Interview
de
la
rédaction
de
TourMaG
le
26
juin
2009

(publiée
sur
le
site
:
www.tourmag.com)
TourMaG.com:
Y-a-t’il
encore
une
chance
de
retrouver
les
fameuses
boites
noires
sans
lesquelles
on
ne
saura
jamais
exactement
ce
qui
s’est
passé
le
31
mai
dernier
?
Jean
Belotti
:
Le
fait
que,
depuis
Dakar,
les
recherches
par
avions
ont
été
interrompues
montre
que
la
chance
de
retrouver
les
boîtes
noires
s’amenuise.
Cela
étant,
si
les
moyens
maritimes
brésiliens
et
français
-
dont
un
sous-marin
atomique
-
continuent
leurs
recherches
-
c’est
qu’il
y
a
un
espoir,
même
minime,
de
les
retrouver.
Malheureusement,
ne
connaissant,
ni
les
propriétés
des
équipements
de
sondage
utilisés,
ni
le
programme
de
recherche,
il
m’est
impossible
de
vous
donner
mon
avis
sur
la
chance
de
retrouver
ces
enregistreurs.
:
Dans
l’hypothèse
où
elles
seraient
retrouvées,
n’y
a-t-il
pas
un
risque,
en
cas
de
constat
de
données
mettant
en
cause
le
constructeur
ou
un
autre
intervenant,
qu’il
soit
déclaré
que
leur
contenu
était
inexploitable
ou
que
les
enregistrements
soient
modifiés
?
:
Vous
posez
deux
questions.
Tout
d’abord,
il
convient
de
savoir
que
dès
que
les
boîtes
noires
sont
extraites
de
l’avion
elles
sont
immédiatement
mises
sous
scellés
de
justice
pour
garantir
leur
authenticité.
Ensuite,
toujours
sous
le
contrôle
d’un
magistrat
et
des
experts
judiciaires,
il
en
est
fait
des
copies
qui
sont
analysées
par
les
différents
organismes
et
laboratoires
concernés.
Dans
le
cas
qui
nous
concerne,
on
ne
sait
pas
si
un
représentant
de
la
justice
(magistrat,
expert
judiciaire,
officier
de
police
judiciaire)
a
été
embarqué
sur
un
des
navires
procédant
la
recherche,
pour
être
prêt
à
rejoindre
le
navire
qui
aurait
retrouvé
les
boîtes
noires,
afin
de
procéder
aussitôt
à
la
mise
sous
scellés
de
justice !
Quant
à
l’hypothèse
de
la
falsification
des
enregistreurs,
il
n’y
a
aucune
crainte
à
avoir.
Lors
d’un
procès
-
après
avoir
effectué
de
longs
et
minutieux
travaux
dans
des
laboratoires
spécialisés
-
nous
avons
pu,
avec
mon
co-expert,
répondre
à
la
question
de
la
Présidente,
en
lui
confirmant
que
toute
tentative
de
modifier
les
données
serait
aussitôt
visible,
grâce
aux
moyens
d’investigation
actuellement
disponibles,
affirmation
résultant
d’une
certitude
scientifique
démontrable
et
renouvelable.
:
Et
si
les
boîtes
noires
ne
sont
pas
retrouvées
?
:Alors,
il
ne
restera
que
l’auscultation
des
débris
récupérés
et
des
corps
retrouvés.
Elle
permettra
peut-être
d’écarter
certaines
hypothèses,
mais
probablement
pas
de
comprendre
ce
qui
s'est
effectivement
passé
et
le
rôle
joué
par
certains
dysfonctionnements
de
systèmes,
un
foudroiement
de
l’appareil,
une
“dépressurisation
explosive”,
de
sévères
turbulences
suivies
d’un
décrochage
“grande
vitesse”
avec
désintégration
de
l’avion,
etc...
Alors,
attendons
le
premier
rapport
d’étape
du
BEA
(Bureau
Enquêtes
et
Analyses).
:
Pourquoi
les
boîtes
noires
ne
flottent-elles
pas
?
:
Pour
qu’elles
flottent,
il
faudrait
qu’elles
soient
entourées
d’un
revêtement
de
densité
très
faible
et
suffisamment
volumineux
pour
que
la
densité
globale
soit
plus
faible
que
celle
de
l’eau
de
mer.
