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Bernard CORDIER (1912-1993),
pilote puis trappiste, le Père BAUDOIN par lui-même Biographie
manuscrite transcrite et éditée par Henri Eisenbeis
alias Lepeps. Cette transcription respecte les
intentions de l'auteur. Son droit moral est, bien
entendu, intemporel. Montage WEB
lepeps avec la bienveillance du Comte R. de
Philip. Quelques difficultés dans la
transcription des noms propres. Ce récit ferait
un bon scénario de
film. GALERIES
PHOTOS
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1932 mai, caporal-chef, pilote de chasse . |
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Mon arrivée ... |
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TOP
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Mon
arrivée ... |
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J'aurais pu naître en Afrique ou
dans une fourmilière d'Asie et non pas en France. C'est
pourquoi je crois à une certaine prédestination. En
fait, c'est à Lyon que je suis né le 3 mars 1912, dans
une famille bourgeoise, coté paternel des magistrats de
Franche-Comté, coté maternel, les Valentin Smith de
Trévoux. A ma naissance ma mère avait épinglé à mon berceau la généalogie des Marquis de Montrichard (mon arrière grand mère grand père?) famille de Franche-Comté remontant aux croisades et qui s'étaient alliés à la famille de Saint Bernard et c'est pourquoi je fus prénommé Bernard. En 1919 ma mère tombe très gravement malade à la suite d'une fausse couche et d'une fièvre puerpérale. Elle était abandonnée par les médecins dans le coma et fut soudainement hors guérie. Bien plus tard, elle me raconta qu'elle avait eu l'impression d'être entraînée dans un tunnel pour déboucher dans une lumière merveilleuse et un ange (ou le Christ) lui demanda si elle voulait rester là. C'était tellement beau qu'elle souhaitait y rester mais le souvenir de ses trais petits enfants la retenait et l'ange lui permit de revenir sur terre. En 1920 ma famille s'étant installé à Neuilly me mit au collège Sainte Croix en classe de huitième. Je ferai toutes mes études dans ce collège. Ste Croix était dirigé alors par l'abbé Petit de Lutheville (?) et de nombreux prêtres sympathiques. Je n'étais pas un élève très brillant, même médiocre. J'ai été passionné par le scoutisme qui commençait alors. Je l'ai été 10 années, chef de patrouille et assistant chef de groupe. J'ai calculé que j'avais passé plus d'une année sous la tente. Ayant échoué au bac (à cette époque moins de 50% étaient reçus), mon père qui avait de grosses difficultés financières jugeait inutile de continuer mes études et je fus engagé à la Cie Ingersoll Rand, compagnie américaine qui fabriquait des marteaux piqueurs. J'étais une sorte de bouche trou dans les différents services. Je me souviens d'une grande angoisse lorsque je pensais à mon avenir, dans 10 ans à tel bureau, dans 20 ans peut-être au bureau du directeur de service. Ma seule joie était d'aller à l'heure du déjeuner à la piscine Molitor et m'entraîner en même temps que Taris, le champion du monde de l'époque et qui était du même club que moi. |
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L'Aviation
début |
Après
deux années de travail comme petit employé m'est arrivé
une des grandes chances de ma vie. Un de mes cousins
me suggère de faire le concours des "Bourses
de pilotage" dans une école privée financée par l'armée
de l'air pour former au premier stade les pilotes
d'avion. Ayant réussi les examens écrits et physique je suis affecté à l'école Morane d'Aulnat, près de Clermont-Ferrand. Je reçois le baptême de l'air le premier jour, n'ayant jamais vu ni touché un avion de près et je suis l'entraînement classique d'un élève pilote. Premier vol après 15 heures en double commande, puis brevet militaire au bout de six mois. J'avais quelques difficultés avec mon moniteur Fernand Lefebvre qui me sanctionnait toutes les petites fantaisies comme quelques glissades en prise de terrain ou des atterrissages sur les roues (trois points?). Il me supprimait la petite prime d'argent de poche que l'on recevait chaque mois. Comme à cette école Morane, il y avait l'excellent Morane 230 prévu pour l'acrobatie, je n'avais qu'un désir c'était de faire toutes les figures d'acrobatie. C'était avec le seul manuel de pilotage que je m'essayais aux loopings, tonneaux etc. Pour ce faire j'allais me cacher derrière le Puy de Dôme ou au-dessus des nuages, mais combien de descentes sur la queue avant de réussir un Immelman. Ce n'est qu'au dernier vol avant de quitter l'école que je fis une démonstration au-dessus du terrain et me valut le premier prix de pilotage. En décembre 1931 engagement par devancement d'appel à Istres pour continuer l'entraînement sur différents avions et je suis classé "pilote de chasse", l'idéal pour tout pilote. Dans ma chambrée d'Istres il y avait Marin la Meslée, le Gloan, Littolf qui furent les as de la dernière guerre. Mon meilleur souvenir d'Istres reste peut-être les gardes au poste de police ou je pouvais admirer vers 5 heures du matin les beaux levers de soleil de la Provence. |
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1ère Escadre
de Chasse le Bourget, Istres, au fonds du canal
de la Bruche à Strasbourg...centre de vol à haute
altitude |
En mai 1932 je
suis affecté comme caporal-chef à la première
escadre de chasse de Chasse au Bourget et à la
première escadrille sur Nieuport 62, l'avion
de chasse de l'époque, assez lent mais très
solide.
