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R. Crozet   lien Annales de Géographie  lien   Year   1925   lien Volume   34   lien Issue   187   lien pp. 1-12




L'AVIATION MARCHANDE Avant 1924 1


  


 L'avion, engin d'expériences et de sport avant la-guerre, instrument de combat pendant les hostilités, tend, depuis 1918, à devenir un moyen de transport. Le dernier venu et le plus rapide des engins créés par l'homme pour diminuer les distances ouvre à l'humanité le domaine illimité de l'atmosphère. Au-dessus de la route, du rail et du navire, l'avion commence à prendre rang parmi les moyens modernes de circulation.
La guerre a suscité chez les belligérants un formidable effort en vue de s'assurer la maîtrise de l'air. La technique de l'aviation a fait des progrès considérables. Au lendemain des hostilités, les grandes puissances européennes et les Étals-Unis se sont trouvés en possession d'un nombreux matériel volant, de milliers de pilotes que la démobilisation rendait disponibles. Les services rendus par l'avion dans les combats invitaient à-essayer le nouvel engin dans un but commercial. Rien d'étonnant à ce que les gouvernements, d'une part, l'initiative privée, de l'autre, se soient lancés dans la voie de l'aviation marchande. Les premiers essais, d'origine officielle, ont été tentés dès aVant la fin de la guerre. Le service postal américain date du 15 mai 1918. Vers la même époque, en France, les Postes, Télégraphes et Téléphones organisaient un service postal Paris-Saint-Nazaire par avions militaires.
A partir de 1919, les efforts se multiplient, et on assiste, en quelques mois, à l'éclosion d'un nombre considérable de compagnies qui se proposent d'exploiter des services aériens. C'est une activité quelque peu désordonnée. Rien que pour la France et ses colonies, on peut compter, en 1919-1920, au moins 11 compagnies : Messageries aériennes. — Compagnie aérienne française. — Compagnie générale transaérienne. — Grands Express aériens. — Compagnie Franco-Roumaine. — Compagnie générale d'entreprises aéronautiques (Latécoère). — Aéronavale. — Aéro-Transports du Midi et du Sud-Ouest. — Franco-Bil-haine. — Syndicat du réseau aérien transafricain. — Transports aériens guyanais, etc. — Pour l'Angleterre : Handley Page. — Instone Air-Line. — Airco, etc. — De même en Allemagne, dans les Pays Scandinaves, etc.
Les gouvernements ne manquèrent pas de s'intéresser à cet essor rapide. En France, au lendemain de l'armistice, la question suivante se posa: l'État devait-il s'assurer le monopole de l'aviation marchande ? Devait il, au contraire, laisser liberté complète à l'initiative privée ?
Plusieurs raisons militaient en faveur de la première solution. Il y avait danger à laisser les compagnies risquer de gros capitaux dans des entreprises qui, en raison des frais énormes de premier établissement et d'entretien, en raison aussi de l'incertitude dans laquelle on était de l'accueil que ferait le public au nouveau mode de locomotion, ne pouvaient réaliser que des bénéfices tout à fait problématiques. D'autre part, l'État ne pouvait légitimement se désintéresser d'entreprises propriétaires d'un nombreux matériel volant qui, à l'origine, comprenait des appareils de guerre à peine modifiés.
Il est évident, en outre, que les lignes aériennes ont été généralement envisagées par les gouvernements comme devant servir des intérêts politiques autant qu'économiques. L'avion est un excellent engin de propagande et d'expansion, qui fait rayonner au loin le nom de son pays d'origine. Les exemples ne manquent pas de lignes dont la création ne répondait qu'à des buts politiques. Elles n'ont pas été forcément les plus viables.
Le gouvernement français n'a pas voulu cependant monopoliser le trafic aérien, et il a adopté une solution mixte. L'État organise les lignes: il achète les terrains, jalonne les itinéraires, construit les hangars, recrute et entretient le personnel d'exploitation. Les compagnies fournissent le matériel et le personnel navigant (pilotes et navigateurs) et le personnel d'entretien (mécaniciens). Le Service de la Navigation aérienne (S. N. Aé.) assure la liaison entre les Compagnies et l'État, réglemente les itinéraires et les horaires, distribue les subventions aux compagnies, etc.
L'expérience de quelques années a montré, en France, comme à l'étranger, l'impossibilité d'éparpiller les subventions et les efforts entre un trop grand nombre d'entreprises. Il est apparu que le trafic de certaines lignes, tant internationales qu'intérieures, ne pouvait, ni dans le présent, ni dans l'avenir, devenir suffisant pour justifier, sinon compenser, les lourdes dépenses engagées.
De 1919 à 1924, on a vu décroître sensiblement le nombre des compagnies, soit par disparition, soit par fusion. C'est ainsi qu'au 1er janvier 1923, les compagnies françaises qui exploitaient en concurrence le service Paris-Londres ont fusionné sous le nom d'Air-Union. En Angleterre, les compagnies Handley Page, Instone Air-Line, Saimler Hire, British Marine Air Navigation ont formé, au début de 1924, les Impérial Airways Ltd. En Allemagne, on a vu en 1923 plusieurs compagnies aériennes se grouper sous le nom de Deutscher Aero Lloyd, avec l'aide de l'Allgemeine Elektricitäts-Gesellschaft, de la Hamburg-Amerika et du Norddeutscher Lloyd (remarquer, en passant, l'intérêt porté à l'aviation marchande par les grandes compagnies maritimes allemandes).
Cette tendance à la concentration s'est traduite par la disparition de nombreux services. Les tableaux ci-dessous donnent l'énumération des lignes ayant réellement fonctionné de 1919 à 1924.

