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R. Crozet   lien Annales de Géographie  lien   Année   1930   lien Volume   39   lien Numéro   222   lien pp. 633-637





LE DÉVELOPPEMENT DU RÉSEAU AÉRIEN EN 1929 1





Organisation générale.
— L'énumération des lignes de navigation aérienne, créées en 1929, démontre tout d'abord que l'effort des États qui possèdent une aviation commerciale a surtout porté sur les grands itinéraires internationaux et même intercontinentaux: Europe-Extrême-Orient dans l'ancien continent, Amérique du Nord, Antilles, Amérique du Sud dans le nouveau. Ces efforts, il faut bien le reconnaître, sont animés par l'esprit de concurrence beaucoup plus que par l'esprit de collaboration, et on est en droit de se demander si, dans l'état actuel des choses, le trafic aérien est susceptible d'alimenter les avions de pavillon différent qui suivent des itinéraires sensiblement identiques, soit sur la route des Indes (où se développe la concurrence France, Angleterre, Hollande), soit sur la route Atlantique Sud- Brésil-Argentine (où rivalisent les compagnies françaises, allemandes et américaines). Bon nombre de ces services ont été organisés à coups de subventions gouvernementales, « pour prendre position», et leur création relève beaucoup plus de préoccupations de prestige que du souci d'une saine politique économique.
Une autre constatation, qui s'applique surtout à l'Europe et qui complète la première, c'est que les réseaux intérieurs sont parvenus à saturation (toujours en tenant compte de l'état actuel des choses et sous réserve de perfectionnements ultérieurs du matériel dans le sens de la sécurité et de l'économie). Il y a peu de créations nouvelles à signaler. En Allemagne, où le réseau présentait une certaine densité, une réelle lassitude s'est manifestée de la part des pouvoirs publics (gouvernement du Reich, États et villes), et on annonce en 1930 la réduction du nombre des lignes intérieures.
La tendance, déjà signalée, à la concentration et à la fusion des compagnies exploitantes continue à se manifester, imposée le plus souvent par les gouvernements dispensateurs de subventions. En France, l'Air-Union-Lignes d'Orient a fusionné avec l'Air-Asie, devenant ainsi l'Air-Orient. En Italie, l'Adria Aero-Lloyd s'est jointe à la Societa Aerea Mediterranea. Aux États-Unis, l'aviation a fait l'objet d'un véritable boom accompagné de la formation de puissants groupements qui réunissent constructeurs d'avions, de moteurs et d'accessoires, lignes d'aviation commerciale, entreprises d'aéro-ports et de taxis aériens, agences d'exportation de matériel aéronautique, etc. (production, utilisation, commerce). L'un des plus puissants est la Curtiss Wright Corporation formée elle-même par la fusion de deux trusts: Wright Aeronautical Corporation et Curtiss Airplane and Motor Co. On peut citer également: United aircraft and transport Corporation (groupe Boeing), Aviation Corporation of Delaware, Detroit Aircraft Corporation, General Motors Group, Bendix Aviation Corporation, etc.
Les combinaisons air-rail établies par accord entre compagnies aériennes et compagnies ferroviaires sont également à l'ordre du jour dans les grands pays neufs où l'avion est susceptible d'accélérer, sur de longues distances, les transports de voyageurs et de courrier: New York-Los Angeles aux États-Unis, Sydney-Perth (en 35 heures) en Australie.
Europe.
— A l'actif de l'aviation française, il convient, de signaler le prolongement de la ligne Paris-Bordeaux-Biarritz jusqu'à Madrid {Compagnie générale aéropostale). La tête de ligne des services pour la Corse et la Tunisie a été reportée d'Antibes à Marseille. Des essais suivis ont été effectués sur la transversale Genève-Lyon-Clermont-Montluçon-Bordeaux, sous l'égide d'un groupement d'études {Société pour le développement de l'aviation commerciale), qui comprend des représentants des compagnies de chemins de fer et des chambres de commerce intéressées et la Compagnie Aérienne française. Le service nocturne Paris-Londres fonctionne pour les marchandises et la poste.