Je suis heureux d'être près de ma famille qui habitait toujours Neuilly. On volait très peu dans l'armée de l'air, 10 heures en été, une ou deux heures par mois en hiver. A part l'entraînement aux manœuvres de chasse, c'était toujours l'acrobatie qui me passionnait et avec le goût du risque que l'on a à 20 ans, il fallait la faire le plus bas possible. Petit à petit, j'arrivais à faire des tonneaux déclenchés à hauteur des arbres, ou encore à faire des concours à celui qui redressait une vrille le plus bas possible. Je me souviens surtout des ressources au ras du sol ou l'on avait le "voile noir" pendant plusieurs secondes et on se demandait alors si on emboutissait le sol ou si ça passait. C'était
sûrement stupide de prendre de tels risques, mais il
était aussi nécessaire de ne pas avoir peur de la mort
si l'on voulait devenir un bon pilote de chasse en
temps de guerre. En fait, chaque année, un pilote se
tuait à l'escadrille sur les 10.
Ce fut une joie le jour ou mon commandant d'escadrille me fit admettre dans les patrouilles d'acrobatie, car au Bourget lorsqu'un chef d'Etat y atterrissait, en plus de la Garde Républicaine au sol, il y avait une patrouille d'acrobatie qui faisait une démonstration, évidemment le plus bas possible et avec un grand bruit de moteur et le 500 cv Hispano ronflait à merveille. Toutes les fois le Commandant civil de l'aéroport demandait une radiation pour ces pilotes qui enfreignaient toutes les règles de la circulation. Au Bourget il y avait aussi les défilés du 14 juillet. Les 40 avions de l'Escadre se s'alignaient plans dans plans sur le terrain et décollaient tous ensemble. Il valait mieux ne pas faire d'écarts pendant ces décollages. On passait très bas au-dessus de Paris, et la consigne était qu'en cas de panne, il n'y avait que la Seine pour nous accueillir. La grande affaire était chaque année le tour de France de l'escadrille en 5 ou 6 escales. Bien que petit caporal-chef à peine arrivé à l'escadrille, je fus désigné pour en faire partie. La première escale était Strasbourg. Le temps était radieux et déjà je voyais la flèche de la cathédrale lorsque mon moteur s'arrête brusquement. Je regarde les prés qui pourraient me recevoir et j'en choisis un qui pourtant n'était pas très grand. J'arrive un peu trop vite et le sol défile sans que mes roues veuillent bien se poser. Au bout du terrain un petit remblai que j'essaye de sauter, et c'est un choc brutal à plus de 100 km/h. Je me retrouve au fonds d'un canal, le canal de la Bruche ayant laissé mon train d'atterrissage sur le remblai. L'eau avait heureusement bien amorti le choc, et sans perdre conscience, je réalise que je suis dans l'eau. Etant bon nageur, je débloque mes ceintures et mon harnais parachute et je fais surface. Je monte sur la rive où il y a avait déjà du monde, et j'étais évidemment tout trempé. L'idée me vient alors qu'il y a des consignes très spéciales à suivre lorsqu'on se pose en campagne, mais la notice de ces consignes était dans un coin de la carlingue. Puisque j'étais tout mouillé, je n'hésite pas à replonger dans le canal pour rechercher cette foutue notice et éviter tous les désagréments de n'avoir pas observé toutes les consignes voulues. Sur la rive du canal, j'étale toutes les feuilles trempées et illisibles et en attendant qu'elles sèchent je pense que je dois récupérer mon parachute. Second plongeon et je ramène le parachute. Et puis je pense à ma petite valise attachée au fond de carlingue, et c'est un troisième plongeon à la stupéfaction de tous les badauds rassemblés pour contempler l'accident. Je ne sais
comment il y avait déjà là un journaliste qui en fait
un grand article dans les "Nouvelles d'Alsace".
