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À quoi peut
servir cette quatrième campagne de recherche des boîtes
noires de l’accident de l’AF447 survenu le 1er juin 2009 ?

Il convient
tout d’abord de retenir que si toute la communauté
aéronautique, Administration de tutelle, BEA, Air France,
Airbus, ont décidé de lancer cette nouvelle phase de
recherche des boîtes noires, c’est, bien sûr, que la
probabilité de les retrouver a été estimée
suffisamment élevée pour justifier le lancement de
l’opération. Il est vrai qu’en cas de réussite, de
précieux enseignements pourraient en être retirés
pour la sécurité des vols. Cela étant dit,
à ce jour, il n’y a aucune certitude sur l’exploitation qui
pourra en être faite, après plus d’un an et demi
d’immersion à une grande profondeur.
Pouvez-vous,
en quelques mots, nous dire pourquoi les informations contenues dans
ces fameuses deux boîtes noires sont si importantes pour
connaître la cause d’un accident ?
Bien
sûr, c’est une connaissance essentielle, ici
résumée pour vos lecteurs non initiés. L’une (CVR)
enregistre tous les sons entendus à l’intérieur du
cockpit, conversations, communications radio, alarmes, bruits
divers,... L’autre (FDR) enregistre de très nombreux
paramètres de vol : altitude, vitesse,
accélérations, caps, etc... Les modèles actuels
sont des enregistreurs numériques qui ont remplacé le
support magnétique par une carte mémoire à base de
mémoires non volatiles du type “Flash”, d’où
l’appellation de SSFDR (Solid State Flight Data Recorder) qui apporte
une fiabilité de restitution nettement supérieure
à l’enregistrement sur bande magnétique. De plus, la
miniaturisation de la capacité mémoire a permis
d’augmenter le nombre de paramètres enregistrés
(plusieurs centaines), les fréquences d’échantillonnage
ou la durée d’enregistrement (certains modèles offrent
une capacité d’enregistrement de cinquante heures ou plus).
Quant au CVR, il a aussi bénéficié de cette
évolution technologique, avec non seulement l’enregistrement du
son en format numérique, mais aussi une durée
d’enregistrement pouvant être portée à deux heures
(contre une demi-heure pour les CVR à bande magnétique).
Pourquoi les
chances de retrouver ces boîtes seraient-elles plus importantes
que celles des précédentes recherches ?
Pour deux
principales raisons. La première est que la zone de recherche a
été bien définie autour de la dernière
position estimée de l’avion. La seconde est que les moyens mis
en oeuvre sont mieux adaptés à ce type de recherche,
comme l’a précisé le secrétaire d’Etat
chargé des Transports : «Cette campagne de localisation
fera appel aux meilleurs équipements disponibles actuellement
».
Mais si l’on
tient compte du coût des précédentes campagnes
auquel s’ajoutent les neuf millions d'euro € de celle-ci, on peut se
demander s’il n’y a pas un maximum à ne pas dépasser
dès lors qu’il reste un doute sur l’efficacité de
l’engagement de tels montants ?
Si vous
pensez aux familles des victimes, vous admettrez que la
sécurité n’a pas de prix. De plus, ces montants qui
paraissent élevés sont bien peu de chose par rapport
à d’autres dépenses que je ne décrirai pas ici. En
revanche, il reste une question, celle de savoir si ces montants
doivent être supportés uniquement par Airbus et/ou Air
France ? Réponse : lorsque l’on connaîtra les causes de
l’accident et que la justice aura localisé les
responsabilités éventuelles.
Puisque vous parlez
de responsabilité, on apprend qu’Air France se disculpe quant
aux causes de l’accident et que la justice prend, elle aussi, position.
Ces réactions ne sont-elles pas prématurées ?
Sans
commenter ce qui a déjà été diffusé
sur le comportement des uns et des autres, notons, effectivement,
qu’Air France a décliné toute responsabilité sur
les sondes Pitot, en déclarant ne pas avoir été
entendue par Airbus et Thalès, le fabriquant desdites sondes.
Les autres intervenants se sont montrés plus prudents :
-Airbus attend
les conclusions des enquêtes judiciaire et technique en cours et
a déclaré: “Sans les boîtes
noires, la cause de l'accident tragique du vol Air France 447 ne pourra
pas être identifiée".
-Le BEA a confirmé : “Il sera impossible
de déterminer précisément les causes de l'accident
sans les boîtes noires” ;
-Thalès attend également le
résultat de l'enquête du BEA.
