mis à jour / updated :


                 

                                                                                                                            HOME    INDEX


R. Crozet   lien Annales de Géographie  lien   Année   1931   lien Volume   40   lien Numéro   225   lien pp. 303-307

LE DÉVELOPPEMENT DU RÉSEAU AÉRIEN EN 1930 (1)


Observations générales.
  — L'année 1930 n'a pas été marquée, dans le domaine des transports aériens, par de très nombreuses innovations. Dans l'ensemble, on assiste à une espèce de stabilisation de l'activité aérienne des principaux États. Les grandes lignes des réseaux semblent fixées à peu de chose près, et les efforts portent surtout sur l'amélioration des services existants, beaucoup plus que sur l'étude de lignes nouvelles. Cette amélioration est recherchée, soit dans le renouvellement du matériel (particulièrement sensible en France), soit dans l'accélération des services (vitesse et fréquence), soit dans l'organisation de voyages aériens combinés avec les services ferroviaires ou maritimes. Dans cet ordre d'idées, on peut signaler les initiatives de la Cidna sur l'itinéraire Paris-Bucarest. Une combinaison air-rail permet à un voyageur d'effectuer la totalité du parcours en moins de 24 heures.
Le train assume la partie nocturne du voyage, et l'avion, la partie diurne :

Les essais de liaison air-paquebot ont été poursuivis, en particulier par l'aviation et la marine marchande italiennes sur le tronçon Gênes-Gibraltar et vice versa. Sur cet itinéraire, l'hydravion, en se tenant avec le minimum de dangers au voisinage des côtes, peut faire gagner deux jours de navigation.
Les compagnies Air-Union, Cidna (françaises) et Balair (Suisse) ont fait exécuter avec succès un certain nombre de voyages postaux Bâle-Cherbourg, en liaison avec les passages à Cherbourg des paquebots transatlantiques.
Ces exemples confirment une observation déjà formulée, à savoir que l'avion, assujetti encore beaucoup plus qu'on ne le croit communément aux contingences météorologiques (difficulté du vol nocturne) ou géographiques (danger des longs parcours maritimes), doit travailler en liaison avec le train ou le bateau. Bien entendu, cette observation vaut surtout pour les pays de civilisation hautement développée, largement pourvus de moyens de transports terrestres ou maritimes. Dans certains pays incomplètement évolués (Canada, Perse, Australie, Congo belge), l'avion, unique moyen de transport rapide, peut agir beaucoup plus librement. Complété, pour les transports lourds et encombrants, par la route et l'automobile, il est peut-être, dès maintenant, capable de s'opposer au développement du chemin de fer.
Si l'année 1930 a été surtout caractérisée par des efforts de mise au point et d'utilisation plus rationnelle, cela ne veut pas dire que les créations nouvelles fassent totalement défaut ; mais l'énumération qui suit montre qu'il s'agit de lignes secondaires créées dans des pays déjà pourvus d'un réseau assez dense ou bien de réseaux développés dans des pays tard venus à l'aviation commerciale (exemples : Yougoslavie, Japon, Mexique, etc.).
Europe.
— Le réseau français s'est accru, en 1931, de plusieurs lignes exploitées à l'essai par une compagnie non subventionnée désignée par les initiales S. T. A. R. {Société des transports aériens rapides) : Paris-Deauville- Cherbourg, Paris-Le Touquet, Paris-Lympne (aérodrome de la côte anglaise à 11 km. О de Folkestone) et Paris-Genève. Ces services directs, destinés aux passagers, aux messageries et aux journaux, ont fonctionné pendant l'été. J'ai signalé plus haut les voyages postaux entrepris sur l'itinéraire Bâle-Cherbourg par les compagnies Air-Union, Cidna et Balair. La ligne méditerranéenne Marseille- Ajaccio-Tunis a été complétée par un tronçon Tunis-Bône, inauguré en mai 1930.
En Allemagne, le réseau exploité par la Deutsche-Luft-Hansa n'a pas été sensiblement modifié, et les réductions annoncées en raison de la diminution des subventions gouvernementales n'ont pas atteint les lignes essentielles. La spécialisation du matériel semble plus poussée qu'en France. Sur huit lignes internationales circulent des avions exclusivement affectés au transport des marchandises. Sur quatre autres desservant des stations balnéaires fonctionnent des services de transports de journaux. Par ailleurs, en vertu d'accords déjà signalés, la Nordbayerische Verkehrsflug a continué à exploiter avec des avions à faible capacité un groupe de seize lignes intérieures reliant la Bavière et la Saxe à la région rhénane-westphalienne, à Berlin et à Stettin.
En Angleterre, les Imperial Airways ont inauguré en juin 1930 un service tri-hebdomadaire Liverpool-Manchester-Birmingham-Londres, qui répond à la nécessité de relier ce groupe de villes industrielles à Londres et, au delà, aux lignes internationales vers le continent et les Indes.
La Sabena belge a créé un service nocturne Bruxelles-Londres, qui permet au courrier déposé à Bruxelles avant 22 heures d'être distribué le lendemain matin dans la capitale anglaise. Cette compagnie exploite en outre les lignes Bruxelles-Anvers (service tri-quotidien) et Bruxelles-Anvers-Dusseldorf-Essen-Hambourg.
Les services aériens de l'Europe centrale se sont accrus d'une nouvelle ligne hongroise : Budapest-Pecs-Kaposvar, et d'une liaison Bratislava-Zagreb, qui se rattache au réseau yougoslave de l'Aeroput. Cette compagnie a prolongé sa ligne Belgrade-Skopljé jusqu'à Salonique et a mis en service une ligne Belgrade-Sarajevo-Podgorica, qui atteint les hautes régions du Monténégro, et une ligne estivale qui relie Zagreb à Suchak (faubourg de Fiume).
A l'actif de l'aviation commerciale italienne, il faut signaler quelques créations : une ligne Milan-Trente-Bolzano vers le Trentin, une ligne de bains de mer Milan-Rimini et une nouvelle ligne albanaise Valona-Argirocastro. Les deux premières sont exploitées par la compagnie Avio Linee Italiane, et la troisième, par l'Adria Aero Lloyd.
En Espagne, l'Union Aerea Espaňola a créé, en mars 1930, un service Séville-Grenade.
Liaisons Europe-Asie et lignes asiatiques.
