Interview
de
la
rédaction de TourMaG 
(publiée
sur le site : www.tourmag.com)
TourMaG.com
- Qu'est qui se passe lorsqu'un appareil est frappé par la
foudre ?
Jean Belotti : "Il est
courant que les avions traversant des
zones de fortes turbulences (cumulonimbus) soient touchés par la
foudre.
Bien que les radars de bord permettent d'éviter d'entrer dans le
centre de
l'orage, les turbulences peuvent quand-même être
très sévères et cela m'est
arrivé une bonne dizaine de fois dans ma carrière,
comme à beaucoup
d'autres collègues d'ailleurs.
L'éclair qui touche alors un avion, entre et ressort par la
queue de l'appareil
qui est une "cage de Faraday". En cas de perte d'un circuit, il est
possible de passer sur le circuit de secours..."
TM.com -
Quelles sont les conséquences de la foudre sur la tenue de
l'appareil ?
J.B. : "On
assiste à un fort
bruit et
une intense lueur dans le poste de pilotage. En revanche, en même
temps que
l'avion est touché par la foudre, il peut subir de très fortes turbulences qui
le font sortir de son domaine de vol, c'est-à-dire de la plage
de vitesses
qu'il doit impérativement respecter.
Or, plus un avion vole haut plus son
domaine de vol est réduit.
C'est alors que
les forts courants ascendants et descendants qui entourent les
cumulonimbus
conduisent à de brutales accélérations de
vitesse, suivies de décélérations
que le pilote doit immédiatement contrer en réduisant,
puis en remettant les
gaz.
Tous les
pilotes de ligne ont vécu de telles situations qui peuvent durer
de longues
minutes et qu'ils savent gérer. Si l'avion sort de son domaine
de vol dans de
telles turbulences, on peut considérer qu'il tombe et s'engage
dans une spirale
("vrille").
On comprend que l'équipage occupé à
récupérer la trajectoire de
l'avion et à traiter le problème d'une panne
électrique éventuelle, ne
soit pas en mesure de passer un message de détresse..."
TM.com - Selon
vous, quelles sont les chances survie des
passagers en cas d'impact avec l'eau ?
J.B. : "De jour et sur un avion piloté, les chances de
survie sont
faibles étant donné le risque d'explosion de l'avion au
moment de l'impact
avec les vagues. Sauf "miracle", il n'y a aucune chance de survie,
lorsqu'un avion, étant sorti de son domaine
de vol, tombe en mer".
TM.com -
Quelles peuvent
être, en dehors
de la perte des circuits électriques les autres
hypothèses
?
J.B. : "Plusieurs autres
hypothèses
ont déjà été évoquées : trou
dans la cellule déclenchant une dépressurisation
dite explosive, rendant l'équipage inapte pendant plusieurs
longues secondes ;
missile ; pirate à bord, etc...".
La connaissance du contenu du
message envoyé
automatiquement signalant une panne électrique devrait
éclairer les experts
sur la gravité de ladite panne.
L'exploitation des boîtes noires - en espérant qu'elles
pourront être localisées
et récupérées - apportera probablement des
éléments d'information
permettent de connaître l'origine de cette catastrophe.
En attendant, la plus grande prudence est recommandée avant de
conclure et
laissons les experts diligenter leurs enquêtes...".
— *** ---
le
16 juin 2009
TourMaG.com – Quinze
jours après la catastrophe du vol AF447, pouvons nous faire le point sur la
situation, depuis la première hypothèse, selon laquelle l’avion s’était désintégré
parce qu’il avait été foudroyé ?
Jean
Belotti : Quelques heures à peine après la constatation de
la disparition de l’avion, il était effectivement annoncé que le
foudroiement de l’avion était la cause probable de sa
disparition. Cette déclaration est d’autant plus surprenante que
depuis 50 ans que les avions de ligne volent à ces altitudes en présence
de cumulonimbus, il n’est jamais arrivé qu’un avion explose
parce qu’il a été foudroyé en vol !