Or,
indépendamment
de
la
nécessité
de
trouver
un
espace
plus
grand
pour
placer
les
boîtes
noires,
le
problème
est
qu’elles
sont
fixées
et
non
pas
simplement
posées
à
même
le
sol.
Le
seraient-elles
-
insubmersibles
et
simplement
posées
-
qu’elles
seraient
coincées
dans
la
queue
de
l’appareil.
Vouloir,
dans
tous
les
cas,
récupérer
les
boîtes
noires
d’avion
immergé
nécessiterait
de
concevoir
un
système
de
boîte
noire
éjectable.
:
Pourquoi
ce
système
n’a-t-il
pas
été
étudié
?
:
C’est
au
constructeur
que
cette
question
doit
être
posée.
Pour
ne
pas
botter
en
touche,
voici
quelques
brefs
éléments
de
réponse.
Pour
obtenir
son
“certificat
de
navigabilité”,
tout
type
d’avion
doit
subir
de
très
nombreux
tests
de
différentes
natures,
selon
des
protocoles
très
stricts,
respectant
des
normes
bien
définies,
garantissant
une
large
marge
de
sécurité.
Cela
étant,
dès
que
la
probabilité
de
la
survenance
d’une
panne
est
de
10
-9
(soit
une
sur
un
milliard),
le
risque
n’est
pas
pris
en
compte.
C’est
ainsi
que,
par
exemple,
pour
un
quadrimoteur,
la
panne
de
deux
moteurs
d’un
même
côté,
pendant
le
décollage
-
alors
qu’il
a
dépassé
la
vitesse
à
laquelle
le
pilote
ne
peut
plus
arrêter
son
avion
avant
l’extrémité
de
piste
-
n’est
pas
prise
en
compte.
:
Pourquoi
les
boîtes
noires
n’émettent-elles
que
pendant
un
mois
alors
qu’aujourd’hui
des
systèmes
de
batteries
plus
sophistiqués
pourraient
assurer
une
durée
bien
plus
importante
?
:
Question
également
à
poser
au
constructeur.
Mais
même
raisonnement.
Combien
de
fois
dans
l’histoire
de
l’aviation
moderne
des
recherches
en
mer
ont
dépassé
un
mois
?
:
Compte
tenu
des
progrès
en
matière
de
communication,
pourquoi
n’y
a-t-il
pas
un
système
plus
fiable.
Par
exemple
une
retransmission
en
direct
par
satellite
du
déroulement
du
vol ?
:
Vous
pensez
à
un
système
de
transmission
par
satellite
identique
à
celui
des
“acars”
qui
transporte
des
informations
de
pannes.
Là
aussi,
il
convient,
d’une
part,
de
savoir
que
les
messages
de
pannes
ou
dysfonctionnements
sont
rares
et
n’exigent
que
des
messages
codés
très
courts,
alors
que
la
transmission,
en
temps
réel,
des
données
enregistrées
nécessiterait
une
transmission
permanente
de
centaines
de
données
par
seconde
et
pendant
toute
la
durée
du
vol
et
d’autre
part
qu’il
faudrait
que
la
couverture
satellite
englobe
toutes
les
lignes
aériennes.
Ici,
aussi,
même
raisonnement,
aussi
bien
du
constructeur
que
de
l’Administration
de
tutelle
:
quel
est
le
degré
d’utilité
d’un
tel
dispositif
eu
égard
au
nombre
de
fois
où
les
boîtes
noires
n’ont
pas
pu
être
retrouvées
?
:
Quels
pourraient
être,
selon
vous,
les
améliorations
que
l’on
pourrait
encore
apporter
aujourd’hui
en
matière
de
sécurité,
avec
les
technologies
existantes
?
:
Répondre
à
cette
vaste
question
nécessite
une
réflexion
qui
dépasse
le
cadre
de
votre
interview.
Retenez
que
de
nombreuses
améliorations
sont
régulièrement
apportées
par
les
constructeurs,
motoristes,
équipementiers
et
que
leurs
bureaux
d’études
travaillent
sans
cesse
sur
de
nouveaux
projets,
dont
quelques-uns
sont
présentés
dans
les
magazines
aéronautiques.