Quant à la Justice, il est connu qu’elle a
besoin d'une certitude dans le lien de causalité entre un
événement et ses conséquences. Sans cette
certitude, les faits relevés sont inopérants et la
Justice ne peut pas dire le droit. Or, ce qui est surprenant, c’est
d’apprendre que la Justice -en ne s’appuyant que sur une simple
“déduction”- a considéré qu'il puisse y avoir une
défaillance synonyme de faute pénale et a reconnu, de
surcroît, avant la conclusion des enquêtes technique et
judiciaire à : “l'existence d'une faute pénale" lors de
cet accident.
Mais dans
l’hypothèse où les boîtes noires seraient
retrouvées -entre fin mars et début juillet, durée
de la campagne- les informations recueillies seront-elles suffisantes
pour savoir ce qui s’est effectivement passé ?
Aucune
certitude. En effet, il convient de savoir que les informations
recueillies dans les enregistreurs de vol permettent de constater un
dysfonctionnement, une panne, une dégradation de certains
paramètres de vol en fonction du déroulement du temps,
ainsi que le comportement de l’équipage. C’est
précisément parce que l’évolution des constats est
enregistrée pendant un certain temps qu’elle permet aux
enquêteurs de découvrir la cause principale de l’accident,
ainsi que les facteurs contributifs éventuels. Or, dans cet
accident, tout s’est passé très vite, dans un laps de
temps extrêmement court, ce qui fait qu’on ne peut pas
écarter le cas où :
-l’enregistrement
sonore ne permettrait pas d’entendre une éventuelle analyse de
la situation par les deux pilotes, mais
simplement quelques mots brefs, insuffisants pour conclure ;
-l’enregistrement des paramètres de vol ne
montrerait qu’une brutale dégradation, sans que pour autant on puisse en connaître la cause :
foudroiement, givrage des sondes, check-list appropriée
non
effectuée,
décrochage
grande
vitesse,...
Mais de
nombreux messages automatiques ayant été envoyés
depuis l’avion, ne sont-ils pas déjà suffisants pour
avoir une idée de ce qui a pu se passer ?
Ce sont les
messages “acars” (Aircraft Communications Addressing and Reporting
System) qui, l’avion étant en vol, sont transmis automatiquement
aux services de maintenance, dès qu’un dysfonctionnement ou une
panne est constatée. Ainsi, à l’escale de destination, le
nécessaire peut être fait afin d’être prêt
à remplacer le système défaillant. Le fait que
toute une série de messages ait été envoyée
en quelques minutes signifie la survenance d’un événement
ayant atteint l’ensemble des systèmes cités. Vous savez
déjà ce qui a été annoncé : le
pilote automatique s'est désengagé ; un système
informatique clé est passé en mode d'alimentation de
secours ; les moyens de contrôle nécessaires pour assurer
la stabilité de l'avion ont été endommagés
; une alarme a montré une dégradation des systèmes
de vols. Puis, trois minutes plus tard : une défaillance des
systèmes de contrôle de la vitesse de l'altitude et la
direction ; le contrôle du principal ordinateur de vol, entre
autre, est également tombé en panne ; enfin et
indiqué une dépressurisation de la cabine et une
défaillance électrique totale. Si une telle
dégradation est vraie, alors il est évident que la
situation catastrophique dans laquelle se sont trouvés les
pilotes était irrécupérable. C’est ce qui
expliquerait pourquoi aucun d’eux n’a passé de message de
détresse.
Puisqu’il a
été dit que les sondes avaient givré et
envoyé des informations erronées aux calculateurs de
bord, pouvez-vous nous expliquer brièvement quelle est leur
fonction ?
Pour faire
court, en mesurant la pression atmosphérique et
aérodynamique (tube pitot pointé face au vent), ces
sondes permettent de mesurer la vitesse aérodynamique. Retenez
simplement qu’elles envoient une information de vitesse qui sera
utilisée par plusieurs ordinateurs de bord. Comme vous le savez,
l’A330 a des commandes de vol du type “Fly by wire” où il n’y a
pas de commande directe par câbles. C’est ainsi que lorsque le
pilote agit sur son “manche” appelé “side stick”, l’ordre est
transmis à plusieurs ordinateurs qui -en prenant en compte de
nombreuses informations- ont l’interpréter selon des consignes
inclues dans ce que l’on nomme une “Loi Normale” assurant une
protection contre les facteurs de charges élevés, les
vitesses excessives, le décrochage de l’avion, etc... Or,
dès lors qu’une information essentielle -comme celle de la
vitesse transmise par les sondes -est erronée, le système
passe en modes dégradés (lois alternatives 1 puis 2)
fournissant moins de protection. À ce jour, il n'y a aucun lien
établi entre un problème sur ces sondes de calcul de
vitesse et l'accident de l'avion.
Une conclusion ?
