bien de cela . Peu importe que je dise ce que je sais. N'en soyez pas vexé : je garde le contrôle de ceux qui m'aident à chercher, car chacun ne connaît qu'une part de mes secrets. -"Je crois que je l'avais deviné, lui répondis-je. Mais ce n'est peut-être pas la meilleure solution. Quelqu'un peut vous aider à progesser. Mais s'il bute sur une partie de l'énigme dont vous seul détenez la clef, il n'avancera plus, et vous non plus." - C'est vrai.J'y réfléchirai, conclut Monsieur C. |
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1925, un
visiteur bien curieux ![]() ![]() |
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-Ainsi,
pendant un siècle, le silence s'appesantit sur la
Chartreuse délabrée. Puis soudain, l'affaire qui nous
occupe va connaître d'étranges rebondissements dont le
premier se place en 1925. J'étais jeune alors et je
pensais surtout à mordre dans la vie à pleines dents,
sans beaucoup me soucier des récits que j'avais
recueillis et que je tenais de plus en plus pour les
affabulations d'une époque révolue où l'on croyait
encore aux fantômes.
![]() -Enfin, rien ne m'incitait à rechercher le Trésor des Chartreux. Mais à tout hasard, j'avais pris quelques précautions. -Déjà classée monuments historique, la Chartreuse avait son guide officiel, un vieux Villeneuvois passionné d'histoire locale, qui assurait sa fonction plus par vocation que par intérêt, tant les visiteurs étaient rares, si bien que chaque visite était pour lui un événement. -Nous étions amis et je l'avais quelque peu initié aux secrets de la Chartreuse, en lui demandant de m'informer aussitôt de toute manifestation anormale ayant trait au monastère. Mais il y avait peu de chance pour qu'un prince charmant vienne un jour tirer de sa léthargie définitive la Chartreuse abandonnée et ruinée. -Pourtant, au soir d'une journée encore chaude du mois de septembre, alors que j'étais occupé à trier des olives, je vis arriver à mon moulin à huile proche du monastère, le plus jeune fils de mon ami le gardien, tout essouflé par sa course rapide. Il soufflait tellement que j'eus du mal à comprendre ce qu'il me disait. En bref, je devais me rendre sans tarder à la Chartreuse où son père m'attendait pour une affaire d'importance. -Sans doute mon intérêt pour la Chartreuse n'était-il lui aussi qu'assoupi, car à cette nouvelle, je bondis hors du moulin pour courir tout droit jusqu' au monastère. Je crois n'avoir jamais franchi si vite les trois cents mètres qui les séparaient, stimulé par la pensée qu'un évènement avait dû enfin s'y produire. -De loin, le gardien ma faisait de grands signes. Parvenu à sa hauteur, je lui demandai, sans reprendre haleine, ce qui venait de se passer. Il m'invita à entrer dans son logis et me fit le récit de l'étrange visite que la Chartreuse venait de recevoir. -" Il était près de treize heures. J'avais fini mon repas et comme d'habitude, je m'apprêtais à faire une petite sieste digestive, quand j'entendis tinter la clochette des visiteurs. Je me demandai qui pouvait bien venir à une heure pareille. Enfin, j'allai ouvrir et me retrouvai nez à nez avec un inconnu de haute taille, à la mine sévère, qui, avec ses cheveux blonds et ses yeux bleus, me parut être un étranger ; en tout cas un homme qui ne devait pas rire souvent. -Comme pour m'évaluer, il me regarda un moment sans rien dire. Puis il me demanda, avec un accent rocailleux que je ne connaissais pas, s'il était possible de visiter dès maintenant la Chartreuse. -Je n'avais pas grande envie de le satisfaire : ce n'était pas l'heure des visites et ma sieste m'attendait. Mais avec les étrangers, on peut toujours espérer une bonne rétribution et les visites, je les compte chaque mois sur les doigts d'une main. Pour la forme, j'objectai que ce n'était pas l'heure, que j'allai prendre sur mon temps de repos, que l'administration était stricte sur le règlement. Puis finalement j'acceptai, en espérant qu'il avait bien compris que c'était pour lui faire plaisir et qu'en contrepartie… -Nous commençâmes aussitôt la visite, car mon homme manifestait une impatience visible : cloître, quelques cellules, jardin, chapelle, église, réfectoire : l'itinéraire classique de ce qui pouvait encore être vu. Mais j'eus tôt fait de remarquer que cela n'intéressait pas ce visiteur nerveux et tendu. Il avait l'esprit ailleurs, marchait vite, n'écoutait pas ce que je lui disais, jetant sur tout un oeil distrait et ne posant aucune question. J'en arrivai à me demander pourquoi il m'avait dérangé à une heure pareille. - La visite était presque achevée, quand il s'arrêta soudain, se tourna vers moi et me toisant de toute sa haute taille, il me dit d'un ton sec : " Pouvez-vous me conduire à la maison de Prieur ? " -C'était donc à cela qu'il voulait en venir ! Mais d'où connaissait-il l'existence de cette maison du Prieur, une cellule plus vaste que les autres, que l'administration était en train de restaurer pour en faire l'habitation de mon futur remplaçant ? Je m'apprêtais à refuser, car il m'avait vexé avec ses grands airs. -Mais nous allons entrer dans les mauvais mois de l'année et les visites se feront de plus en plus rares. Si je dois compter sur mes appointements…Cet homme avait l'air riche. Encore une fois, je me montrai réticent, espérant faire monter les enchères, en lui disant bien qu'il allait bénéficier d'une faveur exceptionnelle. -Puis je le conduisis à la maison de Prieur. Et là, je ne le reconnus plus. Si, jusqu'à présent, rien n'avait paru l'intéresser, il semblait maintenant se passionner pour cette pièce à peu près rectangulaire, aux quatre murs vides, avec son escalier montant à l'ancienne bibliothèque du Prieur. -Je tentai quelques explications sur le local, mais il ne m'écoutait pas. Alors je me tus, le laissant agir à sa guise tout en l'observant, car j'avais en tête ce qu tu m'avais dit et je commençais à trouver le bonhomme un peu suspect. -Il s'était mis à marcher de long en large, semblant compter ses pas comme pour prendre des mesures, tout en inspectant soigneusement le sol, le plafond et tous les recoins de la pièce. Puis après un moment, il s'arrêta au centre du logis, s'orienta par rapport à une fenêtre et s'immobilisa face à l'escalier qu'il se mit à considérer pensivement. J'eus alors le sentiment qu'il avait découvert ce qu'il était venu, sans doute de loin, chercher ici. -Tout à son affaire, on aurait dit qu'il avait oublié ma présence. Mais je ne le quittais pas des yeux ; et comme précédemment, il se tourna soudain vers moi et me toisant à nouveau, il me dit : " Je vais vous demander une dernière faveur. J'appartiens à la famille du dernier Prieur de cette Chartreuse, Dom José de Camaret et je souhaiterais me recueillir seul dans cette pièce pour y évoquer son souvenir. Vous comprenez mon émotion. C'était un saint homme qui a beaucoup souffert. On dirait que ce logis témoigne encore de sa présence. Et je voudrais prier pour lui. Naturellement, je saurai me montrer reconnaissant." -Sans ce que tu m'avais appris, j'aurais sauté sur l'occasion. Et puis, je suis un vieux sentimental. Les paroles de cet homme m'avaient un peu ému. Mais décidément, le bonhomme ne me plaisait pas. Le prétexte de sa requête sonnait faux et son manège avait éveillé ma méfiance. Je compris qu'il y avait là, dans la soupente de l'escalier, quelque chose qui l'intéressait au plus haut point et qu'il désirait être seul pour s'en approcher. L'idée même du Trésor m'effleura. Il était peut-être caché là, sous quelques vieilles pierres, dans l'épaisseur du mur. Je décidai de biaiser. -Je regrette, mais je ne peux pas répondre à votre demande. Nous sommes ici dans un monument classé historique. L'administration m'en a confié la garde et la consigne est stricte : je ne dois en aucun cas y laisser seul un visiteur. Cependant, pour vous être agréable, j'accepte, moi présent, de prolonger votre présence en ces lieux pour vous laisser vous y recueillir. -L'homme réfléchit un instant. Mais la déception se lisait sur son visage dur et fermé. Je redoutai même qu'il ne me donne un mauvais coup. Il me répondit froidement : " Votre proposition ne m'intéresse pas. Mais je me souviendrai de ce refus. Adieu, Monsieur. Ne me raccompagnez pas, je connais le chemin ". Il tourna les talons et s'en alla, l'air furieux, sans me donner un sou, ce mécréant. -Comme il est facile de venir incognito dans la Chartreuse et de s'y déplacer sans trop attirer l'attention, j'ai cru bon de t'avertir, car notre homme me semblait bien capable de revenir voir ce qui l'intéressait dans cette soupente. " -Je remerciai mon ami le guide et nous décidâmes de regarder ensemble ce que pouvait bien cacher la soupente. Mais nous déchantâmes vite. Le réduit était désespérément vide et nous eûmes beau l'inspecter avec minutie, nous n'y vîmes rien. C'était pourtant là que devait se trouver la clef du mystère. L'austère visiteur s'était cantonné à ce rez-de- chaussée, sans se soucier de la bibliothèque située à l'étage. Nous recommençâmes notre inspection, allant même jusqu'à retourner le sol de terre battue. Toujours rien. -Nous étions sur le point de renoncer, quand une idée me vint. Les murs de la soupente étaient recouverts d'un bâti de planches. Mais ces planches n'avaient pas un aspect régulier. Comme si on les avait posées à la hâte, elles étaient mal assemblées et d'un bois plus clair, donc plus récent que celui qu'on pouvait trouver ailleurs dans la Chartreuse. Ce bois vite et mal posé n'était sans doute là que pour dissimuler les pierres de la soupente. Nous touchions au but. -Le gardien alla prendre une hache et nous eûmes tôt fait d'abattre cette fragile menuiserie. Nous recommençâmes alors notre inspection du réduit, pierre après pierre, certains de découvrir ce que l'inconnu était venu y chercher. Mais encore une fois, rien. Et notre déception fut grande. -Pourtant, notre conviction que cet endroit dissimulait quelque chose d'important n'était pas entamée. Mais que faire ? Nous n'allions tout de même pas nous en prendre aux murs d'un monument classé historique et le démolir pierre après pierre ! -La nuit approchait. Il nous fallait renoncer et remettre notre entreprise au lendemain. En attendant, le gardien dormirait sur un lit de camp dans la maison du Prieur, après s'y être enfermé à double tour. Muni de ma lampe-tempête, je jetais un dernier coup d'œil au réduit énigmatique, quand un léger détail retint mon attention. -A un endroit profond et mal éclairé de la soupente, une pierre semblait légèrement saillir du mur par rapport aux autres. ![]() -Son examen attentif nous révéla qu'elle était recouverte d'un enduit de chaux et de sable mal lissé, dont l'épaisseur la faisait légèrement dépasser des autres pierres. Nous eûmes tôt fait de gratter cette couche friable. Et sous elle, nous apparut un plan magnifique et mystérieux, profondément gravé dans la pierre. C'était donc cela que recherchait l'étrange visiteur, et nous comprîmes toute la valeur de cette pierre de cinquante deux centimètres sur vingt-deux, portant un plan si bien dissimulé. -Face à lui, nous sommes au coeur de l'énigme. S'il livre son secret, tout l'édifice des moines pour préserver leur trésor s'écroulera. Mais voilà des années que nous cherchons à en comprendre le sens. Un archéologue n'y vit qu'un graffitis sans intérêt et d'une facture médiocre, datant d'une centaine d'années ou un peu plus. Il ne sut pas à quel point il nous faisait plaisir. -En effet, ce plan avait été gravé et dissimulé sans doute au moment où les Chartreux quittèrent Villeneuve. On peut imaginer que ce travail fut accompli dans l'urgence, par le Prieur lui-même qui n'avait pas le savoir faire d'un spécialiste, mais qui voulait être seul à connaître ce secret et d'autres que nous examinerons plus tard. -Le trésor avait été mis en sûreté quelque part sous la colline, dans une cache inviolable. Cela s'était déjà produit du temps des Ecorcheurs et des Grandes Compagnies, puis des Guerres de Religion. Mais cette fois, il fallait partir, sans être certain de revenir, et si oui, dans combien, de temps ? On sait que les moines quittèrent Villeneuve avec chacun un maigre bagage fouillé et refouillé pas les émissaires de la République. Même leurs vêtements furent soigneusement palpés et c'est tout juste si on ne les fit pas mettre nus. -Le Prieur avait prévu cela. Il n'aurait pas pu emporter, sous forme d'un dessin, ce plan ou tout autre document relatif au trésor sans le voir tomber entre les mains de ses ennemis. On lui aurait posé des questions et la suspicion des révolutionnaires aurait été mise en éveil, car l'or tant espéré des moines leur avait échappé et ils avaient dû se contenter de peu : des livres, des tableaux, des chandeliers, des croix et ciboires, un médailler, une collection numismatique. Nous en reparlerons. -Il fallait pourtant que Dom José, déjà vieux, transmette un jour à son successeur le secret du trésor, de la cache qui l'abritait et de ses voies d'accès. Il choisit de confier son secret à la pierre, de telle sorte qu'il y demeure invisible, mais qu'il reste assez facile à retrouver sur quelques indications simples. Voilà ce qu'était venu chercher là notre visiteur ombrageux qui devait connaître l'existence et l'emplacement de ce plan. -Reste à savoir qui était ce visiteur trop curieux. Un descendant de Dom José, comme il le prétendait. Ce n'est pas impossible. Mais il faudrait alors supposer que le Prieur avait voulu livrer le trésor à sa famille. Et cela est peu probable, car il n'était pas homme à trahir son Ordre, et dans cette hypothèse, la famille du Prieur n'aurait pas attendu si longtemps pour se manifester. -Alors ? Alors, ce visiteur était tout simplement un Chartreux, peut-être descendant de Dom José, venu sur ordre de ses supérieurs à la recherche du secret perdu. Nous avons, en effet, de bonnes raisons de croire que les moines de Tarragone ont été dépossédés de certaines pièces du puzzle où Dom José de Camaret avait enclos l'or de Villeneuve, si bien que le secret en a été à peu près perdu. Mais nous reparlerons aussi de tout cela. -Reste le plan énigmatique. Voilà des dizaines d'années qu'il a été tourné et retourné en tous sens, sans résultat. Certains y voient la reproduction du tracé des chemins de la colline, tels qu'ils étaient au moment de la Révolution. Mais cela n'explique pas la présence des lettres S et O qui sont peut-être les deux premières lettres du mot SOUTERRAIN. Car il s'agit plutôt d'un itinéraire en sous sol, avec des culs de sac, des caches latérales et peut-être, des pièges. Mais ce tracé est-il horizontal ou vertical ? C'est une autre inconnue. Et n'y a-t-il pas quelque part, non loin d'elle, une autre pierre dont les inscriptions complèteraient celle-ci ? Monsieur C. me tendit alors un exemplaire du fameux plan qui ressemblait un peu aux labyrinthes d'une pyramide. Je n'y vis rien de plus que ce qu'il m'en avait dit, et je penchai vite pour des souterrains au tracé horizontal, avec l'indication d'une entrée. Mais ce n'était là qu'une pièce du puzzle, insuffisante pour venir à bout de l'énigme. Il en fallait d'autres. Et j'avais cru comprendre qu'elles existaient. Mais je ne voulais pas forcer la main de mon interlocuteur et je lui tendis le plan pour le lui rendre. -Gardez-le, me dit-il. Ce n'est plus un secret et n'importe qui peut voir cette pierre dans la maison du Prieur devenue celle du gardien. Elle fait presque partie de la visite. Qu'importe ! J'ai vu se succéder ici des dizaines de chercheurs fébriles, débordants d'ardeur et d'enthousiasme. Ils ont cru avoir tout compris et ont partout creusé, fouillé, parfois même dynamité, en pure perte. Et je les ai vu repartir fatigués, découragés, désabusés. Car telle est la fièvre de l'or, ses délires et ses déconvenues ! -La pelle et la pioche ne sont pas les instruments les mieux appropriés pour cette recherche. Mieux vaut prendre la peine et le temps de réfléchir, de se promener sur la colline, d'y examiner chaque pierre, chaque signe. Ne négligez pas de bien réfléchir à ce plan. Il est une clef importante de notre recherche. Peut-être y découvrirez-vous quelque chose qui nous a échappé. Dans ce cas, ne m'oubliez pas. |
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1956, un
Chartreux de Marseille ![]() ![]() ![]() ![]() |
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-Malgré le silence qui
s'était de nouveau appesanti sur ce mystère, il n'était
pas douteux que toutes sortes de convoitises agitaient
le petit monde des chercheurs de trésor, mais aussi
celui des instances religieuses qui ne renonçaient pas à
récupérer un pactole qu'elles considéraient à juste
