Le 11 octobre 2006, un monomoteur s'écrase contre le 21ième
étage d’un immeuble de 50 étages d'un quartier de
Manhattan, à New York (a).
Premier bilan : Deux personnes y ont trouvé
la mort, dont une star du baseball qui se trouvait à bord. Neuf personnes ont
été
blessées, ainsi que quatorze
pompiers et deux officiers de police.
Craignant qu’il s’agisse d’un nouvel attentat terroriste, des
centaines de personnes qui étaient
dans l’immeuble, prises de panique, sont spontanément descendues dans la rue, où une quarantaine de compagnies
de pompiers bouclèrent
rapidement le périmètre autour de l'immeuble.
Aussitôt, un
incendie s'est déclaré dans la tour. Tous les
immeubles voisins ont été évacués et le quartier bloqué.
Bien sûr, avec les
accidents survenus aux Etats-Unis depuis 5 ans (b), cet
événement
a ravivé le drame du 11
septembre 2001 dans la mémoire
collective. S’inscrit-il dans la suite des actions terroristes ?
Les autorités américaines ont aussitôt exclu tout lien entre cet
événement
et un acte terroriste. Si cette affirmation rassurante peut s’expliquer
et se justifier pour ne pas inquiéter
le public, il reste que cette hâtive
conclusion appelle quelques commentaires.
* Ce qui est connu, d’après
les médias :
- Le petit avion, un Cirrus SR20, appartenait
à un célèbre joueur de baseball des
Yankees de New York, Cory Lidle, 34 ans, lui même pilote depuis quelques mois,
qui a trouvé la mort dans
l'accident.
- L'autre victime, à
bord de l'avion, est le pilote instructeur M. Lidle.
- L'avion après
avoir décollé de l'aéroport de Teterboro, dans l'Etat
du New Jersey, a volé autour
de la Statue de la Liberté,
puis s'est dirigé vers le
lieu où s’est produit l'écrasement, dans l'est de
Manhattan, avant de disparaître
des écrans-radars (c).
- L’avion a percuté
la tour, de plein fouet (car une violente explosion a été
entendue par de nombreux témoins)
où, aussitôt, au niveau de l’impact, des
flammes se sont échappées de deux étages de l'immeuble percuté, dégageant
une fumée noire visible de très loin.
* Ce qui est inconnu :
- Qui pilotait l’avion ?
- Dans cet avion de quatre places, y avait-il un autre, voire
deux autres passagers à
bord ?
* Interprétation
des faits
Alors, à ce
stade, il convient tout d’abord :
- de s’étonner que
les autorités américaines - tellement vigilantes
et tatillonnes quant à
l’application des mesures de contrôles
draconiennes imposées aux
passagers arrivant sur leur territoire - n’aient pas interdit le survol
de cette zone par des petits appareils, lesquels représentent également un
risque potentiel non
négligeable (d).
- de faire remarquer que dès
lors que lesdites autorités déclarent qu’il ne s’agit pas d’un
acte terroriste, on ne voit pas pourquoi le gouvernement américain a, aussitôt, envoyé par précaution des avions de chasse
survoler plusieurs villes américaines
et a relevé le niveau de sécurité
de manière significative à New York.
Quant à l’hypothèse de l’accident, elle ne peut être validée qu’après réponse
à la question : "Pourquoi
l’avion a-t-il percuté
l’immeuble en vol horizontal ?"
1.- "Aucun des deux pilotes n’a vu l’immeuble, l’avion
volant dans les nuages". Cause rejetée,
car il est certain que la visibilité était excellente.
2 - "Arrêt du
moteur". Il peut être dû à
plusieurs causes : panne mécanique,
défaut d’alimentation en
carburant, le réservoir étant vide,... Dans ce cas, la réaction du pilote est de choisir
l’endroit le plus propice ou le moins dangereux pour effectuer un
atterrissage de fortune. Les pilotes de monomoteurs volant uniquement à vue sont normalement entraînés
à observer, pendant tout le
vol, le relief et les indications leur permettant d’estimer la force et
la direction du vent (fumées)
en se disant : "en cas de panne moteur, maintenant, je choisirais de me
poser sur ce champ,... sur cette autoroute" (e).
Au sujet du vol concerné,
en cas d’arrêt du moteur,
surtout avec la présence
d’un pilote instructeur, ce dernier, de l’endroit où volait l’avion :
- aurait eu le temps de passer un message à la tour de contrôle avec laquelle il
était en liaison, ce qui devrait être facile à vérifier
;
- avait le choix entre se poser sur l’East River, toute
proche... voire sur une route, même
encombrée de voitures, à vitesse réduite à la limite du décrochage.
Cette cause de l’arrêt
d’un moteur ne peut également être retenue pour justifier
le crash, car :
- en cas de panne moteur, l’avion ne peut continuer son vol
en ligne droite ;
- de plus, on ne voit pas pourquoi, un pilote, constatant que
son moteur s’est brutalement arrêté dirigerait son avion pour
s’encastrer dans un immeuble !
3.- "Décrochage
de l’avion" (f). Cause ne pouvant
être retenue car, dans ce cas,
l’avion n’est pas en vol horizontal.