Il n’y a pas
à conclure, mais seulement à constater cet exceptionnel
empressement, au fil des mois, à imaginer des hypothèses,
des affirmations rapidement démenties. Et, comme les
médias n’ont pas toujours suffisamment de cas concrets à
se mettre sous la dent, une chaîne TV s’est même
abaissée à faire parler des témoins (visage
caché et voix déformée), pour alimenter le doute,
la peur dans le public, par des témoignages anonymes. Pourquoi ?
Pour jeter la suspicion sur les pilotes qui n’ont pas fait ce qu’ils
auraient dû faire, sur la compagnie qui n’entretient pas bien ses
avions, sur le constructeur qui fourni du matériel dangereux,
sur l’Administration de tutelle qui ferme les yeux,... La
vérité c’est que les efforts de tous, depuis des
années, ont permis, alors que le nombre de passagers est en
constante augmentation, de réduire considérablement le
nombre de décès survenus à la suite d’accidents
aériens, ce que j’ai démontré à plusieurs
reprises et d’améliorer la sécurité du transport
aérien qui reste le moyen de transport le plus sûr.
Alors, laissons oeuvrer les experts dans le calme, en formant le voeu
qu’ils réussissent à trouver les causes et facteurs
contributifs à la survenance de ce drame.
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1.- Chronique de
févier 2011
Cette chronique (dans le
fichier joint) reproduit l’interview de Tourmag, consacrée
à la nouvelle campagne de recherche des boîtes noires du
vol Rio-Paris, AF 447, accident du 1er juin 2009.
2.- Mon CD

Je remercie très
sincèrement mes amis et fidèles lecteurs ayant
été intéressés par mon CD
(présenté dans le fichier joint) ce qui, pour moi,
indépendamment de l’aspect musical, est une marque de
remerciement et d’encouragement pour la rédaction
bénévole de chroniques depuis plus de dix ans et pour les
réponses personnelles faites gracieusement aux questions
posées par des centaines de lecteurs.
3.- Ouvrages
==> "L’aérodynamique
de
l’avion
subsonique
expliquée
aux
oiseaux" de Jean-Paul
Vaunois.
Pilote et
aérodynamicien depuis 1969, l’auteur a travaillé de l’ULM
au véhicule spatial, en passant par Hermès... et
l’A400M.Ce livre intéresse particulièrement les pilotes
de montagne. Enfin, des explications de l’aérodynamique de
manière simple et didactique. Commande sur : www.volez.com, ou par téléphone au 01
49 74 69 62, ou en contact sur : vaunois@wanadoo.com. Prix: 38 Euros +port.
==> "Le Jaguar
dans ses missions de Guerre électronique" (2007). "Les
avions de renseignement électronique" (2009).
Le Colonel Bernard
Agnard - pilote de mirage IV, puis conseiller militaire - après
avoir, en 2003, créé le Comité Historique de
l'Association Guerrelec, a fait publier plusieurs ouvrages, dont les
deux cités, avec l’objectif de laisser un témoignage
écrit de cette grande aventure de la "guerre électronique
française" pendant la Guerre Froide. Ils contiennent les
témoignages inédits des acteurs de ce domaine
(ingénieurs de la DGA, industriels et, bien sûr, les
opérationnels utilisateurs). Les curieux de ce monde
méconnu n’hésiteront pas à se plonger dans ces
très riches pages. Editeur : Lavauzelle.
Noter que les droits
d'auteurs de ces ouvrages collectifs sont reversés à l'
"Association des Ailes Brisées" et à la "Fondation des
Œuvres Sociales de l'Air".
4.- Vous avez peur en
avion ?
Alors, pour mettre fin
à votre angoisse, aux côtés d’un instructeur,
prenez les commandes d’un avion de ligne sur un simulateur moderne. On
s’y croirait vraiment ! Où ça ? Près de Dinard.
Pour tout renseignement :www.envolplus.com ou
Pierre
Buffet
:
06
80
46
94 35.
5.- Informations sur le
métier de PNC
(Personnel Navigant
Commercial).
Concernant les questions
sur les carrières d’hôtesses de l’air et stewards, il
existe un super site avec de très nombreuses informations : www.pnc-contact.com.
6.- Rallye aérien
Toulouse Saint-Louis du Sénégal
(du 1er au 9 octobre 2011)
Fantastique aventure
aéronautique mise à la disposition des pilotes
privés, dans des conditions de sécurité maximum
grâce à une équipe d'organisation rodée
ayant participé à plus de 20 rallyes pour certains de ses
membres. Contact : airaventure@wanadoo.fr
Tout sur le prochain
rallye d'Air Aventures : http://www.rallyetoulousesaintlouis.com
Bien cordialement
Jean Belotti
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