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En France, comme ailleurs, l'aviation commerciale est née du développement fulgurant et puissant qu'a connu l'aéronautique militaire pendant la Grande Guerre. Chez la plupart des belligérants, et malgré les quelques tentatives antérieures, c'est bien la guerre qui a permis cette mobilisation «totale» des équipements, des équipages et d'une partie de la logistique, qui rendit ensuite possible la création des premières lignes marchandes. L'omniprésence militaire originelle a du même coup donné une teinte particulière à la culture professionnelle de cette branche économique, en investissant profondément sa structure, son organisation et surtout son éthique. Ses mythes fondateurs en ont été profondément imprégnés. La «mystique du risque» et l'idéal du sacrifice pour le bien commun ont nourri -et nourrissent peut-être encore aujourd'hui- la geste de l'aviation commerciale française, de même qu'ils ont contribué à créer la légende littéraire de l'aviation civile conquérante des temps pionniers 1. Au-delà des enjeux symboliques d'un nationalisme cocardier qui ne tarda pas à s'emparer aussi de l'aviation commerciale 2, la «plusgrande armée du monde» conserva jalousement, au sortir de la Première Guerre mondiale, son pouvoir tutélaire sur ce qui lui apparaissait comme l'outil idéal d'une meilleure maîtrise de l'espace mondial. Si la très forte présence militaire qui caractérise les premiers temps de l'aviation commerciale française n'est pas une spécificité nationale, plus originale est la manière dont elle s'est imposée par la mise en place très précoce d'un réseau couvrant une bonne partie de l'Europe, des colonies et de l'Amérique latine. En effet, le défrichement de ces lignes aériennes et le développement des compagnies aériennes qui les animèrent résultèrent souvent d'un impératif militaire ou stratégique. À cette phase initiale d'immédiat après-guerre, succéda une phase d'installation qui débuta, selon les compagnies, entre 1918 -pour les «Lignes Latécoère»- et 1928 -pour Air Asie- et se prolongea jusqu'à la naissance d'Air-France en 1933 3. Mais la tutelle de l'État ne se fit pas plus légère pour autant. Cette période fut marquée par la nécessité, pour les acteurs de l'aventure aérienne commerciale, de relever simultanément un certain nombre de défis constitués par le passage des temps artisanaux et héroïques à l'exploitation commerciale rationnelle et rentable. La création d'un marché spécifique, la mise sur pied ex nihilo (à partir de rien) de lignes régulières, de matériel fiable, de personnel compétent et d'infrastructures opérationnelles n'étaient possibles qu'avec l'appui des pouvoirs publics. Cette phase de développement de l'aviation commerciale française révèle deux autres caractéristiques essentielles du «modèle français» de l'entre-deux-guerres: l'interventionnisme croissant de l'État qui, d'emblée, permet de ranger cette branche d'activité dans le secteur de l'économie mixte ou, du moins, largement subventionnée 4, et la domination du modèle de la PME familiale ou en nom propre. On peut se demander si ces particularités françaises n'ont pas empêché la CGEA de Pierre-Georges Latécoère, puis l'«Aéropostale» de Marcel Bouilloux-Lafont, de devenir la «compagnie de référence» pour le transport aérien mondial que fut la «Pan Am» pendant de très nombreuses années. Elles expliquent, en tout cas, la longévité surprenante d'une multitude de PME françaises concurrentes, aussi bien dans la fabrication des appareils que dans l'exploitation des lignes commerciales. Lorsqu'on ajoute à cela la dispersion géographique, l'aviation commerciale française donne, dans cette période, l'image d'une branche économique atomisée -faisant l'objet d'une «histoire en miettes»-, aux rendements et à la productivité faibles, par conséquent peu concurrentielle. Comment expliquer ce relatif constat d'échec alors que cette branche bénéficia toujours de l'intérêt soutenu des militaires puis des pouvoirs publics et qu'elle reçut des investissements et des subventions d'un montant non négligeable? Cette question conduit tout naturellement à s'interroger sur le rôle de l'État dans la naissance et l'affirmation de ce secteur. La politique suivie fut-elle cohérente? Les impératifs de prestige national, le poids des groupes de pression ne l'ont-ils pas emporté sur la rationalité économique? Celle-ci, en effet, ne s'est imposée que trop tardivement, à l'extrême fin de la période que nous étudions. Tout semble confirmer l'idée selon laquelle, dans ce domaine d'activité comme dans beaucoup d'autres, les Français furent alors plus prompts à la performance dans la phase initiale d'invention qu'ils n'ont été efficaces dans celle du développement et de l'exploitation.
Les militaires
français, même si cela peut surprendre, ont
souvent précédé les civils dans le
défrichement et le lancement des lignes
aériennes commerciale 5.
En effet, déjà pendant la Première
Guerre mondiale, les militaires transportèrent du
courrier pour les besoins du service, sans s'inscrire
bien évidemment dans le cadre d'une administration
postale. Alors que les hostilités n'avaient pas encore pris
fin, ils assurèrent occasionnellement, avec
l'accord des
PTT, le transport aérien interurbain du courrier,
par exemple entre Paris et Lille ou entre Nice et
Calvi. Cet état de fait aboutit au lancement, le
17 août
1918, de la première ligne aéropostale
militaire vraiment organisée, qui eut une existence de
près d'un an: la ligne Paris (Le Bourget)- Le
Mans
(Pontlieu)- Saint-Nazaire (Escoublac) 6.
De facto, il s'agissait de la première liaison postale
régulière par avion.
Au sortir de la guerre, la
France disposait, à côté de sa
capacité financière, de son potentiel industriel
et de son savoir-faire, d'atouts essentiellement militaires et
stratégiques pour se lancer dans l'aventure de
l'aviation commerciale: l'importance exclusive de
sa flotte aérienne militaire -la seule aviation
française
existante n'était alors que militaire-, le nombre
appréciable de pilotes
expérimentés, susceptibles par la suite
d'être démobilisés 7,
sa position géographique et l'étendue de son empire
colonial. Elle avait en outre conforté son
avance technologique
et elle restait le premier fournisseur mondial de
matériel aéronautique, d'autant que les
constructeurs allemands étaient momentanément écartés
de la course par le traité de Versailles. La
«première nation aérienne»
s'engagea donc sur la voie de l'aviation civile en
mettant d'abord à contribution ses aviateurs
militaires, qu'elle invita à jouer le rôle
de pionniers. Ceux-ci se chargèrent en tout premier
lieu, jusqu'à l'été 1919 environ,
de répondre
à l'urgence du moment par le transport de fret,
de courrier, voire même de passagers, dans les
régions françaises ravagées par la
guerre. Ces
vols réguliers, assurés entre
février et juin 1919, couvrirent le Nord et l'Est
du pays,
où il s'agissait de pallier la lenteur et la
désorganisation quasi complète des transports terrestres.
Ce véritable pont aérien permit de
ravitailler en vivres, vêtements, médicaments et
autres produits de première
nécessité, les populations
sinistrées du Nord et du Nord-Est de la France.
Ce fut l'occasion, pour les responsables de
l'aviation militaire, de comprendre que la mise sur
pied d'une aviation
à finalités civiles exigeait une
adaptation, des modifications en profondeur et une
redéfinition des tâches de chacun, d'autant
que la technologie
aéronautique avait considérablement
évolué pendant les quatre années de guerre.
L'aviation civile était à créer,
qu'il s'agisse des avions et des équipements
embarqués, de l'infrastructure au sol ou des
sociétés d'exploitation. C'est ainsi qu'en
attendant la création de lignes aériennes
civiles, un
service officiel, chargé de préparer le
tracé de nouveaux parcours et d'assurer pendant quelques mois
seulement cinq liaisons-tests 8,
fut mis sur pied, sous la direction du
lieutenant-colonel Leclerc. La finalité de cette
opération était uniquement d'étudier
les coûts du transport aérien, les
conditions d'exploitation du marché postal et
la rentabilité du trafic des voyageurs.