C'était la première fois que mon nom figurait dans un
journal mais j'étais désolé d'avoir cassé
mon avion et raté ce voyage de l'escadrille.
Au bout de cette première année en escadrille je me rengage comme sergent grâce à mes bonnes notes: "Excellent pilote de chasse, très bon acrobate, souple et précis. Fait partie de la patrouille d'acrobatie et de la patrouille de concours de tir de la 1ere escadre. Doit devenir un pilote de grande classe. Cap. Robillon" C'est en 1936 que la direction de l'aéroport du Bourget obtient le départ de la Première Escadre de Chasse qui est transférée d'abord à Villacoublay puis à Etampes. Cela ne me convenait guère d'être loin de Paris mais par chance j'apprends que le Capitaine Michy, mon ancien commandant d'escadrille est chargé de créer le centre de vol à haute altitude au Bourget. Avec un autre camarade de l'escadrille, l'adjudant Poiré, il me prend comme pilote. Ce centre était chargé de familiariser les pilotes à l'usage des inhalateurs d'oxygène nécessaires lorsqu'on dépasse 5000 mètres. Il fallait donc monter à 8000 mètres ou 10.000 mètres pour montrer le fonctionnement et les pannes possibles. L'avion utilisé était le Mureaux 117 qui avait un Hispano de 850 cv et qui grimpait très bien, mais c'était encore un avion dont le poste de pilotage et celui du passager était découvert et à l'air libre. Or à ces altitudes la température était généralement de -50° à -60°. Il fallait donc des combinaisons chauffantes et une sorte de cagoule car le moindre petit morceau de peau non couvert gelait très gravement et souvent malgré les bottes fourrées on avait les pieds glacés et le retour de la circulation du sang était très pénible. Une autre fonction du centre était de faire tous les jours à 7h du matin un sondage avec deux sortes de baromètres fixés sur les haubans afin de mesurer les températures et l'humidité des nuages jusqu'à 8000 mètres de haut. Quand il faisait beau, il n'y avait pas de problèmes, mais lorsque le plafond des nuages descendait à moins de 100 mètres, il fallait d'abord monter dans les nuages en P.S.V. (pilotage sans visibilité) et les seuls instruments étaient la bille et l'aiguille. Instruments très primitifs qui avaient tendance à se coincer dans les coins lorsque le pilotage n'était pas parfait. Dans ce cas il fallait réduire le moteur, et lâcher les commandes, l'avion se stabilisait tout seul et l'on pouvait reprendre la montée. Toutefois il valait mieux être à une certaine altitude. Par mauvais temps et plafond bas le problème était de retrouver le terrain, on ne savait jamais où l'on était puisqu'on n'avait aucune aide radio pour la navigation e l'on se retrouvait parfois à 100 ou 200 km du Bourget. On utilisait le truc classique de repérer une voie de chemin de fer et lire le nom de la gare en volant assez bas. Mais combien de fois en descendant les derniers mètres le sol arrivait très noir et l'on se retrouvait face à face avec un arbre ou une maison. Dans ce cas il fallait remonter rapidement et tenter une autre percée un peu plus loin. On avait souvent de fortes émotions. Par contre on avait la satisfaction de voir le soleil tous les jours. En regardant mon carnet de vol, je retrouve un certain voyage à Romorantin qui était un magasin de l'armée de l'air et y prendre un bâti-moteur. Je profite de ce petit voyage pour donner le baptême de l'air à un de mes mécaniciens. A Romorantin, j'installe le bâti-moteur et le mécanicien à la place arrière du Mureaux qui était découverte. Retour par beau temps à 1000 mètres. A hauteur d'Etampes, un petit coup de tabac, pas très fort. Je regarde mon passage: il était assis sur le plan fixe arrière et tenait le bâti dans ses bras. Il n'y est pas resté bien longtemps. Je réalise avec angoisse que je n'avais pas accroché le mousqueton de son parachute pour une ouverture automatique. Il ne lui restait plus que l'ouverture à main qu'il a heureusement trouvé et son parachute s'ouvre juste avant le sol (ce n'était pas mal pour un baptême de l'air!!). Le champ dans lequel il était tombé était assez grand et je me pose à coté de lui. Il avait une jambe cassée. Trouver une charrette pour le conduire à l'hôpital et je repars avec mon bâti tout cabossé. |
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Aviation civile
1937 Air France |
Début
1937, mauvaise nouvelle: le Centre de vol en
altitude est transféré à
Istres. TOP
La question se pose pour moi de mon avenir: rester à Istres pour finir une carrière se sous officier était exclu. Mon ambition était d'être pilote d'essai chez un constructeur d'avion et de faire des meetings comme Détroyat ou Doret, les grands pilotes de l'époque. J'ai été voir Farman où l'on me propose d'essayer une avion stratosphérique, mais l'avion était encore en construction et les Farman n'avaient pas la réputation d'être très moderne. De plus ils payaient très mas ses pilotes d'essai. J'avais obtenu
un rendez-vous chez Amiot, et M. Amiot m'explique
qu'il avait déjà un pilote d'essai mais que je
l'intéresserais si je pouvais quelque temps à Air
France en attendant qu'il construise des avions de
transport. C'est bien la seule fois de ma
vie où j'ai travaillé autant. Près de 18 heures par
jour pour "bachoter" toutes les matières. Je fus reçu
et les portes d'Air France s'ouvraient toutes grandes.
