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Les naufragés de l'air Le survol du Sahara par Olivier Vergniot source |
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Au
cours de la décennie 1920 - 1930, les célèbres
aviateurs de la «Ligne» prirent malgré eux le pas
sur les malchanceux de la mer 1.
Les «naufragés de l'air» ont une large part dans la
légende de l'aéropostale des Saint-Exupéry, Mermoz,
Guillaumet et autres. La ligne Casablanca-Dakar
devait impérativement survoler près de 1500
kilomètres en zone d'insécurité totale. Une mission
préparatoire, dirigée par M. Roig (L'aventure
africaine par Joseph Roig),
se rendit fin 1922 sur le terrain pour y prendre les
devants, ouvrir des relations avec les tribus et
leur faire comprendre le caractère pacifique des
survols des avions transporteurs de courrier 2. Roig avait
imaginé un subterfuge juridique : les lignes
aériennes Latécoère loueraient aux Maures, moyennant
une redevance en argent, le droit de survoler la
côte, dont ces derniers seraient considérés comme
propriétaires. A Toulouse la direction écarta cette
solution par crainte d'une situation inextricable et
d'une possible surenchère. Les
pilotes attribuèrent eux cette décision plutôt à
la ladrerie de Latécoère. Latécoère
lésine pour sauver notre peau (sa passion , les
châteaux, le
syndrome de la lessiveuse)
-voir aussi: Mermoz
vide son sac après la mort de Collenot ,
février 1936. Le
procédé de la rançon préventive mis de côté, le
problème restait entier. L'anxiété des pilotes
n'avaient d'égale que la méfiance des tribus peu
sensibles au caractère non offensif des Bréguet et à
la formidable mission que constituait l'acheminement
du courrier. La seule précaution prise fut de faire
naviguer toujours ensemble deux avions. Dès le début
de l'exploitation de la Ligne le résultat ne se fit
pas attendre. En juillet 1925, à la suite d'une
panne, les pilotes Rozes et Ville tombèrent aux
mains des Regueibat. Terrorisés et redoutant une
captivité, ils abattirent trois Regueibat et prirent
aussitôt la fuite avec l'appareil remis en état de
marche. Cette entrée en matière plutôt mouvementée
augurait mal de la suite. Par mesure de protection,
il fut alors décidé que les pilotes embarqueraient à
leur bord un interprète chleuh ou arabe. Par
ailleurs l'administrateur de la ligne, Daurat, en
collaboration avec le service de renseignement
français de Tiznit, conclut les «accords d'Aglou»,
selon lesquels le caïd el Hassan de cette localité
se voyait chargé contre gratification de la
récupération d'éventuels captifs. Beaucoup
d'atterrissages forcés eurent lieu assez près de
Tiznit : Reine le 21 décembre 1925, Pivot et
Logivière le 17 octobre 1926 et Vidal en novembre
1928. Chaque fois après quelques marchandages, les
aviateurs généralement détenus par les Sbouia
rejoignaient rapidement Tiznit après le versement
d'une rançon 3.
Pour les naufragés de l'intérieur saharien, course
de vitesse et concurrence jouèrent à nouveau à
plein. En mai 1926, Mermoz et son interprète,
prisonniers d'un Ahl Ma el Aïnin, furent rachetés
par les Espagnols de Cap Juby grâce aux bons soins
de Mohammed Laghdaf (C.I.J. S.O. 1975 : T.II, An C.
5, A p. 8). D'autres furent moins heureux, ils
firent les frais du climat de guerre généralisée dû
à la résistance des tribus contre la progression
française : Erable, Pintado et Gourp eurent ainsi la
malchance de tomber, en novembre 1926, sur Cheikh
ould Lajrab, déserteur du groupe nomade de l'Adrar,
en lutte acharnée contre les Français. Celui-ci
abattit Erable et Pintado, blessant Gourp qui fut
racheté mais mourut peu après des suites d'une
tentative de suicide, alors qu'il était en
captivité. L'année suivante, en juin, trois pêcheurs
canariens du Faustino
pris pour des Français furent abattus de la même
façon par des Larousiens de retour d'une attaque
célèbre menée contre Port Etienne 4.