Le gouvernement français emboîta le pas aux militaires en créant le Service de la Navigation Aérienne (SNAé), qui fut installé à Paris, avenue Rapp, et dont le personnel de direction fut presque exclusivement composé de militaires 9.Cet organisme devint autonome le 7 septembre 1919 et ne relevait, dès lors, que du ministère de la Guerre par le biais du personnel qui le composait. Il hérita de nombreuses missions qui le placèrent au coeur du processus de création de l'aviation civile et commerciale: choisir les terrains destinés à accueillir l'infrastructure au sol, déterminer et sélectionner les installations, les matériels et les personnels à y affecter, élaborer et négocier les conventions à passer avec les sociétés contractantes, évaluer les subventions à accorder aux compagnies aériennes fraîchement fondées, établir le tracé des premières lignes aériennes commerciales, lancer la reconnaissance des itinéraires à défricher par des raids, procéder aux premiers essais de transport de marchandises, de courrier et de voyageurs, organiser un avant-programme d'exploitation. Les compétences et les attributions du SNAé furent consolidées par un train de mesures administratives et juridiques, qui chargèrent en outre cet organisme de réglementer l'aide accordée aux compagnies et aux pilotes civils utilisant les terrains militaires. En résumé, le Service de Navigation Aérienne fut investi de toutes les missions d'une véritable compagnie aérienne nationale avant la lettre. La mainmise des militaires sur l'aviation civile et commerciale était donc, dans les premiers temps de son développement, étendue, profonde et très organisée, passant notamment par le biais du SNAé. Cette ingérence des militaires dans un domaine civil se heurta d'ailleurs à un front uni d'opposants, comptant aussi bien des avionneurs, qui voyaient d'un mauvais oeil l'armée leur rafler un secteur prometteur, que des parlementaires relayés par une certaine presse pacifiste, qui rejetaient catégoriquement la simple idée d'une aviation civile dirigée par des responsables militaires. Ces pressions contribuèrent au désengagement de l'armée. Celle-ci consentit, en juin 1919, à céder au privé l'exploitation des lignes françaises et européennes qui avaient été créées en 1918-1919 10. Les compagnies aériennes s'équipèrent bien évidemment avec des appareils militaires qu'elles avaient même parfois récupérés dans les stocks de l'armée ou les surplus de la guerre. Ce
«désengagement» de l'armée des
lignes françaises et européennes ne
marqua pas la fin de
la présence militaire dans le secteur de
l'aviation civile. Bien au contraire, il induisit la
réorientation de nombreux pilotes militaires -surtout des pilotes de
bombardement et de reconnaissance- vers le raid de reconnaissance et de
défrichement de nouvelles lignes aériennes
international
ou impériales 11. Ils
devinrent dès lors des pionniers, des
explorateurs, les nouveaux aventuriers des temps modernes, des
«chevaliers du ciel» au service de la France. Ces
raids avaient une utilité réelle
puisqu'ils permettaient de relever la configuration
des terrains survolés, les variations d'altitude,
les points
d'eau, les caractéristiques physiques de
l'atmosphère, les courants les plus favorables, les
passes difficiles, les variables climatiques. Les
pilotes militaires
constituaient donc une sorte d'avant-garde
chargée de contribuer, par des photographies
aériennes et le récit de leurs
expériences, à l'établissement de cartes
aériennes exactes et d'une connaissance empirique
des risques inhérents à chacun des trajets 12.
Il s'agissait également de tester les appareils,
les moteurs,
les instruments embarqués et plus tard aussi au
sol, les procédés et protocoles de navigation
en groupe, l'entoilage et le matériel, afin de
déterminer
les machines adéquates, les modifications
nécessaires et les incompatibilités dangereuses 13.
Ces vols expérimentaux furent très
édifiants, apportant à chaque fois leur lot
d'enseignements techniques et pratiques, constituant du même coup une
véritable mine de renseignements pour les futures
innovations d'une
industrie aéronautique civile balbutiante 14.
A partir du milieu des années 1920, les
questions techniques étant plus clairement
posées et débouchant sur quelques
progrès, l'attention et le travail des
«défricheurs militaires» se porta
davantage sur l'étude des itinéraires
proprement dits, afin de déterminer les trajets, les terrains
et les espaces les plus sûrs et les plus rentables pour l'ouverture de
nouvelles voies 15.
Il s'agissait, en fait, pour les pilotes militaires,
d'établir des liaisons aériennes
commercialement rentables entre les principales
possessions coloniales françaises, en volant avec
des appareils
lourds susceptibles d'être convertis en avions de
transport civils, tout en expérimentant la
navigation aérienne «long courrier»
sur des trajets difficiles. Au terme de tous ces raids de
reconnaissance et d'expérimentation menés pendant les années
vingt et le début des années trente, les
pilotes militaires accédèrent à une vision
claire de ce que devait être l'organisation
humaine,
matérielle, et technique de l'aviation
commerciale. Ils mirent ainsi au point diverses
procédures, comme celle des avions se
déplaçant toujours en groupe, afin d'alerter et de
secourir les équipages en difficulté, et
testèrent de nouvelles techniques comme les
liaisons-radio avec les infrastructures au sol 16.
Les raids aériens menés par les militaires ne furent toutefois pas motivés par les seuls impératifs exploratoires, organisationnels ou techniques de l'aviation civile : ils répondaient également à des nécessités diplomatiques, économiques, politiques et stratégiques impérieuses. En effet, qu'il se soit agi de défendre et de renforcer le prestige international de la France face à une concurrence étrangère agressive, d'ouvrir des débouchés à l'industrie aéronautique française confrontée à des rivaux conquérants ou de développer à l'étranger les lignes aériennes civiles nationales, les agents militaires français furent souvent envoyés «au front», pour mener parfois des opérations bien plus complexes que de simples raids de reconnaissance 17. C'est ainsi que la mission militaire française aéronautique d'Orient, commandée par le lieutenant-colonel de Goys et basée à Constantinople, eut non seulement pour directive, par la loi du 30 juin 1919, d'organiser sur place un centre aérien de manière à devancer toute concurrence étrangère, mais également de créer et d'exploiter le réseau aérien d'Orient, c'est-à-dire celui des pays pouvant être rattachés au noeud aérien du Bosphore, à savoir la Roumanie, la Grèce, la Turquie d'Asie, la Yougoslavie 18. Les finalités à la fois économiques et stratégiques des missions données à ces attachés militaires paraissent donc évidentes: la France semble avoir voulu consolider sa présence active dans les Balkans et surtout auprès des pays de la Petite Entente, en étant mieux reliée à eux par une voie de communication plus rapide. Ceci est d'autant plus compréhensible que menaçaient aussi bien les ambitions aériennes civiles allemandes que les dangers plus politiques et socio-économiques d'une extension de la révolution bolchevique. Le degré d'implication de la mission militaire française dans la constitution de ce réseau fut à ce point important que la Compagnie Franco-Roumaine de Navigation Aérienne, qui prit le relais des militaires à partir d'avril 1920, fut l'une des sociétés civiles aériennes les plus marquées par la présence des militaires. Le conseil d'administration fut placé sous la présidence du général Duval, ancien chef de l'Aéronautique militaire au GQG et Pierre Claret de Fleurieu, pilote de chasse et mutilé de la Grande Guerre mais aussi concepteur de la ligne, fut nommé directeur général. Il recruta d'anciens camarades de guerre aux postes clés: Paul Hermant devint directeur commercial et Albert Deullin chef pilote 19. On retrouve ces préoccupations en Afrique française, par exemple à l'occasion du raid de reconnaissance mené fin 1924 par le capitaine Gama dans la vallée du Tilemsi. Cette mission avait pour objectif le prolongement de l'axe Dakar-Tombouctou-Bourrem et l'établissement d'un terrain terminus aux abords des confins sud-algériens, qui devait permettre aux avions militaires de se rendre à Tessalit et d'assurer la jonction avec l'aviation couvrant l'espace algérien 20. Cette ligne, qui faisait partie d'un programme d'ensemble imposé par le ministère des Colonies, devait permettre des démonstrations de force auprès des populations autochtones de l'Adrar des Iforas 21. Elles consistaient essentiellement en des opérations d'appui aérien pour soutenir des pelotons méharistes, le transport rapide et sûr d'autorités et d'ordres en cas d'isolement par encerclement des postes de Kidal et de Tessalit, enfin, l'évacuation ou le transport de troupes, de blessés, d'équipes médicales 22. Dans les colonies, les
aviateurs militaires allaient bien au-delà des
simples raids
de défrichement, prenant souvent une part active
au développement de l'aviation civile et
allant même jusqu'à assurer l'exploitation
de certaines lignes
aériennes commerciales. Nombre de responsables
politiques considéraient en effet, au
lendemain de la Grande Guerre, que le relèvement
économique
de la France dépendait en partie de
l'exploitation intensive de l'empire 23.
Or, celui-ci ne
pouvait compter, dans les contrées
reculées et enclavées d' Afrique ou d'Asie, que sur un
seul moyen de transport efficace, qui avait en plus
l'avantage
d'être relativement endurant, rapide et souple:
l'avion 24.
Son développement
s'imposait d'autant plus que la cessation des
hostilités avait rendu disponible un matériel
considérable. C'est pourquoi, fin 1919, le ministère des Colonies
créa une aviation coloniale, composée au
départ de sept escadrilles: deux en AOF, deux en Indochine,
deux à Madagascar et une à Djibouti sur la Côte
française des Somalis, avec des Breguet XIV A2.
Cette aéronautique coloniale était chargée
de tâches variées: militaires, police
générale mais aussi missions politiques, étude
des liaisons aériennes, voire même leur
exploitation. On peut
cependant admettre qu'elle était indiscutablement
«une aviation
de transition vers l'aéronautique marchande
civile»25.
En effet, au
bout du compte, les militaires, après avoir
reconnu, aménagé et fait fonctionner les lignes pendant un
temps, finissaient effectivement par céder
l'exploitation
à des groupements aéronautiques marchands
civils dûment qualifiés 26.
Il faut
souligner que cet état «transitoire»
dura tout de même, au bas mot, jusqu'en 1927 - date à
laquelle le gouvernement, jugeant les raids trop
dangereux et
trop coûteux en vies humaines, les fit interdire.
Cela n'empêcha pas le ministère de l'Air de
décider, en juin 1933, l'organisation d'un grand
voyage
d'escadre entre la métropole et l'Afrique
centrale française, à travers le Sahara et l'AOF qui fut connu
sous le nom de «Croisière noire».
Vingt-huit avions militaires, des Potez 25 TOE, devaient
parcourir 24 000 km en 170 heures de vol et survoler la majeure
partie des colonies françaises d'Afrique du Nord
et d'Afrique
noire, entre le 8 novembre 1933 et le 24 décembre
1933. C'était le premier vol d'escadre
qu'entreprenait l'armée de l'Air
française. Tous ces équipages furent
commandés par deux militaires: le
général Vuillemin, un habitué des raids,
et son second, le colonel Bouscat 27.