TM.com : Mais quelles
sont les conséquences d’un foudroiement ?
JB.
: L'éclair qui touche un avion, entre et ressort par la queue de
l'appareil, lequel fait fonction de "cage de Faraday".
L’impact de la foudre produit un bruit de choc, associé à une très
forte lueur aveuglante. Il est arrivé qu’un émetteur radio, par
exemple, ait été rendu inutilisable, c’est la raison pour
laquelle il était recommandé de couper la moitié de
l’alimentation électrique des équipements et instruments de
bord. Même dans le cas de l’hypothèse selon laquelle la foudre
aurait pu provoquer une dépressurisation dite explosive, il n’y
aurait pas eu disparition de l’avion, mais simplement
l’application d’un certain nombre de manœuvres des pilotes, en
vue de ramener rapidement l’avion dans les basses couches de
l’atmosphère où il est possible de respirer sans apport d’oxygène.
Rassurez-vous, la procédure dite de “descente rapide” est
enseignée à tous les équipages et son exécution est vérifiée régulièrement
lors des contrôles sur simulateur (deux entraînements et deux
contrôles sur simulateur et un contrôle en vol annuel ; le
double pour les pilotes bi-qualifiés A340/A330).
TM.com : Une panne électrique
suffirait-elle à faire décrocher l’avion ?
JB. : Non. Mais il est évident que dans le cas d'une panne générale
d’électricité privant d'alimentation les ordinateurs de bord et les
principaux instruments du cockpit, dans une cabine alors plongée dans le noir,
cela constituerait une situation dramatique, quasi-irrécupérable. A fortiori
si cela était cumulé avec un foudroiement de l’avion et de très fortes
turbulences faisant sortir l'avion de son domaine de vol.
TM.com : Puis ce fut la
faute des turbulences !
J.B.
: Elles créent effectivement des conditions de vol très désagréables
que les pilotes savent gérer et également éviter chaque fois que
faire se peut. Cela étant dit, il convient cependant de rappeler, même
succinctement, quels en sont les effets sur la conduite du vol. Un
avion vole entre une vitesse minimum (portance) et une vitesse
maximum (compressibilité). Or, cette plage entre deux vitesses - définie
comme étant le domaine de vol de l’avion - diminue avec
l’altitude. Il en résulte qu’aux altitudes habituelles
auxquelles volent les avions actuels, cette plage est très réduite.
En cas de très fortes turbulences et traversées de forts courant
ascendants et descendants entourant les cumulonimbus, la vitesse
peut rapidement augmenter, puis rapidement diminuer, ce qui oblige
le pilote - pour maintenir l’avion à l’intérieur de son
domaine de vol - de procéder à de successifs ajustements de la
poussée des réacteurs : augmentation, voire jusqu’à la poussée
décollage, pour ne pas décrocher “basse vitesse”, puis réduction,
voir complète, pour ne pas décrocher “grande vitesse”. Comme
tous mes collègues, j’ai vécu de telles situations qui peuvent
durer plusieurs dizaines de minutes et sont très inconfortables.
Bien sûr, elles sont de nature à inquiéter les passagers, non
seulement par les fortes secousses subies, mais également par les
importants changements de régime des réacteurs, qu’ils perçoivent
très bien..
TM.com : Que se
passe-t-il si l’avion sort de son domaine de vol et perd-il beaucoup
d’altitude ?
J.B.