titre comme le leur . -Mais nous avions l'œil et l'oreille à tout et rien ne pouvait nous échapper. Aussi, quand un moine Chartreux de Marseille se présenta à la Mairie de Villeneuve pour y demander l'autorisation de faire à la Chartreuse une visite un peu particulière, j'en fus vite informé. C'était un jour du mois de janvier 1956 et il faisait un froid terrible, avec un mistral à emporter la queue des ânes. Ceux qui ont vécu cet hiver là ne l'auront pas oublié. -Le moine Chartreux qui se faisait appeler Frère René, disait appartenir au service des recherches historiques et archéologiques de l'Archevêché de Marseille pour le compte duquel il était en mission itinérante. Parvenu à Villeneuve, il désirait y étudier l'architecture de certains monuments d'un grand intérêt pour ses commanditaires et plus particulièrement la Chartreuse. -A cette fin, il présenta ses lettres d'accréditation dûment contresignées par un responsable départemental des Beaux-Arts. Ces documents lui furent très utiles, car il n'en demanda pas moins que de pouvoir utiliser la grande échelle des pompiers pour accéder aux toits de la Chartreuse où, crayon et papier en main, il passa des heures à étudier les cheminées du vieux monastère. -La vision de sa silhouette malmenée par un vent glacial au faîte de l'édifice, avait quelque chose d'un peu fantomatique. Mais nous étions certains que le Frère René trompait son monde et que tout ce déploiement de vaillance avait pour but d'égarer les curieux. Alors que faisait-il sur ces toits ? -Il semble que, comme sous Villeneuve, circulent aussi sous la Chatreuse de nombreux souterrains menant à des abri-refuges et à des cryptes. Les souterrains qui courent sous la ville ont été pour la plupart, soit obstrués, soit tronçonnés et transformés en fosses d'aisance. Il est dangereux de s'y aventurer car là où certains sont encore praticables, aucun air ne circule plus et on y risque l'asphyxie. -Mais qu'en est-il de la Chartreuse ? Nous savons qu' elle a des souterrains très profonds et sans doute au moins une crypte-refuge. Pour rester praticables sans risque, ces constructions doivent être suffisamment ventilées ; cette ventilation est assurée par des conduits d'aération d'autant plus efficaces que leurs orifices de sortie sont plus élevés. Et discrets, car leur présence trop visible permettrait de deviner l'existence et même le tracé des souterrains. Par précaution, dans les monastères, ces conduits d'aérations étaient souvent dissimulés dans les conduits de cheminées servant à évacuer la fumée des feux de chauffe ou de cuisine. -Dès lors, on devine ce que faisait le Frère René sur les toits de la Chartreuse, autour des cheminées encore en place. Il s'assurait de l'existence et du bon fonctionnement de ces conduits d'aération et il y consacra une demie journée sous un vent glacial dont les violentes bourrasques auraient pu l'emporter. Mais peut-être fallait-il justement qu'il y eût ce jour-là un vent très fort. Quant au froid glacial, il tenait opportunément les curieux bien au chaud, chez eux. -Et ce ne fut pas tout. Le Frère René consacra la demie journée restante à inspecter méticuleusement les cheminées intérieures des cellules encore habitables, dont celle de la Maison du Prieur à laquelle il consacra bien plus de temps qu'aux autres. Ce qui nous mit en alerte. -Dès qu'il fut parti, nous allâmes à notre tour inspecter les cheminées visitées par le Frère René. Celles des quelques cellules monacales où il était passé étaient très ordinaires et malgré un examen attentif, elles ne révélèrent rien de particulier. C'était sans doute de la part du moine une manoeuvre de diversion. Mais puisque le Frère René s'était attardé dans la Maison du Prieur, ce serait là, une de fois de plus, que nous pourrions découvrir quelque indice caché, tout comme nous avions déjà découvert le plan dissimulé dans la soupente. -Nous passâmes des heures à inspecter cette belle et vaste cheminée aux grosses pierres noircies par l'usage. Nous examinâmes chacune de ces pierres, depuis le sol, jusqu'à la plus grande hauteur accessible dans le conduit, sans rien y découvrir de visible. Ces pierres avaient toutes les mêmes dimensions et le même aspect, je pourrais dire la même patine noire déposée par des siècles d'usage. Si bien qu'elles devaient toutes être en place depuis l'origine de la Chartreuse, sans qu'aucune ne parut avoir été bougée depuis tout ce temps. -Et pourtant, une nouvelle fois, notre conviction était faite. Que le Frère René soit venu là en quête d'un indice précis ou pour un simple repérage, cela attestait que la cheminée du Prieur comportait un secret qu'il nous fallait à toute force découvrir. Mais comment ? La Chartreuse était devenue un monument historique chaque jour davantage protégé et nous ne pouvions pas démolir cette cheminée pierre après pierre sans attirer l'attention et les foudres de l'administration. Il ne nous restait plus qu'à abandonner la partie, à repartir bredouilles, comme avait dû le faire le Frère René. -Et nous étions tout près de renoncer, quand un de mes amis eut une idée : " Si nous sondions les pierres l'une après l'autre en frappant légèrement dessus avec un maillet en bois . Il y a peut-être un endroit où cela sonnera creux. Auquel cas, nous n'aurions qu'à déplacer avec précaution quelques pierres, la où nous trouverons une résonance anormale, pour regarder ce qu'il y a derrière, puis à remettre le tout en place. La cheminée est tellement noire que personne ne remarquera rien. " -C'était une excellente idée et par chance, le gardien des lieux était un de nos compères, passionné par l'histoire du trésor. Cela nous donnerait le temps de mener à bien notre entreprise. Nous commençâmes aussitôt à sonder la cheminée, une pierre après l'autre. Et le résultat ne se fit guère attendre . -L'une des pierres située dans l'angle droit du conduit émit un bruit bizarre, pas franchement creux, mais différent des autres, on eût plutôt dit un très léger tintement, en tout cas ce n'était pas le son mat des autres blocs de molasse. Cela suffit à nous décider. Nous grattâmes avec soin les joints de la pierre, puis nous la décelâmes tout aussi soigneusement pour ne pas la détériorer. Ces opérations se firent sans grande difficulté et la pierre, une fois sortie, nous livra finalement son étrange secret. -Elle avait été en partie évidée pour recevoir dans cet espace exactement ajustée, une sorte de bocal d'un verre très foncé, au goulot évasé, que nous sortîmes de son habitacle avec les plus grandes précautions. La bouteille était hermétiquement fermée par un épais bouchon d'argile durcie au feu. Et ce fut notre principal obstacle, car il ne fallait pas casser la bouteille en dégageant son bouchon. Nous le désagrégeâmes peu à peu et à son tour la bouteille nous livra son contenu : une peau de taupe pliée en quatre sur laquelle, recto verso, avaient été sommairement dessinés d'étranges hiéroglyphes. ![]() -Le recto semblait indiquer une construction avec des cheminées et des directions divergentes ou opposées qui figurent peut-être des souterrains, un triangle avec un point en son centre, et une sorte de soleil stylisé, le tout d'un graphisme simpliste, presque enfantin. A propos de taupe, il n'est peut-être pas indifférent que les Chartreux aient choisi ce petit animal pour lui confier leur secret, ayant été eux-mêmes de véritables "taupes" qui creusèrent des galeries en tous sens sous la colline et sous leur monastère. Certains d'entre nous, quelque peu versés en écriture ésotérique, crurent pouvoir résumer ce qui était, à l'évidence, un message explicite réservé a ![]() -Le verso était couvert de chiffres et de lettres qui paraissaient n'avoir aucun lien entre eux, ainsi que de divers symboles religieux bien connus, tels que le sceau des Chartreux et le chrisme ( le signe christique), qui ne nous apportèrent rien de décisif ; et une fois encore le triangle pointé. Ces chiffres et ces mots avaient sans aucun doute un sens précis et révélateur pour qui était capable de les relier entre eux. Il s'agissait sûrement d'un message crypté, déchiffrable par un procédé de substitution ( où des lettres viennent remplacer les chiffres selon un décalage convenu), et nous étions alors face à un cryptage au second, voire au troisième degré. Certains y virent même la voûte du ciel, avec quelques unes de ses constellations nocturnes. -Mais il en manquait la clef que seul avait dû posséder l'auteur de ce message. Lequel avait tout prévu, car les chiffres étaient écrits dans un désordre tel qu'il neutralisait toute tentative de décryptage par les méthodes habituellement employées à cette fin, comme le chiffre de César, celui de Vigenère ou tout autre, qui du reste, nécessitent eux aussi une clé. A moins qu'il fût possible, après avoir décrypté chaque suite de chiffres devenus alors des mots, de les replacer dans un ordre donné, pour former un message cohérent. Malgré tout, des spécialistes émirent l'hypothèse que le mot "Christ" ou "Chrisme" pouvait être la clé d'un cryptage spécialement conçu par les Chartreux et que, cela était certain, l'écriture au verso du message était celle, typique, d'un religieux de l'époque fin XVIIIème siècle, début du XIX. Mais les dessins trop malhabiles du recto ne sont pas de la même main ; ils ont été tracés par quelqu'un qui savait à peine dessiner et peut-être pas écrire. Ce qui ajoute au mystère. -Malheureusement, les meilleurs cryptologues échouèrent dans leurs tentatives de lecture de ce message Et à l'heure actuelle, nous ne sommes guère plus avancés. Cependant, comme nous le verrons plus loin, certains signes écrits sur le parchemin, ainsi que le plan de la soupente, se retrouvent ailleurs, comme dupliqués et cette singularité peut fournir le début d'une piste. Ou son aboutissement…Mais nous n'en sommes pas encore là. Nota : J'ai pris sur moi de divulguer le plan de la pierre cachée et le parchemin, conscient que cette initiative ne plaira pas à tout le monde. Car même s'ils se savent incapables de les déchiffrer, certains voudraient en garder jalousement le secret. On se demande bien pourquoi. ![]() Enfin, contrairement à ce que certains ont pu penser, le plan recto-verso n'est pas un faux récent. De fait, il se trouve que ses découvreurs, à défaut de pouvoir bien le lire, ont cru bon de repasser à l'encre tout ce qu'ils y voyaient, et même ce qu'ils n'y voyaient pas, mais qu'ils croyaient y deviner, si bien que le document d'origine est fortement dénaturé. A propos des chiffres accompagnés parfois de lettres, écrits au verso, on pourrait imaginer que le scripteur-comptable, a voulu indiquer les quantités et la nature des pièces de monnaie formant le magot enfoui. Le total en serait plutôt conséquent : de l'ordre de 300 mille pièces d'or et d'argent. La valeur fiduciaire du trésor serait ainsi de l'ordre de 25 millions d'euros et sa valeur numismatique bien plus importante. Mais on ne peut écarter d'autres interprétations. Il existe un site en anglais ( is there bueid treasure at villeneuve les avignon ? PLUS ) où un chercheur s'est lancé dans une interprétation graphique de la page recto du plan. Mais ses alignements sont faux et ses déductions très hasardeuses quant à la signification des symboles utilisés par le scripteur. Selon ce chercheur, l'auteur du plan aurait utilisé deux ou trois alignements qui passent par ce qui serait l'ancienne poterne du Fort, dont il ne reste plus grand chose de nos jours. Mais pour ce faire, il a visiblement déplacé cette poterne et l'a baptisée Tour du Masque. |
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Brève
histoire de Villeneuve ![]() ![]() ![]() |
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L'histoire de
Villeneuve-lez-Avignon ne remonte guère au-delà du premier
siècle de notre ère, du moins pour ce qui en est connu.
Plutarque, dans "la vie ![]() Et c'est à peu près tout. Il faut attendre l'an 62 pour apprendre que Sainte Marthe, sainte patronne d'Avignon, "ressuscite" un berger de Villeneuve tombé accidentellement dans le Rhône où il s'était "noyé".En ce temps là, les résurrections étaient plus fréquentes qu'aujourd'hui. A la même époque, les eaux du fleuve entouraient le mont Andaon. Elles baignèrent sa base orientale jusqu'au milieu du 18 ème siècle, comme en font preuve de nombreuses estampes. Il s'établit même, dans une anse du fleuve, au sud de la cité, un port qui connut une certaine importance et resta actif jusqu'au 16 ème siècle. On n'en trouve plus trace aujourd'hui. Au XVIIIème siècle, les eaux du fleuve se retirèrent de sept cents mètres à l'Est, formant la riche plaine de l'Abbaye. Avignon voisine et rivale de Villeneuve, était elle aussi cernée par deux bras du Rhône qui en faisaient presque une île. Avant les travaux qui devaient régulariser son cours, les crues du Rhône étaient redoutées, à juste titre, par ses riverains de Villeneuve et d'Avignon. Certaines de ces crues catastrophiques frappèrent à ce point les imaginations qu'on voulut en perpétuer le souvenir. C'est ainsi que l'on peut encore voir, en divers lieux de ces deux cités, la marque gravée des plus hautes eaux qui, dans les rues, atteignaient la hauteur d'un homme. C'est sur le Puy Andaon, en un bourg modeste nommé Bourg Saint-André, que se trouve le berceau de l'actuelle Villeneuve. Ces quelques maisons, ![]() Selon la tradition, elle aurait été fille d'un roi d'Aragon, souverain wisigoth de Tarragone. Mariée puis séparée de son époux, elle se retira sur la montagne Andaon pour y vivre dans une grotte. Elle meurt en 587, " au milieu de la nuit, le 6 des ides de décembre, quarante six ans après le consulat de Basile le Jeune, la deuxième année du règne de Childebert ", comme en témoigne une inscription latine relevée sur sa pierre tombale, conservée dans l'église paroissiale de Villeneuve, après avoir longtemps servi de montant de cheminée dans une habitation particulière. On ne sait pas à quel âge elle mourut. A sa mort, la grotte où elle avait trouvé refuge devint un lieu de pèlerinage, car elle renfermait le tombeau de la sainte. Quelques moines de l'Ordre de Saint Benoît s'installèrent à proximité du sanctuaire dont ils assurèrent la garde et tirèrent des subsides. Il s'ensuivit la fondation de l'Abbaye de Saint André, à la fin du 6ème siècle. Ce monastère resta prospère jusqu'à la Révolution de 1789, après avoir été détruit par les Sarrasins en 734, délivré par Charles Martel et totalement rétabli entre 789 et 989. L'abbaye bénédictine jouit pendant plusieurs siècles, dans les régions méridionales, d'une grande renommée, due tant à ses immenses richesses qu'à la science et aux vertus de ses religieux. Elle reçoit de nombreuses donations. En particulier, les Comtes de Toulouse la comblent de faveurs. Seigneurs territoriaux de la région, ils lui cédent la jouissance du fief formé par le Bourg Saint André et les Angles, petit hameau situé sur une hauteur proche. L'un d'eux, Raymond IV, lui confirme ce legs en 1088. Au 14ème siècle, elle possède des biens dans treize diocèses. Le monastère hébergera parfois, au Moyen-Age, des papes ou des souverains. Urbain II s'y arrête au retour du concile de Clermont qui marqua le début des croisades. Il déclare prendre l'abbaye sous sa protection. Gélase II, fuyant l'empereur germanique Henry V, y trouve asile en 1118 et y consacre lui-même ![]() Au cours de sa longue existence, l'abbaye connaît des abbés qui se distinguent par l'austérité de leur vie, leur piété, leur éloquence, tels Saint-Pons (1063-1087), ou leur érudition, comme César Branca (1572-1597). Le petit bourg de Saint-André, habité par les vassaux du monastère, groupe, dès le VII ème siècle, ses quelques maisons auprès des bâtiments conventuels. Il a comme église la chapelle Notre Dame de Belvezet bâtie entre 1150 et 1175 sur le point culminant du Mont Andaon où elle subsiste encore. D'autres maisons commencent ensuite à s'échelonner le long de la pente sud-ouest de la bute et constituent l'actuel quartier du Bourguet. Enfin, lorsque les deux rives du Rhône sont reliées par le pont Saint-Bénézet, achevé en 1186, (sa célébrité est due au fait qu'il fut à la fois une admirable œuvre d'art et le premier pont de pierre franchissant le Rhône en aval de Lyon), une petite agglomération s'établit en tête de passage : ce sera le futur quartier de la Tour. Du XIème au XIIIème siècles, la seigneurie de Saint-André, qui relève toujours du comte de Toulouse, grand vassal de la couronne, possède de l'autre côté du Rhône, avec la commune d'Avignon, un puissant et dangereux voisin qui prétend avoir des droits sur elle. Dès 1154, le bourg de l'abbaye tombe sous la dépendance des avignonnais. L'Abbé tente à plusieurs reprises de se soustraire à ce joug, mais ses efforts restent vains. Après l'échec d'une ultime tentative, en 1213, il doit reconnaître l'autorité de la Commune d'Avignon et satisfaire à ses exigences. Parmi les conditions imposées, figure la démolition des fortifications qui entourent le Mont Andaon. Cependant, le triomphe des Avignonnais est de courte durée. En 1226, le roi Louis VIII, dont le règne très court ( trois ans, trois mois et trois semaines ), fut tout occupé par sa lutte contre les Anglais installés au Sud-Ouest et contre la dynastie toulousaine encore très puissante dans le midi, vint en Provence prendre possessions des territoires que ne peut conserver Amaury, fils de Simon de Montfort le vainqueur des Albigeois. Avignon ose résister au puissant capétien. Le roi assiège la ville et vient à bout de sa résistance après trois mois d'une lutte sans merci. La ville a désormais perdu sa superbe en même temps que l'indépendance communale. Pendant le siège, Louis VIII est l'hôte de l'abbé de Saint-André qui profite de la présence du souverain pour s'en faire un allié en lui proposant de devenir co-seigneur de Saint-André et des Angles. Le traité de pariage est conclu en septembre 1226. Le bourg et le monastère sont désormais couverts par la haute protection royale et pourront échapper ainsi à la tutelle d'Avignon. Le traité devait être renouvelé le 11 juillet 1292 par Philippe le Bel qui, reconnaissant la valeur stratégique de la région du Puy Andaon placé à la frontière de ses états, au débouché de l'un des rares