Dès 1923, déjà, les autorités militaires qui avaient en charge l'aéronautique coloniale française en AOF avaient montré leur attachement au travail réalisé dans les colonies et leur difficulté à laisser les civils leur succéder sur le terrain, en réclamant la mise sur pied d'une seconde escadrille à Bamako, afin de renforcer l'exploitation des lignes civiles existantes et d'en ouvrir d'autres 28. L'importance du trafic aérien civil assuré par les aviateurs militaires coloniaux était telle, que les responsables militaires envisageaient même qu'un monopole officiel et définitif sur le transport de fret et de passagers pût leur être confié -ce qui indique clairement qu'ils se sentaient en position de force 29. En outre, il apparaît clairement que les élus ont longtemps préféré accorder leur confiance aux militaires: en 1924, le renouvellement des subventions accordées à l'aviation civile coloniale par le sous-secrétariat d'État à l'Aéronautique ne fut pas voté, entraînant du même coup la disparition de l'embryon d'aviation marchande coloniale 30. Si les militaires
finirent par se résoudre à céder
vraiment l'aviation commerciale aux civils en
1933-1934, c'est surtout parce que, dès cette
date, l'armée de l'Air fut bien trop occupée à
faire admettre son existence et que, face au réarmement de
l'Allemagne, il était urgent de se
préoccuper du devenir de l'aéronautique
militaire, sans compter qu'avec la création d'Air
France, le ministère
de l'Air signifiait clairement sa volonté de
reprendre l'aviation commerciale en main 31.
Le gouvernement semblait, en effet, vouloir constituer
une grande compagnie
aérienne, capable d'affronter avec succès
la concurrence
internationale et d'être rentable. Les enjeux
économiques reprenaient la première place,
reléguant au second plan les enjeux politiques,
stratégiques, militaires et même symboliques. Il est
toutefois essentiel de souligner que les compagnies civiles ne se
substituèrent pas immédiatement aux
militaires, laissant quasiment à l'abandon, parfois
pendant plusieurs années, les lignes défrichées et
exploitées par les aviateurs pionniers de
l'armée. La desserte régulière d'une ligne
commerciale nécessite, en effet, des appareils
sûrs et confortables, capables de transporter une charge
utile importante. Les militaires se contentaient d'avions
d'arme allégés au maximum, modifiés
artisanalement par des techniciens et des mécaniciens
géniaux, «citernes volantes» souvent affublées de
réservoirs supplémentaires remplis
à ras bord. Ces appareils avaient permis, non sans
risque, d'effectuer de longs trajets, mais ils se
révélaient infiniment dangereux pour la
sécurité des passagers et des personnels
navigants dans le
cadre d'une exploitation civile. Si le
défrichement, la reconnaissance et le lancement
de l'exploitation des lignes commerciales étaient largement entamés
par le travail des aviateurs militaires qui avaient
exploré les deux tiers des lignes qu'exploita Air
France à la veille de la Seconde Guerre mondiale, il
fallut tout de même attendre que la technologie
aéronautique progresse, que les cellules soient plus
robustes et que les moteurs soient plus fiables pour que les
compagnies privées acceptent de s'investir plus
avant. Il faut
cependant noter que cette évolution fut ralentie,
car le matériel adéquat tarda à
apparaître. L'emprise initiale des commandes
militaires sur
l'industrie aéronautique avait été
tel que celle-ci continua à accorder sa priorité aux besoins de
l'armée et mit longtemps à répondre
aux besoins spécifiquesde l'aviation
commerciale civile.
Cet exemple suffit à montrer que des liens indirects avec l'armée perdurèrent encore longtemps. L'état-major continua à peser de tout son poids pour inciter les exploitants des lignes aériennes civiles à développer les liaisons nécessaires à leur stratégie. Par ailleurs, toutes les compagnies aériennes civiles qui se constituaient progressivement recrutaient très souvent leurs pilotes dans le vivier des aviateurs militaires qui avaient quitté l'armée, soit au lendemain de la démobilisation qui succéda à la Première Guerre mondiale, soit à la suite d'une démission ou d'une «retraite» militaire précoce. Tous ces pilotes, mécaniciens et autres navigateurs amenaient avec eux leur culture aéronautique militaire, leur expérience des raids de défrichement et de reconnaissance, mais aussi leur connaissance de l'exploitation commerciale d'une ligne aérienne marchande pionnière. C'est à travers eux que l'aviation civile hérita des militaires non seulement des lignes défrichées, des infrastructures au sol en voie de constitution, des protocoles de vol et des appareils mieux adaptés, mais aussi une «mystique du risque» peu compatible avec les nouveaux critères d'exigence imposés surtout par la concurrence américaine 32. Certes, les pilotes militaires avaient très largement contribué, par leurs explorations et leurs expérimentations, à faire en sorte qu'en 1939 le réseau aérien d'Air France soit le deuxième réseau du monde et le seul à s'étendre à la fois sur l'Europe, l'Amérique, l'Extrême-Orient et l'Afrique, mais, en devenant des pilotes de ligne reconvertis dans le civil, ils pérennisaient des comportements et des mentalités d'un autre temps. Celles-ci constituèrent autant de blocages et de forces d'inertie qui gênèrent le processus de développement d'une aviation commerciale civile productive, rentable et largement capitalisée, parce que dotée d'une gestion, d'une exploitation et d'une culture d'entreprise rationalisées. La
nécessité d'une aide au décollage
![]() Au lendemain de la Grande Guerre, nombreux furent les milieux français qui estimèrent que le moment propice était venu de mettre sur pied un réseau de communications aériennes. Plusieurs atouts permettaient de pronostiquer une croissance rapide de ce secteur: l'interdiction imposée aux vaincus de construire des appareils laissait espérer aux Français la domination rapide des réseaux européens 33, les appareils et les équipages disponibles étaient nombreux et bon marché, ce qui permettait de tabler sur un amortissement rapide des investissements et sur des bénéfices substantiels dès la troisième année. Il fallait, en outre faire vite, car la concurrence n'allait pas manquer de poindre rapidement son nez sur le Vieux Continent 34. Les immenses progrès techniques réalisés pendant la guerre -multiplication par quatre de la puissance des moteurs, début des fabrications en série- semblaient devoir encourager les rêves les plus téméraires. Enfin, avec les exploits de Roland Garros et des officiers britanniques Alcock et Brown, s'ouvraient l'immense perspective des transports transocéaniques 35. Malgré ces espoirs fondés, le capital-risque privé manquait et l'État était le seul à pouvoir pallier son absence. Cette solution de facilité semblait d'autant plus séduisante pour les entrepreneurs qu'ils savaient les pouvoirs publics intéressés par la charge politique, l'intérêt diplomatique et le potentiel stratégique de ce nouveau mode de transport 36. Au début des années 1920, les compagnies aériennes françaises présentaient donc un double visage: d'un côté elles avaient bien tous les traits d'entreprises classiques -capital, actionnaires, salariés sous contrat de travail ordinaire- de l'autre, elles étaient marquées par une dépendance particulièrement marqué à l'égard des pouvoirs publics 37. La nature même de leur activité économique rendait le soutien toujours plus important de l'État indispensable. En effet, les services aériens n'étaient, à cette époque, pas du tout rentables. Le courrier, les colis, les journaux, les plis urgents et autres messageries constituaient l'ordinaire du transport aérien mondial jusqu'au début des années trente, alors que le nombre de passagers était ridiculement faible. Ces frets de valeur importante mais de volume réduit ne suffisaient pas à couvrir les frais des lignes aériennes civiles, malgré les surtaxes que devait payer les utilisateurs pour bénéficier de la célérité des airs. En effet, une ligne aérienne immobilisait des infrastructures et plusieurs appareils à fort coût unitaire et à amortissement lent, d'une durée de vie moyenne relativement courte à cette époque -vu le nombre de pertes et la fréquence des accidents- , ainsi que du personnel relativement nombreux. En outre, il s'agissait d'une activité de service pionnière, particulièrement affectée, par conséquent, par les cycles courts de la demande. Il faut rappeler que l'époque était économiquement instable, les crises économiques et sociales profondes se succédaient à une vitesse effrénée dans un environnement fortement concurrentiel où les institutions financières privées solides manquaient et où les autorités de régulation faisaient cruellement défaut 38. En somme, le chiffre d'affaires des premières compagnies aériennes était trop faible pour couvrir les fonds de roulement, les investissements indispensables et les frais d'exploitation 39. Autant dire que, dans ce contexte, les subventions de l'État étaient absolument nécessaires à la survie de toutes les entreprises aéronautiques -y compris industrielles- qui étaient ainsi placées sous «perfusion» financière. Les raisons de cette dépendance à l'égard de l'État ne doivent pas être imputées à l'ambition démesurée des opérateurs ni à l'extension mondiale des réseaux à la fin des années 1920. Il faut plutôt incriminer la défaillance des investisseurs privés intéressés par ce secteur. L'«économie du risque» n'a jamais vraiment fait recette en France auprès des grandes fortunes établies, or, en l'espèce, il fallait des sommes colossales pour seulement faire démarrer les compagnies aériennes, encore plus pour les faire «décoller» et leur permettre de couvrir le monde. Cette manne providentielle, sans laquelle les compagnies aéronautiques civiles n'auraient pas pu équilibrer leurs comptes, assurait entre 60 et 85% des recettes de ces entreprises, les faisant bénéficier de véritables dons déguisés, pudiquement désignés sous le vocable très prude de «subventions d'exploitation». Les recettes «vraies» (poste aérienne et passagers payants) ne permettaient de financer que le carburant, le personnel des compagnies et leurs frais d'escale; tandis que le matériel volant, les équipements embarqués et les infrastructures au sol étaient payés par les deniers publics et les collectivités locales. Les pouvoirs publics portaient donc à bout de bras cette branche économique naissante 40. Cette réalité n'échappait évidemment pas aux responsables politiques en haut lieu et ce d'autant moins que les États, les gouvernements coloniaux ou les instances dirigeantes régionales étaient les seules habilités à autoriser officiellement des transports réguliers. Ils ne pouvaient ignorer l'ampleur du soutien à apporter à ces jeunes start-up , ni minimiser l'effort budgétaire que cela impliquait 41. Très soucieux de leur devenir, les pouvoirs publics mettaient à profit leur mainmise financière sur les compagnies aériennes pour