: Si l’avion a dépassé la vitesse maximum admissible,
l’avion peut alors se disloquer ce qui conduirait à une dépressurisation
instantanée de la cabine. S’il s’agit d’un décrochage dû à
une vitesse trop faible, l’avion peut prendre d’importantes
inclinaisons, s’engager dans ce que l’on nomme une “vrille”,
situation de laquelle les pilotes savent se sortir. Quant à
l’importance de la perte d’altitude, cela me remet en mémoire
un vol d’entraînement en Caravelle où, à 18.000 pieds,
l’exercice consistait à faire “décrocher” l’avion afin que
le pilote en perçoive les signes précurseurs et sache récupérer
la situation. Or, le stagiaire n’ayant pas fait la bonne manœuvre
corrective, en moins d’un tour de vrille, nous avons perdu 8.000
pieds. Bien sûr, on est remonté à 18000 pieds pour refaire
correctement l’exercice.
TM.com : Puis, il fut
annoncé qu’il ne s’agissait pas d’une explosion en vol, car du carburant
avait été retrouvé à la surface de la mer.
J.B.
: Indépendamment du fait que cette information a été démentie,
à savoir qu’il s’agissait d’huile et non pas de carburant
avion, donc ne provenant pas de l’A330, il reste à dire que, par
exemple, si une explosion s’est produite à l’arrière de la
cabine, un avion peut très bien tomber “en feuille morte” tout
en conservant du carburant dans ses réservoirs d’ailes, carburant
qui s’étalerait alors en mer, après l’éclatement de l’avion
au moment de l’impact.
TM.com : Pouvez-vous
nous dire quelques mots sur ces messages automatiques qui ont été envoyés
depuis l’avion ?
J.B.
: Ce sont les messages “acars” (Aircraft Communications
Addressing and Reporting System) qui, l’avion étant en vol, sont
transmis automatiquement aux services de maintenance, dès qu’un
dysfonctionnement ou une panne est constatée. Ainsi, à l’escale
de destination, le nécessaire peut être fait afin d’être prêt
à remplacer le système défaillant. Le fait que toute une série
de messages ait été envoyée en quelques minutes signifie la
survenance d’un événement ayant atteint l’ensemble des systèmes
cités.
T.M.com
: Sait-on ce que contenaient ces messages ?
J.B.
: Vous savez déjà ce qui a été annoncé : le pilote
automatique s'est désengagé ; un système informatique clé est
passé en mode d'alimentation de secours ; les moyens de contrôle nécessaires
pour assurer la stabilité de l'avion ont été endommagés ; une
alarme a montré une dégradation des systèmes de vols. Puis, trois
minutes plus tard : une défaillance des systèmes de contrôle de
la vitesse de l'altitude et la direction ; le contrôle du principal
ordinateur de vol, entre autre, est également tombé en panne ;
enfin et indiqué une dépressurisation de la cabine et une défaillance
électrique totale. Si une telle dégradation est vraie, alors il
est évident que la situation catastrophique - de surcroît, de nuit
- dans laquelle se sont trouvés les pilotes était irrécupérable.
TM.com : Alors que
l’hypothèse de l’attentat avait été réfutée, il semble que ces jours
derniers, l’on s’orientait à nouveau vers celle de l’explosion, qui vient
d’ailleurs, elle aussi, d’être écartée.
J.B.
: Je n’ai pas encore eu connaissance des éléments ayant
permis d’écarter
cette hypothèse. Parmi ceux pouvant être déterminants,
l’auscultation des débris retrouvés peut
permettre de confirmer ou d’écarter cette hypothèse,
entre autre, en relevant dans quel sens la cellule est arrachée.
Vers l’intérieur, cela indiquerait que l’avion a été touché
par un élément extérieur, comme un missile. Vers l’extérieur,
que l’explosion provenait du bord : une bombe, par exemple.
C’est ce que j’ai pu constater, par exemple, sur le maquette
quasiment reconstituée avec plusieurs dizaines de milliers de débris
du B747 du vol TWA800. La forme des arrachements a montré qu’il
s’agissait d’une explosion interne (du réservoir central),
confirmée d’ailleurs par l’analyse de la nature des résidus de
l’explosion.
TM.com : Une question a
souvent été posée de savoir pourquoi le pilote n’a pas passé de message
signalant les problèmes rencontrés ?