J'avais alors 800 heures de vol. |
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RETOUR | Mobilisation
générale 1939 affecté au groupe de chasse
2/4, 4 victoires.... la France de Vichy... la guerre en
Syrie, Angletere l'escadrille "Clair de lune" sur
Lysander |
Septembre 1939,
c'est la mobilisation générale et je suis nommé
sous-lieutenant le jour de la déclaration de la guerre.
J'avais le pressentiment que les guerres tournaient mal
lorsque nous les déclarions comme en 1870. Avec les avions d'Air France on avait formé des groupes de transport qui étaient totalement inactifs pendant la "drôle de guerre". Avec mon ami Raymond Tixier qui avait été avec moi à la 1er Escadre de Chasse au Bourget, nous décidons de faire une demande pour une unité de chasse au combat, ce qui fut accepté. Raymond Tixier et moi, nous nous retrouvons à Montpellier pour l'entraînement à la Chasse et au début avril nous sommes affectés au groupe de chasse 2/4, Escadrille des Petits Poucets et des Diables rouges avec avions Curtiss P36 américains. Le groupe avait été engagé depuis le début des hostilités et avait obtenu déjà de brillants résultats. Le Groupe est basé sur le terrain de Xaffévillers dans les Vosges. Mes premières missions se font sur la frontière Pirmasens-Deux Ponts et peu de rencontres avec l'ennemi. C'est au retour d'une de ces missions qu'il m'arrive une très mauvaise aventure: le terrain de Xaffévillers était très boueux et, en me posant je sens les roues qui freinent dans une mare d'eau, et je suis un peu projeté vers l'avant, et malheureusement j'appuie sur les freins qui sont sur les pédales du palonnier, freins auxquels je ne suis pas bien habitué et c'est le capotage brutal. La verrière du cockpit se referme et je suis la tête en bas sans pouvoir sortir. Je ne peux pas détacher les bretelles et les ceintures qui me soutiennent car je serai coincé sur la tête et sans pouvoir sortir. Ce qui rend la situation désagréable c'est qu'il y a une forte odeur d'essence et que le moteur doit être encore rouge. Je m'attends donc à ce que tout explose et prenne feu d'une seconde à l'autre, et, cela a duré plus de dix minutes, le temps que l'on vienne pour soulever l'avion et me dégager. Et puis c'est le 10 mai: le
terrain est bombardé, mais sans trop de mal, à 5h du
matin alors que nous sommes encore au lit. Le
Commandant Borne décide de mettre une patrouille de 2
avions en alerte au sol et une autre en vol pour la
protection du terrain. Je suis donc en alerte au pied
de mon avion lorsqu'un planton arrive en courant et me
tend un ordre de décollage: "Partez intercepter une
formation de 100 bombardiers protégés par cinquante
chasseurs qui sont au-dessus du col de Saverne". J'approche de lui à moins de 50
mètres et il était si près qu'il débordait de mon
collimateur. Mais j'ai une petite hésitation avant
d'ouvrir le feu. Cela me paraissait inconcevable de
détruire un avion même ennemi. La chasse française aura abattu plus de 1000 avions allemands, autant qu'ils en auront perdu pendant la bataille d'Angleterre. Mais le Groupe II/4 avait perdu 10 pilotes tués, 5 blessés et 1 prisonnier. Je suis démobilisé à Meknès et je retrouve Air France relié à Marseille. Air France avait alors ouvert une ligne Vichy-Toulouse-Marseille-Lyon-Vichy. On tournait en rond dans la petite zone non occupée. En décembre 40 un plus long voyage jusqu'à Beyrouth avec escale à Tunis, sur un avion Farman quadrimoteur, un de ceux qui avaient été prévus pour l'Atlantique Sud. Je suis le copilote du chef pilote Durmon. Le voyage se fait de nuit et dans une zone orageuse nous avons un spectaculaire coup de foudre, sur les bords d'attaque des flammes violettes, au bout des hélices des flammes vertes et dans la carlingue se forme une boule lumineuse grosse comme un ballon de football qui se promène entre Durmon et moi puis explose comme un coup de canon en laissant sur tous les instruments une légère couche de soufre. En juin 1944, c'est la guerre
