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LE DÉVELOPPEMENT DU RÉSEAU AÉRIEN EN 1927


L'année 1927 a vu se poursuivre le développement de l'aviation marchande suivant des principes généraux qui confirment ce qui a déjà été exposé ici même sur ce sujet.
En premier lieu, la tendance au groupement des efforts par réduction du nombre des compagnies exploitantes s'est affirmée. Si le nombre des lignes nouvelles mises en service en Europe en 1927 est assez élevé, par contre, le nombre des compagnies est bien loin de s'être accru dans les mêmes proportions. D'autre part, les compagnies polonaises (Aérolot, Aéro, etc.) se sont unies pour former l'Union polonaise aérienne. De même, en Tchécoslovaquie, une entreprise d'aviation commerciale {Société tchécoslovaque de trafic aérien) s'est constituée par la collaboration de plusieurs firmes construisant des avions, des moteurs ou des automobiles. Aux États-Unis, la mise en service de nouvelles lignes a eu pour conséquence la multiplication des compagnies ; mais il ne faut pas oublier que, jusqu'en 1925, l'aviation marchande américaine se réduisait à une seule ligne postale New York-San Francisco, exploitée par le Département des Postes. L'appel récent fait à l'initiative privée a fait naître des concurrences; mais rien ne dit qu'un jour ou l'autre un trust ne se formera pas, qui groupera tout ou partie des entreprises actuelles.
En second lieu, l'année 1927 a vu se conclure en plus grand nombre des accords entre compagnies aériennes pour la concordance des horaires et la facilité des correspondances sur les aéroports mêmes, condition essentielle pour réaliser de longs parcours internationaux dans le minimum de temps. En outre, des accords entre transports aériens et transports ferroviaires ont été conclus en Suède, par exemple, où on peut se procurer aux guichets des gares des billets aériens valables au delà de Stockholm ou de Malmö pour Berlin, Hambourg, Amsterdam, Paris et Londres, Inversement l'Aéro-Transport délivre des billets valables pour le transport par chemin de fer en Suède au delà de Malmö ou Stockholm. En Allemagne, les bagages des voyageurs aériens sont transportés par voie ferrée au tarif des messageries en grande vitesse non seulement dans l'intérieur du pays, mais vers la Suède, le Danemark, la Suisse, l'Autriche, la Hongrie, la Belgique et Danzig. D'autre part, un colis-express partant par chemin de fer d'une ville quelconque pour Berlin peut être acheminé directement par avion sur Moscou par exemple. En Allemagne encore, un accord a été conclu entre la Deutsche-Luft-Hansa et le consortium Farbenindustrie qui s'engage à faire transporter par la voie aérienne un tonnage déterminé moyennant une réduction de tarif.
Au point de vue technique, les progrès sont généralement sensibles, surtout du côté allemand et hollandais, où de puissants avions commerciaux ont été mis en service. La régularité est satisfaisante. Les vols de nuit déjà réalisés sur Berlin-Königsberg le sont, en outre, sur Berlin-Hanovre, Berlin-Halle-Leipzig-Nuremberg-Munich, et Berlin-Copenhague. Dans le courant de l'hiver 1926-1927, trente-huit lignes ont été maintenues en service dans l'Europe centrale. Cependant, les grandes traversées maritimes sont encore loin d'être commercialement réalisées. Sans même parler des voyages réguliers transatlantiques, bornons-nous à faire remarquer que Marseille-Alger sans escale en est toujours à la période des essais, de même qu'une ligne Ecosse-Norvège, depuis longtemps annoncée. La haute montagne, pas plus que la mer, n'est vraiment vaincue, et la ligne Lausanne-Milan, à l'essai dès 1925-1926, n'a pas encore été réalisée. L'avion est encore incapable de couvrir de longues distances sans escale avec une charge commerciale; il reste soumis aux contingences que lui impose la géographie physique.
L'accroissement du trafic est, généralement, notable. Le trafic postal aux États-Unis pour juillet-août 1927 est le double de celui des deux mois correspondants de 1926. Le trafic suédois de 1927 représente par rapport au trafic de 1926 un accroissement de 50 p. 100 pour les passagers, de 400 p. 100 pour les marchandises, de 100 p. 100 pour la poste. Pour la Deruluft (Berlin-Moscou), la distance parcourue en 1927 n'est supérieure que de 20 p. 100 à la distance parcourue en 1926. Par contre, l'augmentation est de 200 p. 100 pour les passagers, de 100 p. 100 pour les marchandises, de 150 p. 100 pour le courrier, ce qui représente une meilleure utilisation du tonnage disponible.