J.B.
: Si l’avion a explosé ou s’est disloqué, il n’en a pas
eu le temps. Si l'avion est sorti de son domaine de vol à la suite
de sévères turbulences, alors que d’après les messages
“acars” envoyés, il n’y avait plus de référence de position
de l’avion, ni éclairage dans le cockpit, ne serait-ce que
pendant quelques dizaines de secondes, on comprend que l'équipage
occupé à récupérer la trajectoire de l'avion et à traiter le
problème d'une panne électrique éventuelle, ne soit pas en mesure
de passer un message de détresse.
TM.com : Puisqu’il a
été dit que les sondes avaient givré et envoyé des informations erronées
aux calculateurs de bord, pouvez-vous nous expliquer quelle est leur fonction ?
J.B.
: C’est impossible dans le cadre de votre interview. Pour faire
court, en mesurant la pression atmosphérique et aérodynamique
(tube pitot pointé face au vent), ces sondes permettent de mesurer
la vitesse aérodynamique. Retenez simplement qu’elles envoient
une information de vitesse qui sera utilisée par plusieurs
ordinateurs de bord. Comme vous le savez, l’A330 a des commandes
de vol du type “Fly by wire” où il n’y a pas de commande
directe par câbles. C’est ainsi que lorsque le pilote agit sur
son “manche” appelé “side stick”, l’ordre est transmis à
plusieurs ordinateurs qui - en prenant en compte de nombreuses
informations - vont l’interpréter selon des consignes inclues
dans ce que l’on nomme une “Loi Normale” assurant une
protection contre les facteurs de charges élevés,
les vitesses excessives, le décrochage
de l’avion, etc... Or dès
lors qu’une information essentielle comme celle de la vitesse
transmise pas les sondes est erronée,
le système
passe en modes dégradés
(lois alternatives 1, puis 2) fournissant de moins en moins de
protection. À
ce jour, il n'y a aucun lien établi entre un problème sur
ces sondes de calcul de vitesse et l'accident de l'avion.
TM.com.
: Pourquoi l’information serait-elle erronée ?
J.B.
: À l’altitude moyenne de vol des avions de ligne (36000
pieds), où la température moyenne peut-être de -40̊ Celcius,
la traversée d’une zone orageuse de très forte intensité,
produit non seulement de
fortes turbulences, mais également des conditions de givrages
intenses, susceptibles d’obturer les sondes pitots.
TM.com.
: Il a pourtant été dit qu’il existait différents types de sondes anémométriques
?
J.B.
: Il en existe effectivement trois types, pouvant être exploités
indifféremment, comme le précise un bulletin d'information de juin
2008 d’Airbus. Cela a été confirmé par l'Agence Européenne de
la Sécurité Aérienne (EASA) qui a précisé notamment que
l'Airbus A330 et tous les autres modèles d'Airbus peuvent être
exploités en toute sécurité. De toute façon une défaillance de
ces sondes ne suffit pas à expliquer, à elle seule, le drame.
TM.com. : Il n’empêche
qu’Air France a procédé au remplacement de ses sondes, d’ailleurs accéléré
sur la pression des pilotes et qu’Airbus a lancé un programme de remplacement
et d'amélioration des sondes, fabriquée par Thales. Alors la question posée
est de savoir si cela n’aurait pas dû être fait plus tôt ?
J.B.
: Il convient de savoir que les compagnies aériennes doivent
communiquer à la l’Administration de tutelle (DGAC) et au
constructeur, tous les incidents importants survenus sur leurs
avions. En fonction de leur nombre et leur gravité, l’organisme
de certification qu’est la DGAC et le constructeur peuvent soit
proposer des modifications par des bulletins dont l’application
est facultative, car il ne s’agit que d’une amélioration du
système ; soit des bulletins dont la mise en œuvre est
obligatoire. L’enquête déterminera si les incidents de sondes
relevés justifiaient une recommandation où une obligation.