en Syrie. Le gouvernement réquisitionne 8 Dewoitine
338 pour faire une navette entre Athènes (occupée par
les Allemands) et Alep en Syrie et tous les vols se
font de nuit. Le Gouvernement de Vichy affirmait
qu'aucun avion allemand ne s'était posé en Syrie en
allant vers l'Irak, or je vois un Heinkel 111
endommagé au milieu du terrain du terrain d'Alep. On
me confirme que plusieurs avions allemands avaient été
ravitaillés à Alep. Fin 41 et année 42, je fais des voyages sur Dakar et en Afrique dans les territoires contrôlés par Vichy, ce qui me permettait de rapporter un peu de ravitaillement à ma famille qui souffrait bien des restrictions d'alors. Le 13 novembre 42, c'est
le débarquement des Américains en Afrique du Nord. On
m'envoie à Vichy avec quelques autres avions pour
évacuer Pétain et son gouvernement mais il refuse de
quitter la France. Je demande alors à être inscrit
pour un départ en Angleterre et Londres est d'accord.
Il faut dire que mon beau-frère dirigeait la section
Renseignement du BCRA. Enfin le 15 juin 43, la BBC
diffuse un message indiquant la confirmation d'une
opération Lysander. TOP
Le BCRA voudrait que nous soyons admis tous les deux
au Squadron 161 de la R.A.F. qui fait les opérations
Lysander en France. Mais les Anglais font la sourde
oreille voulant garder l’exclusivité des opérations
leur permettant de lire le courrier de France avant de
le remettre au B.C.R.A.. Il faudra une intervention de
de Gaulle auprès de Churchill pour qu’ils admettent
notre intégration, mais ce sera dans le Squadron 148
basé à Brindisi en Italie. Avec Libert je pars en
novembre 43 pour suivre dans les différentes écoles de
la R.A.F. tout l’entraînement réglementaire. Ce seront
les stages A.F.U. à South Cernay près de Cirenster
puis le B.A.T. de Cranage. Avec Libert nous recevons notre
affectation au Squadron 148 basé à Brindisi.
C’est aussi un squadron spécialisé dans les
"opérations spéciales" et qui travaille dans les pays
méditerranéens. Nous y retrouverons d ‘ailleurs les
meilleurs pilotes du Squadron 161 : McCairns, qui
m’avait sorti de France et Peter Vaughan-Fowler qui
sera le commandant du C. Flight. Mais c’est à nous de
trouver nos deux Lysanders. On découvre qu’il
y en a deux en Syrie. Ils sont quasiment réformés car
ils ont fait toute la campagne du Fezzan avec le
Général Leclerc. Ce sera le 10 juillet 44 que
Libert et moi sommes désignés pour une double
opération sur le terrain "Figue" qui est situé à 20 km
NE de Lyon ; tout à côté du champ de manœuvre de la
Valbonne. Nous avions un avion de liaison, un petit bimoteur Cessna et n'ayant pas d'opérations en vue, je décide d'aller au Caire avec un des pilotes chercher des pièces de rechange pour nos Lysander. Grande joie de trouver le Caire bien au dehors de la guerre et on nous conduit dans les vastes souterrains d'où on avait retiré les pierres des pyramides. On y avait installé le magasin des pièces de rechange pour l'aviation. C'était la caverne d'Ali Baba où nous avons trouvé tout ce dont nous avions besoin. Le 14 juillet 44, opération
double au départ de Brindisi pour Almiros qui était à
une centaine de kilomètres d'Athènes, pilote F.O.
Attenborough et moi-même. Mon passager était un
Général Grec qui arrive avec trois valises. On lui
fait comprendre qu'une seule doit lui suffire, et dans
le vent des hélices, il fait le tri dans ses valises.