en faire un des instruments de leur politique d'influence, que ce soit sur le territoire national, dans les colonies ou à l'étranger. Cette jalouse bienveillance explique aussi, en partie, le soutien indéfectible de la plupart des responsables politiques au maintien de la présence militaire dans ce secteur d'activité. Cependant, si l'aide de l'État était indispensable, on peut se demander si elle s'est réalisée dans des conditions satisfaisantes et si elle répondait à une politique de développement cohérente. Deux phases peuvent être distinguées. Dans un premier temps, jusqu'à 1927 environ, on assiste à une sorte de saupoudrage des aides, sans politique vraiment cohérente, puis, petit à petit des efforts de rationalisation apparaissent et poussent à la concentration du secteur. L'absence d'une politique de développement cohérente ![]() Si l'intérêt des responsables politiques et militaires pour l'aviation commerciale ne fait aucun doute, cette dernière est demeurée longtemps privée de toute politique de développement. Certes, dès 1917, le gouvernement français avait décidé de se ranger à l'avis de la commission interministérielle présidée par le comte d'Aubigny, selon laquelle il fallait aider l'aviation à se reconvertir en temps de paix, dans les activités de transport, mais les ministères de la Guerre, de la Marine, des Postes et des Colonies ne prirent que des initiatives très désordonnées sans lendemain, toutes les bonnes intentions restant finalement lettre morte 42. En fait, aucune structure gouvernementale destinée à l'élaboration et à l'application d'une telle politique n'existait alors. L'initiative est souvent venue du privé: il faut rappeler que Pierre-Georges Latécoère n'a même pas attendu la fin de la guerre pour négocier directement avec Jacques-Louis Dumesnil, sous-secrétaire d'État à l'aéronautique et lui demander d'aider le secteur 43. On peut donc considérer que c'est de leur confrontation avec les exploitants, les constructeurs et autres chefs d'entreprise, que les responsables français ont progressivement tiré les éléments qui leur ont permis d'esquisser de vagues lignes d'action, bien éloignées d'une doctrine suivie. Mais les entrepreneurs privés n'ont pas été les seuls à peser sur la définition de cette politique aéronautique. Comme nous l'avons vu, l'influence des militaires a été déterminante, et ce d'autant plus qu'ils n'avaient pas à affronter des positions fermement définies alors qu'eux-mêmes bénéficiaient de tout le travail du SNAé et de l'expérience acquise sur le terrain par leurs pilotes. Il devait être, par conséquent, très difficile de résister à la force et à la solidité de leurs arguments. L'influence des entrepreneurs et des militaires aurait cependant été nulle sans d'importants relais parlementaires. En effet, l'attribution de subventions était assujetti au respect d'un cahier des charges imposé par l'administration, qui avait pris soin de faire respecter le principe d'opposabilité par l'exercice d'un contrôle strict et rigoureux, d'ailleurs effectué à plusieurs niveaux. C'est le Parlement qui exerçait, en tout premier, un droit de regard et même une surveillance exigeante sur l'emploi des subsides de l'État. La Chambre des députés et le Sénat disposaient de commissions spécialisées -respectivement «groupe parlementaire aéronautique» et «groupe de l'Aéronautique», le premier comptant 163 membres pour 566 députés (soit 29 % de la Chambre), le second étant fort de 207 inscrits sur 290 sénateurs (soit 71,5% du Sénat) 44 -, auxquels venaient s'ajouter diverses autres commissions de contrôle chargées plus généralement de surveiller l'utilisation des deniers publics: commission des marchés, commission des Finances, commission de l'Armée, commission de la Marine, commission des Travaux publics, commission des Colonies. A côté de la jalousie magnanime et prévenante des instances officielles et des institutions de l'État, la répartition par poste et l'emploi des crédits affectés à l'aviation civile était évidemment aussi le point de mire des attentions les plus assidues des banquiers, des constructeurs, des groupes de presse, des entreprises affiliées ou sous-traitantes. Si cette aide ne pouvait initialement être que mesurée -le pays avait d'autres priorités au sortir de la guerre et devait orienter ses dépenses en fonction de l'urgence des besoins-, elle ne cessa presque jamais d'aller crescendo 45. En francs constants 46, le budget consacré à l'aviation civile était déjà de 396 millions environ en 1920 (0,44% du budget général) et s'élevait jusqu'à 482 millions environ en 1930 (1,14% du budget général)47. Toutes ces aides diversifiées se répartissaient selon différents postes. Elles couvraient à la fois le matériel aérien volant, les équipements embarqués de navigation, les «plates-formes» constituant l'infrastructure au sol, la formation et la rémunération des personnels, les concessions liées aux sujétions d'exploitation, les investissements et les frais d'exploitation 48. Les premiers contrats liant les très jeunes compagnies aériennes françaises à l'État furent conclus en 1919, pour une période d'un an -ce qui montre bien la très judicieuse prudence des pouvoirs publics à l'égard d'une jungle encore touffue d'entreprises nées dans l'enthousiasme effréné d'un engouement pour l'aéronautique fidèle à l'air du temps. Le gouvernement se réservait d'ailleurs la possibilité, par la loi de finances du 31 juillet 1920 - qui autorisait l'établissement de contrats d'une durée maximale de dix ans-, d'accorder sa préférence aux sociétés qui devaient s'avérer plus solides. C'est en fait la loi de finances du 30 avril 1921 qui mit sur pied le système des aides, des primes et des subventions accordées à l'aviation commerciale, dans la limite des crédits autorisés par le Parlement. L'évolution de ces primes d'achat et de ces primes de productivité montre surtout les réels efforts déployés par les pouvoirs publics pour orienter les investissements des compagnies aériennes, aussi bien dans la gestion des entreprises que dans le choix du matériel retenu par l'exploitant. La politique suivie subissait de constantes modifications parce qu'il s'agissait d'inciter au développement de l'élément de l'avion qui paraissait alors avoir le moins progressé: telle année on cherchait surtout à faire croître la vitesse, les avions français étant trop lents, telle autre on poussait à améliorer la charge utile ou la sécurité parce qu'un accident grave avait frappé l'opinion publique et qu'il avait donné un avantage important à la concurrence. La prime avait en outre pour objectif de couvrir, autant que faire se peut, les déficits d'exploitation sans trop prêter à la contestation ou à la critique 49. La volonté des pouvoirs publics français de doper le plus possible ce secteur paraît donc claire, d'autant que le contexte économique de l'époque était censé imposer des choix budgétaires draconiens. Il n'est donc pas étonnant que les détracteurs de l'aviation commerciale se soient engouffrés dans la brèche pour critiquer vertement les subventions directes et autres crédits alloués à perte à l'aéronautique civile. Dans un article de l'Illustration du 4 mai 1929, Henri Bouché fait le bilan des premières années de l'aviation marchande et dresse un constat accablant: «[...] pour l'ensemble des compagnies aériennes,l 'État a versé jusqu'ici plus de 500 millions de francs de subventions directes, alors que les recettes commerciales n'ont pas atteint 100 millions», prédisant, pour conclure, « [...] l'arrivée prochaine, sur nos chasses gardées, de l'aviation américaine» 50. Ces critiques sont en fait apparues dès 1922, à l'occasion des discussions budgétaires à la Chambre, et elles ne manquèrent pas de se constituer en corps principal de l'argumentaire couramment avancé par les partisans de la compagnie unique. De leur point de vue, celle-ci représentait la solution idéale qui devait permettre la réduction des dépenses budgétaires, la rationalisation de l'exploitation des lignes aériennes et par conséquent l'optimisation des résultats. Il est vrai que le système de saupoudrage des aides en direction de multiples sociétés générait des effets pervers qui ne manquèrent pas d'apparaître vite au grand jour. Souvent, ces fonds furent dépensés en pure perte et disparurent dans la faillite des entreprises. En effet, la libéralité de l'État avait laissé espérera ux promoteurs des lignes aériennes et de l'aviation civile des extensions fulgurantes et illimitées, ce qui est sans doute à l'origine d'éclosions d'innombrables petites compagnies au coeur vaillant mais aux poches vides: de juillet 1920 à juillet 1921, 22 compagnies se destinant à l'exploitation des lignes aériennes commerciales furent créées en France 51. Rien qu'en métropole, l'année 1920 vit naître dix compagnies exploitant quatre lignes au départ de Paris, deux au départ de Toulouse, une au départ de Bayonne et une au départ de Nîmes 52. La Nation dut faire le deuil d'une armée toute entière de ces bravaches qui, faute de capitaux suffisants pour poursuivre l'aventure, s'en retournèrent à leurs pénates, victimes de disparition, d'absorption ou de fusion 53. La France ne comptait plus que six compagnies survivantes en 1928, dont Air Union Lignes d'Orient (AULO) et Air Afrique, tout juste créées, respectivement en 1927 et en 1928 54. Les opérateurs découvrirent très vite que les appareils, achetés à des prix de «liquidation» dans les surplus de l'armée, ne répondaient pas à leurs attentes: leurs faibles performances avaient obligé les promoteurs à revoir à la baisse les calculs prévisionnels de rendement 55. La vente des machines avait été gérée par un consortium regroupant l'ensemble des constructeurs -ces derniers étaient, très souvent, également actionnaires ou propriétaires des compagnies aériennes-, ce qui avait permis de pratiquer des prix intéressants. Le différentiel de prix entre les appareils neufs et les avions déstockés de l'armée était tel -l'amplitude croissant en outre rapidement au fil des années- que, pour favoriser l'industrie aéronautique, le gouvernement avait instauré une prime d'achat remboursant, sous certaines conditions, la moitié du prix de vente de machines neuves. Malgré ces incitations à la rénovation du parc aérien, celui-ci restait vieux et usé, ce qui générait des dysfonctionnements importants: les échéances horaires n'étaient pas respectées à cause des avaries, la «casse» restait très importante et les frais d'entretien augmentaient à mesure que les appareils vieillissaient. Le renouvellement de la flotte des compagnies aériennes se heurtait non seulement à la fragilité financière des entreprises de transport mais également à l'incapacité des constructeurs à fournir des avions spécifiquement adaptés aux besoins de l'aéronautique commerciale. In fine, tous ces «imprévus» avaient eu des effets désastreux sur le bilan comptable des entreprises de transport aérien, l'ensemble des dépenses annuelles