TM.com. : Dans les
incidents anciens, il y a eu celui survenu à un avion de la Quantas ?
J.B.
: Exact. Ce sont, indépendamment de la sonde, les systèmes
(ADIRU, ISIS) - dont je ne peux vous décrire ici le rôle - qui ont
été mis en cause : un problème de conception ayant été mis en
évidence par les enquêteurs techniques australiens et français.
Savoir que le 15 janvier 2009, l'EASA (Agence Européenne de la Sécurité
Aérienne) a publié une directive urgente concernant
les ADIRU de modèle
Litton/Northrop-Grumman.
TM.com : En fait, il est
permis de se demander pourquoi les pilotes se sont engagés dans une telle ligne
de grains constituée d’une suite d’énormes cumulonimbus ?
J.B.
: Au cours de la préparation du vol, le commandant, après prise
en compte de la situation météorologique sur le parcours (force et
direction des vents en altitude, présence de cumulonimbus, ...)
choisi la route qu’il empruntera et qui figurera sur son plan de
vol. Si, ce jour là, il a choisi cette route c’est quelle n’a
pas été considérée comme dangereuse, sauf à imaginer que les prévisions
qui lui ont été communiquées au briefing départ n’étaient pas
les bonnes ! De toute façon, en vol, les radars de bord
permettent d'éviter d'entrer dans le coeur des plus gros
cumulonimbus et même de s’éloigner de plusieurs centaines de
miles et de s’établir sur une autre route plus clémente. Cela étant
dit, même à proximité d’exceptionnel cumulonimbus, il est
possible de rencontrer de très sévères turbulences, dès lors
qu’il s’agit de "cellules convectives" (mouvements
verticaux de l'atmosphère qui se traduisent par de très forts
courants ascendants et descendants), d’ailleurs caractéristiques
des régions équatoriales.
TM.com : En ce qui
concerne le lieu de la disparition de l’avion, comment se fait-il qu’il
n’ait pas pu être connu d’une façon précise plus tôt ?
J.B.
: Tout d’abord, il n’y a pas de couverture radar en plein
milieu de l’océan. Il existe des espaces (ADS) dans lesquels
l’avion envoie des reports automatiques rapprochés. C’est le
cas sur le trafic de et vers les Etats-Unis, mais la couverture
satellites ne couvre pas les lignes d’Amérique du Sud où les
messages de report sont passés par radio en HF - d’ailleurs
souvent difficiles à transmettre - à certains points de reports
assez espacés. C’est ainsi que le dernier message de position a
été celui du point de report INTOL, légèrement au sud de l'Equateur,
puis, plus rien... donc laissant une large plage d’incertitude sur
le lieu de disparition de l’appareil.
TM.com : Quels sont ces
si précieux renseignements fournis par ces deux fameuses boîtes noires ?
J.B.
: L’une (CVR) enregistre tous les sons entendus à l’intérieur
du cockpit, conversations, communications radio, alarmes, bruits
divers,... L’autre (DFDR) enregistre de très nombreux paramètres
de vol : altitude, vitesse, accélérations, caps, etc... Un média
en a donné leurs performances qui, en fait, sont celles d’anciens
modèles lesquels - bien qu’existant encore sur certains types
d’avions - ne sont pas ceux qui équipent les A330. En effet, les
modèles actuels sont des enregistreurs numériques . Ils ont
remplacé le support magnétique par une carte mémoire à base de mémoires
non volatiles du type “Flash”, d’où l’appellation de SSFDR
(Solid State Flight Data Recorder). La
fiabilité de restitution est nettement supérieure à
l’enregistrement sur bande magnétique. De plus, la
miniaturisation de la capacité mémoire a permis d’augmenter le
nombre de paramètres enregistrés (plusieurs centaines), les fréquences
d’échantillonnage ou la durée d’enregistrement (certains modèles
offrent une capacité d’enregistrement de cinquante heures ou
plus). Quant à l’enregistreur phonique, il a aussi bénéficié
de cette évolution technologique, avec non seulement
l’enregistrement du son en format numérique, mais aussi une durée
d’enregistrement pouvant être portée à deux heures (contre une
demi-heure pour les CVR à bande magnétique). Il ne reste plus
qu’à espérer que ces nouveaux systèmes ont été plus résistants
que les anciens et seront exploitables s’ils sont retrouvés.