ponts du Rhône, décide de faire du bourg Saint-André, la clé du Languedoc et du royaume de France du côté de l'Orient. Aussitôt après la conclusion du second acte de pariage, le roi donne l'ordre de construire une forteresse destinée à commander le passage du pont Saint-Bénézet. C'est ainsi que s'élève, de 1293 à 1307, une citadelle dont ne subsiste plus aujourd'hui que des fondations et le puissant donjon connu sous le nom de tour Philippe le Bel. La garnison des soldats établis dans la forteresse avait droit de regard sur les mouvements qui se produisaient autour du Palais des Papes d'Avignon. Ce voisinage découragera longtemps les pontifes avignonnais de tout velléité de fuite. Dans le même temps, par une ordonnance faite à Paris en mars 1293, le roi fonde Villeneuve-Saint-André. La charte de fondation édicte, entre autre, que les habitants sont " libres et exempts de taille, subsides, corvées et réquisitions d'aucune sorte, de droits de péage par terre et par eau, d'impôts, les droits sur le sel exceptés ". La cité est gratifiée d'un marché par semaine et de deux foires annuelles d'une durée de trois jours chacune. Sa population s'accroît rapidement. Au 14ème siècle, pendant le séjour des papes à Avignon, comme le disent les gens du crû (et non " en Avignon ", parisianisme pédant), de 1309 à 1378, la ville connaît une fortune étonnante. En effet, comme sa voisine, Villeneuve devient résidence des papes, des cardinaux, des prélats de la cour pontificale, qui y édifient des livrées (sortes de palais fortifiés), y fondent des couvents, des églises. En 1333, le cardinal Arnaud de Via institue la collégiale Notre Dame qu'il dote richement. En 1356, le cardinal Pierre Aubert devenu pape sous le titre d'Innocent VI, fonde la Chartreuse du Val de bénédiction. Il y fait construire le mausolée où il sera inhumé. Les rois de France se transportent souvent à Villeneuve et, particulièrement, Jean le Bon, ce roi aux malheurs exemplaires, fait prisonnier par les Anglais à Poitiers et qui obligea ses sujets à se saigner aux quatre veines pour réunir les trois millions d'écus d'or de rançon réclamés par ses geôliers pour sa libération. Ce roi fit de fréquents séjours à Villeneuve pour obtenir des subsides du pape afin de mener sa lutte contre les Anglais. Des souverains étrangers y logent parfois : en 1348, c'est la reine Jeanne de Naples ; en 1356, l'Empereur d'Allemagne, Charles VI ; en 1386-1387, Marie de Blois, reine de Sicile. Plusieurs traités importants pour la France sont négociés à Villeneuve. En 1343, Humbert II, dernier dauphin du Viennois, y cède à la couronne son domaine du Dauphiné. En 1349, Jacques II, roi de Majorque, y signe le traité qui donne au roi de France la seigneurie de Montpellier. Villeneuve connaît cependant quelques misères en ce 14ème siècle si brillant pour elle. Elle est ravagée plusieurs fois par la peste ; et par ![]() Puis Villeneuve tremble d'effroi aux bruits terribles qui précédaient l'approche des quarante mille sanguinaires routiers aragonais. Chargé par le roi de France de débarrasser le pays de ces pillards criminels, Du Guesclin menait les Grandes Compagnies à Avignon pour y être bénies par le pape (qui en profita pour les excommunier), avant de les conduire guerroyer en Espagne où elles furent exterminées. A cette époque d'insécurité, la Chartreuse s'entoure de murailles et les moines cachent leurs richesses ; l'enceinte du fort Saint-André est complétée et les imposantes tours jumelles édifiées. Indésirables sur le sol avignonnais, les Grandes Compagnies établirent leur immense campement dans les environs du Bourg Saint-André, en un lieu qui, depuis, se nomme le Camp de Bataille. Bien que préjudiciable à la cité, le départ des papes d'Avignon, devenu définitif en 1418, n'arrête pas son essor. Elle continue à jouir d'une grande prospérité due au développement de la Chartreuse et de l'Abbaye Saint-André, dont le rayonnement ne cesse de croître et qui drainent d'immenses richesses, à l'activité de son port où s'effectue un important commerce, à l'attention bienveillante des rois de France qui l'honorent toujours de leurs visites et lui prodiguent leurs faveurs. Grâce à eux, elle continue à être un lieu privilégié, un centre commercial, administratif et militaire non négligeable de la province. Ses habitants demeurent fidèles aux souverains. Quand le royaume est déchiré par la féroce rivalité des Armagnacs et des Bourguignons, Villeneuve, contrairement à l'exemple donné par la majeure partie du Languedoc, qui épouse la cause du Duc de Bourgogne allié des Anglais, se range aux côtés du roi légitime, Charles VII, et du Dauphin. En 1417, l'évêque de Gap, partisan de la cause royale, retranché dans le fort Saint-André et dans la citadelle de la Tour, résiste avec succès aux assauts du Comte De Chalon, rallié à la faction bourguignonne. (Certains pensent qu'un souterrain reliant la Tour au Fort aurait été creusé à cette occasion. D'autres affirment qu'il existait déjà et qu'on peut encore le visiter. Mais son entrée se trouve dans une propriété privée, ce qui est le cas pour les nombreux souterrains de Villeneuve). Les luttes religieuses n'ont qu'une faible répercussion dans Villeneuve qui demeure attachée au catholicisme. On y signale quelques troubles en 1561, au cours d'une réunion protestante dispersée par une partie de la population. Cet épisode, qui fit deux morts chez les protestants, resta sans lendemain. L'année suivante, la cité repousse avec succès une violente attaque du sanguinaire baron des Adrets. La paix publique restaurée, la ville connaît à nouveau la prospérité. Dès la fin du 16èmesiècle, mais surtout au 17ème, la cité s'embellit par l'édification d'hôtels particuliers, tels l'hôtel dit " de Saint-Pierre-du-Luxembourg " et celui dit " du Prince-de-Conti ". L'église Saint-Pons qui menaçait ruine, est démolie et reconstruite en 1652. Les religieux Récollets s'installent à Villeneuve et y bâtissent leur monastère. Les Chartreux transforment leur Maison dont la porte monumentale est érigée en 1649, d'après les plans de Royers de la Valfrenière. Les embellissements se poursuivent au 18éme siècle grâce à la présence d'habiles artisans. Dans la ville était né en 1638, un architecte dont la renommée devait dépasser le cadre régional : J.B. Franque. La cité lui doit la chapelle des Pénitents Gris et la rotonde connue sous le nom de fontaine Saint-Jean, dans le cloître supérieur de la Chartreuse. Les Chartreux font procéder à d'importants aménagements dans leur monastère qui devient un véritable musée où sont rassemblés œuvres d'art, objets de culte, manuscrits rares, imprimés précieux, ainsi qu'un riche médailler, tandis que l'or s'entasse dans la cave du Prieur. De leur côté, les Bénédictins de Saint-André, également détenteurs d'ouvrages nombreux et choisis, entreprennent de grands travaux de reconstruction dans les bâtiments conventuels. A la veille de la Révolution, Villeneuve occupe une place importante en Languedoc. Elle jouit encore des prérogatives non négligeables accordées par son fondateur, confirmées et augmentées parfois par les rois successifs. Elle possède une maîtrise générale des ports, un bureau général des traités forains (douanes), une chambre des gabelles, un entrepôt des tabacs, un bureau des domaines, des postes. Elle est lieu de résidence d'un contrôleur général des Fermages de France. L'armée royale y est représentée par la garnison du fort Saint-André et de la Tour du Pont. La Révolution porte un coup fatal à la cité dont disparaissent les prérogatives, la garnison, les juridictions spéciales, les prospères établissements religieux ; le Chapitre Collégial de Notre Dame est supprimé. Les trois couvents d'hommes et les deux de femmes sont fermés. Les biens ecclésiastiques découverts sont inventoriés et mis à la disposition de la Nation. Les bibliothèques des ci-devant Chartreux, Bénédictins et Récollets qui comptent plus de vingt mille volumes et trois mille manuscrits, connaissent l'abandon et le pillage. Les archives sont dispersées et les œuvres d'art auraient sans doute disparu si le chanoine Lhermitte, ancien bénéficier de la Collégiale n'avait réussi à mettre en sûreté la plupart d'entre elles. Les cloches, les médailliers, monnaies et reliques trouvés sont envoyés à la fonderie. On cède à un prix dérisoire les meubles et les domaines des ci-devant religieux. Les églises de l'Abbaye sont livrées aux démolisseurs. Les bâtiments de la Chartreuse, divisés en 17 lots, connaissent de nouveaux possesseurs qui les transforment ou les laissent, faute d'entretien, s'acheminer vers la ruine. ![]() Les églises et chapelles de la localité sont désaffectées les unes après les autres. La " Société des Amis de la Liberté " tient séance dans l'église Saint-Pons, devenue plus tard un entrepôt de charbon. Cette société, devenue en 1794 le " Club des Sans-Culotte " obtient la transformation de la Collégiale en Temple de la Raison. Au moment des plus graves périls, quand la Terreur sévit en France, les réquisitions, perquisitions, levées d'hommes se succèdent dans la cité. De nombreux suspects sont incarcérés dans les vastes salles de la Tour Philippe le Bel et des deux tours jumelles du Fort, où des graffitis témoignent de leur séjour. Villeneuve, cependant, ne paie aucun tribu à la guillotine. Bien que les passions politiques y soient exacerbées, elle est accueillante un moment à de nombreux Avignonnais qui viennent lui demander asile quand de violents troubles les contraignent à quitter leur cité. C'est avec quelque fierté que sa municipalité pouvait se prévaloir auprès des administrateurs du département du Gard, en novembre 1797, de ce que le sang n'avait jamais coulé dans la ville. Après la tourmente, Villeneuve, ancienne cité cardinalice et papale, dépouillée de tout ce qui avait contribué à sa gloire, devenu un village pauvre et délabré, se voit réduite au modeste rôle de chef-lieu de canton longtemps dépeuplé et de banlieue d'Avignon. La commune a contribué à l' appauvrissement de son patrimoine artistique. Sur la place Jean Jaurès on pouvait voir une belle fontaine qui a disparu. La collègiale Notre-Dame possédait de grandes orgues soutenues par des colonnes de marbre vert. Là aussi tout a disparu, vendu à des particuliers. Peut-être les colonnes de marbre se trouvent-elles dans l'Abbaye. Nota : En 1971, dans le cadre de la restauration de la collégialle, l'instrument fut démonté par Alain Sals. Puis la commune de Villeneuve-lès-Avignon commanda à Sals la reconstruction de cet instrument, désormais destiné à la chapelle des pénitents gris. Après onze ans de stockage, l'instrument fut désaffecté par arrêté prefectoral ! En 1991, la commune de Villeneuve-lès-Avignon céda pour 300 000 frs ( 45 734 euros) l'orgue de la Collégiale ( fabriqué en 1582 par Pierre Marchand ), à François Delangue. Celui-ci le revendit à la paroisse d'Hagondange-centre et le remonta durant l'été 1992. De nos jours , Villeneuve n'est plus qu'une cité-dortoir dont les habitants, installés à la périphérie toujours plus vaste du bourg, pour faire nombre et accroître sa démographie à coups de projets immobiliers réalisés à l'emporte-pièce dans une belle garrigue vouée à disparaître, vont travailler dans la métropole voisine, pour revenir au soir dormir dans les habitations qu'ils ont fait construire ou qu'ils ont achetées souvent au prix fort à Villeneuve. La cité déchue d'un rang dont elle a oublié le souvenir, s'endort chaque année pour un long hiver maussade et ressuscite aux beaux jours pour participer, à sa mesure, aux festivités estivales de la Provence, dont le très couru Festival d'Avignon qui a lui aussi, depuis longtemps perdu son lustre et ses fastes d'antan. Certaines mauvaises langues ne disent-elles pas que, in ou off, on n'y produit plus que des pitreries, du mauvais théâtre de patronage laïque, ou, au mieux, des pièces classiques défigurées par des mises en scène et des décors souvent grotesques, preuves de la calamiteuse dégénérescence des arts, dont on ne sortirait que par une nouvelle Renaissance où les imposteurs n'auraient plus droit de cité ? Et puis, trop de théâtre ne tue-t-il pas le théâtre ? |
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Origines
de la Chartreuse ![]() ![]() |
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Fondée
sous le titre de Saint-Jean-Baptiste, la Chartreuse de
Villeneuve prend le nom de Chartreuse du Vale de
Benediction le 4 août 1362. On lui prête, selon le cas,
une origine semi légendaire ou historique, sans d'ailleurs
parvenir vraiment à démêler l'une de l'autre. Si l'on en croit la légende, vivait retiré sur la colline proche du Bourg-Saint-André, un pauvre ermite en odeur de sainteté qui passait pour avoir des visions au cours desquelles il devisait avec Dieu même. ![]() En ce temps-là, le pape Innocent VI, qui appréciait beaucoup les frais ombrages des vastes pinèdes villeneuvoises, franchissait souvent, à dos de mule par le pont Saint-Bénézet, le Rhône turbulent ; et suivi de toute sa cour, il aimait aller se promener sous les grands pins parasol qui abondaient en ces parages. Or un jour, conduit pas sa mule, il s'engagea sur un sentier inconnu qui le mena jusqu'à la retraite où le pieux ermite s'absorbait quotidiennement en de longues heures de méditation et de prières. Ce que voyant, le pape s'enquit auprès de ses gens pour savoir quel était cet étrange personnage. Il apprit ainsi que l'ermite passait pour avoir des visions. Précisément, ce jour-là, le saint anachorète était plongé depuis des heures dans une profonde méditation visiblement hantée de visions effrayantes, car le pontife et son entourage pouvaient lire sur son visage tous les signes de l'épouvante. Ses mains se tendaient en avant, comme pour repousser un spectacle terrible et tout son corps était agité de violents soubresauts. Soudain, du sein de ses plus fortes transes, s'éleva un interrogation angoissée : " Mais alors, Seigneur, qui sera sauvé ? " Très impressionné à la vue de ce spectacle extraordinaire, Innocent VI manifesta le désir d'en savoir plus sur le songe effrayant qui semblait habiter l'ermite. Il fallut, pour cela, attendre qu'il voulût bien sortir de sa prostration, ce qui ne tarda guère. -" Peux-tu me dire, saint homme, les révélations qui t'ont été faites et qui semblent t'avoir tant effrayé, demanda le pontife ? ![]() -Oui, très saint Père. Dieu, dans sa grande bonté, m'a accordé de voir et de compter les âmes entrées en Paradis dans le jour écoulé, répondit l'ermite. -Et tu en as compté beaucoup, s'enquit le pape intéressé ? -J'en ai compté trois, saint Père. -Comment ? Trois seulement, s'étonna Innocent VI ! Voilà qui est bien peu en considération de tous les humains qui meurent en un seul jour. Tu ne te serais pas trompé ? -Non , hélas ! Trois et pas plus. Je n'en ai vu que trois. -Eh bien soit ! Mais alors, saint homme, peux-tu me dire à quels humains privilégiés appartenaient ces belles âmes? -Dieu m'a également accordé cette grâce. J'ai vu entrer en Paradis l'âme d'un moine Chartreux mort à Rome, l'âme d'une dame anglaise décédée à Londres et l'âme d'un prince français tué à Paris. Puis, à la demande du pape, l'ermite cita les noms des défunts et donna sur eux des précisions . Subjugué par ces révélations divines, le saint Père voulut toutefois vérifier s'il n'y avait pas là-dessous quelque supercherie. Se tournant vers ses gens il ordonna que fussent mandés sur l'heure, aux lieux indiqués par l'ermite, trois cavaliers qui devraient s'assurer que ce visionnaire avait dit vrai. A leur retour, quelques semaines plus tard, force fut d'admettre que les révélations de l'ermite étaient exactes. Innocent VI s'abîma en prières. Puis, en reconnaissance de ce miracle, il ordonna la fondation d'une Chartreuse sur les lieux mêmes où l'ermite avait son refuge, au pied du Mont Andaon, tout contre la livrée qu'il avait fait bâtir à proximité. Qu'en un jour tout entier, un seul serviteur de Dieu entrât en Paradis et que ce fût un Chartreux, voilà qui méritait ce bienfait en faveur d'un Ordre dont un membre avait si opportunément sauvé l'honneur de l'Eglise. Sans être absolument fondée, la seconde version " historique " des origines de la Chartreuse, paraîtra plus vraisemblable aux esprits de notre temps. Lors du conclave de 1352, Jean Birel, Père général des Chartreux avait, par humilité (une humilité hors du commun ! ) , refusé la succession de Clément VII et s'était désisté en faveur du cardinal Etienne Aubert qui monta sur le trône pontifical et prit le nom d'Innocent VI. Touché par ce geste de désintéressement du Chartreux et voulant rendre hommage à l'Ordre de Saint Bruno, le nouveau pontife fonda la Chartreuse de Villeneuve par une bulle du 6 juin 1356 dans la Vallée des Bénédictions, auprès de la livrée qu'il avait précédemment fait construire au pied du Puy Andaon. La consécration de l'église, le 19 août 1358, par le cardinal Guy de Bologne, en présence du pape et de tous les cardinaux, fut marquée par de grandes réjouissances populaires. Les débuts du nouvel établissement furent modestes. Il comptait alors seulement un Prieur, douze religieux, deux infirmiers, deux clercs, quatorze convers (moines chargés des taches matérielles) et neuf domestiques. Mais on eut vite le sentiment que la bienveillance divine s'était penchée sur le berceau du monastère nouveau-né. En effet, la Chartreuse devint vite la coqueluche des prélats