dépassant largement le capital social des sociétés. On peut donc aisément constater que l'aide ciblée apportée aux entreprises pour l'achat de matériel neuf n'a pas empêché les difficultés et les faillites. Mais il faut attendre le milieu des années 20 pour que l'État se rende compte qu'il ne servait à rien de disperser les subventions en direction de multiples sociétés et qu'il valait mieux encourager la concentration du secteur. Vers la rationalisation ![]() Lorsque les responsables politiques se rendirent compte que les quelques rares lignes à «gros» trafic étaient l'objet d'une concurrence acharnée entre compagnies françaises, d'autant plus stérile et préjudiciable aux intérêts du pays qu'elle était en fait involontairement soutenue par les subventions publiques -qui permettaient aux petites sociétés très peu productives de survivre artificiellement sous perfusion financière-, ils encouragèrent la spécialisation de chaque compagnie sur un secteur géographique donné 56. Il est permis de penser que cette prise de conscience fut accélérée par l'évolution du marché international. Les Américains et les Allemands commençaient alors à avoir une politique commerciale agressive et cherchaient à supplanter les Français sur des lignes comme celles de l'Amérique du Sud. Dans ce contexte ne fallait-il pas se regrouper pour affronter la concurrence étrangère plutôt que de jouer à tout prix la diversité et disperser ses forces ? Le gouvernement français, conscient des enjeux s'engagea donc dans une nouvelle politique que l'on peut résumer avec la formule «une ligne, une compagnie». Cette nouvelle orientation aboutit, dès 1927 -alors que la politique de subventions n'avait pas en core poussé à la rationalisation-, à la volonté clairement affichée du ministère de l'Air de rassembler en trois réseaux les lignes aériennes alors desservies par les six compagnies françaises restantes. Il faut rappeler néanmoins que ces nouvelles tendances furent longues à être mises en oeuvre. Leur application était empirique et résultait de la pratique des gouvernements successifs mais n'avait jamais été inscrite dans un texte de loi. Du point de vue juridique, la concurrence sur une même ligne restait licite. D'ailleurs, les textes officiels, comme par exemple la convention passée par Latécoère avec le gouvernement français en juillet 1924, prévoyaient expressément la concurrence et ne semblaient donc en rien annoncer l'option du monopole ou du partage autoritaire du marché. Les «Lignes Latécoère», notamment, durent affronter les autres promoteurs aériens français, que ce soit en France métropolitaine ou aux colonies, mettant en branle des intérêts rivaux aussi bien économiques que politiques. Ces démêlés montraient clairement aux pouvoirs publics que la répartition tacite des réseaux entre les différentes compagnies françaises ne résolvait que très superficiellement les affrontements concurrentiels, que ce soit pendant une phase de développement rapide ou lors d'une période de récession, et que les hypothèques sur l'avenir à long terme restaient entières 57. Mais il ne suffisait pas de répartir les lignes, il fallait encore pousser à la concentration du secteur. Comme nous l'avons vu plus haut, le système des primes pratiqué par les autorités avait révélé une gestion aléatoire du dossier «aviation commerciale», faite de méconnaissance, de tâtonnements successifest de tentatives pusillanimes, plutôt inspirée par les entrepreneurs eux-mêmes qu'imaginée, pensée et organisée par les hommes politiques. Pour ne prendre qu'un exemple, les pouvoirs publics avaient toujours été devancés par les initiatives de Pierre-Georges Latécoère, que ce soit en métropole, dans les colonies, en Espagne ou en Amérique latine, à tous les moments charnière de l'histoire de son entreprise. Néanmoins, mener une politique à court terme, uniquement fondée sur le relèvement des compagnies par des subventions toujours plus grasses, conduisait à des dépenses inconsidérées. Il devint donc évident qu'il fallait cesser au plus vite d'accorder des crédits aussi importants à une multitude de sociétés, d'autant plus que les moins saines confisquaient aux plus performantes des parts de marché précieuses. La fusion des entreprises aéronautiques s'imposa finalement comme le corollaire logique et nécessaire de ces constatations. C'est pourquoi l'État se fit de plus en plus pressant auprès des compagnies aériennes françaises pour obtenir ces fusions, dont on attendait beaucoup: des économies d'échelle grâce à des unités plus importantes et un réseau plus complet, des économies budgétaires pour l'État grâce à une productivité et une rentabilité plus grandes et, enfin, des entreprises capables d'intéresser des investisseurs susceptibles de relayer les efforts de l'État 58. Certains dirigeants résistèrent à cette nouvelle orientation de la politique aéronautique de la France, car ils craignaient d'y perdre leur liberté d'en treprendre et de voir diluer leur autorité. Lorsqu'en 1927 le ministre du Commerce et de l'Industrie, Maurice Bokanowski, demanda à P.-G. Latécoère qu'il participe au regroupement des compagnies françaises dans une holding, il préféra abandonner le secteur de l'aviation commerciale pour se consacrer exclusivement à l'industrie aéronautique. Sa compagnie aérienne, la CGEA, fut laissée à Marcel Bouilloux-Lafont qui en fit la CGA. La pression à la fois économique et politique, exercée par l'État sur les compagnies aériennes en faveur de la fusion, fut une grande constante et une caractéristique importante de l'histoire de l'aviation commerciale française, essentiellement à partir du milieu des années 1920. Cependant, ce n'est que très progressivement que l'État s'est forgé la conviction qu'une compagnie unique était la seule solution viable et que les exploitants devaient se plier, si nécessaire, à la raison d'État, en acceptant de développer aussi -sinon exclusivement- les liaisons susceptibles de servir au mieux les ambitions et les intérêts du pays 59. Pour réaliser ces objectifs, les gouvernants choisirent tout naturellement de s'appuyer sur les sociétés les plus solides: la CGEA, qui devint la CGA en 1927, intéressée par l'Amérique du Sud, et sur la «Franco-Roumaine», devenue CIDNA en 1925, aux ambitions orientales. Ces deux compagnies bénéficièrent de conventions de longue durée parce que leurs réseaux avaient un intérêt politique, que leurs perspectives de développement étaient alléchantes et que leur gestion financière ne semblait pas trop chaotique. Deux autres compagnies, elles aussi dotées de qualités à la fois stratégiques et économiques, vinrent entre temps renforcer ce pool aéronautique porteur des espoirs français dans le secteur de l'aviation commerciale: Air Union Lignes d'Orient, d'une part, qui avait pour ambition de couvrir l'Asie et qui fusionna en 1929 avec Air Asie, créée l'année précédente en 1928, pour donner naissance à Air Orient en 1930; Air Afrique, d'autre part, qui cherchait à traverser le continent noir jusqu'à Madagascar, d'où son surnom, la «Transafricaine» -cette compagnie n'entra pas dans la composition d'Air France en 1933 mais dans celle de la nouvelle compagnie Air Afrique en 1937, qui elle-même s'intégra à la refonte d'Air France en 1941. L'objectif des pouvoirs publics était, de toute évidence, de favoriser la mise en place de réseaux de communications rapides selon les trois axes décrits dans le projet de Maurice Bokanowski de 1927 : un réseau continental reliant Paris à Londres et Amsterdam; un réseau d'Orient desservant l'Indochine et Madagascar, tout en couvrant l'Europe centrale, sud-orientale et orientale; un réseau d'Occident s'implantant en Afrique de l'Ouest et en Amérique du Sud. Dans la constitution de ce réseau, les finalités politiques et stratégiques ne font donc aucun doute -il s'agissait de relier la métropole le plus étroitement et le plus rapidement possible aux colonies, ainsi que de contrôler les espaces étrangers qui faisaient l'objet d'une âpre concurrence internationale, commerciale et stratégique- mais il est évident que les préoccupations économiques n'étaient pas absentes, puisque cette «concentration» des lignes aériennes en trois réseaux principaux était un pas résolu vers la concentration horizontale du secteur de l'aviation marchande, par absorption et par fusion, qui devait conduire finalement à la naissance, le 30 août 1933, de la Compagnie Air France. Celle-ci, effectuée sous l'égide du ministre de l'Air, Pierre Cot, résultat du rachat des actifs de la CGA par l'État, et de la fusion des quatre principales compagnies françaises de l'époque - la CIDNA, Air Orient, la SGTA et Air Union. Elles formèrent dans un premier temps la Société Générale pour l'Exploitation de Lignes Aériennes ou SGELA, puis l'ensemble fut intégré et devint, on le sait, la société d'économie mixte, Air France. Les premiers temps de l'aviation commerciale française s'achevèrent par une phase de bouleversements profonds. A partir de 1933, en effet, cette branche économique accéda à une nouvelle dimension: la mondialisation des réseaux et des opérateurs commença à imposer ses lois à l'ensemble des lignes et des réseaux. Ce nouveau défi, généré par les changements d'échelle réalisés dans la période précédente, exigea une mobilisation encore plus forte des moyens humains et techniques. La compagnie nationale Air France finit de se constituer, les avions transcontinentaux se perfectionnèrent pour devenir parfaitement opérationnels et une véritable industrie aéronautique, débarrassée de sa gangue artisanale et spécifique au transport commercial, vit le jour, comme le montre l'exemple de Latécoère : on passa progressivement, par mutations successives, du «bricolage» technicien, certes parfois génial, à la formation d'un système technique intégré spécifique devant tenir compte de l'environnement industriel général. Cette période se caractérisa, en France, par un affrontement virulent des conceptions: si, pour les uns, les réseaux commerciaux devaient épouser les contours de l'empire, il était souhaitable, aux yeux des autres, qu'ils se laissent guider par les lois du marché et une libre concurrence acharnée mais conquérante; alors que certains prônaient la politique du «pavillon», d'autres lui opposaient l'exclusive et «saine» gestion comptable. Le débat porta également sur les différentes façons d'adapter les infrastructures aux dimensions du marché, à l'évolution des matériels et aux ambitions des opérateurs. Plus aiguisée encore fut la polémique qui se noua autour du rééquilibrage nécessaire des rôles respectifs des compagnies et de l'État dans ce contexte dynamique éminemment évolutif. Ces échanges d'idées manquèrent d'autant plus de sérénité qu'ils devaient s'accommoder du carcan toujours plus étroit d'une politique extérieure offensive mais, sur tout, contrariante pour les compagnies françaises, qui n'a fait qu'envenimer les relations entre pouvoirs publics et opérateurs aériens. *
Conclusion.