I. - EUROPE 

A) Lignes internationales 
a) Europe du Nord-Ouest
b) Europe centrale

c) Pays Scandinaves et baltes
d) Europe orientale
e) Méditerranée et Afrique mineure

f) Europe du Sud-Ouest


 B) Lignes intérieures
a) France.
b) Angleterre.
c) Allemagne.
d) Russie.
c) Pologne.
f) Tchéco-Slovaquie.
g) Suisse.
h) Turquie.

II — AMÉRIQUE

a) États-Unis.
b) Colombie.
III — AFRIQUE

a) Afrique Occidentale française.
b) Congo belge.
c) Afrique Australe.

IV — ASIE

a) Siam.
b) Chine.
c) Japon.

V — AUSTRALIE
LA NATURE DU TRAFIC 


I. - EUROPE      TOP

A) Lignes internationales
a) Europe du Nord-Ouest. — Paris-Bruxelles-Amsterdam (Société générale des transports aériens. Farman).
Paris-Londres (Air-Union et Impérial Airways Ltd).
Londres-Ostende-Cologne (Impérial Airways Ltd).
Manchester-Londres-Amsterdam-Hanovre-Berlin (Impérial Airways Ltd et .Deutscher Aero-Lloyd).
Rotterdam-Amsterdam-Hambourg (Koninklijke-Luchtvaart Maats-chappij, dite K.-L.-M., et Deutscher Aero Lloyd).
Berlin-Hambourg-Copenhague (Deutscher Aero Lloyd et Danike Luftfart Selskab).
Berlin-Warnemûnde-Karlskrona et Stockholm (service nocturne par hydravions. Transeuropea Union Junkers).
Hambourg-Malmœ (Transeuropea Union Junkers). Paris-Rotterdam-Amsterdam (K.-L.-M.). Londres-Rotterdam-Amsterdam (K.-L.-M.).
b) Europe centrale. — Paris-Strasbourg-Prague-Varsovie, ou Paris-Prague-Bucarest et Constantinopie (Compagnie Franco-Roumaine).
Londres-Paris-Zurich (Impérial Airways Ltd).
Paris-Genève (supprimé en 1923).
Munich -Vienne-Budapest (Ôsterreichische - Bayerische - Ungarische Luflverkehrs-Transeuropea Union Junkers).
Rotterdam-Anvers-Bruxelles-Strasbourg et Bâle (Société anonyme belge d'exploitation de la navigation aérienne, dite S. A. B. E. N. A.).
Zurich-Munich (Ad Astra Aero).
c) Pays Scandinaves et baltes. — Stockholm-Helsingfors par Danzig-Kœnigsberg-Memel-Riga-Revel (consortium germano-balte).
d) Europe orientale. — Berlin-Danzig-Kœnigsberg (Deutscher et Danziger Aero Lloyd).
Kœnigsberg-Kovno-Smolensk-Moscou (Deutsch-Russische Luftver-kehrs Gesellschaft dite Deruluft).
e) Méditerranée et Afrique mineure. — Toulouse ou Marseille* Perpignan-Barcelone-Alicante-Malaga-Casablanca (Latécoère).  Alicante-Oran (Latécoère).
Casablanca-Fez-Oran (Latécoère).
Antibes-Ajaccio, destinée à être prolongée sur Bizerte et Tunis (Aéro-Navale).
Séville-Larache (compagnie espagnole).
Le Caire-Bagdad (Aviation militaire anglaise).
f) Europe du Sud-Ouest. — Pour mémoire : Bayonne-Bilbao-San-tander (Compagnie Francô-Bilbaine supprimée en 1921).