TM.com
:
On
a
l’impression
que
les
constructeurs
qui
nous
proposent
des
machines
de
plus
en
plus
sophistiquées,
n’ont
guère
avancé
sur
les
problématiques
de
mesure
de
la
sécurité.
Auraient-ils
peur
d’aller
trop
loin
et
d’un
système
à
double
tranchant
?
:
Je
ne
crois
pas
qu’une
simple
impression
sur
le
comportement
des
constructeurs
puisse
trouver
sa
source
uniquement
à
la
suite
de
cet
accident
dont,
à
ce
jour,
on
ne
connaît
pas
la
cause.
Quel
intérêt
aurait
un
constructeur
à
mettre
sur
le
marché
un
avion
“pas
ou
peu
sûr”
?
Le
voudrait-il
qu’il
ne
pourrait
le
faire
étant
donné
les
exigences
actuelles
de
la
délivrance
du
certificat
de
navigabilité
dont
je
vous
ai
parlé.
De
plus,
chaque
fois
qu’une
amélioration
d’un
système
est
connue
-
ou
demandée
par
un
transporteur
-
elle
est
recommandée
par
le
constructeur
ou
rendue
obligatoire
par
l’Administration
de
tutelle.
Quel
intérêt
aurait
une
compagnie
-
dont
les
services
techniques
sont
en
constante
relation
avec
le
constructeur-
de
faire
voler
un
avion
“pas
ou
peu
sûr”
?...
ce
qui,
de
plus,
ne
manquerait
pas
de
déclencher
les
réactions
de
ses
pilotes.
TM.com
:
Ce
sont
pourtant
des
questions
que
grand
public
et
les
passagers
se
posent
?
.
:
Ne
contribuons
pas
à
aggraver
l’inquiétude,
la
peur
des
passagers,
lesquels,
à
juste
raison,
se
posent
de
multiples
questions
à
la
suite
de
tels
accidents,
mais,
en
revanche,
rassurons-les,
car
les
résultats
sont
là
:
alors
que
depuis
des
années
le
nombre
de
passagers
est
en
constante
augmentation,
le
nombre
d’accidents
aériens
et
de
décès
n’a
pas
également
augmenté,
mais,
au
contraire,
a
considérablement
diminué
:
moins
de
500
victimes
par
an,
alors
qu’il
dépassait
les
1000
il
y
a
quelques
années.
Alors,
comment
ne
pas
se
féliciter
de
cette
amélioration
de
la
sécurité
des
vols
obtenue
grâce
aux
efforts
de
tous
:
Administration
de
tutelle,
aéroports,
navigation
aérienne,
constructeurs
et
sous-traitants,
compagnies
aériennes,
personnels
au
sol,
équipages,
pilotes,...
Je
peux
vous
garantir
que
la
sécurité
est
une
préoccupation
permanente
de
tous
les
intervenants.
Quant
aux
pilotes,
derniers
intervenants
dans
la
chaîne
logistique,
ils
en
sont
totalement
imprégnés.
Cela
fait
partie
de
leur
culture,
de
leur
formation,
de
leur
obligation
de
résultat.
Leur
concentration
est
donc
permanente,
dès
les
décisions
à
prendre
lors
de
la
préparation
du
vol
et
à
chaque
instant,
pendant
tout
le
vol.
C’est
cela
qu’il
faut
dire
pour
comprendre
que
même
s’il
est
admis
que
“le
risque
zéro
n’existe
pas”,
on
puisse
s’en
rapprocher.
Certes
“les
statistiques
ne
consolent
pas”
et,
à
ce
jour,
je
sais
que
tout
le
personnel
d’Air
France
est
encore
sous
le
choc
d’un
tel
drame.
L’heure
est
donc
à
la
compassion
et
pensons
à
la
douleur
des
familles
des
victimes,
dans
le
calme
et
le
silence....
qui
est
aussi
celui
des
médias
qui
ont
d’autres
scoops
à
fouetter,
dès
lors
que
ce
drame
ne
fait
plus
la
“Une”...
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