![]() ![]() 1.
Cf. E. Chadeau, Saint-Exupéry, Paris, Pion, 1994,
p. 327-354 ; E. Chadeau, Mermoz, Paris, Perrin, 2000, p. 243-284.
![]() 2. En France, l'aviation commerciale des premiers temps devint un mythe nationaliste largement instrumentalisé par les idéologies d'extrême-droite, cf. F. PERNOT, «Deux aspects méconnus de la vie de Jean Mermoz: l'aviateur militaire et l'homme politique», in Revue Historique des Armées, 1994, n° 4, p. 88-97 ![]() 3. E. Chadeau, « Des pionniers au transport mondialisé », in Actes du Colloque international L'Aviation civile et commerciale des années 1920 à nos jours, 27-30 octobre 1993, Comité du Cinquantenaire Latécoère, SHAA, ENSTA, Vincennes, SHAA, 1994, p. 27-34. ![]() 4. Nul part dans le monde, il n'y a eu d'aviation marchande sans pouvoirs publics. La volonté des États et des organisations internationales s'est toujours exercée sur cette branche économique éminemment « sensible » : cf. E. CHADEAU, État, entreprise et développement économique, l'industrie aéronautique en France, 1900-1940, thèse de doctorat d'État, Université Paris-X-Nanterre, 1985, 5 vol. ![]() 5. F. Pernot, «Le rôle des aviateurs militaires français dans le défrichement des lignes aériennes dans les années vingt et le début des années trente», in Actes du Colloque international L'Aviation civile et commerciale, op. cit., p. 47-71. ![]() 6. Cette liaison postale aérienne fut, en fait, mise en place pour transporter le courrier militaire du corps expéditionnaire américain. Cf. «Liaisons militaires 1918-1919», in Icare, n° 173, 2000/2, p. 26-29. ![]() 7. Au lendemain de la Grande Guerre, 12 919 pilotes français se retrouvaient en instance de démobilisation. ![]() 8. Dont Paris-Bordeaux (du 23 mars au 15 juin 1919) ; Paris-Londres, (du 16 mars au 20 juin 1919) ; Paris-Strasbourg (du 7 avril au 22 juin 1919); Paris-Mulhouse (du 8 mai au 18 juin 1919). Il y eut d'autres liaisons moins régulières. Parmi ces dernières, la ligne Constantinople-Bucarest, mise en place pour accélérer les liaisons postales entre l'armée d'Orient et la France. Cette ligne fonctionna du 10 mai 1919 au 31 octobre 1919 (une centaine de liaisons en tout). Cf. « Liaisons militaires », in Icare, n° 173 2000/2, p. 26-29. ![]() 9. Cf. F. Pernot,
«Le rôle des aviateurs ...», op. cit.,
p. 48-49.
![]() 10. En effet, les liaisons aériennes assurées par les militaires furent alors assez vite reprises par des compagnies privées, dont quelques-unes furent d'ailleurs créées par des avionneurs comme Breguet, Lioré, Farman ou Latécoère. Cf. «La Compagnie Aérienne Française», in L'Aérophile, n° 20/21, 1er octobre 1919, p. 296-301 ; G. COLLOT & A. CORNU, Ligne Mermoz: histoire aérophilatélique, Paris, Ed. Bertrand Sinais, 1990 ; «Poste aérienne française, tome 1 », in Icare, n°173, 2000/2, p. 25-152 ; M. BELLONTE, « Naissance du transport aérien », in Icare, n°103, 1982/4, p. 38-47; R. ESPEROU, «L'Aéronavale», in Le Trait d'Union, n° 130, mars-avril 1990, p. 1-18 ; A.R. Malfanti, «La Compagnie des Messageries Aériennes », in Icare, n° 26, juin-juillet 1963, p. 61-65. ![]() 11. «L'aviation coloniale», in Revue de l'aéronautique militaire, n° 12, novembre-décembre 1922, p. 138-142. ![]() 12. Lieutenant Henri ROGET, « Pourquoi le raid ? », in L'Aéronautique, n° 1, juin 1919, et commandant Rolland, «L'avion au Sahara», in L'Aéronautique, n° 12, mai 1920, p. 509-513. ![]() 13. Commandant ROQUES, « L'aéronautique coloniale », in Revue des forces aériennes, n° 1, août 1929, p. 65-83 ; Id., « Avions et hydravions coloniaux », in Revue des forces aériennes, n°4, novembre 1929, p. 489-496. 974 SACHA MARKOVIC ![]() 14. Le raid du commandant Vuillemin et du capitaine Dagnaux vers le Caire, du 7 au 16 août 1919, montra l'utilité de nouveaux équipements comme le gyroscope et les réservoirs supplémentaires. Cf. « Le raid du Caire à Paris », in L'Aéronautique, n° 6, novembre 1919, cité par F. PERNOT, op. cit.; Le raid de Vuillemin, Papin et Dagnaux, en Afrique du Nord en novembre 1923, permit de constater la fiabilité des Breguet xiv BS et testa avec succès lanavigation au compas. Cf. Capitaine DAGNAUX, «Trois avions parcourent de conserve 10 000 km», in Revue de l'aéronautique militaire, n° 19, janvier-février 1925, cité par F. PERNOT, op. cit. ![]() 15.
Par exemple le voyage d'études Paris-Tchad de
1925 Cf. «Le voyage d'études Paris-Tchad.
Buts du
voyage», SHAA, 1 B22 ; «Expédition
Citroën-Centre Afrique, 2e mission Haardt-Audoin-Dubreuil- 3e
rapport de fin de mission adressé à
Monsieur le sous-secrétaire d'État à
l'Aéronautique», 19 mai 1926, SHAA, 1 Β
22 et capitaine MARIE, Le Congo à six jours de
Paris, Paris, Les
Etincelles, 1931, SHAA 698.