4.- "L'inhibition". Elle conduit
à l'erreur et naît d'une absence momentanée du pilote, due au fait que
dans certaines configurations de vol - au cours d'approches longues et
difficiles - il est "débordé".Tout se déroule très vite et il lui est impossible
de saisir complètement ce
qui se passe dans son champ de perception. Le cerveau ne pouvant gérer séquentiellement
qu'un certain nombre de facteurs, les autres ne sont pas pris en
compte, pendant un certain laps de temps. On constate, alors, une sorte
de focalisation, de fixation sur un élément particulier au détriment des autres
éléments à prendre en compte qui,
eux, semblent oubliés. Cause également non retenue car le
vol était très court, il n’y avait pas de
situation complexe à gérer et il y avait deux pilotes à bord.
5.- "Incapacité
subtile" (g) Plusieurs cas d'incapacité
évidente
(décès) ou d'"incapacité subtile" connus ont conduit à une sensibilisation des
équipages à ce phénomène,
pendant les phases critiques de vol. Cause rejetée pour les mêmes raisons que l’"inhibition".
6.- "Décision
suicidaire personnelle". Quelques cas sont connus, ayant pour
origine de graves difficultés
personnelles de différentes
natures. Etant donné qu’il y
avait deux pilotes à bord,
l’action suicidaire d’un des deux pilotes aurait été
contrée par l’autre pilote,
sauf à envisager :
- qu’un désaccord
de l’un des pilotes, a été suivi d’une lutte entre eux
ayant abouti à neutraliser
celui qui s’opposait à
l’acte suicidaire ;
- que les deux pilotes avaient - d’un commun accord - choisi
cette option, conformément à une décision collective, telle que suggérée
- voire organisée - dans
certaines sectes.
L’enquête devrait
permettre d’obtenir des informations quant au champ relationnel des
deux pilotes et quant à
leur bilan "psy".
7.- "Décision
suicidaire terroriste". Une fois - espérons
le - écartée celle des pilotes, il reste à prendre en compte la présence d’un ou de deux autres
passagers à bord de
l’avion, lesquels, après
avoir neutralisé les deux
pilotes auraient dirigé
l’avion jusqu’à son écrasement contre l’immeuble.
L’enquête déterminera probablement le nombre
de personnes qui étaient
effectivement à bord de cet
avion.
* Conclusion
Certes, on ne peut écarter
l’existence d’autres causes que l’enquête
révélera probablement et, dans cette
attente, il convient de rester prudent quant à celles effectivement à l’origine de cet
événement.
Cela étant dit,
il reste à mettre en
exergue les conséquences sur
l’industrie :
- Le doute qui existe sur la cause déclarée
de cet événement, contribue à augmenter la crainte de
nouveaux attentats terroristes dans les avions.
- Des initiatives - après
avoir été abandonnées - reviennent sur le tapis,
telle que la présence à bord de policiers en civil, armés. J’ai décrit les effets néfastes d’une
telle décision (h), sans oublier
les coûts supplémentaires, qui seraient, une
nouvelle fois, supportés pas
les compagnies et les passagers.
- La peur de l’attentat terroriste avec comme cible un avion,
entraîne le durcissement des
mesures de sûreté dans les aéroports : nouvelles mesures sur
la limitation des fluides et liquides en cabine ; diminution de la
taille autorisée des bagages
en cabine ; plusieurs fouilles successives ; intrusion dans
la vie privée des passagers,
au sujet desquels jusqu’à 60
données personnelles sont prévues par dossier de réservation, alors qu’actuellement
déjà 34 données, sur chacun des passagers,
sont transmises aux autorités
outre-Atlantique par les transporteurs desservant les Etats-Unis ;
allongement des formalités
d’embarquement... jusqu’à 3
heures !
- Avec les taxes de plus en plus élevées (des autorités, aéroports,
compagnies (i)) supportées
par les passagers, cela ne peut que contribuer à une désaffection du voyage aérien. Pas forcément pour les hommes d’affaires
qui ont des obligations professionnelles de déplacement, mais pour les
touristes. C’est alors que les plus pénalisés seront les intervenants de
l’industrie des voyagistes.
Finalement, même si
d’aucuns admettent que toutes les autorités
et organismes impliqués ne
peuvent pas faire autrement que de renforcer ces mesures de sûreté,
quels qu’en soient les effets pervers, force est de constater :
- qu’aucune réponse, à ce jour, n’a
été
apportée à la question de savoir combien,
effectivement, d’actions terroristes en vol ont été évitées grâce
aux systèmes mis en oeuvre (j)
;
- qu’aucune information n’a été communiquée relative
à une analyse du niveau du risque
d’attentats terroristes en vol, en fonction du degré d’intérêt
porté par les kamikazes à ce mode de transport, après les quatre détournements du
11 septembre 2001
(k).
Lorsque l’on a vu le film "La bataille de l’eau lourde" ou
"Les canons de Navaronne" où
une poignée d’hommes arrive à faire exploser une usine
super-protégée ou les canons de contrôle du détroit de Gibraltar, il est
permis de penser que si un attentat terroriste sur un avion était envisagé ce n’est pas
à travers les filtres de police
actuels que les terroristes auraient eu accès à l’avion....