B) Lignes intérieures        TOP 
a) France. — Toutes les lignes intérieures ont disparu. La plus vivace a été celle de Bordeaux-Toulouse-Montpellier-Nice (Aéro-Transports Ernoul) supprimée en 1921.
b) Angleterre. — Des services aériens ont relié momentanément Londres à Leeds, Belfast à Liverpool, etc.
c) Allemagne. — Beaucoup de lignes intérieures ont disparu. Fonctionnent encore : Hanovre-Brème ; Hanovre-Hambourg ; Brème-Iles de la Frise (saison balnéaire).
d) Russie. — Des services assez irréguliers ont fonctionné à titre d'essais entre Moscou-Njni-Novgorod ; Moscou-Kharkov-Odessa ; Moscou-Tiflis.
c) Pologne. — Danzig-Varsovie-Lemberg, ou Danzig Varsovie-Cracovie (Aéro Lloyd Polonais).
f) Tchéco-Slovaquie. — Prague-Marienbad ; Prague-Bratislava.
g) Suisse. — Genève-Zurich (Ad Astra Aero).
h) Turquie. — Constantinople-Angora (Franco-Roumaine).

De ce tableau, il ressort que, au moins pour l'Europe du Nord-Ouest, les lignes internationales ont une vitalité bien supérieure aux lignes intérieures. Les plus actives sont celles qui se superposent à des courants commerciaux préexistants : entre les pays riverains de la Manche et de la mer du Nord; suivant la grande diagonale européenne de la Manche à la mer Noire, suivant la vallée du Rhin.
Entre les pays riverains de la Manche, de la mer du Nord et de la Baltique, l'avion évite les transbordements du train au bateau ou vice-versa.
Dans l'Europe centrale, il triomphe sur les grandes distances, et il l'emporte de beaucoup en vitesse sur les moyens terrestres de circulation. Il ne met pas plus de 7 heures pour aller de Paris à Prague, et le train en met 26. Il va en 7 heures de Rotterdam à Bâle, et le train y va en 17. L'avantage sera encore plus marqué quand l'aviation nocturne, déjà tentée avec succès sur le tronçon Belgrade-Bucarest, sera réalisée sur de plus grandes distances.
Dans le bassin méditerranéen, l'avion resserre encore les relations entre la France et ses colonies d'Afrique mineure ou la Corse. Là, plus que partout ailleurs peut-être, il a un rôle double: économique et politique. Dans un avenir proche, sans doute, l'avion ira de Toulouse à Dakar par le Maroc.
La disparition des lignes intérieures s'explique par des compressions budgétaires nécessaires. Mais il semble bien aussi que, sur certains parcours déjà bien desservis par la voie ferrée, l'avion trouve difficilement sa place. Par contre, dans les pays de l'Europe orientale, vastes et mal pourvus de voies terrestres, Pologne ou Russie par exemple, il semble appelé à un bel avenir.