TM.com : Pensez-vous que
ces boîtes noires pourront être retrouvés ?
J.B.
: Si les importants moyens de recherches aériens et maritimes brésiliens
et français (dont un sous-marin atomique) ont été mis place et
quadrillent actuellement la zone du crash, c’est qu’il a été
estimé qu’il y avait une chance - si minime soit-elle - de récupérer
suffisamment de débris et surtout de trouver les deux boîtes
noires.
TM.com : Alors, doit-on
comprendre que si elles ne sont pas retrouvées ou inexploitables, on ne connaîtra
jamais ce qui s’est passé ?
J.B.
: Bien que la cause de certains accidents ait été trouvée sans
information en provenance des boîtes noires, force est d’admettre
que, dans cet accident, seule
leur récupération - à
condition que leur contenu soit exploitable - permettra de
comprendre ce qui s'est effectivement passé et le rôle joué par
certains dysfonctionnements, un foudroiement de l’appareil, de sévères
turbulences.
TM.com : Avez-vous un
mot de conclusion.
J.B.
: Il n’y a pas à conclure, mais seulement à constater cet
exceptionnel empressement à imaginer des hypothèses, des
affirmations rapidement démenties. Et, comme les médias n’ont
rien de concret à se mettre sous la dent, une chaîne TV s’est
abaissée à faire parler des témoins (visage caché et voix déformée),
pour alimenter le doute, la peur dans le public, par des témoignages
anonymes, sachant combien il est facile de mettre la main sur un
employé qui a un compte à régler avec ses supérieurs ou son
patron, n’a pas eu la promotion qu’il espérait, ou a assouvi
une vengeance ... allez savoir ? Pourquoi ? Pour jeter la suspicion
sur les pilotes qui n’ont pas fait ce qu’ils auraient dû faire,
sur la compagnie qui n’entretient pas bien ses avions, sur le
constructeur qui fournit du matériel dangereux, sur l’Administration
de tutelle qui ferme les yeux,.. ? La vérité c’est que les
efforts de tous, depuis des années, ont permis, alors que le nombre
de passagers est en constante augmentation, de réduire considérablement
le nombre de décès survenus à la suite d’accidents aériens -
ce que j’ai démontré à plusieurs reprises - et d’améliorer
la sécurité du transport aérien, lequel reste le moyen de
transport le plus sûr : 520 victimes dans le monde en 2008, avec
2,35 milliards de passagers transportés !
TM.com : Il est vrai
qu’à la suite de cet embrouillamini de déclarations, des représentants des
parties civiles ont déjà déclaré “qu’on leur cachait des choses”,
alors qu’à ce jour, à l’exception des messages “acars”, il n’y a
rien qui puisse éclairer notre chandelle.
J.B.
: J’ai effectivement entendu ces premières déclarations.
J’ai également entendu dire “que l’enquête repartait à zéro”
! Comme si toutes les divagations qui ont été assénées pouvaient
être considérées comme le début d’une enquête ! Alors dans ce
contexte, partageons la prudence et la sagesse du Directeur du
Bureau Enquêtes (BEA) et celle de la GTA (Gendarmerie du Transport
Aérien). À l’heure de compassion, pensons aux derniers instants
des disparus, à la terrible douleur des familles et, de grâce,
laissons œuvrer les experts dans le calme et la plénitude, à la
recherche des causes et facteurs contributifs à la survenance de ce
drame.