La santé du
transport aérien est très fragile. Depuis une
cinquantaine d’années, il ne
cesse de sortir de crises et, à
peine rétabli, doit faire
face à des contraintes de
toutes natures, de plus en plus pénalisantes,
aussi bien pour la sécurité des vols, la sûreté,
que pour le bon fonctionnement général de tout ce qui touche au
voyage.
Il reste à
renouveler l’espoir que les efforts engagés
par les gouvernements permettront, qu’enfin, la paix règne sur la terre.
_______
a.- Immeuble "Le Belaire" 72ième rue /York Avenue, qui
longe l'East River, à l'est
de Manhattan. retour dans le texte
b.
- 12 novembre 2001 : Deux mois après le drame du 11 septembre, un
A-300 d’American Airlines, s'écrase
peu après son décollage de l'aéroport JFK, sur une zone résidentielle du Queens à New York. Les 251 passagers et
9 membres d'équipage sont tués.
- 8 janvier 2003 : Un Beech 1900 d’US
Airways s'écrase sur un
hangar, peu après son décollage. Les 2 pilotes et les 19
passagers sont tués.
- 19 octobre 2004 : Un BAe Jetstream 32 opérant pour American Connexion,
une petite compagnie privée,
s'écrase à quelques kilomètres de l'aéroport de Kirksville en raison
du manque de visibilité. Les
2 pilotes et 11 des 13 passagers sont tués.
- 19 décembre
2005 : Un hydravion Grumman G-73T Mallard opérant pour Ocean Airways s'abîme en mer près de Miami, peu après son décollage. Les 2 membres d'équipage et les 18 passagers sont
tués.
- 27 août 2006
: Une cinquantaine de personnes sont tuées
dans la chute d'un avion de transport régional,
peu après son décollage de l'aéroport de Lexington (Kentucky,
centre-est). retour dans le texte
c- Dixit le maire de New York, Michael Bloomberg, retour
dans le texte
d.- "Le survol de Manhattan est autorisé pour les petits appareils",
aurait indiqué la
porte-parole de l'autorité fédérale
de l'aviation américaine (FAA), Diane
Sticaliere. retour dans le texte
e.- Conformément
à ce qui nous avait été
enseigné pendant le stage
d’instructeur au Centre National de Saint-Yan, lorsque j’étais instructeur dans un aéro club, lors des exercices de
navigation, je posais plusieurs fois cette question à l’élève pilote et je commentais sa réponse en lui transmettant mes
conseils, afin d’affiner son jugement. Lors des vols d’entraînement dans la zone d’aérodrome, plusieurs fois, je réduisais brutalement les gaz, en
observant le comportement de l’élève et en vérifiant qu’il ne s’engage pas
dans une manoeuvre dangereuse. retour dans
le texte
f.- Le décrochage
survient lorsque la vitesse passe en dessous d’une certaine valeur,
bien connue des pilotes. L’avion ne volant plus, tombe généralement
en avant, mais tout pilote connaît
la manoeuvre à faire pour
sortir de cette situation. retour dans le texte
g.- L'"incapacité
subtile" traduit un fonctionnement partiel du cortex cérébral
du pilote, ce qui est un des cas les plus dangereux qui puisse exister.
En effet, le pilote garde les yeux ouverts, ses mains restent sur les
commandes et il paraît
parfaitement normal. Mais, il n'a aucune réaction
face aux événements et aux modifications de
son environnement. Seule la vigilance du deuxième pilote permet d'en faire le
constat, le plus rapidement possible, surtout dans les phases cruciales
du vol. retour dans le texte
h.- Ma chronique de mars 2004 : "Pilotes de ligne : ni
shérifs, ni suicidaires".
retour dans le texte
i.- Les compagnies supportent les coûts liés
aux dépenses sécuritaires engagées (portes blindées, personnels supplémentaires, pertes dues aux
retards induits par la longueur des contrôle
et à la désaffection de passagers ayant
choisi un autre mode de transport ou simplement reporté, voire annulé leur voyage). Elles répercutent donc une partie de ces
coûts supplémentaires sur le prix des
billets, comme, également,
lors de la forte augmentation du prix du carburant. retour
dans le texte
j.- Question autrement posée
: "Le jeu en vaut-il la chandelle ?". La réponse
dépend peut-être de celle faite à la question suivante : "Combien
de vies humaines auraient été sauvées
dans le transport routier si les dizaines de millions de dollars dépensés
depuis 5 ans avaient été affectés à
améliorer le réseau routier, les moyens des
SAMU ; à intervenir auprès des constructeurs afin qu’au
lieu de construire des voitures qui atteignent les 200 km/heure, ils
les renforcent ; à
contribuer au financement de routes contournant les agglomérations, dans lesquels les récentes statistiques dévoilent - à tout le moins en France - que
le taux d’accident est en augmentation, alors qu’il est en baisse sur
les grands axes.... etc... retour dans le texte
k. - Ma chronique de septembre 2006 : "11 septembre
2006, cinq ans déjà". retour
dans le texte