  II — AMÉRIQUE    TOP 
II en est de même dans les vastes pays du nouveau monde. Nous n'y trouvons guère, jusqu'à maintenant, que des lignes intérieures.
a) États-Unis. — New York-San Francisco (service officiel).
New York-Key West et la Havane par Atlantic City, Beaufort et Miami (service d'hydravions Aeromarine Airways Ltd).
b) Colombie. — Barranquilla-Carthagène ; Barranquilla-Girardot ; Neiva-Girardot (servicesd'hydravions, Compagnie colombo-allemande).

La plus importante des lignes aériennes des États-Unis est la ligne postale New York-San Francisco. Sur cette distance considérable, l'avion double la voie ferrée de l'Union Pacific Railway. Le service a d'abord été organisé en combinant la marche des avions avec celle des rapides de nuit. Mais depuis, le gouvernement américain a fait de gros efforts pour assurer le trafic uniquement par la voie aérienne de jour et de nuit, pour accélérer la marche de la correspondance d'affaires entre l'Est et l'Ouest. Depuis le 1er juillet dernier, le trajet est réalisé en 35h. C'est pour concentrer le maximum d'efforts sur celte ligne qu'on a abandonné celles qui ne rendaient pas autant de services (mai-juin 1921).
Aux Antilles, l'hydravion peut faire gagner beaucoup de temps pour les traversées maritimes. La ligne américaine Key. West-la Havane prend passagers et colis à l'extrémité du chemin de fer de la Floride et sert, en même temps, l'influence politique américaine à Cuba.
Dans notre Guyane, une compagnie française a exploité pendant quelques mois une ligne côtière et une ligne de pénétration par le Maroni en utilisant des hydravions. Son échec, comme celui de la ligne algérienne d'Alger à Ouargla, semble prouver qu'il est vain do vouloir créer du trafic là où il n'y en a pas, surtout en utilisant un engin aussi coûteux et aussi délicat que l'avion.
Les lignes colombiennes, exploitées par la Compagnie colombo-allemande, sont surtout des lignes de pénétration vers la capitale, Bogota, par le rio Magdalena (gain de temps réalisé: 24h. au lieu de 216 h. de Barranquilla à Bogota). Cette compagnie, bien que non subventionnée, fonctionne depuis août 1921. D'août 1921 à décembre 1923, elle a transporté : 2830 passagers, 14522 kg. de courrier, 2051)45 kg. de messageries.
En Argentine, des essais ont été tentés dans la région centrale, autour de Tucuman, encore mal pourvue de voies ferrées, Au Brésil, on a essayé également de relier Rio de Janeiro à Porto Alegre par voie aérienne.

III. — AFRIQUE            TOP
En dehors des lignes de l'Afrique mineure, déjà énumérées, les colonies européennes d'Afrique comportent quelques lignes aériennes. Ce ne sont guère des lignes proprement commerciales. Elles assurent plutôt le transport rapide de fonctionnaires ou d^officiers, l'évacuation de malades, le transport de la correspondance administrative. A ces divers titres, l'avion et l'hydravion peuvent, dès maintenant, rendre de grands services.
a) Afrique Occidentale française. — Dakar-Kayes (Société atlantique de navigation aérienne).
b) Congo belge. — De Stanley Pool à Stanley ville. Une autre ligne, de Léopoldville à Élisabethville, sera ouverte incessamment, permettant de couvrir en deux jours un trajet qui en nécessite actuellement 45 (S. A. B. E. N. A.).
c) Afrique Australe. — Le Cap-Johannesburg.