En Allemagne, le fait essentiel de l'année 1929 a été la réduction importante des subventions gouvernementales versées à la Deutsche Luft Hansa. Cette réduction a déterminé la suppression de plusieurs lignes intérieures secondaires. En même temps, la Deutsche Luft Hansa a orienté son activité, plus nettement encore que par le passé, vers les grandes liaisons internationales et a organisé des voyages d'essai sur Berlin-Istamboul et Berlin-Seville. Un accord conclu avec une compagnie non subventionnée (Nord-bayerische Verkerhsflug),  jadis rivale de la Deutsche Luft Hansa, doit confier à cette organisation l'exploitation des lignes intérieures conservées, dont la liste est connue depuis la publication du service d'été 1930.
De nouveaux accords germano-tchécoslovaques ont permis la mise en service de lignes internationales: Prague-Cassel-Rotterdam et Prague-Nuremberg-Francfort-Cologne, en correspondance avec les lignes de l'Europe du NO. En territoire tchécoslovaque, une nouvelle ligne à signaler : Prague-Hradec-Ostrava.
Le réseau national yougoslave s'est accru d'une ligne Belgrade-Skoplié. La Grèce a créé une première ligne le Pirée-Patras, qui survole le golfe de Corinthe.
En Italie, la ligne Trieste-Venise-Ancône, de la Transadriatica a été prolongée sur Bari-Brindisi, en liaison, dans ce port, avec les lignes maritimes vers Alexandrie et avec la ligne d'hydravions Brindisi-Athènes-Stamboul. Dans l'Adriatique, Venise-Ancône-Zara est prolongée jusqu'à Lussinpiccolo dans l'archipel dalmate. Les accords franco-italiens conclus au sujet de la ligne Marseille-Beyrouth ont eu pour contre-partie l'ouverture d'un service direct Rome-Tunis et d'un autre service Palerme-Tunis.
Liaisons Europe-Asie et lignes asiatiques.
— Angleterre, France, Hollande, Allemagne et U. R. S. S. cherchent à se devancer mutuellement sur les itinéraires traditionnels qui conduisent aux Indes et à l'Extrême-
Orient. Les expériences de 1929 démontrent que, si l'avion s'affranchit plus que tout autre moyen de transport des obstacles physiques, son essor risque d'être entravé par les obstacles politiques.
Les efforts anglais ont été caractérisés par l'ouverture, au début de 1929, de la ligne impériale des Indes, exploitée par les Imperial Airways. Le premier itinéraire, établi grâce à un accord anglo-italien, passait par Londres-Paris-Bâle (par avion), Râle-Gènes (par chemin de fer), Gènes-Syracuse-Tobruk-Alexandrie (par hydravion), Alexandrie-Le Caire-Bagdad-Bassora-Karachi (par avion). L'accord anglo-italien ayant été dénoncé, un nouvel itinéraire a été adopté : Londres-Cologne-Nuremberg-Vienne-Budapest-Belgrade-Skopljé-Salonique-Athènes-Alexandrie, etc. En décembre 1929. la ligne a été poussée de Karachi à Delhi.
Les efforts français, poursuivis par la compagnie Air-Union-Lignes d'Orient, ont porté sur l'itinéraire maritime Marseille-Naples-Athènes-Beyrouth, avec prolongement sur Bagdad, et jonction, dans cette ville, avec la ligne anglaise.
De son côté, la compagnie hollandaise K.L.M. poursuivait avec succès des vols d'essai sur Amsterdam-Batavia; mais elle s'est vu retirer à la fin de 1929 l'autorisation de survoler l'lnde anglaise, au moment où la collaboration franco-hollandaise avait permis de réaliser plusieurs liaisons postales rapides Saïgon-Paris en dix jours: Saïgon-Bangkok (compagnie française Air-Asie), Bangkok-Bagdad (K.L.M.), Bagdad-Beyrouth-Marseille-Paris (Air-Union-Lignes d'Orient).
L'activité allemande se développe en Perse, pratiquement sans concurrence. L'ouverture d'un service Téhéran-Bagdad (Junkers) assure la liaison entre le réseau russe (lui-même relié à l'Allemagne par Berlin-Moscou) et la ligne anglaise des Indes.
En U. R. S. S., l'année 1929 a vu se poursuivre l'organisation des grandes lignes transcontinentales asiatiques. Dans cet immense domaine, les obstacles politiques comptent beaucoup moins que les obstacles naturels. En Asie centrale, la ligne Frounzé-Almata est poussée jusqu'à Semipalatinsk, sur l'Irtych et sur la voie ferrée qui doit relier le transcaspien au transsibérien. La grande artère transsibérienne est poussée de Moscou à Irkoutsk. De là, un embranchement Irkoutsk-Iakoutsk dessert la région aurifère du Vitim et les marchés de fourrures. Une autre ligne, dans la Sibérie orientale, relie Klabarovck (sur le chemin de fer de l'Amour) à Alexandrovsk, centre des pêcheries sur le détroit de Tartarie, face à l'île Sakhalin.
En Chine, une compagnie américaine {China National Aviation Corporation) a mis en service une ligne Changhaï-Nanking-Kiéou-kiang-Hankéou ; mais les troubles politiques et l'instabilité des gouvernements ne semblent pas permettre une exploitation régulière.
Afrique.
— L'activité aérienne, tout au moins en ce qui concerne les lignes régulières, reste cantonnée au Congo belge, où la Sabena poursuit le développement de son réseau. Celui-ci s'est accru, en 1929, du tronçon Lusambo-Kabalo, qui relie le bassin du Sankourou (affluent de droite de la Kassaï) au haut Congo, au point où le chemin de fer du Tanganika atteint le fleuve.