D'autres étaient libérés contre rançon grâce à la
difficile collaboration des autres pilotes de
l'aéropostale et des autorités espagnoles : des
pilotes uruguayens en mars 1927 5,
le pilote militaire espagnol Félix Martinez 6.
Mais la captivité la plus marquante fut celle, en
juin 1928, de Reine et Serre par les Regueibat :
elle entraîna un véritable imbroglio diplomatique
entre Français et Espagnols et nécessita la plus
ardue des négociations, car une fois encore les
Regueibat en conflit ouvert avec les Français,
demandèrent comme pour l'Oued Sebou, avant tout une
rançon politique, des armes, des cartouches, leurs
prisonniers mais aussi des centaines de chameaux
afin de saper la logistique de leurs adversaires 7.
Cette affaire dans laquelle les autorités coloniales
durent lâcher du lest, eut pour principale
conséquence d'accélérer le changement de politique
vis-à-vis des Regueibat trop puissants pour rester
des «étrangers amis», assez dangereux pour devenir
désormais des «sujets ennemis». En 1930 la captivité du pilote Guerrero peut être considéré comme la dernière d'un genre qui sévissait depuis plus de deux siècles. La colonisation étant quasiment achevée, la «pacification» définitive de la région sur le point d'intervenir, la demande française changea de ton. On fit savoir que si dans 24 heures le pilote et son opérateur radio n'étaient pas rendus, le Douar des Sbouia serait bombardé. Le lendemain les captifs furent ramenés au caïd d'Aglou. La sécurité sur la ligne était ainsi désormais largement assurée. Etait levée une hypothèse pour le conquérant français qui, quelques mois auparavant, s'exprimait ainsi : «L'éventualité d'atterrissages forcés d'aéroplanes de la ligne aéropostale dans le Rio de Oro, nous oblige à renoncer à des retenues d'otages qui pourraient avoir des répercussions fâcheuses sur la conduite des nomades du Sahel à l'égard de nos aviateurs tombés entre leurs mains» 8.
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1. Fleury (J.G.), La Ligne, éd. Gallimard, Paris, 1939, 283 p. 2. G.L. - Le Casa - Dakar, La vigie marocaine, 29 avril 1923. 3. A.N.S., A.O.F. 8 F4 (17) Dakar : Correspondance du Capt. de Bellemare, Cdt. la marche de Tiznit au lieut. gouv. cdt. le territoire d'Agadir A.I., Tiznit le 25 octobre 1926. 4. A.N.S., 9 G 67 (107) Dakar : Correspondance J.A. septembre 1927. 5. B.N.M., Mise. T. LXXIII, 697 : Accidente occurido a los aviodores uruguayos a 15 kms al none de Cabo Juby el 15-4-1927. 6. C.I.J., S.O., T. II, Annexe C5 App. 1 : Correspondance du lieut. col. délég. Guillermo de la Pêna au direct, gén. du Maroc et des colonies. Cap Juby le 2 mai 1928. 7. A.N.S., 9 G 74 (107) Dakar, G.G.A.O.F., colonie de la Mauritanie : Rapport de l'adm. des colonies Beyries chargé de mission à Villa Cisneros sur la délivrance de Reine et Serre, Saint-Louis le 5 décembre 1928. 8.
A.N.S., 9 G 50 (17) Dakar : Correspondance du lieut,
gouv. de la Mauritanie au cpt. cdt. le cercle de
l'Adrar a/s politique à suivre vis-à-vis des
Regueibat, Saint-Louis le 10 septembre 1929, signé
Choteau. |
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![]() Extrait de "De la distance en histoire. Maroc - Sahara occidental : les captifs du hasard (XVIIe-XXe siècles)"![]() Olivier
Vergniot Revue
de l'Occident musulman et de la Méditerranée
Year 1988 Volume
48 lien Issue
48-49
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Voir
aussi dans La Ligne : de Mermoz,
Guillaumet, Saint-Exupéry et de leurs compagnons d'épopée Par Jean-Gérard Fleury page 54 Latécoère lésine pour sauver notre
peau... qu'il paie notre travail à sa valeur...Latécoère
n'y voyait-il qu'une affaire?
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![]() .................... |
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PLUS Round the World Perils
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![]() En dépit du soin apporté à la rédaction de ces pages, il est toujours possible qu'une erreur se soit glissée. Je vous remercie de me faire ![]() |
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