![]() 16. Lieutenant Deschamps, «L'aviation au Sahara et les voies de pénétration aérienne dans le Sahara oriental», in Revue des forces aériennes, n° 15, octobre 1930, p. 1191-1213 ; Jean DE NEUFBOURG. «Tunis-Tchad. Reconnaissance du Sahara oriental. Ses possibilités aéronautiques», in Revue des forces aériennes, n° 38, septembre 1932, p. 1004-1036 ; compte rendu de mission sur les confins sahariens, effectuée par le détachement de Tombouctou du 4 janvier au 3 1 mars 1 933, De Fournas, SHAA, C 2194 ; compte rendu de mission effectuée par le détachement de Tombouctou de la 3e escadrille du 15 janvier au 15 mars 1934, SHAA, C2194; lettre n°744-l/A4 du 4 septembre 1934 du ministre de l'Air au général commandant supérieur des troupes du groupe de l'A.Or.F., SHAA, 2 Β 33 ; et surtout lieutenant-colonel Pierre WEISS, L'hallucinante Afrique française, Paris, Editions Louis Querelle, 1934, p. 40, 44 : du même auteur (mais alors colonel), Le Secret du Sud, Paris, Berger-Levrault, 1937, SHAA 807. Notons tout de même que ces mesures de précaution étaient déjà prônées dans les années 1910, à propos des aéroplanes utilisés dans le désert. Cf. «L'Aviation aux colonies»,in La Revue Aérienne, 25 septembre 1910, p. 534-535. ![]() 17. Notons, toutefois, que les raids «militaires» pouvaient s'intégrer à part entière à une politique «du pavillon», comme ce fut le cas, par exemple, du raid Paris-Tokyo du lieutenant Pelletier d'Oisy et de l'adjudant-chef Bésin. Cf. «Note au sujet du voyage aérien du lieutenant Pelletier d'Oisy de Paris à Tokyo», adressée au président de la République et émanant du 1er Bureau de l'Armée, SHAA, Ζ 27 470, fonds de Goys. ![]() 18. Rapport du lieutenant-colonel de Goys, commandant la mission française aéronautique d'Orient, sur la situation de la mission à la date du 1er mai 1920, Mission française aéronautique d'Orient, Constantinople, 1er mai 1920, SHAA, 1 Β 22 ; « Aéronautique militaire et aéronautique civile », in Revue de l'aéronautique militaire, n° 10, juillet- août 1922, p. 73-77. ![]() 19. Lieutenant-colonel P. WEISS, CIDNA ou l'Express d'Istamboul, Paris, L. Querelle éd., 1932, SHAA 853 ; V. FERRY, Une route pour l'Orient: la Franco-Roumaine, S.I., 1993, SHAA G/1469 ; L. Guidon, «Souvenirs de la Franco-Roumaine», in Icare, n°73, 1975/2, p. 10-115; général P. Paquier, «Paris-Bucarest», in Forces aériennes françaises, n° 236, mai 1967, p. 635-656 ; C. LEPLANQUAIS, « La Franco-Roumaine et la Compagnie Internationale de Navigation Aérienne : 1925-1929 », in Icare, n° 27, octobre 1963, p. 47-56. ![]() 20. F. Pernot, « Le rôle des aviateurs ... », op. cit., p. 56. ![]() 21.
De Fournas, Compte rendu de mission sur les confins
sahariens effectué par le détachement de Tombouctou du 4
janvier au 31 mars 1933, SHAA, C 2194.
![]() 22. Capitaine Gama, «Reconnaissance de la vallée du Tilemsi. Etude des possibilités de liaison aérienne entre Bourrem, Kidal et Tessalit», in Revue de l'aéronautique militaire, n° 25, janvier-février 1925, p. 6-11. Toutes les missions aériennes non militaires effectuées par l'armée étaient facturées. Cf. Rapport du général de division Armengaud, inspecteur des forces aériennes d'outre-mer, sur l'inspection des formations de l'armée de l'Air détachées en Afrique occidentale française, du 9 au 17 décembre 1934, p. 8-9, shaa, 2 Β 31 ; ainsi que : lettre n° 804-1 A du 9 août 1933 du ministre de l'Air au gouverneur de la CFS., SHAA, 2 Β 33 ; lettre n° 1046-1. A4/ EMG du 29 décembre 1934 du ministre de l'Air au ministre des Colonies, SHAA, 2 Β 33; A. DEMAISON, Menaces dans le ciel, Paris, Ed. Baudinière, 1933, SHAA 291 ; commandant Dagnaux, «La liaison aérienne France-Madagascar. L'aviation à Madagascar», in Revue de l'aéronautique militaire, n° 41, septembre-octobre 1927, p. 102. ![]() 23. Notons au passage qu'avant la Première Guerre mondiale, la Ligue nationale aérienne (LNA), créée le 2 septembre 1908 par René Quinton et Ferber, avait beaucoup oeuvré, par l'intermédiaire de La Revue aérienne, pour le développement de l'aviation aux colonies. La campagne de presse orchestrée par la LNA en 1911 aboutit à la formation d'une commission interministérielle chargée d'étudier la mise en place de services aériens coloniaux à finalités militaires et civiles. En 1910, deux centres d'expérimentation de l'aviation en AOF, furent mis à l'étude pour procéder à des essais de pénétration aérienne au Sénégal. Le manque de moyens et de préparation aboutirent à l'abandon de ces projets en 1913. Cf. général H. FREY, L'aviation aux armées et aux colonies et autres questions militaires actuelles, Paris, Nancy, Librairie militaire Berger-Levrault, 1911, SHAA 2050 ; G. Lochet, «L'aviation aux colonies», in La Revue aérienne, 25 septembre 1910, p. 533-536 ; «L'Aviation coloniale», in La Revue aérienne, 10 janvier 1911, p. 24-27 ; « L'Aviation aux colonies», in La Revue aérienne, 25 janvier 1911, p. 55 ; capitaine Cortier, «L'aviation coloniale, oeuvre humanitaire», in Revue aérienne, 10 mars 1911, p. 118-122 ; lieutenant DE Lafargue, «L'aviation dans le désert», in La Revue aérienne, 25 février 1913, p. 108-110 ; «L'aviation coloniale», in Revue de l'aéronautique militaire, n° 12, novembre-décembre 1922, p. 138 ; E. PETIT & P. FAÇON, La vie quotidienne dans l 'aviation en France au début du XXe siècle, 1900-1935, Paris, Hachette, 1977, p. 83 et R. Chambe, Histoire de l'aviation, Paris, Flammarion, 1987, 6e édition, p. 144. ![]() 24.
Les coloniaux faisaient déjà part de ce
type de réflexions au pouvoir politique de
métropole à la veille de la Grande Guerre. Cf.
Lettre du gouverneur général de l'AOF, H.
Ponty, au ministre
des Colonies, d'octobre 1910, SHAA C2153 et
«L'aviation coloniale», in Revue de l'aéronautique
militaire, n° 12, novembre-décembre 1912, p.
138.
![]() 25. Selon l'expression de F. PERNOT, op. cit., p. 62. ![]() 26. Le décret du 19 janvier 1920, considéré comme la «charte de l'Aéronautique coloniale», plaçait l'aviation sous l'autorité des gouverneurs généraux, pour ses tâches d'ordre politique ou économique. Ces fonctions avaient vocation à n'être que transitoires et préparer la venue des entreprises privées. Cf. Georges BARTHELEMY, «Faisons sa place à l'Aviation coloniale», in L'Aéronautique, n° 35, avril 1922, p. 93-95 ; « L'aviation coloniale », in Chroniques des avions Louis Breguet, n° 8, février 1926, p. 39 et n° 9, mars 1926, p. 43 ; lieutenant-colonel Hayez, «Organisation de l'aéronautique militaire puis de l'armée de l'Air de 1919 à 1939», Versailles, 1960, SHAA G/716. ![]() 27. Cf. « La Croisière noire », SHAA, 1 Β 22 ; général Bailly, «La Croisière noire», in Revue historique de l'Armée, n° spécial «Air», 1969, s.p. ; F. PERNOT, «La croisière noire», Années d'aujourd'hui, n° 180, mai 1993, p. 70-72. ![]() 28. Lieutenant Michel, «Projet d'organisation d'un service aérien semi-régulier (transport de passagers et du courrier postal)», octobre 1923, Troupes du Groupe de Γ AOF, Aéronautique, SHAA, Ζ 29 440 (d.l), fonds du général Michel ; «L'aéronautique coloniale», in Revue des forces aériennes, n° 1, p. 65 ; Georges HOUARD, «La Délaissée», in Les Ailes, n° 262, 24 juin 1926, p. 1. Voir également, F. Ravenel, Trente ans d'aviation militaire dans les colonies françaises d'Afrique, 1909-1939, Mémoire de maîtrise sous la direction du professeur Caron, Paris IV-Sorbonne, 1993, p. 41, qui aboutit aux mêmes conclusions à partir des archives du SHAT : bordereau de transmission n° 1.234-A du 6 février 1923 ; lettre n° 3591 du 9 avril 1923 du ministre de la Guerre au ministre des Colonies ; lettre n° 96-C du 30 janvier 1930 du commandant Tulasne au ministre des Colonies, SHAT, 7 Ν 2299, dossier 7. ![]() 29.
«Le travail aérien de l'aviation militaire
en Indochine», in L'Aéronautique, n°
66, novembre
19 24, cité par F. PERNOT, op. cit.