Amérique.
Au Canada, l'essor de l'aviation marchande se poursuit rapidement. Aux lignes déjà signalées dans l'Est canadien, il convient d'ajouter : Halifax-Montréal-Ottawa. Au Nord-Est, une ligne Oskelaneo-Chibougamau se greffe sur la voie ferrée Québec-Cochrane-Winnipeg et survole les régions forestières du Labrador {Compagnie Aérienne Franco-Canadienne). Dans l'Ouest, l'avion devient, de plus en plus, l'auxiliaire de la prospection minière et du commerce des fourrures. Une ligne Edmonton-Fort Mac-Murray-lac Atabasca-Fort Resolution (sur le Grand Lac des Esclaves)-Fort Simpson-Fort Norman-Aklavik dessert le bassin du Mackenzie et relie la voie ferrée Great Trunk Pacific Railway à l'extrême Nord-Ouest canadien.

Le réseau canadien était déjà relié au réseau des États-Unis par Victoria-Vancouver-Seattle à l'Ouest et Montréal-Albany-New York à l'Est. De nouvelles liaisons ont été créées au centre : Montréal-Détroit et Winnipeg-Minneapolis.
Le réseau des États-Unis, déjà très complexe, s'est accru d'un certain nombre de lignes nouvelles: à l'Est, Philadelphie-Long Island-Newport-Woods Hole est une ligne côtière. D'autres lignes se greffent sur la grande artère New York-San Francisco. A New York, un nouveau service est créé vers Baltimore-Washington. De Cleveland se détache une ligne vers Akron et Canton. De Chicago, la ligne Chicago-Saint-Louis est poussée jusqu'à la Nouvelle-Orléans, constituant ainsi une nouvelle ligne méridienne. Deux nouvelles lignes rayonnent de Des Moines vers Minneapolis et vers Kansas City. D'Omaha se détache Omaha-Saint-Louis. De Sait Lake City, une ligne se dirige vers Portland. Sur la grande artère Chicago-Dallas, Kansas City est un point de bifurcation vers Denver et Los Angeles. Signalons encore, dans les îles Hawaii, des services d'hydravions qui relient Honolulu aux îles Kauï et Mauï {Inter Island Hawaiian Airways)
Mais l'effort le plus remarquable a porté vers le Sud, c'est-à-dire vers les liaisons panaméricaines. Une première étape a été le développement de l'aviation américaine dans la mer des Antilles, qui est aujourd'hui encerclée par trois lignes. La première (la plus ancienne) part de Miami (Floride) et atteint Port of Spain par la Havane, Santiago de Cuba, San Juan de Porto Rico. A l'Ouest, une ligne Miami-la Havane-Merida-Belize-Porto Barrios-Teguçigalpa-Managua-San José-David, atteint le canal de Panama à Cristobal. Enfin, une ligne Cristobal-Carthagène-Curaçao-Port of Spain ferme, par le Sud, le circuit des lignes américaines autour de la mer des Antilles. Dans cette région, les États-Unis n'ont rencontré d'autre concurrence que celle de la Compagnie germano-colombienne Scadta, qui a obtenu le droit de survoler la zone de Panama et qui a créé la ligne Barranquilla-Carthagène-Cristobal.