IV. — ASIE     TOP 
a) Siam. — C'est, jusqu'à maintenant, le Siam, de tous les États asiatiques, semble avoir consacré la plus grande attention à l'organisation de l'aviation marchande. Les lignes actuelles relient Bangkok à Korat, en doublant la voie ferrée.
De Korat, terminus du rail, elles rayonnent vers : Oubon, sur le Sé-Moun, affluent de droite du Mékong; Nong-Khay, sur le Mékong, près de la frontière du Laos. Elles rendent de grands services pour le transport des soieries.
b) Chine. — Un essai a été tenté sur le trajet Pékin-Peï-Tang, port à l'embouchure du Peï-Ho.
c) Japon. — Un essai a été tenté sur le trajet Osaka-Sakoï.

V. — AUSTRALIE      TOP 
En Australie, pays vaste et encore mal pourvu de voies de communication, l'avion relie dès maintenant:
Adélaïde à Brisbane; Charleville (station sur la veie ferrée de Bris-bane) à Cloncurry (centre du district des mines de cuivre); Geraldton à Derby, par la côte Nord-Ouest, prolongée depuis janvier 1924 de Geraldlon à Perth. Jusqu'à maintenant, le trafic postal semble l'emporter sur le transport de voyageurs et de colis (12000 lettres par mois sur la ligne Geraldton-Derby ).

LA NATURE DU TRAFIC      TOP  

Les tableaux ci-dessous ont eu surtout pour but de montrer la répartition des réseaux aériens sur le globe. Au point de vue de la nature de leur trafic, on peut classer ces lignes en deux catégories principales.
a) Lignes à passagers et marchandises. — Type : Paris-Londres.     TOP 
Elles desservent de grands centres urbains entre lesquels les courants d'échange sont actifs. Les distances, relativement faibles, ne rendent pas le prix des transports par trop prohibitifs. Ces lignes peu-_ vent trouver une clientèle de voyageurs pressés ou de touristes riches et transporter un fret constitué par des marchandises de luxe. Les statistiques de l'Aéro-Port du Bourget sont significatives à cet égard:

II y a lieu de remarquer la progression très nette du trafic des marchandises. Au Bourget, les exportations en 1923 représentaient une valeur de 16127 850 fr., les importations, 61662 238 fr. La douane a produit 1208476 francs.
Le fret transporté consiste, par exemple, en marchandises de luxe soumises aux caprices delà mode ou de la saison et qui doivent arriver vite. Leur valeur élevée leur permal de subir aisément la charge assez lourde des tarifs aériens. Leur poids et leur encombrement faibles leur permettent de prendre place dans les compartiments assez exigus des avions de transport. Ce sont des soieries, étoffes, plumes, fourrures, échantillons, bijoux, métaux précieux, articles de sport, etc., —ou encore des denrées périssables: volailles, gibiers, —des parfums ou liqueurs, des pièces de machines, des films -cinématographiques en location, voire même des animaux vivants (la presse quotidienne a relaté des voyages aériens effectués par des lionceaux ou un jeune cheval de course; une compagnie belge a aménagé des avions pour le transport des pigeons voyageurs).
Sur Paris-Londres, le trafic postal est en baisse, le gain de temps étant moins appréciable que pour les marchandises ou les voyageurs pressés. Toutefois, l'avion amène de bonne heure à Paris les journaux londoniens.
En résumé, un tel trafic suppose pour les lignes «le ce type l'existence préalable d'une vie économique intense dans les pays qu'elles desservent.
C'est sur ces lignes que le matériel paraît le mieux adapté aux services qu'on attend de lui. Les compagnies ont intérêt à substituer des appareils véritablement commerciaux aux avions de guerre à peine modifiés, utilisés au début, et gros gaspilleurs de force motrice. Des progrès ont été réalisés dans ce sens, et, si l'on n'a pas encore construit l'avion capable d'assurer un trafic rémunérateur, les rendements se sont cependant améliorés. La charge marchande moyenne d'un avion du Bourget est passée de 190 kg., 5 en 1920 à 479 kg., 4 en 1923. Le chiffre total des avions passés par le Bourget est à peu près le même en 1923 qu'en 1920 pour un trafic de voyageurs presque double et un trafic de marchandises plus que quintuple.
b) Lignes à grand trafic postal. — Type : Toulouse-Casablanca ; New York-San Francisco.     TOP 
Ces lignes relient des localités très éloignées, entre lesquelles il y a cependant un courant d'affaires réel. Ces villes sont déjà desservies par des moyens de transport terrestres ou maritimes, mais l'avion réalise un gain de temps considérable. De Toulouse à Casablanca il met de 13 à 29 heures, suivant les saisons, au lieu de 100 heures par les moyens ordinaires. En été, les avions postaux partant le matin de Toulouse parviennent le soir même au Maroc. Cette ligne assure le transport des voyageurs, des colis et de la poste; ce dernier genre de trafic l'emporte de beaucoup (1/3 du fret postal total entre France et Maroc).