Il fait beau, mais pas de lune, ce qui complique un
peu la navigation au dessus des régions montagneuses
de la Grèce. Je distingue tout de même le Mont
Parnasse qui est sur ma route. Nous arrivons tous les
deux ensemble au dessus d'Almiros et le problème est
de descendre à l'aveuglette entre les montagnes, mais
la mer proche est un bon repère même dans la nuit.
Attenborough se pose le premier et repart rapidement.
J'atterris à mon tour et, en faisant demi-tour, je
distingue un uniforme allemand, ce qui est
généralement ce que l'on craint le plus dans ce genre
d'opérations. Mais puisque le premier atterrissage
s'était bien passé et que le groupe d'accueil semble
très calme, on m'explique que n'ayant pas de passagers
prévus pour le retour, on me donne un prisonnier
allemand qui encombre les partisans. C'est un adjudant
qui me semble assez paisible. Il monte donc à la place
arrière et je mets le cap sur Brindisi. A mi parcours
je vois les lampes de bord qui faiblissent donc plus
de courant dans la batterie. Donc pas d'espoir de
prendre le radio-phare de Brindisi, cependant j'arrive
tout de même au dessus du terrain mais par malchance
arrive aussi tout un groupe de Halifax revenant de
mission. Pas de radio pour demander un tour
d'atterrissage, pas de feux de position et plus
beaucoup de d'essence en réserve. J'arrive tout de
même à me glisser entre 2 Halifax et à dégager
rapidement la piste. Je trouve l'explication de la
panne de courant. Le contact général qui commande la
charge de la batterie se trouve à la place arrière et
le brave allemand qui devait s'ennuyer avait coupé le
contact. Le terrain de Brindisi était juste au bord de la mer et il était bien agréable en été de pouvoir se baigner dans une jolie crique d'eau claire. Un jour nous avions été faire un entraînement à une quinzaine de kilomètres de notre base et nous revenions avec notre jeep toute neuve en étant près de huit passagers sur la voiture et j'étais à l'arrière du véhicule. Nous marchions à plus de 100 k/h sur une route toute droite et déserte lorsqu'une charrette débouche d'un chemin creux. Notre conducteur fait un petit écart pour l'éviter, mais la jeep qui tient très mal la route, roule d'abord sur deux roues vidant tout le monde sur la chaussée avec jambes et bras cassés. Elle se retourne complètement et je vois le bitume à quelques centimètres de mon nez, pensant être broyé mais sans sentir la douleur. Après avoir glissée sur près de 50 mètres sur la route, la jeep sort sur le bas côté, va renverser un cerisier, mais reste suspendue au dessus du fossé et je peux me dégager sans une égratignure et même pas une tache sur mon uniforme. Comment étais-je passé de l'arrière à l'avant pour me recroqueviller sous le tableau de bord? J'étais pensé que c'était la Sainte Vierge qui m'avait protégé ce jour-là. Puis ce sera le débarquement de
Provence avec les milliers de bateaux attendant leur
tour pour débarquer leurs troupes. |
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RETOUR | En
juillet 45, démobilisation, Air France....
seigneur de l'Atlantique Nord... |
En
juillet 45,
je suis démobilisé et je rejoins Air France. Il faut
former et entraîner les nombreux pilotes dont AF a
besoin. Ce sera d'abord à Le 15 mars 47, le Nice-Paris
disparaît dans les Alpes. On frète un avion pour
rechercher l'épave et le nouveau Directeur Général
d'Air France, Henri Ziegler est à bord. Dans les
environs de Grenoble on survole les montagnes et M.
Ziegler me demande de prendre les commandes, et comme
je trouve qu'il frôle les sommets un peu trop près, je
lui fais signe de prendre un peu d'altitude pour ne
pas être dans les courants rabattants. Il n'en fait
rien me disant qu'il connaît très bien le vol en
montagne. A plusieurs reprises je reprends les
commandes pour passer les sommets à l'altitude de
sécurité et il en paraît fort vexé. Sur mon carnet de vol, je
remarque une traversée qui se terminera à Washington
le 28 février 48. L'aéroport de New York était très
encombré par suite du mauvais temps et on m'avait
dérouté sur Washington. Le vol avait été très long,
plus de 30 heures de vol, soir deux nuits blanches et
tout l'équipage était bien fatigué et nous désirions
nous coucher au plus vite. Le 13 mai 1948, je reviens de
New York et à l'atterrissage on me demande si je veux
bien repartir aussitôt pour aller à Tel Aviv en
Israël. |
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RETOUR | Donner
un sens à ma vie Dieu existe bien...