D'autre part, l'aviation américaine s'est fortement implantée au Mexique et dans l'Amérique centrale par l'intermédiaire de la Compania Mexicana de Aviacion, filiale du groupe Fairchild. Déjà relié au réseau des États-Unis par deux lignes orientales (Brownsville-Tampico-Tuxpan-Mexico et Laredo-Mexico), Mexico se raccorde aujourd'hui aux lignes américaines du Pacifique par Los Angeles-Tia Juana-Mexicali-Mazatlan-Mexico. Des lignes secondaires traversent le Mexique de l'Atlantique au Pacifique (Matamoros-Mazatlan) ou desservent les villes du plateau : Mexico-Ciudad Juarez et San Luis Potosi-Torrean. D'autres longent la côte du golfe du Mexique : Tampico-Tuxpan-la Vera Gruz et la Vera Cruz-Minatitlan-Carmen-Campêche-Merida. D'autres, enfin, sont poussées vers l'Amérique centrale, de Mexico à Guatemala, et rejoindront bientôt le canal de Panama, nœud central des lignes panaméricaines qui tendent à décrire un énorme 8 dont les deux boucles ceinturent les deux Amériques.
C'est ainsi que deux grandes lignes vers l'Amérique du Sud ont été lancées, l'une par l'Est, l'autre par l'Ouest. La première prolonge au delà de Port of Spain la ligne des Antilles. Par Paramaribo, Para, Pernambouc, Bahia, Rio de Janeiro, elle atteint Buenos Aires, en concurrence avec la ligne française de l'Aéropostale. Elle est exploitée par la Nyrba (New York-Rio-Buenos Aires Air Lines). La seconde prolonge au delà de Cristobal la ligne du golfe du Mexique par Guayaquil, Lima, Arequipa, Santiago du Chili. Elle dépend des Pan American Airways. La Nyrba exploite Buenos Aires-Santiago et Buenos Aires-Montevideo. Si l'on ajoute à ces lignes le service Pernambouc-Rio de Janeiro-Buenos Aires, exploité par la compagnie allemande Kondor Syndikat, on se rend compte de la concurrence active qui règne sur la route de l'Atlantique Sud. Des deux entreprises européennes qui rivalisent, celle qui triomphera sera sans doute celle qui réalisera la première un service aérien par hydravions ou par dirigeables (?) au-dessus de l'Océan.
Il reste à signaler, en Bolivie, plusieurs lignes nouvelles du Lloyd Aereo Boliviano : Santa Cruz-Sucre-Cochabamba; Santa Cruz-Yacuita; Santa Cruz-San José-Puerto Suarez; Cochabamba-Trinidad-Santa Anna-Guayaramerin-Villa Bella-Esperanza-Riberalta. Au Pérou, Iquitos est relié aujourd'hui à Moyobamba au pied du versant oriental des Andes.
R. Crozet.



1.    Pour la bibliographie, voir : Ann. de Géogr., XXXIV, 15 janvier 1925, p. 1 ; XXXV, 15 septembre 1926, p. 391 ; XXXVI, 15 mai 1927, p. 260 ; XXXVII, 15 novembre 1928, p. 534 ; XXXVIII, 15 novembre 1929, p. 603. — L. Hirschauer et Ch. Dollfus, l'année aéronautique, 10e année, 1928-1929, Paris, 1929


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