Quel aplomb (aisance dans l'écriture touchant à l'insolence)
Lu dans  2010 09 16 Le Monde suppl. Aéropostale.pdf
du blablabla



Rien ne prédisposait en revanche Marcel Bouilloux-Lafont à s’intéresser  à l’aviation.
Ce banquier et entrepreneur français installé au Brésil a 55 ans quand, en 1926, Pierre  Georges Latécoère vient lui demander son appui pour lancer sa ligne aérienne en Amérique du Sud.

Dans ce pays, qu’il a découvert  vingt ans plus tôt, il a déjà construit des ports et des voies de chemins de fer. Lui qui a débuté dans la banque familiale d’Etampes  est surnommé par les Américains le «Tycoon», le patron.
«Mon premier mouvement a été de dire non. Mon second mouvement a été d’examiner le dossier», racontait celui pour qui «les affaires d’aviation» étaient des «affaires en l’air», lui qui avait, dit-il, l’habitude de «mettre ses capitaux dans des affaires plus terre à terre».
Maire d'Étampes* (1912-1929), conseiller général de Seine-et-Oise (1919-1932).
N'importe quel individu peut comprendre que maire de la ville d'Etampes, un des berceaux de l'Aviation française, on ne pouvait pas être indifférent à tout ce qui volait


Pour les Américains:
Marcel Bouilloux-Lafont est le plus grand visionnaire parmi tous les promoteurs des compagnies aériennes du monde,   Ron Davies

L'AÉROPOSTALE
 
  

Ci-dessous est le cache Google de http://www.ladressemuseedelaposte.com/Popups/Salle_8/art96.htm.   SOURCE
Il s'agit d'un instantané de la page telle qu'elle était affichée le 2 sept. 2011 10:17:32 GMT