de haut rang ( et de haute lignée ) qui gravitaient dans l'entourage du pontife Innocent VI, lequel considérait le monastère villeneuvois comme sa fille chérie.Pour être bien en cour, chacun se devait de prodiguer d'ostentatoires largesses au nouvel établissement, s'attirant ainsi, outre la bienveillance papale, de substentiels prébendes, revenus, offices et bénéfices écclésiastiques. De son vivant, Innocent VI fit élever dans la Chartreuse le momument funéraire destiné à recueillir sa dépouille mortelle. Ce qui advint en grande pompe, le 22 novembre 1362, en présence du roi de France Jean le Bon et du roi de Chypre, Guy de Lusignan. Depuis, les restes de ce pape, tout comme son tombeau ( véritable dentelle de pierre ), ont subi de sérieux avatars. Très détérioré et utilisé comme cage à lapins, le beau monument a pu être restauré et replacé dans l'église de la Chartreuse, mais il est vide, car la dépouille du pape a disparu depuis la Révolution de 1789. De son vivant encore, Innocent VI avait doté sa Chartreuse de biens considérables, meubles, immeubles, revenus et bénéfices. Il lui avait fait don, par anticipation, de tous ses. ornements pontificaux, chasubles, vêtements de messe et de cérémonies, cousus d'or fin et sertis de pierres précieuses, ciboires, calices, croix pectorale, anneau du pécheur orné d'un gros rubis, avec son sceau gravé en intaille, et par-dessus tout, sa somptueuse tiare ciselée d'or fin, aux trois cercles étagés, sertie de trois mille pierres et diamants, qui était à elle seule un vrai trésor. Après lui, les cardinaux neveux du pape, (le népotisme n'était pas un vain mot), continuèrent à doter la Chartreuse de biens sans cesse accrus. Le cardinal de Carcassonne, Etienne Aubert, du même prénom que son oncle, et surtout Pierre Selva de Montirac, cardinal de Pampelune, contribuèrent à son agrandissement et firent la fortune définitive du monastère. On relève de la part du cardinal de Pampelune des largesses réitérées : une fois 3 300 florins d'or, une autrefois, 6 000 florins. Les Chartreux thésaurisaient et ils durent ainsi amasser une fortune colossale. Pour se faire une idée de ces sommes, rappelons que le pape Clément VI acheta la ville d'Avignon à la reine Jeanne de Naples pour 80 000 florins d'or et…l'absolution. Aussi, les Chartreux s'empressèrent de proclamer le cardinal de Pampelune second fondateur de leur monastère. Comme ce fut de son vivant, il redoubla ses largesses. Après la mort du même cardinal de Montirac, la Chartreuse de Villeneuve hérita du tiers de sa considérable fortune et, à l'instar de son oncle, il lui légua tous ses ornements. Le ton était donné. Nombre de prélats attachés à la cour pontificale d'Avignon firent de même. ![]() Les terribles fléaux qui ravagent le Moyen Age n'affectent pas la prospérité de la Chartreuse. Ses revenus vont être considérablement augmentés par l'assèchement des étangs de Pujaut et de Tavel. Des travaux considérables sont menés à bien pour drainer vers le Rhône par des roubines artificielles (conduits souterrains), les eaux de ces étangs. Ce qui permet la création de trois domaines prospères : Saint Bruno, Saint Hugues et Saint Anthelme. A cette époque, les Chartreux possèdent plus de mille salmées de terres cultivables (une salmée équivalait environ à 6 300 m2) soit 630 hectares dont plus de la moitié conquise sur les étangs. Ils élèvent 500 moutons et 200 brebis. Toutes ces richesses leur permettent de pratiquer la charité. Il y a chaque jour distribution d'argent, de pain, de vêtements et d'aumônes. Les solliciteurs accourent en foule. Tout pauvre qui se présente reçoit un sou, un pain à midi et de la soupe le soir. Ce sont quotidiennement plus de cent personnes qui bénéficient de ces largesses, et cela aura duré des siècles. Pendant l'hiver 1709, où régna une disette considérable, les Chartreux nourrissent plus de deux cents nécessiteux chaque jour. Ils avancent même 12 000 livres à la commune, sur simple billet, pour qu'elle achète du blé. Dans les dix années qui précèdent la Révolution , on enregistre de leur part des mouvements de fonds en prêts, avances, dons et aumônes, évalués à 200 000 livres par an, soit au total, 2 millions de livres ou 170 000 louis d'or qui sortent de leur caisse. Trois siècles après sa fondation, la Chartreuse de Villeneuve est si riche qu'elle peut envisager la fondation à Marseille, en 1633, d'une nouvelle Maison. Cette fondation est ordonnée par le Prieur Dom Pacifique Démont (sic). Institués banquiers de fait, les Chartreux prêtent de l'or, moyennant garantie, à tout solliciteur honorable nanti de gages sérieux. On relève ainsi de multiples prêts dont les plus importants vont de 10 000 à 20 000 livres : 15 000 livres à Zacharie Borthon, seigneur de Pujaut, le 16 mars 1678 ; 9 000 livres à Mr. De Boissière en 1775, et bien d'autres. Comme dans ces époques, les coffres-forts tels qu'on les connaît n'existaient pas encore, la Chartreuse, à l'instar des autres monastères, disposait d'une cache forte où s'entassaient ses richesses monétaires. Et cette cache n'était rien d'autre qu'une cave placée sous la Maison du Prieur qui seul y avait accés. Mais hormis ce dépôt en pièces d'or, les moines possédaient bien d'autres richesses. Leur monastère était orné de tableaux de maîtres dispersés à la ![]() Mais encore, quatre statues d'argent d'un poids considérable dont deux d'un travail précieux (lys et draperies), d'une hauteur de deux pieds et demi, cinq bustes en vermeil, un marbre bleu et blanc en échiquier, deux lampes d'argent, l'une de cinq pieds et demi et l'autre de trois pieds et demi de circonférence, de deux pieds de haut et d'un poids de cent vingt marcs ; quelques dizaines de pierres, diamants, rubis, émeraudes, saphirs, topazes et autres, serties ou non, de divers poids taille, et valeur pour l'ornement des chasses…etc…La Chartreuse de Villeneuve n'était pas riche mais richissime. La bibliothèque des Chartreux, riche, selon leur propre inventaire, de plus de dix mille volumes, imprimés, incunables, manuscrits, renfermait des ouvrages inestimables, dont une Bible contemporaine de Saint Bruno et un talmud très ancien, deux pièces uniques somptueusement enluminées. Ces ouvrages offraient sur parchemin deux prestigieux chefs d'œuvre d'écriture gothique, enluminés par les Bénédictins de Saint André selon la plus belle tradition byzantine, avec des entrelacs, des ors et des bleus d'une fabuleuse beauté. On ne sait pas ce qu'ils sont devenus. Elle contenait aussi de très anciens manuscrits qui traitaient de fumeuses recettes de magie ou de secrets d'alchimistes. Mais la plupart se rapportaient à la liturgie et les croyant sans valeur, les moines les délaissèrent. Laissée un temps à l'abandon, le gros de cette bibliothèque fut adjugé en 1812, pour la somme de 10 000 francs, à Mr Seguin, libraire à Montpellier. Elle fut ensuite rachetée par un libraire anglais qui, quelques temps après, en vendit un seul ouvrage à un amateur d'Avignon, pour la somme identique de 10 000 francs…! La plupart de ces ouvrages se sont arrachés à prix d'or et ont été dispersés dans des collections privées dont ils font la fierté. Certains de ces livres renfermaient des études relatives à des élixirs de longue vie commandées aux Chartreux par Clément VI qui redoutait la mort. Ils se sont perdus tout comme de beaux traités manuscrits renfermant des méthodes secrètes pour la fabrication de vitraux par les moines qui les ont peut-être soustraits à la convoitise des amateurs. L'orgueil du trésor chartreux, la célèbre tiare du pape Innocent VI fut montrée pour la dernière fois aux badauds, dans la procession qui marqua le quatre centième anniversaire de la Chartreuse, quelques vingt années avant la Révolution fatale au monastère. Elle fut adorée par les fidèles à l'égal d'une relique. Puis elle disparut à jamais. Telles étaient les richesses de la Chartreuse de Villeneuve quand elle fut investie par les émissaires de la République. Ils arrivèrent dans le pays en janvier 1792, ayant , en chemin,essuyé des échecs cuisants, à Conques d'abords, où ils ne trouvèrent pas les reliques espérées. Et à Saint-Germain, où les cloches leur échappèrent. La tradition veut qu'à Villeneuve ils ne furent pas déçus et qu'ils y réussirent un coup inespéré. On pourrait en sourire devant les maigres restes qui figurent à leur inventaire que voici, dressé le 7 janvier 1792. -En deux armoires de vingt sept tiroirs chacune, nous avons trouvé : -4 reliquaires, -5 piédestaux, -5 bustes de vermeil, -4 chandeliers d'argent, -1 croix en carton moulé, -des cloches, -des tableaux de maîtres, à savoir le Guide, Mignard, Guerchin etc…total 34, -9200 volumes dans la bibliothèque, -un médaillier contenant : 129 pièces d'or, 935 pièces d'argent, 2188 pièces de cuivre, Et voilà tout. Ce qui est bien misérable s'agissant d'un monastère des plus riches et des plus prospères de France, voire d'Europe, abondamment doté par des générations de bienfaiteurs, jouissant de revenus considérables, banquier de collectivités et de particuliers, nourrissant plus de cent pauvres par jour, élevant un énorme troupeau et recueillant les récoltes d'un immense domaine. Naïfs ou dissimulateurs (encore que le spectre de la guillotine les en eût dissuadés), les émissaires de la République ? Non. Tout simplement grugés. Leur inventaire est exact. Les moines de la Chartreuse ont réussi à soustraire la majorité de leurs richesses à leur cupidité. Et il s'agit bien d'un trésor qu'ils ont dissimulé quelque part, dans une cache depuis longtemps apprêtée à cette fin. Dans cette cache inexpugnable, gisent entre trois et cinq tonnes d'or et tout ce qu'il y avait à leurs yeux de plus précieux : une tiare, des ornements pontificaux, cardinalices, des manuscrits choisis, des pierres précieuses, la dépouille d'Innocent VI qui connut un étrange destin. ![]() Après avoir longtemps reposé en paix dans son superbe tombeau, achevé grâce à l'or que son neveu le cardinal de Pampelune avait tiré d'Espagne, il en fut retiré à l'époque trouble des guerres de religion et caché par les moines dans l'épaisseur des murs de l'église où, par prudence, on le laissa. A la Révolution, le mausolée du pape fut laissé à l'abandon et devint un jouet pour les enfants du quartier, qui en brisèrent les délicates statues. Puis, on l'a dit, il fut sauvé de la destruction par un habitant de la Chartreuse qui le transforma en cage à lapins. Quant à la dépouille d'Innocent VI, en toute logique, elle aurait du se trouver encore dans un mur de l'église attenante à la Chartreuse. Mais ni les destructeurs qui transformèrent le monastère en carrière, ni ses restaurateurs n'en ont retrouvé la trace. Telle fut la Chartreuse de Villeneuve dans sa gloire passée. Longtemps, d'immenses fondations furent les seuls restes de ce chef d'œuvre cartusien du XIVème siècle où, jusqu'à Benoît XIII, se tinrent tant de consistoires et de conclaves, où jusqu'à Louis XIV et Anne d'Autriche, "tant de majestés du temps qui passent vinrent incliner leur gloire sous le portique de l'éternité qui demeure." Longtemps, les habitants de Villeneuve crurent encore voir errer parmi ces ruines dont il semblait avoir pris la garde, le dernier moine à la recherche d'un caveau où ce revenant de jadis finit par disparaître à son tour. Et jamais plus les doigts d'un moine ne tourneront dans le silence studieux de sa cellule, les pages rares et précieuses de ce recueil formulaire de recettes pharmaceutiques, actuellement dans la bibliothèque d'un apothicaire d'Avignon. Souhaitons à sa clientèle qu'il s'abstiendra d'y puiser des remèdes aux maux dont l'humanité n'a pas cessé de souffrir. De cet ouvrage provenant de la bibliothèque des Chartreux et dédié à Dieu pour sa plus grande gloire, tirons deux recettes propres à guérir l'épilepsie ou "mal caduc". Première recette Il faut avoir un coucou ou plusieurs et les mettre tout entiers, plumes et autres, dans un pot de terre neuf, vernissé. Pour chaque coucou, il faut mettre de la racine de carbine (chardon) la pesanteur d'un écu, autant de gui de poirier et autant d'autruche ( ?). Il faut bien lutter (boucher) le pot qui se compose de la terre grasse, de la fiente de cheval, de la bonnée(?) et de l'ortie. Cela fait, il faut le mettre dans un four pour faire calciner ce qui est dedans, de quoi faire une poudre qu'on donne dans un demi verre de vin ou de bouillon, la pesanteur d'un écu, au malade, au déclin de la lune, pendant deux à trois lunes. Il est infaillible avant l'âge de vingt cinq ans. Deuxième recette Prenez l'arrière faix (placenta) d'un enfant mâle si c'est pour un homme et femelle si c'est pour une femme et que vous faîtes sécher au four, dans un pot de terre bien bouché. Prenez ensuite deux onces de cet arrière faix mis en poudre, avec cinq gros de crâne humain qui ne soit resté inhumé et mort d'une chute ou d'un coup violent, les deux derniers jours de la lune, dans une cuillère de bouillon. On reste confondu par cet empirisme qui, cependant, ne manque pas de pittoresque. Et l'on se demande combien de patients d'alors se sont trouvés plus mal, ou même sont morts d'avoir voulu guérir. Voyons, pour finir, ce qu'était la Chartreuse de Villeneuve à son apogée. Vers 1725, elle comportait le logement pour cent trente personne environ. Elle abritait en permanence, outre les domestiques, quarante à quarante cinq religieux de chœur et trente frères convers. Il y avait, distribués autour du cloître, une quarantaine de cellules composées chacune de plusieurs pièces et d'un petit jardin, une église à double nef, des salles conventuelles (appartements des divers officiers : Prieur, Procurateur, Syndic, Coadjuteur etc., pièces à usage de bibliothèques et salles capitulaires, dortoirs et réfectoires), des écuries, des forges, des remises, des caves (dont une très curieuse cave à vin et poisson, appelée cave du Pape), une boulangerie, une cuisine, des pressoirs, des moulins, des basses-cours, une buanderie, des magasins à bois, des ateliers, un hôpital, une hostellerie ouverte aux voyageurs et même une prison. Auprès des bâtiments, se trouvaient des jardins et une orangerie. Constructions et dépendances étaient comprises dans une enceinte fortifiée qui, se développant sur un périmètre d'un kilomètre et demi, enfermait la plus spacieuse Chartreuse de France. Et la plus démunie (!), si l'on en croit l'inventaire des Sans-Culotte. Tous ceux qui ont abordé ce mystère, même les esprits les plus positifs, ont fini par admettre que n'ayant pu emporter avec eux leur trésor en Espagne, les Chartreux de Villeneuve l'avaient dissimulé quelque part. Et, comme tous les indices portent à le croire, cette cache est creusée sous la Colline des " Quatre Chemins ". Mais alors se pose la question : pourquoi les moines ne sont-ils pas venus récupérer ces richesses ? Tout d'abord, ce n'était pas simple. Les Villeneuvois étaient persuadés de l'existence d'un tel trésor et leur attention aurait été mise en éveil par une tentative de ce genre qui nécessitait des déplacements et des moyens importants. Plus certainement, il est vraisemblable que les Chartreux de Villeneuve, réfugiés à Tarragone, ont perdu le secret de leur propre trésor, ou plus exactement, les clefs du message auquel ce secret a été confié par Dom José de Camaret. L'histoire plus ou moins confidentielle de l'ordre de Saint Bruno nous enseigne que les relations entre les différentes Maisons de France et d'Europe n'ont pas toujours été exemptes de nuages. Que l'on s'est querellé et même fâché pour des raisons de prestige ou de préséance. On apprend, à demi mots, qu'une grave discorde éclata, vers 1815, parmi les moines de la Chartreuse espagnole de Tarragone, fondée par les transfuges de Villeneuve. Ce fut une discorde à ce point grave, qu'elle aboutit à la formation de deux factions rivales, puis à une rupture irrémédiable. Leur Maison y étant ruinée, et tout espoir de retour à Villeneuve étant devenu impossible, les opposants au Prieur de Tarragone décidèrent de regagner la France et la Chartreuse de Marseille, fille de la Maison mère de Villeneuve. Les raisons de cette querelle se devinent à peu près. La Chartreuse de Villeneuve n'étant plus qu'une ruine, le Prieur de Tarragone considère que sa Maison en est la légitime héritière et il décide d'en faire transférer le trésor en Espagne. Ce qui suscite aussitôt une opposition farouche de la part des moines français. Fidèles au vœu de Dom José, ils entendent récupérer cet or pour faire rebâtir la Chartreuse de Villeneuve et lui rendre sa prospérité. Si cela ne peut pas se faire, ces richesses doivent être remises à leur légitime propriétaire, la Chartreuse de Marseille, fondée par la Maison mère de Villeneuve. L'or villeneuvois ne quittera en aucun cas le sol de France. Les deux factions ayant pris des positions irrévocables, il ne reste plus qu'à se séparer. Tout ce que la Chartreuse de Tarragone compte de religieux français ou francophiles reprend le chemin de ses origines. Parmi eux, le Dom Procurateur qui a réussi à subtiliser une partie des documents relatifs à la cache du trésor. Mais l'autre partie de ces documents reste aux mains des Espagnols. Incomplets, les documents des uns et des autres sont inexploitables. Si bien qu'aucune des deux factions rivales ne sera plus en mesure de localiser la cache et d'y accéder. C'est pourquoi, on assistera, épisodiquement, à de vaines tentatives faites dans la Chartreuse de Villeneuve pour retrouver l'intégralité du message crypté que Dom José, par prudence, y a laissé. Il est probable que ces tentatives ont été faites à la fois par les moines de Marseille et par ceux de Tarragone. On peut donc estimer qu'un chercheur renseigné, patient et tenace, a autant de chances que les moines chartreux, de reconstituer dans son intégralité le message hermétique de Dom José de Camaret. S'il y parvient, il lui restera encore à le déchiffrer. Ce qui n'est pas simple. Mais s'il y réussit, il n'aura plus qu'à aller se servir, très discrètement et avec beaucoup de précautions, car d'obscurs personnages veillent attentivement sur ce secret. ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() 9 PAPES À AVIGNON source SEPT PAPES CLÉMENT V(1305-1314) -JEAN XXII (1316-1334) -BENOÎT XII (1334-1342) -CLÉMENT VI(1342-1352) -INNOCENT VI(1352-1362) -URBAIN V(1362-1370) -GRÉGOIRE XI(1370-1378) ET DEUX PAPES SCHISMATIQUES CLÉMENT VII(1378-1394) -BENOIT XIII(1394-1429) |