Europe.
— Le réseau français, presque exclusivement international, n'a guère été modifié. Tout au plus, pourrait-on signaler quelques essais sur Marseille-Nice et une ligne estivale Londres-Deauville exploitée, d'ailleurs, par les Impérial-Airways. L'innovation la plus importante qui intéresse le territoire français est la ligne allemande Genève-Lyon-Marseille, inaugurée le 1er juillet 1927, et son prolongement hispano-allemand, Marseille-Barcelone-Madrid, mis en service tout en fin d'année. Si on note, d'autre part, que Madrid-Lisbonne-Séville, inaugurée le 1er mai 1927, est également une ligne hispano-allemande, on jugera de l'importance de l'effort germanique pour réaliser, avant toute autre puissance, la liaison rapide entre l'Europe centrale et les ports d'embarquement vers l'Amérique du. Sud, ceci en attendant la traversée aérienne de l'Atlantique Sud (traversée commerciale, bien entendu). Par sa position géographique, l'Espagne est le passage obligé des lignes Europe-Amérique du Sud. Soulignons aussi que l'effort allemand est en concurrence directe avec l'action menée jusqu'ici par la compagnie française Latécoère (récemment dénommée Compagnie générale aéropostale, CGA, créée par M. Bouilloux-Lafont et dénommée l'Aéropostale*).
Dans le bassin méditerranéen, s'il faut signaler la disparition d'Alicante-Alger (
Aéropostale) , il importe dé souligner la continuité de l'effort italien, effort marqué par le prolongement de Vienne-Venise jusqu'à Rome (1er février 1927), la création de Milan-Rome-Brindisi (25 mai 1927, Transadriatica) et le rachat, par le Gouvernement italien, des actions de l'Adria-Lloyd qui exploite en Albanie quelques lignes déjà citées auxquelles il faut ajouter Tirana-Koritsa. Ce rachat n'est sans doute pas sans dissimuler des arrière-pensées politiques.
Dans l'Europe du Nord-Ouest, signalons une importante ligne rhénane par hydravions Cologne-Duisbourg-Rotterdam, exploitée par la Deutsche Luft-Hansa et la K. L. M. depuis le 16 mai 1927.
La ligne anglo-irlandaise Stranraër-Belfast a disparu.
Dans la Baltique, un tronçon nouveau, Kalmar-Danzig, vient se greffer sur Stockholm-Kalmar-Stettin (correspondance directe de Stettin à Berlin). Une ligne nouvelle relie Stettin à Oslo, une autre Puck à Malmö et Copenhague. — Sur Berlin-Konigsberg vient se brancher la ligne Königsberg-Tilsitt-Memel.
Vers l'Est, Berlin-Königsberg-Moscou a vu son itinéraire modifié ; les escales de Kovno et Smolensk ont été remplacées par celles de Riga et WelikjeLuki. La ligne Danzig-Marienbourg a été prolongée jusqu'à Elbing et Allenstein au cœur de la Prusse Orientale.
Dans l'Europe Centrale, les accords germano-tchécoslovaques ont assuré la mise en service de Breslau-Prague-Munich avec correspondances multiples dans ces trois villes. A signaler encore Vienne-Salzbourg-Innsbriick-Constance et de nouvelles lignes intérieures allemandes: Dresde-Chemnitz-Plauen-Nuremberg et Plauen-Gera-Halle, toutes exploitées par la Deutsche Luft-Hansa qui, en 1927, a étendu son activité à 80 lignes intérieures ou internationales.
Dans l'Europe du Sud-Est, la C. I. D. N. A. a ajouté à sa grande diagonale Paris-Constantinople l'embranchement Belgrade-Sofia. Enfin, la Yougoslavie a créé sa première liaison aérienne Belgrade-Zagreb.
En résumé, le réseau européen voit sa densité accrue et sa cohésion améliorée par les accords internationaux indispensables à un mode de transport qui, par essence même, ne devrait pas connaître de frontières.