![]() 30. Cette dernière avait pris l'habitude d'utiliser les infrastructures aéronautiques militaires. Il était donc difficile, dans les colonies, de distinguer l'aéronautique marchande naissante de l'aviation militaire bien installée. Cf. « Note du commandement de l'aviation coloniale sur la situation de l'aviation militaire et de l'aviation civile au Maroc », SHAA, C35. ![]() 31. La création du ministère de l'Air, le 14 septembre 1928, puis de l'armée de l'Air, le 1er avril 1933, conduisit à des modifications du statut de l'aviation coloniale mais les missions civiles et militaires restèrent peu différenciées. Cf. Décret du 16 février 1929; lettre n° 628-AC/FAT du 15 mai 1933 du ministre de l'Air au ministre des Colonies ; note n° 778-1. A4/EMG du 24 septembre 1934 ; Décret du 13 octobre 1934; lettre n° 420-1.A4/EMG du 8 août 1935 du ministre de l'Air au ministre des Colonies, shaa, 2B31 ; «L'aéronautique coloniale», in Revue des forces aériennes, n° 1, août 1929, p. 74-75. ![]() 32. Tout l'oeuvre littéraire de Saint Exupéry est un hymne à la mystique sacrificielle du risque, surtout Courrier Sud et Terre des hommes. Cf. E. CHADEAU, Saint Exupéry, op. cit., p. 331-332. ![]() 33. «L'aéronautique marchande», in L'Aéronautique, septembre 1919, n° 4, p. 154-156; «L'aéronautique marchande», in L'Aéronautique, novembre 1919, n° 6, p. 244-247 et V. FERRY, «L'aviation commerciale des années 1920», in Le Trait d'Union, n° 38, novembre 1974, p. 29-30. ![]() 34. G.G. Grey, The Civil War, Leicester, Harborough Publishing, 1945 ; L. CASTEX, Les compagnies étrangères dans le réseau aérien mondial, Toulouse, B. Sirven, s.d. ![]() 35. J. Dargon, L'aviation de demain : son avenir industriel et commercial, Paris, Nancy, Berger-Levrault, 1919, SHAA 419; «L'avenir de l'aviation industrielle et commerciale», in Je sais tout, n° 147, 15 février 1918, p. 129-142. ![]() 37. E. Chadeau, Le rêve et la puissance. L'avion et son siècle, Paris, Fayard, 1996, p. 141-142; Id., «Des pionniers au transport mondialisé», in L'Aviation civile et commerciale, op. cit., p. 28; F. Caron, «Réflexions concernant la place de l'aviation civile dans l'histoire du XXe siècle», in L'Aviation civile et commerciale, op. cit., p. 39 ; A. SAMPSON, Les Empires du ciel, Paris, Calmann-Lévy, 1986. ![]() 38. J. STROUD, European Transport Aircraft since 1910, London, Putnam, 1966 ; L. CASTEX, L'Age de l'air: 25 ans d'aviation commerciale dans le monde 1920-1945, Paris, Ed. Chiron, s.d., SHAA 72. ![]() 39. Lieutenant-colonel Daucher, «Quelques aspects économiques et sociaux du transport aérien», in Forces aériennes françaises, juillet 1962, n° 183, p. 49-70 et août-septembre 1962, n° 184, p. 191-214. ![]() 40. J. ROMEYER, L'aviation civile française, Paris, J. de Gigord, s.d., SHAA 2916. ![]() 41. L. HlRSCHAUER, L'aviation de transport, Paris, Dunod, 1920, SHAA G/37. ![]() 42. R. ESPEROU, «Les fondements de la politique française du transport aérien», in L'Aviation civile et commerciale, op. cit., p. 246. ![]() 43. E. CHADEAU, Latécoère, Paris, Editions Olivier Orban, 1990, p. 99-100. ![]() 44. Il existe d'éminents aviateurs parmi les parlementaires dont : Brocard, Dumesnil, Flandin, Fonck, Girod, Heurtaux, Laurent-Eynac, à la Chambre ; le général Hirschauer et Renaudel, au Sénat. ![]() 45. L. NOTHIER,
L'aviation marchande et le régime
d'économie mixte, Paris, Domat-Montchrestien, 1939, SHAA
4876.
![]() 46. Les chiffres qui suivent sont extraits de V. FERRY, «L'aide de l'État aux compagnies aériennes», in L'Aviation civile et commerciale, op. cit., p. 261, qui donne l'ensemble des chiffres annuels pour la période 1919-1930 (il s'agit de francs équivalents 1988). Les chiffres sont respectivement de 12,51 millions en 1920 et 196 millions en 1930, en francs équivalents 1930. ![]() 47. En francs équivalents 1988. Les chiffres sont respectivement de 169 millions environ en 1920 et 206, 4 millions en 1930, en francs équivalents 1930. ![]() 48. En 1921, le budget national s'élevait à 27, 14 milliards de francs, dont 4,4 étaient destinés au ministère des Travaux publics qui avait la charge de gérer l'aviation civile. Sur ce budget ministériel, 185 millions furent affectés à l'aviation commerciale, soit 0,54 % du budget général, dont 31,7 millions furent effectivement versés aux compagnies aériennes sous forme de subventions directes, soit 17,14 % du budget ministériel, alors que seuls 21,1 millions étaient théoriquement autorisés sous cette forme. ![]() 49. J. MOCH, Réseau aérien continental, rapport parlementaire du 7 février 1930 dit «rapport Jules Moch», Paris, Imprimerie de la Chambre des députés, 1930, annexe n° 2866, p. 93-94, SHAA ![]() 50. Cité par V. FERRY, «L'aide de l'État aux compagnies aériennes», op. cit., p. 262. ![]() 51. P. Buffotot, « Les débuts de l'aviation commerciale en France », in L'Enthousiaste, septembre 1980, n° 26, p. 2 ; H. BEAUBOIS, « Les grands express aériens », in Icare, n° 27, octobre 1963, p. 24-27 ; «Les premiers pas de l'aviation commerciale en France», vol. iv, n° 37, juillet 1986, p. 1003-1012. ![]() 52. R. ESPEROU, «Avant Air Union», in Le Trait d'Union, novembre-décembre 1994, n° 158, p.15-30 et janvier-février 1995, n° 159, p. 21-36. ![]() 53. J. VIVENT, Notre aviation marchande, Paris, éd. Sansot, 1926, SHAA 95 ; O. BONOMO, L'Aviation commerciale. Etude commerciale comparée des moyens de transport modernes, Paris, Librairie des Sciences aéronautiques, 1926, SHAA 64. ![]() 54.
Sur Air Afrique, voir : G. Bergery, Air Afrique, voie
impériale, Paris, Grasset, 1937, SHAA2593 ; «La
Régie Air Afrique», in Trait d'Union,
n° 8, juin 1941, p. 17-19 ; G. POINCELET,
«L'aviation commerciale française entre les
deux guerres», in Le Trait d'Union, n° 25,
décembre 1942, p. 10-16 ; «Jean Dagnaux et
la naissance des lignes africaines», in Icare,
n° 132, 1990/1. Sur AULO et Air Orient : J. Renac,
« Air Orient », in Icare, n°32, 1965/ 4, p. 67-75 ;
« Air Orient, tome 1 », in Icare, n° 86,
1978/3 et « Air Orient, tome 2 », n° 90,
1979/3 ; «Air Orient», in Chronique des
avions Louis Breguet, n° 12,
novembre-décembre 1930, p. 266. Sur Air Union: H. BEAUBOIS,
«Air Union», lcare, n° 31, 1964, p. 60-65 ; «Air
Union», in Icare, n° 103, 1982/4, p. 2-97 et
n° 104, 1983/1, p. 6-100 ; commandant Ch. LEBURGUE,
«Air Union, 1927-1933», in Pionniers, n°
76, 15 avril 1983, p. 41-42.
![]() 55. A. VOLMERANGE, Les problèmes techniques de l'aviation commerciale», in L'Aéronautique mars, 1920, n° 10, p. 425-430 et avril 1920, n° 11, p. 479-489. ![]() 56. R. ESPEROU, «Les fondements de la politique française du transport aérien», in L'Aviation civile et commerciale, op. cit., p. 247. ![]() 57. Cf. E. CHADEAU, Latécoère, op. cit., p. 140-143, 156-170, 225-247; R. Danel, Les pionniers de l'aviation commerciale, t. 1. Les Lignes Latécoère 1918-1927, Toulouse, Privat, p. 3 1-37; R. ESPEROU, «Les fondements de la politique française du transport aérien», op. cit., p. 248-249. ![]() 58. Cf. « L'aviation, problème national, problème mondial », rapport du Comité national d'études sociales et politiques, Paris, Boulogne, Imprimerie d'études sociales et politiques, 1927, SHAA 3 129; «L'aviation commerciale en France et à l'étranger», rapport du Comité national d'études sociales et politiques, communications de MM. le général Boucabeille, le colonel Watteau, Louis Kahn et al., Paris, Boulogne, Imprimerie d'études sociales et politiques, 1928, SHAA 3342 ; A. de Castillon, «Transports aériens», in L'Aérophile, juillet 1935, n°7, p. 195-197, 201, 203 ; J. Macaigne, «11-15 mai 1930: le plus éminent cinquantenaire aérien commercial», in Icare, n° 93, 1980/2, p. 3-8. ![]() 59. A. DE Palmaert
& J. Griesmar, Les ailes de l'hippocampe. La
fascinante épopée d'Air France, Paris, Ed. du
Triomphe, 1993 ; D. BRIMEUR, V. FERRY, B. PELLISSIER
& M. SUEL, Regards sur l'aviation civile. Histoire d'une
administration, Toulouse, Cèpaduès
éditions, 1992 ; R. ESPEROU, Histoire d'Air France,
Rennes, Ouest-France, 1986 ; C. Reichman &D. METZLE, L'enjeu
aérien: Air France, Paris, France-Empire, 1972 ;
«De l'Aéropostale à Air France», in
Toute l'aviation, vol. IV, n° 41, novembre 1986, p.
1121-1 128 ; «Les débuts de la compagnie Air
France», in Pionniers, n° 90, octobre 1986, p.
19 ; «Air France: un siècle à
l'avant-garde», in Toute l'aviation, vol. I,
n° 11, mai 1984, p. 281-287; «Air France et son histoire», in
Icare, n° 106, 1983/3 ; H. Laile, «Air France
a trente ans», in Icare, nc 27, octobre 1963, p. 9-13.
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