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Une
lettre signée A.M.D.G. ![]() ![]() |
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Mais
il est temps que je cède à nouveau la parole à mon
confident. -Le Frère René, avec ses cheminées aériennes, nous avait un peu tourné la tête et nous étions prêts à croire qu'une crypte et des souterrains existaient bel et bien sous la Chartreuse. Mais nous n'avions pas les moyens de le vérifier. Encore que toujours très délabrée, la Chartreuse était maintenant devenue un monument très historique et très surveillé. Et le temps passait, sans apporter rien de nouveau. -Aussi, mes amis chercheurs et moi, décidâmes de rompre le silence de notre petit monde clos en divulguant publiquement l'existence de ce trésor introuvable, sans toutefois rien révéler d'essentiel. -L'un des nôtres était un peu poète. Il en fit un conte de Noël qui fut publié dans un journal du cru. C'était un peu comme une bouteille, ou un filet jeté à la mer, dont nous n'espérions guère qu'il nous ramènerait une pêche miraculeuse. La surprise fut de taille. -Ce fut une avalanche, un déluge de lettres. Il en venait de partout, même de l'étranger. Le conte de mon ami avait franchi les frontières et suscité une vraie révolution dans le monde des chercheurs de trésor. -Nous mîmes beaucoup de temps à dépouiller cette abondante correspondance et nous en jetâmes une bonne partie qui ne contenait que des élucubrations délirantes dont je vous montrerai peut-être un modèle. Nous en écartâmes aussi beaucoup d'autres qui nous proposaient des offres de service, radiesthésistes et autres pendulaires dont le souci principal était de gagner de l'argent sans peine car, hormis leur rémunération, ils entendaient être logés et nourris à nos frais. -Puis la télévision régionale vint tourner chez moi une séquence consacrée au trésor des Chartreux. Enfin, je reçus la visite d'un écrivain qui établissait un répertoire exhaustif des trésors du monde entier. Et les journalistes m'assiégèrent un temps. Mais je ne leur en dis pas plus. -Après quoi, le pays commença à recevoir la visite des curieux et des chercheurs. Nous en vîmes passer des cohortes sur la colline, où ils s'enfoncèrent parfois jusqu'à dix mètres de profondeur en y creusant des trous aberrants. -Plus de cinquante empiriques, radiesthésistes et méta gnomes vinrent aussi exercer leurs talents sur les huit kilomètres carrés de la colline. Ce fut un beau succès. On trouva de l'eau à des profondeurs défiant les lois de la géologie. Mais pas de trésor. Et les amateurs finirent par se lasser. -De notre côté, laissant faire toute cette agitation, nous avions poursuivi la lecture de notre abondant courrier ; et finalement, une seule et brève lettre retint notre attention par sa concision et son ton assuré. Tenez, la voici ! Vous pouvez la lire. Et Mr. C. me tendit la mystérieuse missive dont le contenu suit. Monsieur, -L'entrée du souterrain que vous cherchez se trouve dans une cave, sous la Maison du Prieur. L'orifice en est situé sous une dalle rectangulaire munie d'un anneau, que vous trouverez en dégageant sur environ trente centimètres la terre qui recouvre le sol, à l' Est de cette cave. Après quelques mètres, le conduit s'incurve et va vers le Nord. Il s'agit d'un souterrain creusé par les moines il y a des siècles, pour fuir leur monastère en cas de péril et ressortir loin dans la nature ou y rester cachés, car il pouvait leur servir de refuge. Il comporte des salles aménagées à cette fin. -Le tracé du souterrain est opposé au sens de la flèche (!) que j'ai tracée sur le plan joint. Il passe à huit mètres sous les fondations de la Chartreuse. On y descend par un escalier. -C'est actuellement la seule entrée praticable. Tous les autres accès au souterrain sont effondrés ou obstrués volontairement. -Quand vous aurez pénétré dans ce souterrain, vous devrez le suivre sur environ sur deux kilomètres, puis vous franchirez alors le S qu'il forme. Après quoi, vous devrez observer attentivement ses parois, là où il s'élargit. Vous y découvrirez un signe qui vous est familier. Le trésor est derrière ce dessin dans trois caches latérales obstruées. -Pour des raisons particulières, je tiens à garder l'anonymat. Mais si vos recherches aboutissent, je le saurai et je me ferai reconnaître de vous en vous montrant le double de cette lettre. Signé : A.M.D.G. Février 1964. " -Mon ami se souvint alors de cette formule latine que nombre de religieux, et pas seulement des Jésuites, avaient coutume d'ajouter à leur signature. Il m'apprit que cette abréviation AMDG signifiait "Ad Majorem Dei Gloria" (Pour la plus grande gloire de Dieu). Mais cela ne nous avançait guère. -A défaut de connaître l'auteur de cette lettre, sans doute un religieux, il ne nous restait plus qu'à vérifier ses assertions. Et cette fois encore, l'aide du guide nous fut précieuse, bien qu'il se montrât d'abord un peu réticent. Mais la fascination de l'or… -Nous fûmes bientôt dans la spacieuse cave du Prieur, en train de gratter la terre à l'endroit indiqué. La dalle et son anneau furent vite mis au jour. Mais nous eûmes toutes les peines du monde à la soulever, comme si le sol la retenait pour nous empêcher de commettre un sacrilège. En fait, deux siècles d'humidité en avaient scellé les joints. Et elle était lourde. -Ce fut le cœur battant plus vite que nous considérâmes l'orifice carré, noir et humide que nous avions dégagé, avec son escalier aux marches couvertes d'un dépôt verdâtre qui semblait nous défier. Il s'en échappait une forte odeur de moisissure ancienne. Jusqu'à maintenant, notre correspondant avait dit vrai. Il n'y avait aucune raison pour que ses autres indications soient fausses. Mais aucun de nous trois n'osait faire le premier pas en s'engageant sur les marches suintantes restées inviolées pendant deux siècles. -Je fus le premier à me décider. Mes deux compères resteraient dans la cave pour, au besoin, me venir en aide. J'avais placé sur mon visage une sorte de masque pour me protéger des vapeurs méphytiques qui s'accumulent souvent dans les lieux humides et clos et qui peuvent être mortelles. Ma grosse lampe torche éclairait un escalier taillé dans le roc, qui descendait en pente raide dans les profondeurs de la terre. Je comptais vingt cinq marches avant de me retrouver dans un souterrain assez vaste où je m'engageai tout en informant mes assistants de ma progression. -Après trois mètres environ, comme si ses constructeurs avaient hésité sur la direction à prendre, le souterrain faisait un coude à angle droit et se dirigeait vers le Nord. J'avançais toujours avec mille précautions, malgré le fort éclairage de ma lampe qui illuminait ce large conduit taillé dans une pierre tendre, un peu comme un V renversé. Peu à peu, les cris réguliers de mes compagnons auxquels je répondais, me parvenaient de plus en plus étouffés et je ne les entendis bientôt plus. -Mais ce n'était pas nécessaire. Je n'avais parcouru qu'une trentaine de mètres quand l'éboulis se dressa face à moi. De gros blocs de pierre détachés de la voûte m'opposaient un obstacle infranchissable, visiblement sur une longue distance et peut-être même sur tout le reste du souterrain. Les Chartreux avaient dû oeuvrer à cette fin, car je pouvais voir, au-dessus de moi, des trous percés à la barre à mine pour recevoir des charges de poudre noire. Nous verrons que des trous identiques ont été faits dans un autre lieu très significatif de la colline. ![]() -Sans savoir pourquoi, je fus soudain pris d'une angoisse insurmontable, comme si des moines mal intentionnés, surgis de nulle part, allaient faire s'écrouler la voûte dans mon dos et m'emmurer vivant pour me punir de mon audace. Je fis demi tour et m'en retournai d'où je venais, la peur au ventre, de toute la vitesse dont j'étais capable. -A en croire mes deux compères, je fis irruption dans la cave, le visage décomposé, suant à grosses gouttes et je tremblais en leur annonçant la mauvaise nouvelle. Si un jour vous faites la même expérience, vous connaîtrez sans doute la même crise d'agoraphobie, cette angoisse qui guette tous les explorateurs de lieux souterrains. -Après une nouvelle exploration plus sereine, nous calculâmes que le conduit dégagé n'allait pas au-delà des anciens remparts nord de la Chartreuse. Et qu'il avait été éboulé à la Révolution, quand les moines abandonnèrent leur monastère. Notre informateur connaissait l'existence de ce souterrain, sans doute par des documents antérieurs à cette époque. Mais il ignorait qu'il avait été éboulé ; et sur toute sa longueur, comme des sondages faits sur son parcours en attestèrent. Quant à savoir où il débouchait, c'est toujours un mystère, car on perd sa trace la où on a construit une voie ferrée. -Depuis lors, le sol de la cave a été plus ou moins cimenté et la dalle a disparu après que son anneau lui ait été arraché. Ainsi, la voie menant au trésor ne s'est un moment offerte que pour mieux se dérober. Je commence à me faire vieux. Mais je n'ai pas renoncé à conquérir ces richesses. Puisqu'il m'a été dit que je serai un jour assis sur les coffres des Chartreux, cela ne devrait plus tarder à se réaliser." -Mon hôte s'était tu. La densité de son silence me fit comprendre que cette dernière réflexion venait de clore son récit. Il était tard. Seuls peut-être, les astres que l'on voyait scintiller à l'infini du ciel, connaissaient la réponse aux questions que Monsieur C. se posait depuis tant d'années sur ce mystère .Mais ils restaient muets sur ce qu'ils avaient vu. |
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Un délire
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![]() Je livre telles quelles, en les recopiant, les 9 pages agrémentées de 2 plans, écrites par un prétendu "archéologue" qui ne soignait guère son orthographe, en surlignant les mots et les passages qu'il a soulignés. Trésor de Villeneuve les Avignons Historique Le Trésor de l'abbaye a été caché à la révolution en 1793 dans une crypte aux environs de la ville. Les chartreux sont partis en exil. Le Trésor est resté en place jusqu'à nos jours. Recherche L'abbaye est reliée à l'extérieur par une galerie qui passe au "Camp des Oliviers" dans les combes et rejoint la maison dite "Lou Bastidoun" en bordure de route à côté du bois du Mas de Carles. Elle termine à la maison Carles dans la "Montagne" au nord du mas de Carles. Cette galerie a environ 3 km de long. De cette galerie partent des galeries secondaires allant à des cryptes ou salles souterraine- ou à des sorties. Le dépot du Trésor des chartreux est dans une de ces salles. A l'entrée du cimetière des Perrières au "carrefour des 4 chemins"..sous la route existe une crypte. La voute de celle ci est à 5 m sous la route. Crypte du cimetière La crypte a 2,20 m de haut. De forme ovale elle a 3,20 m suivant le grand axe et 2,20 m suivant le petit axe. Elle a un couloir latéral de 1,80 m de long. Elle contient un autel d'église avec une croix et est soutenue par un pilier central. Elle ne contient rien d'autre. Une galerie la relie à celle allant à l'abbaye qu'elle rejoint dans le bois du mas de Carles. Les entrées Il y a 4 entrées à la galerie centrale. 1- entrée dans l'abbaye. Entrée de l'abbaye Pour atteindre la salle du trésor il est préférable d'entrer par la maison Lou Bastidoun ou la maison Carles plus proches. Entrée du Camp de l'olivier Au "camp de l'olivier" a proximité du Polygone il existe une entrée reliée à la galerie centrale par une galerie secondaire. Cette entrée est à 55,5 m environ de la ferme la Seigneurette prise comme repère. Sa distance à la salle au trésor est de 1100 m . L'entrée est obstruée par de la terre et fermée par une dalle. La galerie allant au trésor est dégagée. La profondeur de celle-ci est de 4 m. L'entrée est dans une maison en ruine propriété privée dans une cour et dans un puit de celle ci. ![]() Entrée du Lou Bastidoun L'entrée dans la propriété privée du Lou Bastidoun se fait dans un puits. La galerie reliant ce puit à la salle au trésor a 250 m de long. La profondeur du puit est de 5,40 m.Le diamètre du puit et de l'entrée est de 1,20 m. La distance du puit à la route est de 38 m et celle à la maison Lou Bastidoun 20 m. L'entrée est fermée par une dalle circulaire mais la galerie du puits à la salle au Tresor est libre. C'est une galerie d'homme de 1,20 m de haut et de 80 cm de large. Suit un dessin du puits et de l'entrée de sa galerie, à 4 m de profondeur, dont les proportions sont complètement fausses par rapport aux mesures données, ce qui est inattendu de la part d'un archéologue qui ne craint pas de donner son nom et son adresse à Montpellier La salle au Trésor est à 137 m du bâtiment le mas de Carles. Voir plan IGN agrandi joint. Elle contient dans des coffres des objets précieux-religieux - monnaies et bijoux. Le poids de l'or est d'environ 600 kilos. Il y a 3 coffres de dimensions 2 à 2,2 m de long de 1 a 1,2 m de haut et de 1 à 1,2 m de large. Salle La salle est à 4,45 m de profondeur. Elle a 5,5 à 6 m de long et 5 à 5,5 m de large et est de de forme rectangulaire et voutée.( Il omet d'indiquer sa hauteur Date du dépot année 1793 Localisation aproximative Pour localiser la salle sur le plan IGN agrandi- on prend des repères ponctuels. Mas de Carles------>salle auTrésor 137 m. Crypte des Perrieres--------->salle auTrésor 391 m. Maison Carles-------->salle auTrésor 638 m. Suit un nouveau dessin d'alignements aux mesures encore une fois fantaisistes. ![]() Le Secret des Chartreux ( ou des templiers) La maison Carles- la salle au Trésor et la crypte souterraine des 4 chemins sont alignés. C'est un impératif. Il faut un autre alignement pour déterminer la salle au Trésor. Cet alignement est celui défini par le Mas de Carles et la ferme de la Meynargue. Sur le plan ci-dessus, les deux droites se coupent sur la salle au Trésor. Carles- Meynargue et Mas de Carles sont visibles. La crypte secrète des 4 chemins était repérée en surface par des bornes au nombre de trois. Le centre du triangle des bornes étant celui de la crypte-au croisemlent exact des quatre chemins devant l'entrée de l'actuel cimetière. Il suffisait d'enlever ou de déplacer une des 3 bornes pour faire disparaitre ce centre qui servait de repère pour l'alignement Carles-Cryptres. Notre "archéologue" de Montpellier connaît assez bien ce qui se raconte sur le trésor des Chartreux et la colline des quatre chemins, où mon hôte a volontairement fourvoyé tous les amateurs de cette recherche. Mais notre archéologue n'a sans doute jamais mis les pieds à Villeneuve et a dû travailler sur plans, car il ne tient absolument pas compte de l'important dénivellement qui existe entre la Chartreuse, lou Bastidoun et le mas de Carles. Certes, la colline est truffée de galeries et de carrières souterraines creusées dans cette pierre tendre dite molasse ou molasse burgidalienne pour les experts. Incontestablement, les Chartreux savaient faire des souterrains, mais on les voit mal en creuser un de 3 km. dans le calcaire froid (le plus dur), avec un dénivelé important, pour aller cacher leur trésor à l'emplacement aberrant indiqué par notre "archéologue", c'est à dire très exactement au pied des carrières à nouveau exploitées maintenant. Pour conclure, il n'est guère bavard sur l'entrée du souterrain dans la Chartreuse, ni sur l'emplacement des trois bornes qu'il évoque. Et il ne dit strictement rien sur le trésor des "Templiers". |
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Itinéraire