Asie.
Du côté asiatique, la compétition engagée en vue de réaliser les liaisons Europe-Extrême-Orient ou Europe-les Indes n'a pas donné, en 1927, de résultats nouveaux. La ligne «impériale» anglaise Le Caire-les Indes ne dépasse pas encore Bassorah, faute d'une entente avec la Perse pour le survol de son territoire et pour l'escale de Bender-Abbas nécessaire avant d'atteindre Karachi. Le trafic est néanmoins régulier entre Le Caire et Bassorah.
Les positions françaises restent ce qu'elles étaient, représentées par les liaisons postales militaires, accrues de quelques nouvelles : Rayack-Alep, Alep-Alexandrette, E-ed Deïr-Ras el Aïn, Rakka-Tel Abiad.
Les intérêts allemands en Perse sont représentés par Junkers qui assure, en attendant mieux, des liaisons: Tabriz-Téhéran, Téhéran-Chirni, Téhéran-Bouchir, Téhéran-Pahlevi et Téhéran-Hamadan-Kermanschah-Karscherin avec service automobile vers Khanikin et Bagdad pour correspondre avec l'avion Le Caire-Bagdad-Bassorah.
Il est bien visible que, dans cette partie occidentale de l'Asie, Angleterre, France et Allemagne ont tenu surtout à se ménager des positions d'attente avant que les progrès de la technique permettent de réaliser les grandes liaisons Europe-Extrême-Orient.
Signalons encore, en Birmanie, la ligne côtière Rangoon-Tavoï-Mergui à l'essai, tronçon d'une future ligne Inde-Australie.
Enfin, au Japon, la ligne Sakaï-Takamatsou a été prolongée jusqu'à Oïta dans Kiou-Siou. Le journal Asahi a créé une nouvelle ligne Tokio-Sendaï. Enfin, réalisation plus importante encore, on a créé en 1927 une ligne Osaka-Hiroshima-Séoul-Dairen, qui relie l'archipel à la Corée et à l'extrémité du Transmandchourien. Des essais avaient même été tentés sur Osaka-Shangaï, mais les troubles intérieurs chinois ont ajourné la mise en service définitive.

Afrique.
Au Congo Belge, le terminus de la ligne Boma-Kinchassa-N'Gulé a été reporté à Elisabeth ville. C'est toujours la S.A.B.E.N.A. qui exploite cette ligne longue de 2 000 km., avec un départ hebdomadaire de Borna, correspondant avec l'arrivée des paquebots d'Anvers. La même compagnie exécute des voyages à la demande, des relevés photographiques et des voyages en hydroglisseurs sur le Congo et la Kassaï.
En Egypte l'aviation militaire anglaise assure un service postal bi-men-suel Le Caire-Khartoum, en concordance avec les paquebots de Port-Saïd et| d'Alexandrie. Ce service fait gagner quinze jours au courrier destiné .à la colonie du Kenya.

Australie.
 Aux lignes déjà énumérées, il convient d'ajouter, d'une part, le tronçon Cloncurry-Gamooweal-Normanton (au fond du golfe de Carpentarie), qui prolonge l'ancienne ligne Charleville-Cloncurry, et, d'autre part, une nouvelle ligne Brisbane-Sydney.

