LES MÉCANOS |
MA LETTRE août 2006 *Le dernier ouvrage de Jean Belotti |
Le très ancien vocable "mécanos" englobe les mécaniciens au sol et les mécaniciens navigants. Si les
premiers mobiles plus lourds que l’air ont pu décoller, c’est grâce au génie,
à l’imagination, aux recherches
menées par des ingénieurs, des techniciens, des mécaniciens qui ont su concevoir
et fabriquer des moteurs, les faire fonctionner, les améliorer et les entretenir. Leur
contribution a été essentielle quant au développement du progrès technique qui
à conduit, en un siècle, des premiers avions (de Clément Ader, des frères Wright, de Blériot, de Farman,... ) aux avions
actuels, lesquels, d’ailleurs, eux aussi, n’ont pu être conçus que grâce aux innovations des motoristes
(augmentation de la poussée
des réacteurs, réduction du bruit, réduction de la consommation de
carburant). - au sol,
pour la visite prévol de
l’avion, l’entretien et les dépannages éventuels en escale ; Puis, les
avions multimoteurs des lignes régulières furent équipés
d’un "tableau de bord mécanicien",
occupé par les "mécaniciens navigants". Quant aux
travaux à effectuer au sol,
ils furent confiés à des "mécaniciens au sol", alors affectés dans les escales de transit. * Les mécaniciens navigants TOP Lorsque j’ai débuté ma carrière sur Loockeed Constellation (puis super-Constellation), l’équipage comportait un, et sur certains long-courriers, deux officiers mécaniciens navigants (OMN). Leur mission consistait à surveiller l’évolution des différents paramètres de vol figurant sur de nombreux indicateurs ; à synchroniser les moteurs ; à contrôler la consommation de carburant et sélectionner les réservoirs à vider en priorité ; à maintenir une bonne température en cabine ; à mettre en marche les différents systèmes de dégivrage des ailes, des capots moteurs, des ailes,... Et, en cas de nécessité, à procéder à la vidange rapide du carburant ; à stopper un feu moteur et mettre son hélice en drapeau (a) ; à faire les opérations nécessaires en cas de descente rapide due à une dépressurisation de la cabine ; à descendre dans une soute pour y effectuer certaines vérifications ou interventions sur des sous-ensembles électriques, hydrauliques ou de navigation. Ils ne faisaient qu’un avec leur avion, dont ils percevaient le moindre frémissement, la moindre anomalie de fonctionnement. De plus, pendant les escales de transit, ils orientaient et contrôlaient la visite faite par le mécanicien au sol, avec lequel ils collaboraient pour des réparations éventuelles, changements d’instruments de bord, de roue,...(b) Mais également et surtout - toujours installés entre les deux pilotes dans les phases importantes (décollage, montée, descente et atterrissage) - ils étaient un troisième homme qui suivait les actions des pilotes, sans être pris directement par la conduite du vol. Ainsi, de même que dans une voiture, le passager voit souvent des obstacles, panneaux indicateurs, dangers potentiels, non perçus par le conducteur, le mécanicien navigant n’hésitait pas à alerter les pilotes de l’existence d’un dysfonctionnement (exemple : un instrument du tableau de bord commandant de bord ne donnant pas la même indication que celui du copilote) ; suggérait une manoeuvre plus efficace que celle envisagée par les pilotes ; proposait une nouvelle fréquence radio dont il avait vérifié le bon fonctionnement lorsque celle affichée par les pilotes ne permettait pas d’entrer en contact avec la station sélectée. Ainsi, observant le déroulement du vol avec un oeil différent, ils pouvaient - alors que les deux pilotes se trouvaient dans une situation difficile - donner une information essentielle, signaler une erreur non constatée, donc non corrigée,... intervention permettant ainsi de sortir les pilotes d’une "spirale diabolique" (c) dans laquelle ils s’étaient engagés, les entraînant vers une catastrophe. Puis, avec les appareils dits "glass cockpit" - après la disparition du "radio navigant" et du "navigateur" - l’équipage a été réduit à deux pilotes, ce qui signifia la disparition des mécaniciens navigants (d). Heureusement, nombreux sont ceux qui, après avoir suivi