mon chemin jusqu'à l'Abbaye de Cîteaux.. |
Un jour en
me posant à Orly, je réalise qu'il y 3 jours que je suis
parti de cette piste pour New York et en revenir, et il
ne reste plus rien de ce voyage. Est-ce que
parcourir des milliers de kilomètres donne un motif
valable à ma vie? Je suis pourtant un grand
favorisé: j'ai un métier qui me passionne et qui est
bien payé, beaucoup de liberté entre les voyages. Une
certaine considération que![]() Mais cela ne donne pas un sens suffisant à une vie. La religion ne compte plus beaucoup pour moi, m'en étant écarté pour vivre des aventures sentimentales et ne pas avoir de remords. Je souhaitais me marier et avoir une famille, mais devenu très difficile je ne trouvais pas le femme avec qui passer toute une vie. Il y avait pourtant bien des hôtesses sympathiques. Ce sera le 15 août 1948 que la réponse m'en sera donné par le Ciel. Je descendais dans les mêmes palaces et restaurants que les milliardaires et je pouvais dire que je connaissais toutes les boites de nuit de New York, Los Angeles… Ayant plusieurs jours de liberté avant le prochain courrier, au lieu d'aller les passer à la campagne chez des amis, je préfère rester à la maison où je suis tout seul. J'achète quelques provisions et je ferme les volets de l'appartement pour me trouver en quelque sorte en dehors du temps. J'avais de bons livres et je lisais tranquillement celui de Lecomte de Nouÿ qui parlait des origines du monde et de son évolution. C'est alors que j'ai une sorte d'illumination: "Dieu existe bien. Il est tout. Et je n'existe que par Lui, et il m'aime, moi particulièrement" Mieux qu'une vision ou que des paroles, c'est une certitude qui envahit tout mon être et une évidence que je ne peux discuter. Après une heure de profonde émoi, je m'engage devant lui à lui consacrer toute mon existence. Mais je réalisais bien que cela
ne pouvait se faire du jour au lendemain, et je me
donnais un maximum d'un an et demi pour le réaliser,
c'est à dire Pâques 1950. *** Le 6 février, je décolle de New
York pour Gander, l'escale où on fait le plein pour
traverser l'Atlantique et l'avion est à son poids
maximum. Vers 3 heures du matin, je vais m'aligner sur
la piste de départ. Il y a une tempête de neige et le
runway est très verglacé. Au moment précis où
j'atteins la vitesse de décollage, je vois une forte
baisse de pression au moteur No 4. A cette seconde, je
peux encore arrêter le décollage. Je réduis tous les
moteurs et m'arrête aux balises. Le mécanicien me
demande pourquoi j'ai arrêté le décollage, il n'a rien
vu d'anormal. Je reviens au bout de piste, et on
essaye tous les moteurs qui donnent bien leur
puissance. Nouveau décollage, et c'est en passant les
balises que les moteurs 3 et 4 baissent fortement leur
pression: les hélices sont passées au grand pas. Un jour, me promenant sur la
Cinquième Avenue à New York, je m'arrête devant la
librairie qui est en face de l'hôtel Plazza et je vois
un livre avec la photo d'un moine. C'est le livre de
Thomas Merton, moine à l'Abbaye cistercienne de
Gethseinnanie (?), "la nuit privée d'étoiles". La
trappe que j'avais éliminé au début de mes recherches
en raison de son austérité peu humaine, me devient
beaucoup plus intéressante et je me renseigne ensuite
sur les différentes Abbayes cisterciennes. Après les deux années de
noviciat, il y a les vœux temporaires pour trois ans
et le commencement des études écclésiastiques:
philosophie et théologie, en tout cinq années. La vie dans un monastère
trappiste est avant tout parfaitement réglée. Toujours
aux mêmes heures les offices et tout le reste suit. |
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RETOUR | Le 18 mars
1961, c'est mon sacerdoce ...
plus de vingt ans en Afrique,
Cameroun, Zaïre, les Katangais, les mercenaires...