— *** ---
Journal de Saint-Barth - mercredi 3 juin 2009

JSB : Quelles sont les causes probables de
la disparition de l’avion?
Jean Belotti : Il faut tout
d’abord rappeler qu’à la suite d’un accident aérien, il y
a toujours une grande quantité d’hypothèses qui sont
émises, dont le nombre diminue logiquement à mesure que
l’enquête avance. Dans cet accident, il y a toutefois quelque
chose de très surprenant, c’est la vitesse avec laquelle des
déclarations
ont été faites sur les causes de la catastrophe. Deux
heures à peine après la constatation de la disparition,
un ministre réfutait catégoriquement l’hypothèse
de l’attentat et des responsables de la compagnie évoquaient le
foudroiement de l’avion comme cause probable de sa disparition. Cette
dernière déclaration est d’autant plus surprenante que
depuis 50 ans que les avions de ligne volent à ces altitudes en
présence de cumulonimbus, il n’est jamais arrivé qu’un
avion explose parce qu’il a été foudroyé en vol !
JSB : Alors quelles sont les autres causes ?
JB : Elles sont nombreuses.
Aucune ne doit être écartée a priori. L'avion peut
être atteint par un missile. Une bombe à bord a pu
exploser. Un kamikaze a pu faire exploser l'avion, ou déclencher
une dépressurisation explosive, après avoir lancé
une grenade, etc.... Il faut laisser les experts des enquêtes
(technique et judiciaire) diligenter leurs travaux et attendre leurs
premiers résultats. Alors que l'heure est à la
compassion, la plus grande prudence est donc recommandée quant
aux origines de cette catastrophe aérienne.
JSB : On sait pourtant que l’avion
connaissait des problèmes électriques.
JB : Effectivement. L’avion a
envoyé un message de maintenance automatique (PFR) signalant une
panne électrique. A ce jour, c’est la seule chose que l’on sait
avec certitude. L’analyse du contenu de ce message devrait donc
éclairer
les experts sur la gravité de ladite panne et sa contribution
éventuelle à l'accident.
JSB : Une panne électrique
suffirait-elle à faire décrocher l’avion ?
JB : Non. Mais il est
évident
que dans le cas d'une panne générale
d’électricité
privant d'alimentation les principaux instruments de bord, dans une
cabine alors plongée dans le noir, cela constituerait une
situation dramatique, quasi-irrécupérable. A fortiori si
cela était cumulé avec d’un foudroiement de l’avion et de
très fortes turbulences faisant sortir l'avion de son domaine de
vol. Mais, il convient de rester très prudent, tout ceci
étant
au conditionnel ! Ce qui peut être retenu c’est qu’hormis
l’attentat, cet accident résulterait, d'après les maigres
témoignages et informations disponibles, probablement du cumul
de faits exceptionnels qui se eraient, malheureusement, produits au
même
moment.
JSB : On évoque de plus en plus une
explosion en vol. Quelle pourrait en être les causes ?
JB : Il
faudrait
retrouver un morceau de cellule et voir, le cas échéant,
dans quel sens la tôle est bombée. Vers
l’intérieur,
cela indiquerait que l’avion a été impacté par un
élément extérieur, comme un missile. Vers
l’extérieur,
que l’explosion provenait du bord : une bombe, par exemple.
JSB. Le fait que de débris auraient
été trouvés sur plusieurs centaines de
kilomètres
n'a-t-il pas une signification particulière ?
JB : Ici également, pas
d'interprétation hâtive. Depuis 48 heures, les courants
marins ont probablement déplacé les débris.
JSB : Pourra t’on déterminer avec
certitude les causes de l’accident ?
JB : Seule la
récupération
des deux "boîtes noires" - à condition que leur contenu
soit exploitable - permettra de comprendre ce qui s'est effectivement
passé et le rôle joué par certains éventuels
dysfonctionnements, un foudroiement de l’appareil, de
sévères
urbulences,....
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