— Sur la route des Indes, l'aviation française a pris position sur l'itinéraire désormais classique : Mésopotamie, Golfe Persique, plaine indogangétique, côte birmane. Il existe, dès maintenant, une ligne France-Indochine entièrement française : Marseille- Beyrouth (hydravion), Beyrouth-Damas (auto), Damas-Saigon (avion). Actuellement, le service est assuré une fois par quinzaine par la compagnie française Air-Orient ; il alterne avec un voyage analogue effectué par la compagnie hollandaise K.L.M., qui assure le transport du courrier à destination de l'Indochine française jusqu'à Rangoon. Ainsi, il y a, en fait, une liaison hebdomadaire alternativement française et hollandaise.
Au Japon, après une longue période de tâtonnements, un réseau assez dense fonctionne actuellement depuis la fin de 1929. Il comprend les lignes suivantes : Tokio-Osaka, Osaka-Fukuoka (côte Nord-Ouest de Kiou-siou), Fukuoka-Fousan, Fousan-Keijo (Séoul), Keijo-Dairen, exploitées par la Compagnie japonaise de transport aérien ; Osaka-Takamatsu et Takamatsu-Mat- suyama (dans Sikok), par l'Institut japonais de transport aérien; Tokio-Niigata (côte Nord-Ouest de Hondo), par une compagnie patronnée par le journal Asahi. En résumé, le réseau japonais assure des liaisons transversales pardessus les chaînes montagneuses de Hondo, des liaisons inter-insulaires, évitant les transbordements de la voie ferrée au bateau, et une liaison «impériale», Archipel - Corée - Liao-toung.
Afrique.
— L'emploi de l'avion comme moyen de transport régulier reste toujours limité aux lignes coloniales françaises et italiennes (Sénégal, Afrique mineure, Tripolitaine), à la ligne anglaise des Indes, qui touche l'Egypte au passage, aux lignes du Congo belge (Luluabourg- Kabalo a été supprimée en janvier 1930) ; mais les voyages d'études multipliés sur les grands itinéraires France-Madagascar, Belgique-Congo, Le Caire-Le Cap font prévoir l'ouverture prochaine de lignes transcontinentales. Dans l'Afrique du Sud, l'avion est employé par des compagnies minières pour la prospection, le transport de personnel, d'outillage et de minéraux précieux.
Australie.
— Le succès de l'avion commercial s'affirme en Australie de manière très nette. Le réseau s'est accru d'une ligne Charleville-Brisbane (Queensland and Northern territory Aerial Services), qui double la voie ferrée et qui vient prolonger jusqu'à la côte Est la ligne Charleville-Cloncurry. Au delà de Cloncurry, un nouvel embranchement prolongé par Camooweal et Daly Waters vient rejoindre en ce point la voie ferrée venue de Palmerston sur la côte Nord.
Amérique.
— Du Nord au Sud, le continent américain se couvre d'un réseau aérien de plus en plus dense. Au Canada, les lignes nouvelles sont assez nombreuses. Elles tendent à accélérer les relations entre les ports de l'Atlantique et les grandes villes de la région du Saint-Laurent et des Grands Lacs. D'autres lignes desservent les régions forestières et minières, et, parmi les plus récentes, il faut citer: Lac du Bonnet-Bissett-Wadhope (à l'Est du lac Winnipeg) ; Cranberry Portage- Kississing (au Nord de ce lac). Enfin, de nouvelles liaisons Canada - États-Unis sont réalisées par les lignes Toronto-Buffalo et Winnipeg-Twin Cities.
Aux États-Unis, au 1er janvier 1930, on comptait 97 lignes régulières couvrant au total 58 450 km. Les plus intéressantes sont celles qui assurent des services transcontinentaux, et, à ce sujet, il faut signaler l'ouverture d'un service Atlanta-Los Angeles (American Airways), qui assure dans le Sud de l'Union une liaison transversale comparable à la grande artère New York-San Francisco, inaugurée dès 1918. A côté de ces réalisations, qui intéressent plusieurs États de l'Union, les lignes d'intérêt local se multiplient. Une compagnie dite Air Ferries Ltd. exploite des services rapides à grande fréquence d'une rive à l'autre de la baie de San Francisco, pour accélérer le transport des voyageurs parvenus par chemin de fer à Oakland ou à Vallejo. La distance Vallejo-San Francisco (30 km.) est parcourue en 15 minutes, au lieu de 2 heures ; le trajet Oakland-San Francisco (10 km.) est accompli en 6 minutes, au lieu de 1 heure (21 000 passagers en deux mois d'exploitation). Grâce au bon marché relatif des appareils (la construction américaine est libre de ses procédés, alors que les services techniques français exercent un contrôle officiel sur la conception et la construction des avions), grâce aussi à la création de nombreux terrains d'atterrissage (1 561 aérodromes en juillet 1930), l'aviation entre rapidement dans la vie pratique. En dehors des lignes commerciales et des compagnies de taxis aériens qui assurent des voyages à la demande, on signale 160 entreprises ayant acheté des avions privés pour leur usage commercial (38 firmes de pétroles, 24 de machines, 13 publications périodiques,9 firmes d'appareils de T. S. F., des entreprises de saupoudrage de produits insecticides, de publicité et photographie aériennes, des banques, etc.).
L'aviation mexicaine continue à se développer sous l'impulsion des firmes américaines Fairchild, Pickwick, etc. Plusieurs lignes nouvelles sont à signaler : Merida-San Miguel de Cozumel (petite île à l'Est du Yucatan), la Vera Cruz-San Ieronimo-Arriaga-Tapachula (Compania Mexičana de Aviacion) ; Chihuahua-Nacozari-Cananea-Nogales, qui se détache à Chihuahua de la ligne Mexico-Ciudad Juarez, pour atteindre à Nogales la frontière des États- Unis (Corporation Aeronautica de Transportes); Tonala-Tuxtla-Gutierrez- Tapachula (dans l'isthme de Tehuantepec), Mexico-Suchiate [Pickwick Latino- Americana) ; San Luis Potosi-Guadalajara (Compania de Transportes Aereos Transcontinentales) . Le réseau colombien de la Scadta s'est accru, lui aussi, de lignes nouvelles : un petit tronçon côtier, Barranquilla-Cienaga, une ligne côtière sur le littoral du Pacifique, de Buenaventura à Guayaquil, et une ligne intérieure de Girardot à Buenaventura. Au sujet des liaisons déjà signalées entre l'Amérique du Nord et l'Amérique du Sud par l'Atlantique ou le Pacifique, il y a lieu de mentionner la fusion des deux compagnies américaines concurrentes Pan American Airways et Nyrba. La liaison Europe- Amérique du Sud, déjà assurée par les services mixtes (avion et bateau) de la Compagnie générale aéropostale, a été réalisée à titre d'essai par des initiatives allemandes sur l'itinéraire suivant : Berlin-Stuttgart (express de nuit), Stuttgart-Barcelone-Cadix (avion), Cadix- las Palmas des Canaries (hydravion), las Palmas-Fernando de Noronha (bateau), Fernando de Noronha-Rio de Janeiro (hydravion du Kondor Syndikat).