des stages appropriés, devinrent des pilotes et font actuellement une brillante carrière dans différentes compagnies aériennes. De nos jours, les dysfonctionnements éventuels sont transmis automatiquement par radio aux services de maintenance au sol, ces derniers pouvant ainsi, soit informer l'équipage de la dégradation constatée et des mesures à prendre quant à la conduite du vol, soit simplement sortir du magasin la pièce de rechange de l’instrument incriminé, afin d’éviter un rallongement du temps d‘escale. Il est fort probable que de nombreux pilotes formés à "l’équipage à deux" n’éprouvent pas le besoin de la présence d’un troisième homme à bord, pour la simple raison qu’ils ne connaissent pas l’apport que celui-ci représenterait quant au délestage de leur charge de travail et peut-être, aussi, parce qu’ils ne se sont pas encore trouvés dans une situation difficile, au cours de laquelle la présence d’un troisième collègue aurait pu leur apparaître comme salutaire. Il reste que, dans l’équipage à deux pilotes, l’erreur humaine est toujours possible. À cet égard, rappelons que si un pilote à une chance sur dix de faire une erreur, lorsque les deux pilotes effectuent systématiquement des contrôles réciproques ("cross-check") la probabilité de survenance d’une erreur devient une sur cent. Dès lors qu’il y a un troisième homme la probabilité tombe à une sur 1000 (e), ce qui réduit considérablement le risque. Au sujet des conditions propices à la survenance d’erreurs - non constatées, donc non corrigées - susceptibles d’entraîner l’équipage dans une "spirale diabolique", il convient de citer la fatigue. Ce facteur a souvent été mis en exergue par les médecins spécialistes en la matière. Ils indiquent qu’elle se traduit par une diminution des capacités fonctionnelles, extrêmement préjudiciable à la sécurité des vols (f). En effet, la diminution globale des performances qui en résulte, a déjà été signalée, dans plusieurs causes d'accidents (g). D’autres causes peuvent également être retenues. Je ne citerai, ici, que le manque d’entraînement... qui, d’ailleurs, sera celui des équipages affectés sur les très gros porteurs long-courriers. Ces très longues étapes ne permettront pas de faire suffisamment de décollages et atterrissages pour maintenir un niveau d’aisance, d’efficacité, d’automatismes, de "savoir faire", surtout dans les conditions marginales, telles que, par exemple, fort vent de travers, piste inondée et courte (h). Bien sûr, il n’est évidemment pas question, ici, de remettre en cause cette composition d’équipage à deux pilotes, rendue possible grâce au progrès technique, d’autant plus qu’elle est actuellement mondialement adoptée par tous : constructeurs, administrations, compagnies aériennes et organisations représentatives des personnels. Cela étant dit, bien que la suppression de l'OMN, semble - à tout le moins, pour le moment - être irréversible, d’aucuns se posent encore la question de savoir si l’hypothèse d’un "retour en arrière" est envisageable ? En effet, des oppositions ont quand même été exprimées, par exemple, il y a quelques années, par la puissante association des pilotes américains : "... ce n'est que contraints et forcés que les pilotes ont accepté de voler, à seulement deux membres d'équipage...". Le présage était net et précis : "Nous attendons qu'il se produise un accident à propos duquel il serait indubitablement prouvé que la présence d'un troisième homme aurait évité la catastrophe". Personnellement, je citerai deux éléments d’information qui vont dans le sens d’une reconsidération du sujet. 1.- Tout
au long de ma carrière, et à plusieurs reprises, j’ai vécu des situations - relatées dans mes
écrits - dans lesquelles la présence d'un OMN a permis d'éviter la survenance d’un
incident, voire d’un accident. Au fil des ans, de nombreux collègues ont vécu ce même type de situation. - soit décelé
et analysé les anomalies
constatées, plus rapidement