En juillet 1924, les lignes Latécoère ont transporté 332188 lettres pesant 6 638 kg.
La ligne américaine New York-San Francisco est exclusivement postale. La grande distance à franchir rendrait le prix du voyage extrêmement élevé. Le trafic postal y est considérable.

Sur ces deux lignes, des efforts très réels ont été accomplis pour mettre en service des appareils à rendement meilleur et adaptés aux longs et durs parcours.
La conséquence directe du développement de l'aviation marchande, c'est la création d'organismes adaptés au nouveau mode de locomotion. Les grandes cités se préoccupent de créer, dans leur voisinage, des aéro-ports. Les installations actuelles du Bourget ou d'Orly aux environs de Paris peuvent être considérées comme l'ébauche de ce que seront les futurs aéro-ports. L'avion a encore besoin de beaucoup de place pour partir et pour atterrir. Il ne peut trouver, aujourd'hui, les vastes espaces qui lui sont nécessaires que dans la banlieue des grandes villes, à plusieurs kilomètres du centre (le Bourget est à 12 km. de la Bourse). D'autre part, pour rendre véritablement appréciable le gain de temps, il faut assurer la liaison rapide entre l'aéroport et le centre urbain, tant pour les voyageurs que pour les colis et la poste, problème relativement facile à résoudre avec l'automobile, mais dont Jkampleur ira en croissant, au fur et à mesure des progrès du trafic aérien.
Quoi qu'il en soit, l'aéro-port deviendra un des organismes nécessaires de la grande ville moderne. Il s'inscrira dans le paysage et sur la carte, avec le large espace vide de la piste, entourée de hangars, bureaux, douane, poste, garage d'automobiles, buffet, etc. L'aéroport, ne trafiquant que de produits finis, ne verra pas, sans doute, se grouper autour de lui les grandes industries de transformation, comme autour de la gare et du port maritime. Mais il peut attirer autour de lui les usines de construction ou de réparation du matériel volant, les logements du personnel employé dans le port ou dans ces usines, et le commerce de ravitaillement de cette population. Il y a déjà, au voisinage de l'aéro-port du Bourget, comme une exquisse de cette attraction. Tout ceci témoigne de progrès réels et en annonce d autres. Cependant, le dernier né des moyens de transport a encore beaucoup à faire pour égaler ses aînés en importance. Il n'en est pas moins vrai, cependant, que l'avion gardera toujours un rôle spécial en rapport avec ses aptitudes. IL restera l'engin de prédilection des voyageurs pressés et des marchandises de luxe.
Il présente, sur les autres moyens de transport, outre l'avantage de la vitesse, celui d'avoir un domaine presque illimité. Il peut survoler les déserts, les océans, les montagnes. On s'est élevé en avion plus haut que les plus hauts sommets du globe. On a volé sans escale sur des milliers de kilomètres pendant plus de 30 heures. On a traversé l'Atlantique. Mais ce sont là des exploits sportifs réalisés dans des circonstances exceptionnelles et avec des appareils qui ne sont pas des avions commerciaux.