1. Pour la bibliographie, voir: Annales de Géographie, XXXIV, 15 janvier 1925, p. 1; XXXV, 15 septembre 1926, p. 391; XXXVI, 15 mai 1927, p. 260 ;XXXVII, 15 novembre 1928, p. 534 ;XXXVIII, 15 novembre 1929, p. 603 ;XXXIX, 15 novembre 1930, p. 633. — L. Hirschauer et Ch. Dollfus, L'année aéronautique, 11e année, 1929-1930, Paris, 1930 ; pour le trafic français, la revue Air-Magazine (mensuelle), 24, rue Milton, Paris, donne des renseignements précis; on consultera avec grand profit la Bibliographie des Sciences aéronautiques, que publie, avec des suppléments périodiques, la Librairie des Sciences aéronautiques, 48, rue des Ecoles, Paris. Retour



En dépit du soin apporté à la rédaction de ces pages, il est toujours possible qu'une erreur se soit glissée. Je vous  remercie de me faire part (cliquez sur l'icône E-MAIL) de toute anomalie, afin de pouvoir la rectifier dans les meilleurs délais. Il est possible aussi que certaines images et certains textes n'appartiennent pas au domaine public. Dans ce cas merci de m'indiquer le fonds documentaire concerné et les propriétaires de l'œuvre afin que je fasse le nécessaire. It is possible that some images and text are not in the public domain. In this case, please tell me the work's owners or the source's owner, I'll be doing what is necessary. Also, if you notice any errors, please let me know by e-mail.



Recherche personnalisée sur les pages de Henri Eisenbeis alias lepeps
Custom Search on the pages of Henri Eisenbeis alias lepeps
Loading


TOP