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![]() Pour cela, il me fallait disposer d'une carte IGN (Ref. Avignon 6a au 1 / 10 000). C'est un outil indispensable pour se familiariser avec les lieux et, en quelque sorte, parvenir à les comprendre. De plus, cette carte a le mérite de délimiter exactement le périmètre où l'or des moines est enfoui. Après quoi, je partis à la recherche des indices, ou plutôt des clefs disséminées par les Chartreux sur la colline des "Quatre Chemins", selon un itinéraire convenu. J'avais aussi une petite idée sur cet itinéraire et sur les fameux Quatre Chemins où Monsieur C. envoyait si volontiers les chercheurs du trésor pour qu'ils y perdent leur latin. ![]() Pendant deux millénaires, les attelages empruntèrent ces chemins qui menaient des carrières de Carles aux embarcadères des bords du Rhône ; et l'on pouvait encore voir, il y a peu, la trace creusée dans le calcaire dur par les roues cerclées de fer des lourds charrois qui transportaient les pierres brutes vers leurs nombreuses destinations ( Autrefois, le Rhône passait au pied de la colline). Depuis, ces chemins ont été abandonnés aux militaires du Camp des Oliviers qui y exercèrent longtemps leurs talents de mineurs démineurs ; ou bien ils ont été goudronnés pour faciliter la circulation des riverains qui ont envahi les lieux. Le chemin abandonné de Pierre Longue dut être le plus fréquenté, comme étant le plus court et le moins abrupt pour aller aux carrières et en revenir. Il doit son nom à une pierre levée que certains archéologues tiennent pour un mégalithe. Cette belle pierre a elle aussi été victime des militaires et c'est un miracle s'il en reste encore quelques vestiges. Quant aux parois de la combe par où passait ce chemin, l'endroit était bien trop fréquenté pour que les Chartreux se soient risqués à y laisser des indices relatifs à leur trésor. Les moines étaient dépositaires d'une sagesse et d'une prudence maintes fois séculaires, fruit d'une expérience souvent renouvelée. Très pragmatiques, ils savaient que l'on ne met pas tous ses œufs dans le même panier. Et, guidés par le Prieur dom José de Camaret, ils dupliquèrent ailleurs qu'à la Chartreuse les clefs livrant le secret de leur or. Pour cela, ils choisirent le chemin de Cabrion qui partait lui aussi du croisement signalé par la borne occitane. S'élevant d'abord en pente assez légère, ce chemin grimpe soudain de façon abrupte jusqu' à l'aplomb de la colline, si bien que les chariots portant les pierres de la carrière n'y passaient quasiment pas. C'est à mi-course, entre la borne et l'aplomb de la colline, au point 38,6 de la carte d'état-major, que l'on découvre la première clef. Et elle est d'importance. Ici, une veine de pierre tendre affleure à la surface du sol et forme un petit bloc surélevé, en lui-même peu visible et dissimulé sous une énorme touffe d'ajoncs très serrés, sans doute plantés là pour cacher la pierre. Si bien que l'on peut passer et repasser devant sans rien remarquer. C'est pourtant sur cette pierre qu'a été gravé à une profondeur de trois centimètres, pour défier l'usure du temps, un signe d'un beau graphisme. Ce signe, c'est le chrisme, symbole ésotérique du Christ, qui nous rappelle une des règles de l'Ordre chartreux : " Les biens dont le Prieur a cure, ne sont point les siens ni ceux des hommes, mais ceux du Christ, devant qui le compte à rendre sera strict. Il est dit plus loin que ces richesses, dédiées au Christ, doivent être "placées sous le signe de sa sauvegarde…en nulle autre place que dans l'enceinte des propriétés monastiques." Est-ce à dire que cette clef, (car c'en est une), fixe la limite des propriétés des Chartreux ? Sans doute pas, puisque tout la colline leur appartenait et que sur cette colline, nombre de bornes gravées à leur sceau en attestent. Nous savons déjà que, par un procédé géométrique, ces bornes permettent de déterminer la cache au trésor. Mais avec un peu d'attention, et par les mêmes procédés, on peut observer que ces bornes permettent aussi de retrouver le chrisme. En regardant le recto du plan secret trouvé dans la pierre creuse de la cheminée du Prieur Dom José, on peut également voir le chrisme qui semble avoir été dessiné par la même main (Celle du Prieur ?). Nous sommes donc incontestablement en présence d'une duplication à grande échelle d'un des indices trouvés dans la Chartreuse. Nous verrons qu'il y en a d'autres. Notons cependant une différence significative entre les deux chrismes. Elle n'est certainement pas accidentelle et un peu de réflexion permet d'en comprendre le sens. ![]() Quant au chrisme, c'est "une clef" incontestable dans la recherche du trésor. Mais nous n'avons pas pu en découvrir tout le sens secret. En tout cas, ce n'est pas par hasard qu'il a été gravé là et qu'on s'est efforcé de le soustraire aux regards des passants. Les moines ne pouvaient pas imaginer que deux cents ans plus tard, une moderne pelleteuse allait verser par-dessus une bonne quantité de terre afin de le soustraire, cette fois définitivement, à la curiosité des hommes. La borne occitane a été enlevée. Les bornes chartreuses de la colline sont détruites, ou elles aussi enlevées. Le chrisme est recouvert par une grande épaisseur de terre. Monsieur C. n'est plus de ce monde. Mais ses successeurs n'hésitent pas à recourir à des méthodes radicales pour effacer tous les indices qui pourraient permettre de retrouver le trésor. C'est peine perdue. Ces indices, ces clefs ont été copiés, photographiés, localisés. En dépit de leurs précautions, la recherche peut continuer. Et c'est un divertissement non dépourvu d'intérêt. Ultime descendant de David, le fermier de la Meynargue, Monsieur C.( En l'occurence, Monsieur Canonge, un nom qui est un dérivé occitan de "chanoine", détail qui a peut-être son importance,) a commis une erreur : celle de vouloir s'approprier le trésor des Chartreux à partir de ce qu'il en savait, alors qu'il n'en devait être que le gardien. Mais plus encore, il a révélé publiquement la presque totalité des clefs qu'il devait préserver. Dès lors, les légitimes propriétaires du trésor l'ont dépossédé de sa mission et l'ont confiée à d'autres personnes plus sûres, chargées elles de détruire tout ce qui pouvait conduire à leurs richesses. Cette démarche aura été vaine. Mais peut-être, certains indices ont-ils échappé à Monsieur C. Et ceux-là, nul ne pourra plus les connaître. Ce qui justifie peut-être la conviction de certains selon qui le trésor des Chartreux ne sera jamais découvert. Mais on peut aussi bien croire que cette conviction est sans véritable fondement. |
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Itinéraire
pour une recherche. Suite 1 ![]() ![]() |
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Par son graphisme,
le signe christique, gravé sur la face Ouest de la pierre
affleurante, nous indique qu'il ne faut pas s'engager plus
loin dans le chemin où il est placé, qui grimpe vers la
cachette et la tombe du Frère Louis. Nous allons donc
retourner sur nos pas et reprendre le chemin de Cabrion,
dit aussi "du Safrus" (?). Il ne faut pas marcher longtemps pour découvrir le deuxième indice, placé à moins de cent mètres du chrisme, à l'intersection de la courbe de niveau 50 et du chemin. Cet indice est à ce point intégré à la nature que les Chartreux ne prirent pas la peine de le dissimuler. Car qui pouvait s'en soucier ? Il imite à s'y méprendre un accident naturel du relief, une banale faille qui entame profondément et largement la roche calcaire la plus dure sur la face Est et à gauche, en grimpant vers la colline. En regardant cette faille, on pourrait croire qu'un énorme coin a pénétré la roche sous les coups d'un marteau gigantesque. Mais non. Ce sont les moines qui ont œuvré là à coups de barre à mine et de poudre noire pour obtenir ce résultat. Des trous de mine sont encore visibles tout au tour de la faille, dont le fond présente un relief sillonné de rigoles verticales (ce qui pourrait encore se comprendre en considérant que les eaux y ruisselleraiennt, ce qui n'est pas le cas), mais aussi horizontales. Et là, on ne comprend plus, car si l'eau s'écoule naturellement du haut vers le bas, elle ne le fait jamais de la droite vers la gauche ou inversement. Mais le plus étonnant est que ces rigoles reproduisent à l'identique le plan découvert dans la maison du Prieur Dom José de Camaret, dont il ne diffère que par ses dimensions décuplées et par l'absence des lettres S et O. Et elles sont d'autant plus artificielles que l'on peut y voir des traces ferrugineuses, sans doute celles de l'instrument qui a servi à les façonner. Là encore on peut passer et repasser sans que rien n'attire l'attention, tant tout y est naturel et en quelque sorte, banal. C'était précisément ce que voulaient les moines. Car quiconque n'avait pas vu le plan gravé dans la Chartreuse ne pouvait imaginer qu'il y en eût un là, dans cette faille. Alors que cela saute aux yeux pour qui connaît le plan dans la maison du Prieur. Il reste à comprendre pourquoi les moines ont dupliqué en pleine nature des indices destinés à rester secrets. Ils étaient prudents et avaient depuis très longtemps envisagé que leur monastère pouvait être détruit par un acte de guerre, un incendie ou toute autre catastrophe. Dans ces circonstances, les clefs dissimulées dans la Chartreuse seraient perdues et par là même, la cache au trésor et ses accès. La solution consistait à reproduire ces clefs quelque part dans la nature, en un lieu déterminé, tout en les rendant, soit invisibles, soit insoupçonnables et de toute façon, dépourvu de toute signification aux yeux du profane. Ainsi, tout pouvait être transmis oralement, d'un Prieur à un autre, rien n'étant plus facile que d'aller à l'endroit désigné d'un chemin bien connu pour y trouver les indices reproduits. Restait encore à découvrir ce que pouvaient être ce S et ce O, suivis, peut-être d'un L, le tout pouvant se lire SOL, encore que rien ne fût évident. Je dois aussitôt dire que nous ne trouvâmes pas de S suffisamment explicite, encore que.... Par contre, nous trouvâmes un O. On l'aurait imaginé lui aussi surdimensionné. Mais non. Il était au contraire plutôt petit. Et il se trouvait à proximité immédiate de la faille, sous la forme d'un anneau un peu rouillé, mais d'un métal très solide, scellé dans le roc de telle sorte qu'il serait plus facile à casser qu'à extraire, donc lui aussi capable de défier le temps. ![]() Un tel anneau en ces lieux n'avait rien d'extravagant. Il pouvait être utilisé par les convoyeurs de pierres pour y attacher leur attelage. C'est du moins ce qui vient en premier lieu à l'esprit. Et le profane pouvait s'en tenir à cette explication. Mais à la réflexion, attacher son attelage, même vide, en un lieu où le chemin est très pentu, cela n'est guère pratique et peu concevable. D'autant que le chemin de Cabrion, étroit, encaissé, recouvert de terre, empierré, goudronné, était jadis plus profond et plus pentu encore. Alors ? Alors, cet anneau est un autre indice du plan de la Chartreuse dupliqué à Cabrion. Car le O gravé sur le plan dans la maison du Prieur, ressemble beaucoup plus à un anneau qu'à un véritable O. A bien y regarder, le plan gravé dans la faille semble prendre la forme d'une flèche qui pointe vers le sol. Est-ce à dire qu'il indique un endroit précis où il faudrait creuser pour, peut-être, dégager un orifice ou toute autre chose. Ce n'est pas impossible Dans ce cas, le mot SOL prendrait toute sa signification. Mais il n'est pas possible de creuser en ces lieux désormais entourés d'habitations aux occupants soupçonneux. Comme il ne sera pas aisé, pour un chercheur néophyte, de découvrir la faille avec son plan et l'anneau scellé, tant la végétation a poussé par-dessus, recouvrant presque entièrement la faille, et totalement l'anneau. Là encore nous sommes face à une incontestable volonté de dissimulation. Ces indices ( la faille, l'anneau ) sont situés à peu près en face du portique d'entrée de la maison, devant lequel on ne peut pas sationner, car de gros blocs de pierres y ont été, exprès, mis en place. Mais on peut toujours stationner plus avant et revenir à pied. ( Ceci n'est plus totalement vrai. A cet endroit, la roche a été arrasée su un bon mètre de profondeur en vue d'élargir le chemin du Safrus, et l'anneau a disparu. Reste le plan bien visible maintenant, mais que la végétation ou tout autre chose dérobera bientôt aux regards ). Un peu plus loin et plus haut, sur la droite, au point géographique 80,2 se trouvait une bâtisse délabrée nommée la Boulangerie. Pourquoi une boulangerie en ces lieux reculés ? Il faut remonter très loin dans le temps, jusqu'aux années 1347-1348, où la peste noire ravagea l'Europe dont elle tua un tiers de la population. C'est là que les Villeneuvois et les moines de l'Abbaye vinrent faire leur pain en ces années terribles, croyant éviter ainsi la contamination qui sévissait dans le pays sans savoir qu'elle se transmettait pas simple contact ou inhalation de la bactérie mortelle. Pour faire du pain, il fallait du feu et de l'eau. Aussi, à l'intérieur de la bâtisse on peut encore voir les restes d'une grosse cheminée et l'ouverture d'un puits dissimulé qui, si l'on en juge par la profondeur de la nappe phréatique, devait descendre à plus de quatre vingt mètres. Très longtemps, le sol de la Boulangerie fut recouvert d'une bonne couche de terre battue qu'un chercheur eut l'idée de déblayer. Apparut alors, dans un angle de la bâtisse, un bloc de pierre de trois mètres carrés et de trente centimètres d'épaisseur qui dissimulait l'entrée circulaire du puits. Il fallut plusieurs hommes pour déplacer ce bloc. Le puits, dont la margelle avait disparu, était comblé jusqu' à ras bord de grosses pierres. S'il en est ainsi, c'est qu'il doit avoir son importance dans la recherche qui nous occupe. Un chercheur du trésor entreprit de le désobstruer, ce qui était une tache considérable. Et qui le devint bien davantage, car une main inconnue venait la nuit rejeter dans le puits les blocs que le courageux chercheur en tirait le jour. Si bien qu'il y renonça. Le peu qui en resta dégagé fit apparaître une sorte de "chemin de ronde" circulaire de hauteur d'homme, à deux ou trois mètres de profondeur, là où le puits s'évasait. Des exemples vus ailleurs permettent de comprendre qu'un système de planches amovibles mis en place à partir de ce "chemin" permettait de descendre dans le puits. Nul doute que ce conduit joue un rôle important dans la recherche qui nous occupe. Il permet d'accéder à tout un réseau de galeries passant sous la colline. Ce réseau est assez facile à suivre car son parcours est jalonné de puits d'aération comblés eux aussi jusqu'à ras bord. Parmi ces souterrains, se trouve peut-être celui qui conduit à la cache du trésor, laquelle n'est sans doute pas très éloignée de la Boulangerie. Nous reviendrons là-dessus. Il faut ici évoquer une particularité de cette colline. La roche calcaire qui la compose est parcourue d'importantes veines de cette pierre tendre dite "molasse". Ces veines commencent à la carrière de Carles et s'en vont dans toutes les directions, jusqu'à Cabrion où on la voit affleurer, et plus loin encore, vers la Chartreuse. C'est dans cette pierre tendre, facile à travailler, que les Chartreux ont creusé de nombreux souterrains reliés entre eux. Mais tous les accès en ont été soigneusement obstrués. En utilisant certains appareils qui permettent de sonder le sous- sol et d'en déceler les cavités, on pourrait découvrir le tracé de ces galeries souterraines et repérer celle qui nous intéresse. Trois à cinq tonnes d'or, plus le reste, cela en vaudrait peut-être la peine. |
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Itinéraire
pour une recherche. Suite 2 ![]() ![]() |
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![]() Munis d'appareillages sophistiqués, cette équipe s'activa un temps autour du vieux bâtiment, sondant, arpentant, mesurant, relevant des plans avec du matériel d'un maniement compliqué. On ne sut jamais qui étaient ces personnes ni ce qu'elles étaient venu faire là. Elles disparurent avec la même discrétion qu'elles avaient mise à œuvrer. Un ministre archéologue, ce n'est pas n'importe qui. S'il avait envoyé des spécialistes à Villeneuve, à la Boulangerie, c'était sans doute sur la foi de renseignements précis et d'importance. Mais au juste, de quoi pouvait-il bien être question ? Nous savons qu'à cette époque, certaines bornes avaient déjà disparu. Si bien que nos officiels archéologues ne purent pas observer celle qui se trouvait jadis à proximité de la Boulangerie et qui avait migré( enlevée par qui et pourquoi ?) vers une ferme des bords du Rhône, sans doute au prix d'un dur labeur car cette belle borne était d'un poids considérable. Elle portait (et porte toujours), parfaitement dessinée, une crosse d'évêque, ou de cardinal plutôt, dont le tracé est ponctué de trous réguliers ; d'autres trous ont été fait à l'extérieur de ce tracé. Au total, on en compte neuf. Ceci qui nous remet en mémoire que neuf cardinaux sont morts de la grande peste noire qui ravagea l'Europe en 1347-1348. S'agissant du tout venant des victimes, on jetait les cadavres dans des charniers creusés au cimetière de Champfleury d'Avignon. Mais le pape ne voulut pas que l'on inflige ce sort infâmant aux évêques, grands dignitaires de l'église et à ses princes les cardinaux. Revêtues de leurs somptueux vêtements et ornements, leurs dépouilles furent mises dans des cercueils de plomb (et non des cercueils plombés), où elles furent gardées un temps. Puis, l'épidémie passée, elles furent discrètement inhumées dans un lieu sûr où leur sépulture ne risquait pas d'être violée un jour. On pense que les moines de Saint André de Villeneuve furent chargés de cette mise en terre, ou plutôt, en roche, et qu'ils choisirent à cette fin la veine de molasse passant tout près de la Boulangerie, à laquelle ils accédèrent par le puits du bâtiment. A partir de là, ils utilisèrent une galerie où ils creusèrent une salle mortuaire. Dans cette salle, probablement murée, les princes de l'église dorment dans tout leur apparat, d'un sommeil éternel qu'aucun pillard de tombes, fût-il un personnage officiel, ne viendra jamais troubler. C'est peut être en ces lieux, que bien plus tard, fut aussi définitivement placée la dépouille d'Innocent VI. ![]() Tout ceci explique que la borne de la Boulangerie porte gravés une crosse et ses neufs trous, ( dont cinq sur la crosse elle-même, ce qui pourrait indiquer les cardinaux les plus titrés) que cette borne ait été enlevée quand les recherches faites pour retrouver le trésor des Chartreux s'intensifièrent, que le puits de la Boulangerie ait été comblé et son accès fermé par une très lourde roche taillée, et qu'une main inconnue rejetât la nuit dans ce puits les pierres que certains en avaient retirées le jour. Cette borne avait, à n'en pas douter, une signification capitale, c'est pourquoi son emplacement est marqué par un gros pieu de fer profondément fiché en terre, visible sur la photo de la bâtisse enneigée. Restait à caser la centaine d'évêques emportés par le fléau. Nous verrons qu'un autre lieu de la colline les a peut-être accueillis. Il existe certainement un souterrain collecteur, plus vaste que les autres, qui va de la Boulangerie jusque dans les salles souterraines du mas de Carles ( où là encore, la voûte de cette galerie dont on voit très bien l'entrée, a été effondrée sur des dizaines de mètres, de gros blocs de pierre l'obstruant totalement), en passant par le croisement des fameux Quatre Chemins, où nous l'avons dit, le sol a tendance à s'affaisser. La preuve est faite de ce souterrain par l'existence des puits d'aération qui jalonnent son parcours et par de petits avens naturels qui descendent jusqu'à lui. Quand on place l'oreille sur un de ces trous par jour de fort mistral, on peut entendre un souffle puissant et caverneux qui pourrait laisser croire à une ouverture plus grande par où le vent s'engouffre quelque part à flanc de colline. Mais cette ouverture, en principe, n'a pas été trouvée. L'acharnement des Chartreux à obstruer, dans le court délai de trois ou quatre ans, tous les accès aux galeries qui courent sous la colline, ne peut s'expliquer que par leur volonté d'empêcher quiconque d'accéder à ces galeries, parce qu'elles risquaient de conduire à leur dépôt précieux, dont malheureusement pour eux, nous l'avons dit, ils ont perdu les clefs sans lesquelles eux-mêmes ne sont plus capables d'entrer dans les souterrains par l'unique accès praticable que ces clefs révélaient. |