En réalité, le tracé et le fonctionnement des lignes actuelles montrent que l'avion est encore soumis à beaucoup de contingences. Jusqu'ici» l'avion commercial ne se risque à traverser les mers que dans leurs parties les plus étroites, ou là où il y a des îles: Manche, Baltique, mer des Antilles, Méditerranée par la Corse, etc. Il évite les grands massifs montagneux où les terrains d'atterrissage manquent. Il n'y a pas de service aérien transalpin. La ligne suisse Genève-Zurich emprunte le plateau entre Jura et Alpes. La ligne Toulouse-Casablanca contourne les Pyrénées par l'Est et évite les hauts plateaux espagnols. Le service américain New York-San Francisco franchit les Rocheuses, mais n'y transporte pas de passagers. D'autre part, la brièveté des jours d'hiver réduit ou suspend l'activité de la plupart des lignes de l'Europe centrale ou orientale, l/aviation marchande nocturne est encore à organiser, tandis que le train et le bateau circulent nuit et jour. Il est vrai qu'un voyageur peut préférer prendre l'avion rapide, plutôt que de passer une nuit en chemin de fer. Mais il serait intéressant que la poste aérienne ou l'avion-marchandises puissent circuler de nuit. En ce qui concerne le temps, l'avion redoute le brouillard et subit, de ce fait, des retards ou des arrêts, au même titre, d'ailleurs, que les autres moyens de transport.
Pour triompher de ces obstacles, il lui faut gagner encore en sécurité, en régularité et en rendement.
Il lui faut pouvoir voler plus haut, plus longtemps, enlever une charge plus lourde en consommant moins, se maintenir en vol avec une force motrice réduite, atterrir moins vite, etc.
Mais, même perfectionné, l'avion ne semble devoir être longtemps qu'un engin de complément. Même affranchi des contingences du relief et des climats, il aura besoin d'une clientèle et d'un fret qui supposent une vie économique intense. Par la nature même de son trafic, il ne peut que se superposer à des courants commerciaux préexistants qui gardent, eux-mêmes, l'empreinte du sol et des climats.
R. CrozetTOP  


1. Je dois des remerciements tout particuliers à M. Henri Bouché, rédacteur en chef de L'Aéronautique, qui a bien voulu préciser et compléter ma documentation. — Parmi les publications relatives à l'avion, on peut citer, en France : L'Aéronautique, et son supplément, L'Aéronautique marchande, revue mensuelle, Paris, Gauthier-Villars et Cie; — L'Aérophile, organe officiel de l'Aéro-club de France, revue mensuelle, 35, rue François-1er, Paris; — L'Air, Éditions Roche d'Estrez, 8, rue de Isly, Paris; — Les Ailes, 40, quai des Célestins, Paris; — L'Aéro-Sports, 17, place Clichy, Paris. Ces deux dernières publications paraissent sous forme de journaux. — Le Comité français de propagande aéronautique publie en outre un Bulletin mensuel qui résume, sous forme de graphiques, les progrès de l'aviation marchande. — Voir aussi : L. Hirschauer et Ch. Dollfus, L'Année aéronautique, Paris, Dunod, 5vol., 1919-1920, 1920-1921, 1921-1922, 1928-1923, 1923-1924. -Laurent Eynac , État actuel, de l'Aviation civile en France (L'Europe nouvelle, 12 juillet 1924).




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