le Rwanda, mon monastère... |
Le 18 mars 1961, c'est mon sacerdoce
qui sera célébré dans mon ancien collège Sainte Croix de
Neuilly par Monseigneur Le Cordier![]() Peu de temps après je suis envoyé au Cameroun dans une fondation d'Aiguebelle: Grandseluc (?) qui avait des problèmes de personnel et de finances que l'on me charge d'assainir. Ce monastère était implanté dans la grande forêt primaire à 150 km au sud de Yaoundé. Climat assez chaud et tropical avec de gros orages en fin de journée. Un jour, ayant des courses à faire à Yaoundé, je vais dire ma messe dans la cathédrale (qui a une magnifique charpente avec le beau bois du pays). J'étais à un petit autel isolé et avant de commencer la Messe je suis pris d'un certain scrupule me sentant indigne de faire venir le Seigneur et mon Dieu sur cet autel par ma seule volonté. C'est alors que je suis comme "inondé" d'une joie et d'un bonheur que je n'avais jamais ressenti dans ma vie. Comment j'ai passé plusieurs
heures avec une femme nue dans mes bras. J'ai célébré plusieurs messes à la chapelle de N'Den. au début cela va à peu près, mais à la fin, avec la chaleur, l'odeur devient très pénible. Je resterai à Grandseluc un peu plus d'un an. En 1963 je suis envoyé au Zaïre
à Bukavu où Cîteaux avait fait une fondation de
trappistines fournies par l'Abbaye d'Igny qui est près
de Reims. Il y avait là donc une dizaine de
religieuses françaises et j'y étais comme second
aumônier chargé plus spécialement de l'extérieur.
*** Le bruit a couru qu'il y avait
des apparitions de la Ste Vierge à 4 ou 5 jeunes
filles à Kibeho petit village au Rwanda à partir de
novembre 1981. J'y suis allé et j'ai pu assister à 4
apparitions, 2 de la Ste Vierge et 2 de Jésus. J'avais
un œil plus critique pour être sûr qu'elles étaient
véritables et j'en ai été convaincu car il n'est pas
possible de jouer une comédie car les apparitions
duraient plus de deux heures. En 1983, je rentre à Cîteaux désirant y finir ma vie et à reprendre la vie de communauté. Cependant en 90 on me demande de partir au Zaïre pour faire un remplacement d'un aumônier qui doit partir en Belgique. C'est alors que je fais la rencontre extraordinaire d'Adria, c'est une brave paysanne du Rwanda totalement illétrée. Elle a reçu la visite de Jésus il y a une quinzaine d'années. Jésus lui a dit qu'elle perdrait son mari et ses quatre enfants mais qu'il lui donnerait une famille beaucoup plus grande. Elle devait recueillir tous les enfants abandonnés et orphelins ou handicapés. Ce qu'elle a fait et on s'est beaucoup étonné en se demandant comment elle arrivait à les nourrir. Quand je suis allé la voir, elle avait une cinquantaine d'enfants, les plus âgés s'occupant des bébés. Mai ce qu'il y a de plus extraordinaire, c'est que depuis 10 années elle ne mange ni ne boit ni ne dort et pourtant elle a fort bonne mine et est même très bien en chair. Elle est très gaie et l'on sent tout de suite chez elle une grande bonté pour tous ceux qui l'approchent. Elle a déjà une si grande renommée de sainteté que le gouvernement du Rwanda a construit une route de plus de dix kilomètres pour qu'on puisse lui rendre visite. |
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RETOUR | 17
janvier 1990 Mon dernier message |
Voici le message de Jésus pour son
prêtre Baudoin reçu par Mama
Adria. Ce message a été donné par Jésus lui-même dans
la nuit du 17 janvier 1990.
Le Seigneur veut renouveler la bénédiction sacerdotale que tu as reçu à ton ordination et cette bénédiction qu'il t'accorde aujourd'hui c'est pour que tu vives dans la paix durant les années à venir. Il veut que tu
accomplisses ton ministère dans la joie et qu'un jour
tu ailles la retrouver dans la paix et la joie du
ciel. Il y a beaucoup de choses que le Seigneur t'a
pardonnées. Le Seigneur dit que pour tes dernières
années il te donnera les grâces nécessaires pour que
tu saches te renouveler. Le Seigneur ne voudrait pas
que tu prennes du repos comme tu l'aurais peut-être
voulu. Il voudrait te donner une mission spéciale.
S'il te laisses retourner là-bas en France c'est en
vue de cette mission: accompagner les autres
spirituellement par la prière. Dans l'Eucharistie que
tu reçois, tu vas toujours accueillir tous ceux qui
par toi veulent aller à Jésus et tu vas les faire
communier en entrant dans la communion de Jésus. |
les
obsèques ont été célébrées le 18 septembre 1993 à
l'Abbaye.
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