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Itinéraire
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![]() Venant de la région lyonnaise, ils arrivèrent un beau jour à Villeneuve et installèrent un véritable campement de voitures de tentes et de caravanes sur un terrain aménagé en stand de tir où se trouve une construction sans doute très ancienne. Ils y déployèrent sans attendre un matériel considérable : groupe électrogène, marteaux pneumatiques, foreuse, et même des explosifs. Cela ne manqua pas d'attirer l'attention et à un journaliste venu les interroger, ils répondirent qu'ils avaient fait le serment de ne pas quitter Villeneuve sans emporter dans leurs bagages l'or des Chartreux. Leur activité fut véritablement fébrile pendant trois mois d'été, où ils creusèrent, forèrent, firent sauter la roche de calcaire dur, si bien qu'on les voyait de jour en jour, s'enfoncer de plus en plus dans leur trou, sans qu'il fût question de s'approcher de ces lieux sur lesquels veillait un cerbère attentif. Leur certitude inébranlable nous inquiéta un moment Mais après presque trois mois d'un labeur incessant, leur ardeur déclina et une nuit, ils disparurent sans crier gare, avec armes et bagages, non sans abandonner sur place un peu de matériel superflu. ![]() Convaincus qu'ils n'avaient rien découvert, mais qu'ils avaient dû descendre dans la roche au moins jusqu'à trente mètres de profondeur, à en juger par la hauteur des déblais, nous nous approchâmes avec curiosité du trou creusé et constatâmes avec stupéfaction qu'il atteignait à peine dix mètres de fond et qu'il ne débouchait strictement sur rien. J'avoue que compte tenu des moyens dont ils disposaient, nous regrettâmes d'avoir été évincés sans pouvoir leur dire qu'à quelques mètres seulement de leur trou démentiel, passait un important souterrain qui leur aurait peut-être ouvert la voie du trésor convoité ou, en tout cas, leur aurait permis des découvertes intéressantes. Mais en vérité, je crois que nous n'aurions rien dit à ces gens-là. Ces mêmes chercheurs récidivèrent plus récemment, non loin du lieu de leurs premiers exploits avortés. Mais cette fois, une interdiction officielle de fouilles leur fut notifiée par un représentant local des Beaux Arts à qui ils ne purent fournir une autorisation en bonne et due forme de recherches archéologiques. Curieuse intervention survenue sans doute après une dénonciation. Mais sur quoi se fonde l'administration concernée pour interdire le creusement d'un trou sur un terrain dont le propriétaire a donné son accord ? Il n'est pas interdit de chercher de l'eau. Et la colline des Chartreux n'est pas, que l'on sache, classée site archéologique. D'autant qu'à l'époque, le responsable régional des Beaux Arts tenait le trésor des Chartreux pour "une foutaise". Il changea d'avis par la suite. Le comportement de ce responsable était en totale contradiction avec son opinion d'alors, selon laquelle le trésor des Chartreux serait une foutaise. Sinon, pourquoi aurait-il mis son veto au creusement absurde, selon lui, d'un trou dans une colline où rien n'est classé archéologique ? Mais sait-on jamais. La " foutaise " devait lui rappeler qu'un de ses anciens ministres n'avait pas cru stupide de s'y intéresser. Et qu'il n'y a pas de fumée sans feu. Nos courageux chercheurs lyonnais auraient dû plutôt s'intéresser aux carrières et aux salles souterraines creusées autour du mas de Carles par les Romains puis par les moines. Le sous-sol de cette propriété est un véritable gruyère et les vastes salles en sont accessibles au prix de quelques reptations. Mais longtemps leurs accès, au ras du sol, restèrent hermétiquement obstrués par des mètres d'éboulis provoqués sans doute par les Chartreux. Il paraît que les premiers à explorer ces salles après en avoir dégagé l'accès, y firent d'assez bonnes affaires. Ils y découvrirent de menus objets anciens, poteries, outils, ustensiles divers qu'ils monnayèrent un bon prix auprès des antiquaires du secteur, car la plupart de ces objets avaient de la valeur. Après le départ des Romains, ces carrières souterraines restèrent inexploitées pendant tout le Haut Moyen Age. Mais la population du bourg Saint-André les utilisa maintes fois comme lieu de refuge dès qu'un péril grave menaçait leurs vies. Les Barbares qui envahirent la France durant la période des Grandes Invasions mentionnèrent dans leurs annales que des villages entiers se vidaient de leurs habitants à l'approche de leurs hordes sauvages. Certains de ces abris-refuges, connus et répertoriés sont des souterrains parfois longs de plusieurs kilomètres, comportant diverses issues pour éviter à leurs occupants d'y être pris au piège. Les habitants de Villeneuve n'eurent pas le souci ni la peine de creuser. Les vieilles carrières romaines leur offraient, assez loin du bourg, un abri commode et sûr, pratiquement insoupçonnable. Certaines déductions permettent d'avancer que, parmi d'autres, une galerie partait de ces salles pour aller déboucher dans une importante combe de la falaise, à proximité du point 124 de la carte IGN. Des travaux d'aménagement y sont encore visibles sous l'épaisseur des broussailles qui les recouvrent. Cette combe surplombait jadis le Rhône qui coulait au pied de la colline. Il y avait donc, par cette galerie, un excellent moyen de fuite sur le fleuve. Le faîte de cette combe offrait aussi un remarquable observatoire permettant de surveiller toute la plaine du Rhône, à des kilomètres à la ronde. |
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Itinéraire
pour une recherche- Suite 4 ![]() ![]() |
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![]() L'alignement des puits comblés à partir de la Boulangerie passe par les Perrières et conduit à l'entrée éboulée de la plus importante galerie connue, dont l'accès se situe à l'extrémité sud-est de la première salle romaine, sous le mas de Carles. Un chercheur voulut en avoir le cœur net et entreprit de dégager le premier puits situé sur cet itinéraire, du côté des salles romaines, en un lieu où la végétation est si dense que l'on peut y œuvrer en toute quiétude. Ce fut une entreprise longue, difficile et dangereuse. Il devait hisser les pierres dégagées, l'une après l'autre, au moyen d'un treuil sommaire et chaque bloc qu'il remontait risquait à tout moment de lui retomber dessus. Cependant, peu à peu, le travail avançait. A douze mètres de profondeur, le puits s'élargissait et ses parois, jusqu'alors faites de pierres, étaient maintenant taillées dans la molasse. Notre chercheur crut alors qu'il était proche du but. Mais à quatorze mètres, à seize mètres, le puits descendait encore sans solution visible de continuité. Le courageux chercheur se lassa, persuadé que le puits descendait au moins à trente mètres avant de rejoindre celui partant de la salle romaine qui, pour atteindre cette profondeur, devait avoir une forte pente. Notre homme retourna à ses occupations professionnelles et ne revint plus jamais à Villeneuve, après avoir déclaré que se trouvant au fond du puits, il avait entendu une voix lui ordonner, sous peine de mort, de cesser ses recherches. Il était un peu mythomane et quand j'allai le voir à Paris, il me raconta des histoires rocambolesques. ![]() ![]() ![]() Les entrée des salles romaines ![]() Lettre de "menaces" que je reçus au siège de l'Air d' Avignon quand je fis paraître quelques articles sur le Trésor des Chartreux dans cette revue. Les travaux de notre homme en sont restés là où il les avait laissés. Par manque de moyens vraiment appropriés, personne n'a voulu prendre la relève. C'est peut-être dommage. Car ce puits aérait jadis un important souterrain collecteur qui desservait au moins quatre galeries. Et là, par exemple, l'équipe lyonnaise n'aurait pas fait choux blanc. Mais ces gens-là ne s'en remettaient qu'à eux-mêmes. Le roi de France Louis VIII, qui était devenu propriétaire des carrières, en céda le droit d'exploitation à son allié l'Abbé de Saint-André. Les Chartreux devenus riches, leur rachetèrent ce droit en même temps que quelques terres de la colline, propriétés de l'Abbaye. Avec les pierres qu'ils tirèrent de la carrière, ils agrandirent leur monastère et l'entourèrent d'une enceinte fortifiée.Puis ils firent le commerce des pierres taillées. Peu à peu, l'exploitation souterraine des carrières prit fin. On en avait tiré trop de pierres et la voûte des salles risquait maintenant de s'effondrer. (Cela se produira bien plus tard). Toutefois, les Chartreux continueront longtemps à exploiter la carrière à ciel ouvert. Les salles souterraines, nous l'avons vu, eurent alors vocation de refuge en cas de péril pour les populations et les occupants des monastères. A défaut d'avoir pu en trouver au moins un, l'existence de souterrains creusés par les Chartreux prenait les allures d'un mythe. Il fallut toute la science d'un radiesthésiste plus doué que ses confrères pour que ce mythe devienne une réalité. L'homme affirma d'abord qu'un puits creusé à cette fin par les moines captait et neutralisait toutes les radiations nécessaires à son art (sic). Puis il se rendit en un lieu plutôt éloigné de la colline des "Quatre Chemins", agita un moment son pendule et donna contre le sol un vigoureux coup de talon. Petite cause grands effets. Une partie du sol s'effondra, formant un large trou au fond duquel on voyait passer un souterrain obscur. Un éboulement s'était produit à cet endroit de la galerie qui, de ce fait, n'était plus recouverte que par une faible couche de terre. Aussitôt les témoins de la découverte se jetèrent sans beaucoup de prudence dans le trou au moyen d'échelles de cordes. Ils le tenaient enfin leur souterrain ! Et ils purent le parcourir sur quelques centaines de mètres. Il avait été creusé dans une sorte d'argile brune très compacte. Mais il s'avéra qu'il s'agissait là d'un tronçon relativement court de la galerie initiale, obstruée à ses deux extrémités par des éboulis infranchissables. L'humidité y était si forte qu'elle avait provoqué sur les parois un dépôt calcaire dont l'épaisseur permit à un géologue d'en calculer l'ancienneté. La galerie remontait à peu près à la création de la Chartreuse. Certains d'avoir enfin trouvé le souterrain où les moines avaient caché leur or, ses découvreurs étaient prêts à "sabler le champagne", comme me le dit Monsieur C. Ils se mirent à creuser le sol et leur déconvenue fut grande. Au fond de ce souterrain, dissimulé sous une bonne épaisseur de terre, passait pourtant un magnifique petit aqueduc tout en pierres de tailles exactement ajustées. Une véritable oeuvre d'art. Les Chartreux avaient accompli sur plusieurs kilomètres ce travail considérable pour aller chercher l'eau d'une nappe souterraine située au point 95,9, et l'amener jusqu'à un bassin à l'intérieur de leur monastère. Ce bassin deviendrait plus tard la Fontaine Saint-Jean. A proximité du point 40,5, au quartier Saint-Simon, l'aqueduc souterrain était relayé par des conduits en plomb qui furent arrachés et fondus à la Révolution de 1789. Voilà un magnifique exemple de ce que les Chartreux étaient capables de faire avec leur modestes moyens, mais au prix d'un labeur acharné, pour s'alimenter en eau qui, dans ces parages, est un liquide précieux.. Il est vrai qu'à cette époque, on avait déjà bâti les cathédrales. Leur aqueduc est resté inviolé pendant près de six siècles. On peut y accéder moyennant un peu d'audace ; et à le voir, on se dit que les Chartreux durent réaliser une prouesse bien supérieure et bien plus complexe, quand il se fut agi de dissimuler ce qu'ils avaient de plus précieux : leur trésor. Note: J'allai un jour à Grenoble rendre visite au radhiestésite inventeur du souterrain. C'était un curieux petit homme qui vivait entouré d'un fatras de livres, de plans et de cartes. Il me dit que grâce à son pendule, il avait découvert du pétrole en grande quantité dans le sous-sol de l'Egypte. Il avait fait part de sa découverte au président égyptien qui devait le faire venir dans son pays en avion privé. Mais je ne sais plus pour quelles obscures raisons cela ne se fit pas. C'était à l'époque du scandale des "avions renifleurs" et les esprits crédules étaient sans doute échaudés. Il me conta encore une étrange histoire. Un très riche émigré russe blanc poursuivi par les "rouges" avait fui son pays en traversant la mer Noire à bord de son bateau. Il emportait dans ses bagages une grande partie de son immense fortune sous forme de diamants enfermés dans une boite à cigares. Sur le point d'être rejoint, il accosta et débarqua en Bulgarie où, aussitôt, il s'empressa de cacher son magot à même la terre, au pied d'un arbre, puis il nota quelques repères et repartit. Il gagna les Etats Unis, où il se lia d'amitié avec un employé de l'ambassade de France. Bien des années plus tard, sur le point de mourir, il lui fit des confidences relatives aux diamants et à leur cachette. Le diplomate décida de retrouver les diamants avec l'aide d'un radhiestésiste. Il s'adressa à la société des rahiestésistes de France pour s'enquérir de leur meilleur praticien. On lui indiqua celui de Grenoble. Une expédition fut décidée. L'employé d'ambassade et le radhiestésiste partirent pour la Bulgarie et ils furent bientôt à pied d'oeuvre. La recherche commença et assez vite, le pendulaire découvrit le lieu précis où le magot se trouvait. Mais, prudent, il indiqua un autre emplacement à son compagnon. Ce dernier lui conta alors ceci : un capitaine entraîne ses hommes dans une longue marche et pour les stimuler il leur dit : " courage, à l'arrivée vous aurez une récompense et une surprise." A l'arrivée les hommes réclament à grands cris la récompense . " La récompense, c'est du vin, dit le capitaine." Les soldats assoiffés hurlent leur joie d'avoir enfin à boire." Et la surprise, la surprise ", clame la troupe." La surprise, c'est qu'il n'y a pas de vin ", conclut le capitaine. " Prenez cela pour vous," ajouta l'employé d'ambassade d'un ton peu amène, voire menaçant. " Et merci de m'avoir aidé ; mais vous ne m'êtes plus utile. Je finirai seul. Vous pouvez repartir." Ce que fit le radhiestésiste, dépité mais tout de même content de savoir qu'il avait roulé ce mauvais campagnon qui lui-même voulait le rouler. Selon lui, les diamants dans leur boite sont toujours là où ils ont été placés. Et c'est une très belle fortune. Notre homme de Grenoble voyait, avec son pendule, le trésor des Chartreux enterré dans la propriété de l'Hermitage où, sur ses indications, des fouilles furent entreprises. A l'endroit exact qu'il avait indiqué, on sortit de terre...un soc de charrue. On ne peut donc pas dire qu'il n'avait rien trouvé. Ce fut lui encore qui m'affirma savoir où se trouvait exactement le trésor, jamais retrouvé, des républicains espagnols qui, serrés de près par les hommes de Franco, l' avaient enfoui à proximité d'une plage près d'Argelès, en 1939. Je me suis alors demandé pourquoi cet homme qui savait tant de choses sur quantité de trésors n'avait pas fait fortune. |
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Itinéraire
pour une recherche. Suite 5 ![]() ![]() Conclusion |
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Le mas de Carles, ses