Né à Angoulême le 9 avril 1871, Marcel Bouilloux-Lafont fait ses études à Etampes puis à l'université de Paris. Après avoir envisagé d'abord une carrière d'avocat, il y renonce pour collaborer à la gestion de la Banque Bouilloux-Lafont que son père avait fondée en 1855. Il fonde également la Caisse commerciale et industrielle, banque spécialisée dans les prêts à l'étranger. En 1907 il part au Brésil car le président des docks de Bahia recherchait les fonds nécessaires à la construction du port. En 1912, Marcel Bouilloux-Lafont devient maire d'Etampes, et contribue efficacement au développement de cette ville. Il le sera jusqu'en 1929. Puis vient la guerre. Il est mobilisé, mais en 1915, le général Joffre lui confie une mission dans le but de défendre les intérêts français et la cause des alliés en Amérique du Sud. Après la guerre, Marcel Bouilloux-Lafont, confiant dans l'immense avenir du Brésil, entreprend toute une série de travaux dont les plus importants sont : la construction et administration des ports de Bahia, Vitoria, Rio, Niteroi, la construction et l'exploitation des chemins de fer de l'est brésilien, la fondation du Crédit Foncier du Brésil et de la Cia Brazileira de Imoveis qui construisit à Rio une partie importante des nouveaux quartiers. Rien ne prédestine Marcel Bouilloux-Lafont à entrer dans le domaine de l'aviation. Et pourtant, lorsqu'en 1926, Pierre Latécoère, qui se heurte à des difficultés insurmontables pour prolonger sa ligne aérienne postale Toulouse - Dakar en Amérique du Sud, vient le trouver, Marcel Bouilloux-Lafont, d'abord sceptique, finit par racheter l'entreprise de l'industriel toulousain. Son esprit patriote ne supporte pas de voir la France devancée en Amérique du Sud par la concurrence étrangère, notamment allemande. Il crée ainsi la Compagnie Générale Aéropostale (CGA) (nom qu'il choisit lui-même) et dans des délais très courts réalise, par l'intermédiaire de sa puissante société sud-américaine de travaux publics (SUDAM), une gigantesque infrastructure, indispensable à une ligne aérienne commerciale : ses capitaux financent en Amérique du Sud la construction de 15 aérodromes équipés de TSF, radiogoniométrie, hangars et ateliers pour l'entretien des avions etc. En 1930, la Compagnie Générale Aéropostale exploite un réseau de 17000 kilomètres, rassemblant 80 pilotes, 250 mécaniciens, 53 radios, 250 marins. Elle possède 218 avions, 21 hydravions et 8 navires. Cet effort technique et financier gigantesque est également orienté par le biais de sociétés affiliées à l'Aéropostale vers l'implantation du réseau dans les diverses nations sud-américaines comme l'Argentine (Aeroposta Argentina), Uruguay (Aeroposta Uruguaya), Brésil (Aeroposta Brazileira) Vénézuela (Aeroposta Venezolana). Dans ces sociétés, les pilotes nationaux, au coude à coude avec leurs amis français (Vachet, Mermoz, St-Exupéry, Guillaumet etc.), ont œuvré pour l'enracinement et le prolongement du réseau.
En 1930, Marcel Bouilloux-Lafont, qui a, malgré la concurrence étrangère, obtenu les contrats et autorisations nécessaires dans 8 pays d'Amérique du Sud, acquiert, également, auprès des autorités portugaises, l'exclusivité de l'accès à l'Atlantique Sud et Atlantique Nord pour les ailes commerciales françaises.
Bien que président de la Compagnie Générale Aéropostale, Marcel Bouilloux-Lafont partage la vie de ces hommes extraordinaires formant son équipe. Parmi eux, Jean Mermoz est pour lui un ami fidèle. Il a appris à piloter à son vieux président, qui est d'ailleurs témoin à son mariage. Le 26 mai 1930, Mermoz écrit à Marcel Bouilloux-Lafont " Vous êtes un peu, beaucoup des nôtres, vous avez tenu à vivre vous-même l'existence d'un pilote de courrier, vos 33 000 kms aériens parcourus sur tous les tronçons le prouvent…Vous avez su partager nos enthousiasmes, comprendre tout ce qu'il y avait en votre personnel de forces neuves, vous avez eu confiance en nous… et vous savez…vous saurez désormais que l'affection et le dévouement de nous tous vous est acquis ".
Mais, dès le début de 1930, les difficultés financières deviennent insurmontables. Les banques du groupe Bouilloux-Lafont, qui soutiennent en partie l'Aéropostale, sont à bout de souffle à cause du krach de Wall Street en automne 1929, et de la révolution brésilienne d'octobre 1930. En France, le Parlement n'arrive pas à se prononcer sur les projets successifs proposés par le Gouvernement pour l'élaboration d'un statut de l'Aéronautique Marchande. Une convention signée le 2 août 1929, entre le Ministère de l'Air et les Bouilloux-Lafont, convention qui aurait pu sauver la Ligne, n'est même pas présentée au Parlement pour ratification. De son côté Marcel Bouilloux-Lafont ne peut, où qu'il se tourne trouver un partenaire disposé à renflouer son groupe. Il exige de l'Etat des moyens de trésorerie provisoires dans l'attente du vote d'une convention. Refus de Ministère… On en arrive à envisager la création d'un comité de gérance nommé par le Ministère. Cette formule séduit les députés socialistes qui la font adopter par la Chambre. Le Sénat plus favorable aux Bouilloux-Lafont repousse le texte et lui substitue une proposition de subvention supplémentaire d'attente de 6 millions. Mais le ministre Dumesnil (le Premier ministre est Pierre Laval depuis le 27 janvier 1931) déclare qu'il n'acceptera en aucun cas de verser la subvention tant que la CGA n'aura pas déposé son bilan. C'est ainsi que fut asséné le coup définitif qui mit fin à l'action du Groupe Bouilloux-Lafont dans l'Aéropostale. Le bilan est, en fait, déposé le 28 mars 1931 et dès le 31 de ce même mois la Compagnie Générale Aéropostale est admise au bénéfice de la liquidation judiciaire. S'en suivit une cabale politico-financière, transformée en un énorme scandale attisé par les ennemis des Bouilloux-Lafont qui désiraient leur élimination de la scène aéronautique. En 1932, André Bouilloux-Lafont, fils de Marcel, et administrateur-délégué de la Compagnie Générale Aéropostale, devient lui-même la victime expiatoire d'une affaire d'espionnage contre-espionnage, sur fonds de manœuvres nazies qui convoitaient l'infrastructure créée par les Bouilloux-Lafont en Amérique du Sud. En 1933, Pierre Cot, Ministre de l'Air, et partisan d'une politique aéronautique internationaliste décide de regrouper les autres sociétés existantes, Air Orient, Air Union, Farman et Cidna en une société, la SCELA (Société centrale pour l'exploitation de lignes aériennes) qui donnera naissance à la société anonyme Air France le 1er septembre de cette même année.. L'actif de la Compagnie Générale Aéropostale sera racheté à bas prix et un pool sera formé, sur la Ligne d'Amérique du Sud, entre la Lufthansa et la S.A. Air France en 1935.
Marcel Bouilloux-Lafont se retire définitivement à Rio de Janeiro, en s'efforçant de rembourser toutes les dettes dont on le tient responsable, jusqu'au 2 février 1944, date à laquelle il meurt dans une chambre d'hôtel de cette ville, ruiné, et oublié par son pays.
" Une telle entreprise (l'Aéropostale) n'était pas à la portée d'une seule fortune. Si l'Etat avait aidé Marcel Bouilloux-Lafont, comme il le ferait aujourd'hui, cette grande entreprise aurait certainement survécu et Marcel Bouilloux-Lafont aurait connu honneurs et félicitations " (Marcel Dassault, 1980)