que les deux pilotes, occupés à la conduite du vol ; À ce stade de la réflexion relative à la composition de l’équipage, une question peut être posée : Etant donné l’énorme coût des gros porteurs et le nombre élevé de passagers qu’ils transportent, et pour en avoir le coeur net, ne serait-il pas judicieux, prudent (conformément au "principe de précaution"), d’engager une réflexion (i), aux plus hauts niveaux, sur l’intérêt ou non de la réaffectation d’un troisième homme - à tout le moins sur les gros porteurs long-courriers - avec des fonctions actualisées (mécanique, informatique,...) à partir, par exemple, de la qualification d’Ingénieur Navigant de l'Aviation Civile (INAC), conçue il y a plus de vingt ans ? Certes, dans les éléments à prendre en compte, le coût de ce navigant supplémentaire serait le plus facile à quantifier et à mettre en avant - entre autres - pour justifier un refus. Mais, à une époque où sur certains vols, le montant des taxes payées par les passagers est supérieur au prix du billet, est-ce que ces mêmes passagers n’accepteraient pas de payer un seul euro de plus par vol, s’ils étaient convaincus que cela contribuerait à améliorer sensiblement le niveau de sécurité du transport aérien ? * Les mécaniciens au sol (j) TOP Il existe plusieurs spécialisations de mécaniciens au sol. Celui que les passagers peuvent habituellement voir est le mécanicien qui est chargé des visites en escales (de transit, journalières, pré-vol, hebdomadaires). Pour tous les vols en transit, il assure les opérations d’assistance technique au sol pendant l’escale (inspection visuelle extérieure de l’avion, surveillance et contrôle des pleins carburant,...). Dans certaines escales, d’autres techniciens peuvent intervenir : Le mécanicien armement cabine (k) ; le spécialiste moteurs, ou instruments de bord, ou circuits électriques, ..... Si certains travaux de réparation ont été faits sur l’avion, la présence d’un responsable est également nécessaire afin de valider la réparation qui a été faite et d’autoriser l’avion à repartir (l). Dans l’exercice de leurs fonctions, tous les intervenants : -
consultent le contenu du CRM (compte rendu matériel) rédigé
par l’équipage ; La formation de technicien de maintenance aéronautique est assurée par des écoles spécialisées (n) et elle est codifiée essentiellement par deux textes (o). Ces multiples spécialisations offrent un débouché, non seulement auprès des compagnies aériennes, mais également des centres de maintenance agréés, des constructeurs, de l’armée de l’air (p). Évoquant toutes les spécialisations de mécano, cela me remet en mémoire plusieurs pannes survenues dans des escales isolées. Tous ensemble, avec le mécanicien navigant et le mécanicien au sol, avions travaillé toute la journée, voire une partie de la nuit pour effectuer la réparation. Ainsi, le matin, le départ de l’avion à l’horaire programmé avait pu être assuré...... avec la profonde joie intérieure - certes très personnelle, mais ô combien intense - que procure la satisfaction de la mission accomplie. Rendre
hommage aux mécanos (q)
- ces personnages méconnus,
voire inconnus des passagers - est une reconnaissance de leur
essentielle contribution à
la sécurité aérienne. TOP |
Bonjour, 1.-
Chronique d’août 2006 2.- L’AMPAA 3.- Publicité Concorde du Musée de l’air 4.- Chroniques de juin : "Les
aiguilleurs du ciel" Réponse : Il s’agit de la traduction de "black box" (terme de cybernétique), signifiant "enregistreurs de vol". Il ne sont pas noirs (comme le suggère leur appellation), mais de couleur orangée. Deux (le FDR et le QAR) enregistrent de nombreux paramètres de vol, du décollage à l’atterrissage. Un (le CVR) enregistre les bruits émis dans le cockpit (communications radio, échanges entre les pilotes, alarmes, bruits divers) sur une bande en boucle contenant toujours les enregistrements des 30 dernières minutes du vol. 6.-
Dernier envol de « la croix du sud » piloté par Jean Mermoz 7.- Ouvrages 8.- Communiqué du
GFH - Groupement Français de
l’Hélicoptère 9.- Publication de l’Académie Nationale de l’Air et de
l’Espace
10.- Pour tous les passionnés
d’air et d’espace En espérant que vous avez passé - ou allez passer - de bonnes et reposantes vacances, bien cordialement. Jean Belotti NOUVELLES EDITIONS LATINES TOP
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