pinèdes et ses carrières, tout ce beau domaine
appartenait au prêtre d'une paroisse avignonnaise qui
l'avait reçu en héritage d'une de ses ![]() L'abbé se proposait ainsi d'accéder, depuis la surface, jusqu'à la galerie principale obstruée à partir de la première salle romaine. Et l'on peut être certains qu'il en connaissait le tracé exact. Le bruit courut bientôt dans le pays que l'un de ces ouvriers avait mis au jour, au fond du trou qu'il creusait, une galerie inattendue qu'il s'empressa d'explorer. Elle l'aurait conduit jusqu'à une sorte de crypte où, dans le sol, étaient creusés quatre trous profonds de deux mètres, disposés en croix. Au fond de chacun de ces trous, reposait un cercueil en plomb, si étroitement ajusté à son réceptacle qu'il était impossible de l'extraire sans d'importants travaux. Aussitôt informé de cette découverte, le prêtre alla en vérifier l'exactitude. Puis il expédia à l'archevêché de Nîmes un rapport détaillé. Il en reçut sans tarder l'ordre de remettre les choses en l'état et de ne souffler mot à personne de cette découverte. L'ouvrier reçut la même consigne. Mais il ne sut pas tenir sa langue et l'affaire s'ébruita. Si cette découverte est réelle, on peut imaginer qu'il s'agissait là des sépultures de quatre importants prélats de la cour papale d'Avignon décédés durant la grande peste noire de 1348 ou en d'autres circonstances. Les autorités religieuses compétentes auraient alors décidés que le lieu de ces sépultures devait rester secret et inviolable. Il y a pourtant de bonnes raisons de croire que les cardinaux morts de la peste ont été inhumés ailleurs, comme nous le verrons plus loin. Alors, c'est un mystère de plus. Il nous faut maintenant examiner les rares puits existant sur la colline. Dans ces parages, l'eau est extrêmement rare, voire inexistante et on ne la trouve que dans trois puits dignes de ce nom : celui que les romains creusèrent à côté de la maison du maître carrier, celui que les Allemands firent creuser sous l'Occupation et celui du mas de Carles, ouvrage des Chartreux. Les deux premiers ne résistent pas aux premières canicules et sont à sec durant les mois d'été. Mais le puits de Carles paraît intarissable et c'est aussi un vrai mystère. Tout comme semble mystérieuse son eau verte et translucide, d'une pureté incomparable. Des géologues pensent qu'un petit bras du Rhône se perd sous la colline en amont de Villeneuve, pour retourner au fleuve en aval d'Avignon. C'est pourquoi l'eau de ce puits est animée d'un mouvement continuel. On peut accéder à cette vasque en passant par des salles souterraines ; l'entreprise est un peu périlleuse car les voutes des salles sont fragiles. Mais elle en vaut la peine. On voit le conduit du puits traverser, depuis sa margelle, l'épaisseur de la voute qui s'arrête environ à un mètre de la surface de l'eau dont la couleur et la limpidité sont vraiment magnifiques. Certains pensent que cette eau remonte jusque là par une sorte d'aven qui descend jusqu'au petit bras perdu du Rhône. ![]() Véritables taupes, passés maître dans l'art de creuser, de capter les sources, de dériver les eaux, les Chartreux connaissaient l'existence de ce courant souterrain et comprirent le partie qu'ils pouvaient tirer d'un tel phénomène. Ils aménagèrent certainement dans le sous-sol de la colline des nappes d'eau artificielles disposées de telle sorte que les indésirables qui auraient pu s'introduire dans la galerie menant à leur trésor y déclanchent des mécanismes insoupçonnables qui viendraient les noyer. Il est probable qu'avec le temps, ces mécanismes comme d'autres pièges ne fonctionnent plus. Aux abords de Cabrion, un piège à sable est vraisemblable ( en Occitan, Safrus signifie "sable" ). L'abbé Persa, propriétaire du domaine de Carles, n'est plus de ce monde. De son vivant, on pouvait le voir sur ses terres, muni de fortes jumelles, en train d' observer les visiteurs. Il ne niait pas s'intéresser à un trésor caché sous la colline, ce dont attestait un grand nombre de trous souvent profonds, creusés par sa main d'œuvre particulière. Selon ses dires, la découverte de ces richesses lui aurait permis de doter enfin sa paroisse de Champfleury, à Avignon, d'une église digne de ce nom. Mais quand on lui demandait de quelles richesses il s'agissait, il répondait sans hésiter qu'il s'agissait du trésor des " Templiers " ! En cela, il rejoignait la conviction de Robert Charroux d'après qui ce trésor était dissimulé en terre villeneuvoise ou dans ses environs. Pour en revenir aux bornes où sont gravées des indications relatives au secret du trésor, elles se distinguent des autres car elles portent gravé le sceau des Chartreux, un globe surmonté d'une croix, symbole de la prééminence du spirituel sur le temporel, du royaume de Dieu qui demeure, sur celui éphémère des hommes qui passent, d'où leur devise " Stat crux, dum volvitur orbis ". Comme la borne enlevée de la Boulangerie, celle implantée au point 143,6 de la carte IGN est très explicite. Sans doute aurait-elle aussi disparu si elle n'avait été extrêmement lourde. Ou bien, peut-être, fallait-il qu'elle reste en place. Mais on l'a couchée à terre, dans un épais massif d'épineux qui la rend presque invisible et inaccessible. Les chercheurs la nomme " borne Elisée " en référence à l'inscription qu'elle porte. Rappelons que dans la mythologie grecque, les champs Élysées ou simplement l'Élysée sont le lieu des Enfers où les héros et les gens vertueux goûtent le repos après leur mort. Les dieux seuls ayant accès à l'Olympe. Mais par ailleurs, on se souvient qu'avant de disparaître, le prophète Elie légua son manteau à son disciple Elisée. Par cet acte, il indiquait à ce dernier qu'il aurait à continuer la mission dont Iaveh les avait investis. Depuis, l'évocation d'Elisée recevant le manteau de son maître Elie signifie le devoir fait à un disciple de poursuivre la mission commencée par son maître. Ce qui fut accompli ici en 1827. ![]() Par cette borne et son inscription, les moines ont voulu confirmer aux initiés, d'une part que c'est bien là, sous cette colline, que depuis des siècles reposent les hauts dignitaires, les cardinaux et ici, plus précisément, les évèques et archevèques de la cour papale d'Avignon, emportés par le fléau de la grande peste noire ( On ne les aurait tout de même pas jetés, comme de simples quidams, dans les fosses communes du cimetière de Champ Fleuri) ; et que, d'autre part, la mission confiée à l'initié doit être poursuivie par ses successeurs. Dans ces lieux pourtant, le calcaire " froid " ne contient aucune veine connue de pierre tendre. Mais elle passe peut-être dans les profondeurs du sous-sol. Les sept trous curieusement disposés de la borne Elisée nous ramènent à celle de la Boulangerie, cette vieille bâtisse avec son puits géant taillé dans la " molasse ", qui descend dans les entrailles de la colline et donne accès aux tombeaux des cardinaux et à celui d'Innocent VI ; cette vieille bâtisse en ruines qui suscita l'intérêt d'un ministre féru d'archéologie. Il existe certainement une relation entre la borne Elisée et celle de la Boulangerie. Cette relation est sans doute un souterrain qui conduit d'un lieu à l'autre et qui descend ensuite vers Cabrion.On peut admettre qu'à l'origine, tous les souterrains circulant sous la colline étaient reliés entre eux. D'où l'acharnement des Chartreux à les obstruer systématiquement car, par n'importe lequel, on pouvait accéder à la galerie où ils dissimulèrent leurs richesses. D'autres parlent ici d'un trésor " de Clément V " qui ne serait alors rien d'autre que celui des Templiers que ce pape prévaricateur aurait réussi à capter, au détriment de Philippe le Bel. Une certaine confusion volontaire ou fortuite a sans doute été entretenue dans les esprits de ceux qui eurent à charge de perpétuer les secrets de la colline des Quatre Chemins dont le nom lui même prête à confusion. On en vient à se demander de quel trésor il est finalement question. Et les Quatre Chemins ne sont certainement pas ceux que Monsieur C. indiquaient si volontiers à ses interlocuteurs. Aussi, pour ne pas se perdre, il faut s'en tenir au trésor des Chartreux, le seul qui soit avéré. Toujours à proximité de la Boulangerie, on peut voir des sortes de sièges taillés dans la roche tendre. Certains prétendent qu'il pourrait s'agir de "tables cosmiques(?)", propices à la réception des rayons bénéfiques du même nom. De fait, celui qui prend la peine d'y séjourner une heure ou deux en retire une étrange impression de bien être physique et de paix intérieure qui l'engagent à s'y attarder et à y revenir. Mais il paraît aussi qu'il est dangereux d'en abuser. Mais je n'irai pas plus avant dans ce genre de spéculation, même si j'ai expérimenté les effets bénéfiques de ces "tables". La troisième borne directrice était implantée à l'intersection de deux chemins, au point 121,3 de la carte. D'abord arrachée et jetée à terre, relevée puis déplacée, elle a fini par disparaître. Nul doute que le lecteur perspicace aura tôt fait de découvrir le sens du message qu'elle porte gravé. Le symbole chartreux y tend à la représentation d'un calvaire qui désigne souvent un trésor caché. On notera le bel équilibre, l'égalité révélatrice, qui gouverne les inscriptions de cette borne. Sur sa face ouest, un personnage stylisé accomplit un geste précis et sans équivoque. En avançant dans la voie clairement désignée, nous rencontrons bientôt, plantée en évidence au bord du chemin, au point 126,2, la quatrième borne directrice. L'harmonie qui présidait aux dessins de la borne précédente, fait place ici à une sorte de délire graphique. Mais nous en devinons assez facilement la connotation topographique. Une sorte de flèche empennée nous indique la direction à suivre. En allant dans cette direction, au bout du chemin, nous découvrons la cinquième borne directrice, à hauteur du point 125 de la carte, à l'ombre d'un if vénérable ( depuis, elle a été détruite ). Le symbole chartreux a été gravé sur trois faces de cette borne : sud, est et ouest. La face nord en est dépourvue, comme pour indiquer qu'il n'y pas lieu d'aller plus avant. Deux autres bornes majeures, situées aux points 104,1 et 79 de la carte IGN ont disparu elles aussi, sans que leurs signes aient pu être relevés. Il ne reste d'elles que leur socle.Ce qui permet d'établir que ces bornes "directrices", ou majeures, étaient au nombre de sept, un chiffre cher aux Chartreux, qui évoque les sept fondateurs de leur Ordre et que l'on retrouve dans les sept étoiles qui ornent le globe terrestre, symbole de l'Ordre ( voir plus loin). Si nous relions entre elles ces différentes bornes, nous définissons, paraît-il le périmètre où l'or des Chartreux a été enfoui. Et certains pensent que l'on pourrait en cerner la cache de bien plus près si toutes les bornes avec tous les signes étaient connus, ce qui est loin d'être le cas. A l'exception de la borne Elisée et de celle de la Boulangerie qui ont une signification importante, on peut tout aussi bien croire que ces bornes ne sont que des leurres placés en divers points de la colline et couverts de signes par les Chartreux pour égarer les curieux en les attirant loin du lieu véritable où ils ont enfoui leurs richesses. Ce qui serait bien dans leur manière. Car à quoi bon dissimuler un trésor avec la volonté de le rendre inviolable si, par ailleurs, on grave sur des bornes exposées aux yeux de tous, un message crypté, justement propre à exciter la curiosité et qui permettrait de retrouver ce trésor ? Non, les Chartreux n'étaient pas si naïfs. Au contraire, ils étaient même plutôt habiles et très précautionneux. Alors ? Alors, nous allons maintenant laisser à ceux qui voudraient entreprendre cette recherche le soin de s'y exercer pour découvrir le lieu au moins approximatif où les moines de Villeneuve ont dissimulé leurs richesses. Si des indices peuvent y aider, ce ne sont pas ceux que les Chartreux ont exposés aux yeux de tous, mais au contraire, ceux qu'ils ont si bien dissimulés et qui n'auraient dû être retrouvés que par un des leurs, initié à ces secrets. Nous savons que ces indices ont été dupliqués sur la colline de telle sorte que, même placés en évidence dans un format amplifié, ils n'éveillent aucun soupçon d'étrangeté. C'est du reste face à ces indices que le Frère Louis avait établi son "ermitage" ; et ce n'était pas sans raisons : il surveilla l'accès à la galerie du trésor jusqu'à l'achèvement de sa plus parfaite dissimulation, ce qui dura des années. Chacun étant, par ailleurs, libre de se faire une autre opinion, on peut en déduire que la clef de l'énigme est placée sur le chemin de Cabrion et que la cache du trésor chartreux n'en est pas éloignée. C'est, du moins, la conclusion la plus vraisemblable à laquelle je sois parvenu. En ces lieux, côtoyant le calcaire le plus dur, la molasse affleurante par endroits, s'étend dans le sous-sol, formant une veine très large et très profonde. Ici et là, quelques fissures du sol, semblables à de petits avens, descendent jusque dans les profondeurs où les moines ont creusé ; et par temps de mistral, même léger, on peut y entendre un souffle caverneux qui se propage dans les entrailles de la terre. Salles ou souterrains ? Ou les deux ? On ne sait pas. Mais l'un ou l'autre, c'est certain. Situé dans une propriété privée dont je connais bien le possesseur, l'un de ces avens est très révélateur. Invité à le faire, j'ai pu en quelque sorte "l'ausculter". Le souffle puissant qu'on y entend est très impressionnant. Du reste, malgré un âge certain, le proprétaire des lieux creuse à l'abri des regards indiscrets, une citerne paraît-il. Il se heurtera assez vite à la molasse qui, même réputée pierre tendre, ne se laisse quand même pas travailler comme du beurre et nécessite de vrais engins de creusement. Mais cet homme est proche de la vérité. Et peut-être, ou sans doute, le sait-il, en tant que détenteur d'un grand nombre d'indices qui révèlent la cache du trésor et qu'il a lui-même photographiés jadis, à la demande de Monsieur C. Désormais, cet homme n'est plus de ce monde et il a peut-être emporté avec lui certains secrets qu'il partageait avec Mr. C. Le trésor des Chartreux, les tombes des prélats morts de la grande peste sont là, quelque part, à quelque vingt mètres de profondeur ou davantage. Un accès amorçant un souterrain y conduit depuis la surface. Mais l'entrée en a été si soigneusement camouflée et depuis si longtemps, que la nature y a repris tous ses droits et que nul, en principe, ne pourra jamais le découvrir. Et les Chartreux eux-mêmes ont dû y renoncer. Quant à creuser, ce serait toujours au petit bonheur la chance et une telle entreprise ne pourrait échapper à la vigilance inquiète des habitants de l'endroit où les maisons ont poussé comme des champignons. Les moines n'avaient pas dû envisager cette éventualité qui rend leurs richesses enfouies encore plus inviolables que les mystères dans lesquels ils les ont enfermées. Quant à moi, je suis convaincu qu'un jour le trésor des Chartreux sera retrouvé. Et ce sera au hasard de quelques coups de pelleteuse, quand des travaux seront effectués là où se situe l'accès aux galeries et aux salles souterraines, un accès dont, avec un peu de perspicacité, on pourrait presque deviner où il se trouve, mais qui, ![]() Finalement, on peut imaginer que l'accès en surface qui mène au souterrain initial, puis à d'autres et enfin dans la (ou les ) salles du trésor et des sépultures, ressemble presqu'à l'identique à l'accès découvert par Howard Carter, qui menait à la fabuleuse tombe de ToutAnkhAmon. Comme lui, on peut le situer à la base d'une forte élévation, comblé jusqu'à ras bord et si soigneusement dissimulé qu'il reste indécelable. Comme lui, il descend ensuite dans les profondeurs de la terre. Enfin, grâce aux indices convergents, il n'est pas impossible de situer assez précisement son emplacement. Le seul problème, mais il est de taille, c'est que de nombreuses habitations ont été construites dans ces parrages et qu'elles forment autour de l'accès aux souterrains, un obstacle à peu près infranchissable.Voilà. Tout est dit. Je ne peux pas être plus précis.Mais avec un peu d'imagination et d'esprit de déduction... Mais je ne voudrais pas en finir avec la Chartreuse sans mentionner l'existence d'une cave aux dimensions importantes puisqu'elle mesure 25 toises de long sur 3 toises de large (soit quelque 50 mètres sur 6 mètres). Cette cave se trouve en totalité sous le cloître des Frères où elle commence et passe sous le logement du Prieur et sous la Bibliothèque. Elle remonte à l'époque gothique et possède de très belles voutes en ogive. Elle est aérée par chaque extrémité et les tonneaux qui la remplissaient étaient placés sur 2 rangées. A côté de cette cave en est une autre si humide qu'on ne pouvait y mettre que des bouteilles. C'est celle qui commence au cloître des Frères, côté Nord, pour s'enfoncer sous le jardin de la cellule d'angle du cloître Saint-Jean. Ainsi se conforte la certitude que les Chartreux étaient passés maîtres dans l'art des creusements souterrains et se conforte aussi l'hypothèse d'une crypte quelque part sous l'emprise de la Chartreuse. On peut avec profit lire en ligne le site intitulé "Rapport sur la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon" par Jules Formigé, Architecte diplômé d'Etat. (Paris 1909). |
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