Amérique du Nord.
La grande artère transcontinentale exploitée depuis 1918 par le Département des Postes a été concédée à des entreprises privées: Boeing Air plane Co. pour le tronçon Chicago-San Francisco et North American Airways pour le tronçon New York-Chicago. En outre, de nouvelles lignes sont à citer: Los Angeles-Phœnix-El Paso-Fort Worth {Aero Corporation of California). Fort Worth est déjà en liaison aérienne avec Chicago-Los Angeles-San Diego {Aero Corporation of California), la Nouvelle Orléans-Pilottown, en correspondance avec les paquebots de l'Amérique centrale et de Cuba, Cleveland-Pittsburgh, Chicago-Cincinnati. D'autre part, la ligne Elko-Pasco a été prolongée jusqu'à Salt-Lake City, et le service Key West-La Havane, longtemps interrompu ou irrégulier, a été repris par les Panamerican Airways. Enfin, dans l'Alaska, une ligne destinée au ravitaillement des districts miniers unit Juneau à Petersburg. On aura une idée encore plus précise de la faveur dont jouit l'aviation civile aux États-Unis si on sait qu'elle compte plus de quatre cents entreprises de taxis aériens, transports de marchandises, voyages et reportage, cadastre, photographie, pulvérisation d'insecticides, etc.
Il en est un peu de même au Canada où vient d'être inauguré un service postal Québec-Montréal et où l'aviation civile est également représentée par de nombreuses compagnies {Western Canada Airways, Fairchild, etc.) qui relient les districts miniers aux stations ferroviaires, Sioux Look Out ou Lethbridge.

Amérique centrale et Antilles. —
A signaler seulement un essai de liaison dans Haïti entre Cap-Haïtien et Port-au-Prince et le veto opposé par les États-Unis à l'extension du réseau colombien dans la zone de Panama.

Amérique du Sud.
Outre les lignes colombiennes, toujours fort actives, il faut signaler un essai français au Chili sur le parcours Santiago-Valparaiso. Partout ailleurs, l'influence allemande tend à l'emporter, soit au Pérou (ligne Lima-Iquitos), soit en Argentine (remise en service de Buenos Aires-Montevideo, momentanément interrompu) , soit au Brésil (Porto Alegre- Rio Grande) où elle concurrence directement l'Aéropostale de M. Bouilloux-Laffont*. Dans cette lutte d'influence, la Compagnie générale Aéropostale a acquis, au début de 1928, une avance sensible en ouvrant au service postal une ligne France-Amérique du Sud qui utilise à la fois la navigation aérienne et la navigation maritime. Le courrier transporté par avion de Toulouse à Saint- Louis, par hydravion de Saint-Louis aux îles du Cap Vert, est embarqué ensuite sur des avisos, mis à la disposition de la Compagnie par le Ministère de la Marine, qui effectuent la traversée de l'Atlantique Sud. De Natal à Buenos Aires, le courrier reprend la voie aérienne par Pernambouc, Bahia, Porto Alegre, Montevideo. Dans les meilleures conditions, la liaison peut être effectuée dans un délai de onze à treize jours (au lieu de vingt-cinq ou trente jours par la voie ordinaire). Certes, parmi les lignes nouvelles qui sont venues augmenter le réseau aérien mondial en 1927, il faut faire la part de celles qui répondent davantage à des buts politiques et impérialistes qu'à de véritables nécessités économiques. Un avion qui fait escale est un peu comme un navire qui promène ici et là le pavillon de son pays d'origine. Il n'en reste pas moins que les progrès de l'aviation commerciale sont réels et que l'élan décisif est donné.
R. Crozet   lien Annales de Géographie  lien   Année   1928   lien Volume   37   lien Numéro   210   lien pp. 534-538



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